Ce prieuré fut fondé en 1234, à quatre lieues de Paris, dans une vallée située entre Longjumeau et la paroisse de Chilly, au diocèse de Paris, par Jean de Dreux et Alice, comtesse de Mâcon. Nous en avons dit un mot en parlant de Sainte-Catherine du Val-des Écoliers, qui fournit à ce monastère de pieux religieux et y entretint le souvenir de la victoire de Bouvines. Jean de Dreux étant mort en 1239, sa veuve, qui n'avait point d'enfants, prit le voile dans l'abbaye royale de Maubuisson, près de Pontoise, d'où la reine Blanche de Castille la tira bientôt pour lui donner la direction du Lys, près de Melun, abbaye que l'auguste reine avait fondée en 1244, et où elle voulut que son cœur reposât après sa mort. Pierre de Braine, seigneur de Chilly, frère aîné du fondateur du Val-Saint-Éloi, se montra généreux envers ce prieuré, ainsi qu'il résulte de chartes données par lui en mai 1243 et en juillet 1248. Une autre charte du mois d'avril 12S0, par laquelle Jean, son fils, duc de et comte de Richemont, confirme les libéralités de Pierre de Braine ou de Dreux, son père, duc de Bretagne, constate que, dès cette époque, ce prince était mort, ce qui infirme la date de 1250, assignée à son décès par les historiens des grands officiers de la couronne. En 1270, saint Louis, se trouvant à Aiguës-Mortes, écrivit au prieur et aux frères de Saint-Éloi qu'il leur accordait le droit d'amortir tous leurs biens et leurs domaines pour le salut de son âme et le repos de ses parents décédés. En mai 1309, après un échange fait avec le seigneur de Chilly, le roi Philippe le Bel accorda au prieuré de Saint-Éloi quarante-quatre voies de bois, à prendre chaque année dans ses forêts royales. Beaucoup d'autres actes de munificence honorèrent et enrichirent le Val de Saint-Éloi, qui, jusqu'à la révolution de 1793, compta trente-deux prieurs.
Prieurs.
1. — Gautier fut institué, en 1235, par le prieur de Sainte-Catherine de Paris. Il signa quelques actes, en juillet 1260, avec Renaud de Corbeil, évêque de Paris, en qualité d'exécuteur testamentaire de Pierre de Braine, duc de Bretagne, décédé le 22 juin 1249, et mourut en 1287. |507|
2. — Pierre de Trainel, ainsi nommé à cause du lieu de sa naissance, assista, en 1297, au chapitre général présidé par Laurent de Doulengy et y fut le troisième définiteur. On le trouve encore mentionné, en 1320, dans une lettre adressée aux religieux du Val-Saint-Éloi par ceux de Royal-Lieu.
3. — Jacques Ier est peut-être le même que Jacques de Vertu, qui, dans l'inventaire que l'on fit de la bibliothèque de Sainte-Catherine de Paris, en 1288, est nommé l'avant-dernier chanoine de ce prieuré. Quoi qu'il en soit, Jacques est mentionné en 1314 comme sous-prieur de Sainte-Catherine, dans le testament de Guillaume d'Arcuis, archidiacre de Thiérache en l'Église de Laon, et ancien précepteur du roi Philippe le Bel. Enfin, le prieur de Saint-Éloi fut définiteur au chapitre général tenu en 1338.
5. — Robert Ier Lallemant, moine de Sainte-Catherine, est mentionné comme prieur, en 1372, dans un compromis passé en présence de Hugues Aubriot, prévôt de Paris, et relatif à un fief sis à Louan et mouvant du prieuré de Saint-Éloi.
10. — Jean II de la Tour, nommé prieur en 1442 par Jean Maupoint, prieur de Sainte-Catherine, se trouve encore mentionné en 1449 et en 1450.
11. — Guillaume II Gaudouil, dit de la Ferté, était seulement sous-diacre lorsqu'il fut nommé prieur, en 1467, par Jean Maupoint déjà cité. Sous lui, René, roi de Sicile et de Jérusalem et duc d'Anjou, annexa au prieuré de Saint-Éloi la léproserie de Saint-Laurent, dont il avait le patronage en sa qualité de seigneur de Chilly. Il gouvernait encore en 1478 1).
12. — Jean III Girard prit possession de la léproserie de Saint-Laurent le dimanche 10 août 1477, en présence de Robert Polla, curé de Chilly, et de Jean Havorque, curé de Champlan. L'année |508| suivante, le prieur Jean Girard fit un échange avec messire Jean de Milly et damoiselle Florence d'Orsonville.
18. — Antoine Ier de la Vernade, licencié ès-lois, parent de Charles et de Pierre, anciens maîtres des requêtes, reçut le prieuré de Saint-Éloi à titre de commende, après la cession de Nicolas Boutard. En 1523 et 1525, il donna à bail plusieurs terrains dépendant de sa communauté, et mit pour conditions que les personnes qui les affermaient payeraient une rente annuelle et assisteraient aux deux vêpres, à la messe et à la procession des deux fêtes de Saint-Éloi (25 juin et 1er décembre), offrant un cierge de cire neuf, orné de fleurs, et tenant à la main une baguette blanche pour reconnaître publiquement la suzeraineté du prieuré. Antoine permuta avec le suivant.
19. — Nicolas II de Bèze, conseiller au parlement de Paris en 1515, archidiacre d'Étampes au diocèse de Sens, seigneur de Celle en Donziois, jouissait du prieuré de Saint-Éloi en 1527. Il s'en démit en faveur de son neveu, et mourut le 29 novembre 1532, comme on le dit dans son épitaphe.
20. — Audebert ou Aubert de Bèze, fils de Pierre, bailli de Vézelay et frère du fameux Théodore, jouissait du prieuré par suite de la cession de son oncle, en 1542, comme on le voit par un acte du 2 septembre de cette année, passé au Châtelet avec Souveraine d'Angoulême, alors veuve de Michel Gaillard, seigneur de Chilly et de Longjumeau. Il mourut en 1544. Après lui, François Fouet, |509| religieux de Sainte-Catherine de Paris, fut nommé prieur de Saint-Éloi le 5 avril 1544 par Toussaint de Hocedey, prieur commendataire de Sainte-Catherine; mais le cardinal du Bellay, évêque de Paris, nomma, on ne sait en vertu de quel droit, Noël Jaquesson, chanoine régulier du diocèse de Châlons. Celui-ci résigna ses droits entre les mains de Pierre le Veau, vicaire général du prieur de Sainte-Catherine et curé de Saint-Clément de Craon en Anjou, qui, en 1546, donna le prieuré au suivant.
21. — Théodore de Bèze naquit à Vézelay, dans le Nivernais, le 24 juin 1519. Son père était bailli de ce lieu, et son frère Aubert, comme on vient de le voir, fut prieur de Saint-Éloi. Théodore fit ses premières études à Paris. On l'envoya ensuite à Orléans, puis à Bourges, où Melchior Wolmar, l'un des premiers qui eussent apporté en France les doctrines de Luther, lui apprit le grec et lui communiqua son goût pour les nouvelles opinions religieuses. De retour à Paris, il s'y fit rechercher par les agréments de sa figure et de son esprit, ainsi que par ses talents pour la poésie. Ses Épigrammes et ses Pièces latines lui firent un nom parmi les poëtes et les jeunes libertins. Il chanta la volupté avec la délicatesse de Catulle et la licence de Pétrone. Ses poésies étaient l'image de ses mœurs. Il vendit son prieuré de Saint-Éloi au fils de Michel Gaillard, seigneur de Longjumeau; mais cette vente fut déclarée nulle ou ne subsista pas longtemps. En 1548, il se retira à Genève et ensuite à Lausanne pour y professer le grec. Neuf ans après, Calvin l'employa dans la propagation de son hérésie. Théodore se trouva à la tête de treize ministres de la prétendue réforme religieuse, en 1561, au colloque de Poissy, où il eut l'audace d'avancer que “Jésus-Christ est aussi éloigné de l'Eucharistie que le ciel l'est de la terre.” Il assista aussi avec le prince de Condé à la bataille de Dreux, en 1562, et se retira ensuite à Genève, où il devint le chef de cette église après la mort de Calvin. Son orgueil fut alors sans bornes et ne fut surpassé que par la grossièreté de ses injures. Ce malheureux mourut à Genève le 13 octobre 1605, bien que les Pères jésuites eussent annoncé sa mort dix ans auparavant, ce qui fut l'occasion d'un petit traité que le mort-vivant publia sous le titre de Beza redivivus. On a de lui un grand nombre d'ouvrages en vers et en prose, en latin et en français. Ses principaux livres en prose sont 1° une Traduction latine du Nouveau-Testament, avec des notes; 2° un Traité du droit que les magistrats ont de punir les hérétiques; Colladon l'a |510| traduit en français, Genève, 1560, in-8°. Cet ouvrage, composé au sujet du supplice de Servet, est plus rare en latin qu'en français; 3° Confessio christianae fidei, 1560, in-8°; 4° la Mappemonde Papistique, 1567, in-4°; 5° Histoire des Églises réformées, 1580, 3 vol. in-8°, 6° le Réveil-matin des Français, 1574, in-8°; 7° Relation du supplice de Gentilis, Genève, 1567, in-4°; 8° Icônes virorum illustrium, 1580, in-4°. Théodore de Bèze se maria trois fois; c'est là un des grands faits caractéristiques des fauteurs de la prétendue réforme religieuse du seizième siècle: leur pitoyable existence finit toujours par un nombre plus ou moins grand de mariages.
22. — Antoine II Hérouet, évêque de Digne en 1552 et abbé de Cercanceaux, fut prieur de Saint-Éloi en 1552 et mourut en décembre 1568.
24. — Robert Paulmier, prêtre, chanoine de l'Église de Paris, obtint le prieuré le 5 mars 1557, le résigna en 1567, et mourut en 1569.
25. — Jacques II Brisart, conseiller au parlement de Paris, était déjà prieur en 1568 et il l'était encore en 1587.
26. — Claude de Rueil obtint, grâce à son grand-oncle Martin Ruzé de Beaulieu, seigneur de Chilly et de Longjumeau, le prieuré de Saint-Éloi. Il en jouissait en 1607 et en 1608. Il fut aussi abbé d'Ivernaux en 1622, devint cette année évêque de Bayonne, fut transféré en 1626 à l'évêché d'Angers, et mourut le 20 janvier 1649.
28. — Henri Coiffier, dit2) Ruzé d'Effiat]], était prieur en 1630, époque où Jean le Roy, prieur claustral, c'est-à-dire sous-prieur de Saint-Éloi, se proposa d'introduire dans la maison l'institut du Val-des-Écoliers. Connu plus tard sous le nom de marquis de Cinq-Mars et grand écuyer de France, il eut la tête tranchée à Lyon, le 12 septembre 1642, à l'âge de 22 ans. On raconte que Louis XIII, sachant à peu près le moment où son ancien favori devait périr, victime de la vengeance du cardinal de Richelieu, regardait quelquefois sa montre et s'écria: “Dans une heure d'ici, monsieur le Grand passera mal son temps.”
29. — Charles-Jean Coiffier d'Effiat, né en 1622, succéda en |511| 1635 à son frère dans le gouvernement du prieuré de Sain-Éloi. Tous deux étaient fils d'Antoine Coiffier, maréchal de France, chevalier des ordres du roi, seigneur de Chilly, Longjumeau, etc., et de Marie de Fourcy. Outre ce prieuré, Jean eut les abbayes de Trois-Fontaines et de Saint-Sernin de Toulouse. Il refusa l'archevêché de Toulouse et mourut à Paris, en l'hôtel de l'Arsenal, le 18 octobre 1698.
30. — Joseph de Beaufort, prêtre, était frère du célèbre Eustache de Beaufort, abbé et réformateur du monastère de Sept-Fontaines [Lisez Sept-Fons (B.G., 2025)], de l'ordre de Cîteaux. Il prit possession du prieuré de Saint-Éloi en janvier 1699, et en fit cession en 1711 à Pierre-François Deshayes, chanoine de Sainte-Geneviève; mais après la mort de Joseph, le roi donna le prieuré au suivant.
32. — N. de Moncroc, vicaire général d'Albi, prieur de 1766 à 1790.
Bibliographie
Honoré Fisquet, "Prieuré du Val-Saint-Éloi", in La France pontificale (Gallia christiana). Histoire chronologique et biographique des archevêques et évêques de tous les diocèses de France depuis l'établissement du christianisme jusqu'à nos jours. Divisée en 17 provinces ecclésiastiques. Paris. Doyens, grands-aumôniers, abbayes, etc. Tome second, Paris, Étienne Repos, 1864, pp. 506-511.