Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Théodule Pinard

Le prieuré de Longjumeau (1850)

  • On trouve à quelques mètres de Longjumeau, sur son territoire, en descendant le cours de la petite rivière de l'Yvette, le vaste enclos de ce monastère oublié. Si, en 1790, il subit la loi commune; si, bientôt après son église tomba sous les coups de la bande noire, ses bâtiments nombreux, ses arbres séculaires sont arrivés jusqu'à nous sans autres outrages que ceux du temps. C'est que depuis plus de quarante années, madame de La Live, morte dernièrement, à quatre-vingt-seize ans, était propriétaire de ce domaine, où elle ne permettait aucun changement. Aujourd'hui les choses sont bien changées; ses héritiers portent partout la désolation! Bientôt il ne restera comme témoignage de ce passé, que la maison claustrale et une petite chapelle entée sur un des murs de clôture de l'ancienne église, à l'extrémité duquel s'élève encore un faisceau de colonnettes engagées qui annonce que l'édifice, dont nous regrettons la perte, avait été construit dans le cours du XIIIe siècle.
  • Jean de Dreux , seigneur de Chilly, et Alix, sa femme, comtesse de Mâcon, jetèrent les fondements de cette maison, vers l'an 1234. Les religieux qu'ils y appelèrent furent tirés du prieuré de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers. Plusieurs seigneurs de la même maison furent leurs bienfaiteurs, ainsi que ceux de Bretagne, leurs successeurs dans la possession des terres de Chilly et Longjumeau. Les chanoines réguliers de la congrégation de France furent introduits dans cette maison par Jean Coiffier, Ruzé d'Effiat, qui alors en était prieur commendataire. Il est mort en 1698, abbé de Saint-Sernin de Toulouse et de Trois-Fontaines, en Champagne. Ces religieux ont rebâti les lieux claustraux tels que nous les voyons encore aujourd'hui, sous le prieur Jacques de Caumartin, petit-neveu du garde des sceaux de ce nom.
  • Suivant le témoignage de M. l'abbé Lebeuf (t. X, p. 109), le bâtiment de l'église était de la délicatesse dont on bâtissait sous saint Louis et ses successeurs. Il ajoute : « Le sanctuaire a trois rangs de vitrages l'un sur l'autre; au second rang est la galerie. On remarque sur le vitrage du fond des armoiries chargées de trois écus. Le premier des deux inférieurs porte deux chevrons brisés sur un |386| fond de gueule; l'autre est étiqueté d'or et d'azur. On voit dans le côté droit du chœur des restes de colonnes du XIII, siècle qui supportaient des vitrages qu'on a bouchés. La nef qui était aussi délicate que le chœur a été abattue en 1606. » Ainsi, on n'avait pas attendu la fin du XVIIIe siècle pour commencer cette œuvre de destruction!
  • Saint Éloi, patron de cette église, a légué son nom à la partie de la vallée de l'Yvette qu'occupait cette communauté. On remarquait au principal autel, un Christ en croix, en marbre blanc, exécuté par le sculpteur Magnier, en 1690.
  • Parmi les curieux débris de sculpture des XIIIe et XVe siècles, extraits des démolitions dernièrement opérées, nous avons cru remarquer les restes de la pierre tombale de Raoul de Chevry, archidiacre de Paris, mort évêque d'Évreux, en 1269, qui donna à cette maison quatre-vingt-dix arpents de terre avec d'autres biens. Il fut inhumé dans l'église du prieuré. Plusieurs statuettes décollées, parfaitement conservées, dont on a les têtes mutilées, ont été aussi extraites de ces démolitions, ainsi que des clefs de voûte ornées de fleurs de lis ou d'autres ornements, et une pierre de consécration d'autel aussi endommagée. On a le projet d'employer ces différents fragments à la décoration de la façade de la chapelle dont nous avons parlé en commençant. Réussira-t-on à faire de ces débris de plusieurs âges quelque chose de convenable? Nous en doutons, et voudrions plutôt que ces curieux fragments fussent donnés au Musée des Thermes.
  • Le fameux Théodore de Bèze, de Vezelai, possédait ce prieuré en 1546. On sait qu'il prétendait que Caton seul avait été plus grand que lui. Il abandonna ce bénéfice en 1548 , pour abjurer sa religion et embrasser la réforme. Bèze succéda dans Genève à l'austère Calvin, et il prit le nom de Thibaut de Mai; il y mourut presque nonagénaire, en 1605. Les partisans de cet hérésiarque l'appelèrent le Phénix de son siècle, titre exagéré, du genre de ceux que l'on donnait alors aux érudits et aux hommes de lettres. Bèze avait été précédé au même titre au prieuré Saint-Éloi de Longjumeau, par Nicolas de Bèze, son oncle, conseiller au parlement de Paris et archidiacre d'Étampes, mort à Paris le 29 novembre 1543 et inhumé dans l'église Saint-Côme. Le patriarche du calvinisme lui avait consacré trois épitaphes.
  • T. PINARD,
    • Membre correspondant de la Société archéologique de Tours.

Bibliographie

hn/t.pinard.1850a.txt · Dernière modification: 2025/01/22 21:07 de bg