Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Marguerite d'Orouer (...-1460)

Notule

  • Huguette de Chacy, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la vingt-sixième abbesse, de 1436 à 1450.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XIII. Marguerite des Guaculs (1430-1436) — Huguette de Chacy (1436-1450) — Guillemette Le Camus (1450-1459) — Marguerite d'Orouer (1459-1460).
    • Succession des abbesses du XVe siècle. — La dernière abbesse élue. — Destruction de la communauté. — Gouvernement d'Huguette de Chacy. — Difficultés avec les curés et les religieux. — Prétentions de l'abbaye d'Yerres sur Gif et Saint-Remy de Senlis. — L'évêque de Paris nomme une abbesse pour porter la crosse à Yerres. — Reprise de la vie commune. — Dreux Budé seigneur d'Yerres. — Les curés de Lieusaint et de Brie. — Agnès la Clémence. — Marguerite d'Orouer.
  • L'erreur commise par les Bénédictins, dans leur catalogue des abbesses d'Yerres, au commencement du XVe siècle, devait se renouveler encore au cours du même siècle. Ce ne fut pas Huguette de Chacy, comme ils le disent, qui occupa la place laissée vacante par la mort prématurée de Marguerite de Montaglant, mais bien Marguerite des Guaculs, élue dans les derniers jours de l'année 1430, et nommée avec raison Marguerite VII. Celle-ci prenait la crosse dans un temps où il était plus difficile que jamais de la porter, et surtout de s'acquitter des devoirs inhérents à la charge. Aussi, bien qu'elle ait droit au titre d'abbesse, puisqu'elle fut légitimement et canoniquement choisie par ses sœurs, n'en exerça-t-elle guère les fonctions.
  • Durant toute sa prélature, les Anglais, maîtres de Paris et de toute l'Île-de-France, avaient comme suspendu la vie nationale. Ils se débattaient au milieu de difficultés inouïes; obligés de guerroyer chaque jour, ici contre les troupes du roi |143 Charles VII, là contre des bandes de malfaiteurs. Épouvantées par les crimes commis journellement dans les campagnes, et réduites à la famine, presque toutes les moniales d'Yerres quittèrent leur cloître et se réfugièrent, les unes dans leur famille, et les autres dans Paris. Jusque-là on avait conservé dans la vieille abbaye un semblant de communauté; car on s'assemblait encore de temps en temps dans la chapelle, pour psalmodier des lambeaux d'office divin, on mangeait en commun. Au temps de Marguerite des Guaculs, tout cela fut abandonné. L'abbesse, se voyant seule avec une ou deux moniales des plus courageuses, quitta elle-même l'abbaye et se réfugia dans Paris, où nous perdons totalement sa trace. Revint-elle, après une. absence plus ou moins longue, mourir à Yerres? Peut-être; car son nom et celui de Marguerite de Montaglant furent inscrits dans l'Obituaire par une moniale, qui n'avait guère l'habitude de manier la plume et ne savait plus le latin 1). Elle décéda en 1436; il s'était écoulé un peu plus de six ans depuis son élection; c'est pourquoi les catalogues disent qu'elle fut abbesse pendant sept ans. Ce fut la dernière des abbesses élue avant la Réforme, et la dernière aussi des titulaires inamovibles du monastère, qui dut l'honneur de porter la crosse aux suffrages de ses sœurs. Son obit fut grossièrement tracé quelques jours après son décès, et le Nécrologe fut fermé pendant près d'un siècle.
  • Dès la fin de juin 1436, une nouvelle abbesse, Huguette de Chacy, a pris la place de Marguerite des Guaculs. Oui lui a mis la crosse en main? Qui l'a investie de sa nouvelle fonction? Il est impossible de le dire. Ce ne fut certainement pas une élection régulière, car il n'y avait pas alors plus d'une ou deux bénédictines à l'abbaye. D'ailleurs la nouvelle titulaire n'avait pas besoin de moniales autour d'elle pour faire l'abbesse. Son activité, et elle était grande, se déploya hors du cloître. Elle ne s'embarrassa ni de la direction d'une communauté de femmes, ni des pratiques de la vie monastique, ni des charges particulières à sa maison, qu'elle était du |144 reste impuissante à acquitter, dans la situation et dans l'isolement où elle se trouvait. À la fin du moyen âge expirant, Huguette de Chacy fut une véritable féodale, en ayant toutes les aspirations, toutes les tendances et tout le génie.
  • Dès qu'elle fut en possession de son titre, Huguette comprit que pour rétablir une communauté, il fallait d'abord se procurer des ressources matérielles; or, toutes ou presque toutes celles de l'abbaye avaient péri sous la prélature de Marguerite des Guaculs. C'est pourquoi elle s'appliqua tout d'abord à rechercher les titres de propriétés de sa maison. Aidée par un homme habile et entreprenant, nommé Denis Capel, qui lui sert de procureur, Huguette entre en relations avec tous les tenanciers, à un titre quelconque, de son abbaye. Chez presque tous, elle ne rencontre que duplicité, mauvaise foi, dissimulation, avidité, et volonté bien arrêtée de demeurer sur les terres où ils sont établis, et dans les maisons qu'ils occupent, sans rien payer à l'abbesse.
  • Huguette, accompagnée de son fidèle Capel, va de l'un à l'autre, parlemente, raisonne, menace et procède ferme contre ces locataires récalcitrants. Çà et là cependant, elle obtient gain de cause. Ainsi elle arrive à faire un bail régulier de biens situés à Brie, en juin 1436; — elle donne un reçu signé de sa main inhabile, le 23 janvier 1438, à un locataire de bonne volonté. — En 1442, elle loue la ferme de Lieusaint à un écuyer de Corbeil, appelé Simon de Beaucroix 2); — celle de Herces, à un paysan de l'endroit; — et celle de Tremblay, en 1446, à Jaquin de Guinery. Tous ces contrats sont unanimes à nous retracer l'état pitoyable, du pays, après le départ des Anglais. Partout “les terres sont en friches, couvertes de buissons et de halliers; rien n'y pousse; les bâtiments d'exploitation sont en ruines et s'écroulent”. Les propriétaires cherchent partout des fermiers, qui aient le moyen, l'intelligence et la volonté de réparer ces ruines.
  • Parmi tous ceux qui s'opposent au prélèvement des droits de l'abbaye, les plus tenaces sont les curés des paroisses, où |145 naguère l'abbesse était maîtresse de la dîme. Nicole Évot, curé de Servan, est en procès avec Huguette de Chacy, en 1446. Guillaume le Roy, curé, de Lieusaint, fait de même et réclame pour lui 21 setiers de blé. Les deux curés de Brie, celui de Puiselet, et celui de Villabé s'opposent tous à ce que l'abbesse lève la dîme dans leurs paroisses. Les malheureux étaient bien un peu excusables, car ils mouraient de faim, et de plus, les religieuses n'acquittaient plus les charges qui légitimaient la perception de ces redevances 3).
  • Plus intraitables encore sont les frères en religion de la malheureuse Huguette, les Bénédictins de Saint-Germain-des-Prés et ceux de Saint-Denis. Ces derniers refusent absolument d'acquitter leurs redevances à Villepinte; mais l'abbesse a mis la justice en mouvement, et le 1er décembre 1444, Pierre Poncion, sergent à cheval, se présente à la porte de Jean Souchet, fermier des religieux; il saisit, malgré les protestations de Souchet, 2 muids et 33 setiers de blé, à quoi ont été condamnés les moines envers l'abbaye d'Yerres. Pour des biens situés à Villeneuve-Saint-Georges et à Valenton, les Bénédictins de Saint-Germain des Prés refusent de payer une dette de 42 livres parisis; les deux abbayes procèdent depuis 1440, et en 1447 une lettre est adressée à l'abbesse pour mettre fin au différend. À propos de cette lettre, Fisquet gourmande les auteurs du Gallia, leur reprochant d'avoir dit que cette lettre était adressée à Huguette de Chacy, tandis qu'elle ne pouvait l'être qu'à Marguerite des Guaculs. Les Bénédictins avaient vu la pièce, et Fisquet, dont l'autorité n'est pas bien grande il est vrai, s'efforce en vain, de ressusciter une abbesse morte depuis onze ans.
  • Le soin de trouver des fermiers pour des terres abandonnées, l'obligation de lutter contre les membres du clergé séculier et régulier, pour rétablir les droits de sa maison, ne suffisent pas encore à absorber la dévorante activité d'Huguette de Chacy. Elle ne sait lire qu'imparfaitement, elle est |146 un peu brouillée avec l'écriture, mais son procureur a fouillé, sans discernement, les archives du couvent. En remontant aux origines, il a découvert les relations et les rapports de l'abbaye d'Yerres avec les monastères de Gif et de Saint-Remy de Senlis; aussitôt la fougueuse Huguette part en guerre contre ces deux maisons. Elle a, dit-elle, des droits de tutelle sur ces deux monastères, qui ont alors, en effet, grand besoin de protection. Mais l'abbesse d'Yerres est-elle bien en état de leur prêter appui? N'importe; ces deux couvents sont sous sa dépendance, et elle veut leur imposer sa volonté, intervenir dans leurs affaires, leur donner des supérieures, elle qui ne s'est pas occupée du recrutement de son cloître. Et cette idée lui tient tellement à cœur, qu'elle la transmettra comme un précieux héritage, à ses successeresses, pour qui cette prétention sera, pendant 70 ans, une source de tracas et d'ennuis.
  • Tel fut l'abbatiat tourmenté d'Huguette de Chacy. Un mémoire du XVe siècle nous la représente seule à l'abbaye avec son procureur Denis Gapel. Tous deux demeurent dans les édifices monastiques, tandis qu'un personnel assez mêlé de serviteurs et de servantes s'agite, dans les bâtiments de la ferme, sous prétexte de la cultiver. Point de chapelain, point de prêtre pour dire la messe; l'abbesse et son personnel se rendent le dimanche à l'église du village comme les autres paroissiens, et semblent s'accommoder assez bien de ce minimum d'exercices religieux. De temps à autre cependant on aperçoit errante sous le cloître ébranlé une femme vulgairement et bizarrement vêtue: c'est une religieuse, parfois il y en a deux. D'où viennent-elles? De Paris, de Gif, de Chelles, de Senlis, ou de quelqu'autre monastère; mais bientôt la misère, l'ennui, l'inoccupation, l'isolement les chassent, et le cloître rentre dans un silence que rien ne vient troubler.
  • La pénurie et la disette étaient le partage de l'abbesse elle-même, et le mémoire déjà cité nous la peint dans l'impossibilité de poursuivre un grand nombre de ses revendications, faute de ressources pour payer les procureurs, rédiger les mémoires nécessaires, et faire agir les officiers de justice. Malgré cela Huguette de Chacy tranchait de la grande dame; |147 elle s'intitulait elle-même: “Noble dame, Madame Huguette de Chacy, humble abbesse de…”. Humble, elle l'était en effet, la pauvre! au moins par sa situation. Après quatorze ans d'un labeur continu, elle mourut au mois de mai 1450, et non pas après trois ans de prélature seulement, comme le disent les Bénédictins.
  • L'abbaye demeura vacante et comme abandonnée pendant six mois, après le décès d'Huguette de Chacy. Mais à la Toussaint de l'année 1450, Guillaume Chartier, évêque de Paris, tira de l'abbaye de Chelles une très ancienne religieuse, appelée par tous les chroniqueurs Guillemette le Camus, et la plaça à la tète de la maison d'Yerres 4). Le mémoire, si souvent cité, dit que Guillemette avait 80 ans lorsqu'elle prit la crosse. Ce n'est guère croyable, car l'abbatiat de cette nouvelle titulaire se prolongea durant près de 10 ans, et de plus cette abbesse fit preuve d'une activité peu compatible avec un âge aussi avancé. Contentons-nous d'observer que Guillemette était d'une maturité consommée, et par conséquent d'une prudence capable de faire contrepoids à l'activité fébrile de sa devancière.
  • À quelle famille appartenait l'élue de l'évêque de Paris? Il est difficile de le dire, car si les historiographes la nomment le Camus, avec l'intention évidente de la rattacher à la grande famille de ce nom, par contre tous les titres du monastère l'appellent invariablement la Camuse; et il est probable qu'elle dut son nom à son nez court, large et plat, bien plus qu'à la noblesse de son origine 5).
  • Quoi qu'il en soit, Guillemette n'arriva pas seule à l'abbaye; avec elle entrèrent sous le cloître deux autres religieuses. L'une appelée Ysabeau de Brindesalle et l'autre Lucienne de Voullac. Elles amenèrent aussi un chapelain pour dire la messe dans la chapelle, et dès lors le monastère reprit une apparence de vie de communauté. |148
  • Guillemette et ses compagnes venaient de rentrer à Yerres, lorsqu'un évènement, d'une certaine conséquence, pour leur maison, s'accomplit dans la paroisse. Par contrat du 2 mars 1452, Louis de Châtillon, fils de Jacques, vendit, pour 800 écus d'or, la terre et seigneurie d'Yerres à Dreux Budé, trésorier et garde des Chartes du roi de France.
  • Les Budé étaient probablement originaires du Hurepoix; ils exerçaient des charges à la cour dès le temps de Charles V. Au mois de septembre 1399, Charles VI, pendant un séjour à l'abbaye de Maubuisson près Pontoise, avait donné des Lettres d'anoblissement à deux frères: Guillaume et Jean Budé. Le premier était officier de bouche de la maison du roi, et le second notaire et secrétaire du prince. Selon toute vraisemblance, Dreux Budé était le fils aîné ou peut-être le petit-fils de Jean. Ses fonctions l'avaient mis à même de connaître la situation précaire et difficile des communautés religieuses; aussi le voit-on acheter, à vil prix, les biens des moniales obérées, et passer des contrats louches, notamment avec les Cisterciennes de l'abbaye de la Joie-Villiers, vers 1440, pour des terres situées dans les paroisses de Vert-le-Grand et de Leudeville. Dès qu'il est entré en jouissance de la seigneurie d'Yerres, Dreux Budé se met en rapport avec l'abbesse Guillemette; et celle-ci, par contrat du 27 avril 1454, lui loue, par bail emphytéotique de 99 ans, le moulin de Mazières, l'ancien prieuré de Saint-Nicolas, des prés, des buissons qui avoisinent l'abbaye, et font pour ainsi dire partie de l'enclos, où les bâtiments claustraux sont assis. De ce bail malencontreux sortira un siècle tout entier de procès, et des soucis continuels pour les abbesses jusqu'au milieu du XVIe siècle.
  • L'activité débordante d'Huguette de Chacy avait créé quelques ressources matérielles au couvent, et bien qu'on se plaigne toujours amèrement de la disette, de la pénurie et de l'extrême pauvreté, on vit néanmoins, et qui plus est, on poursuit avec ardeur les revendications entreprises précédemment.
  • Guillaume le Roy, curé de Lieusaint, est le grand adversaire des moniales. Il veut bon gré malgré les empêcher de prélever quoi que ce soit dans sa paroisse, où elles sont |149 grandes propriétaires. Pour atteindre ce but, il combattra 20 ans, fera faire enquêtes et contre-enquêtes, dans lesquelles on verra jusqu'à trente témoins, et finalement il sera condamné. Il a de parfaits imitateurs dans ses voisins, les deux curés de Brie-Comte-Robert, messires Jean Charron et Arnoul du Bac; ou plutôt ces deux personnages ne sont rien, ils ont loué leurs bénéfices à deux autres prêtres, Jean ltau et Jean Lefèvre, tous deux fermiers besogneux des cures qu'ils administrent; c'est pourquoi ils veulent garder toutes les dîmes de la paroisse. Mais une sentence prononcée le 29 août 1453, par Pierre de Buz, au nom du duc d'Orléans, comte de Brie, dont il est le prévôt, contraint les quatre prêtres à faire droit à Guillemette la Camuse.
  • Des difficultés analogues avaient lieu pour les dîmes de Puiselet, de Tremblay, de Villepinte et d'ailleurs. Il arrive cependant que l'abbesse trouve çà et là des situations moins épineuses. Elle peut louer sans opposition, les dîmes d'Évry, en 1454. A l'aide de son procureur, Henri Brochet, elle passe différents contrats plus ou moins heureux.
  • L'un de ceux-ci lui fut amèrement reproché. On le lui arracha, il est vrai, tout à fait à la fin de sa vie, et peut-être n'en était-elle guère responsable. Un certain Denis Robichon et Jeanne sa femme, venus de Blandy, louaient le 8 janvier 1459, par bail emphytéotique, tout ce que l'abbaye possédait à Moisenay, “terres, prez, bois, vignes, saussaies, cens, rentes, dîmes et tous autres droits”, pour la modique somme de 32 sols de rente annuelle. Ce contrat fut passé à Melun, par devant Pierre Gringault, notaire, et sanctionné par Jean Bras-de-Fer, prévôt de l'endroit, ainsi que par Pierre Pichon, prêtre, curé de Saint-Aspais, doyen de Melun et garde du scel de la prévôté.
  • Trente ans plus tard, quand on attaqua, avec raison croyons-nous, ce contrat, la veuve Robichon et ses deux fils, Denis et Jean, devenus riches, disaient bien, pour leur défense, que la ferme “était en si triste état de désolation et de ruine, par la fortune des guerres, qu'il leur avait fallu suer sang et eau, et dépenser des sommes considérables pour la remettre en état, et changer un désert en belles terres labourables”. |150 Était-il juste de les en dépouiller, alors que par leur travail et leur labeur, tout était en plein rapport? Ces raisons ne firent pas impression sur les magistrats, et le contrat fut cassé.
  • Au milieu des péripéties de son gouvernement, Guillemette était parvenue à remonter peu à peu sa communauté. Plusieurs jeunes filles étaient entrées à l'abbaye en même temps, et maintenant le monastère ressemblait déjà à un couvent. L'une d'elles fut élevée à la dignité de prieure; elle se nommait Agnès la Clémence, à cause de sa douceur sans doute, et son action bienfaisante se fit sentir à Yerres, pendant plus de dix ans. Un religieux Augustin servait d'aumônier ou de chapelain à cette petite communauté, qui réjouit par sa présence les derniers jours de l'abbesse Guillemette. Celle-ci, accablée par les ans, portait toujours le nom d'abbesse, mais n'en exerçait plus les fonctions. Dans un des nombreux incidents du procès Guillaume le Roy, le 28 février 1459, nous trouvons la maison d'Yerres représentée à Brie-Comte-Robert, par la prieure Agnès 6), sans qu'il soit question de l'abbesse. Guillemette vivait encore cependant, car elle ne s'éteignit que le 15 avril de la même année, après avoir porté la crosse plus de neuf ans.
  • Du petit groupe de religieuses entrées naguère sous le cloître, l'une devint abbesse parmi ses sœurs. Elle se nommait Marguerite d'Orouer, était originaire d'Ozouer-le-Voulgis, et devait arriver à une certaine célébrité. Qui lui mit la crosse en main? Fut-ce le choix ou le consentement tacite de ses sœurs, ou une autorité extérieure? On l'ignore; mais on est en droit d'affirmer que ce ne fut pas l'autorité ecclésiastique, car elle ignora toujours cette promotion, que la bénédiction épiscopale ne sanctionna jamais. D'ailleurs, Marguerite d'Orouer n'avait besoin du secours de personne pour occuper |151 la première place, elle était capable de s'y hisser d'elle-même.
  • Sa prélature à Yerres fut du reste assez éphémère; elle s'étendit de la mort de Guillemette le Camus, avril 1459, au mois de septembre 1460. Aucun des historiographes de l'abbaye n'a inscrit le nom de Marguerite, dans la liste des titulaires du couvent. Elle fut abbesse cependant, plusieurs pièces signées de son nom et de son titre existent dans les archives d'Yerres, où elle présida, pendant seize à dix-huit mois, un petit groupe de moniales, portant l'habit blanc des anciennes Bénédictines de la maison; la vie pauvre des nouvelles venues n'était pas trop dure, la règle pas trop sévère, les offices religieux pas trop multipliés ni trop fatigants, le silence souvent interrompu, la clôture et la stabilité, choses absolument inconnues; on vivait en communauté, voilà tout.
  • Marguerite eut à soutenir une des instances de l'interminable procès contre le curé de Lieusaint. Comme l'enquête n'était pas favorable à sa maison, l'abbesse et ses sœurs alléguèrent pour excuse, qu'elles étaient toutes nouvelles venues à l'abbaye, et qu'elles en ignoraient les charges. C'est un des seuls actes de gouvernement, où le nom de Marguerite d'Orouer se trouve directement mêlé. Elle avait bien été l'âme et l'inspiratrice du désastreux contrat Robichon, mais sans responsabilité directe.
  • Ce que nous venons de dire suffit pour éclairer les origines, assez mal connues jusqu'ici, de Marguerite d'Orouer. Cette entreprenante fille de la Brie, s'en alla porter la crosse à Gif; et le reste de sa vie comme son histoire appartiennent à cette maison 7).

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Celle-ci écrit presque toujours ussor au lieu de uxor; de même, elle écrit qui, partout où il faudrait que, etc.
2)
Note d'Alliot. — Ce bail fut renouvelé l'année suivante au même Simon de Beaucroix, et, cette fois, pour trois vies. En fait, il fut annulé en 1469.
3)
Note d'Alliot. — Huguette de Chacy n'allait pourtant point jusqu'à vouloir la mort d'inanition du clergé paroissial, car un document très authentique nous la montre, accordant au vicaire de Lieusaint la permission de prendre du blé, pour sa nourriture, dans la grange de l'abbaye.
4)
Note d'Alliot. — Le nom de Guillemette le Camus ne se trouve pas dans la liste des abbesses sorties de la célèbre abbaye de Chelles; mais cette omission ne tire pas à conséquence, car M. l'abbé Torchet, curé de Chelles et historien de l'abbave, n'a pas dressé la liste complète de toutes les abbesses prises dans cette maison.
5)
Note d'Alliot. — On sait d'ailleurs que les Le Camus ne remontent qu'au XVIe siècle.
6)
Note d'Alliot. — Les noms de quelques-uns des témoins de cette instance sont à retenir. Ce furent: messire Guillaume Franc, curé de Cossigny; — fr. Philippe Vignon, prêtre religieux de Notre-Dame d'Yvernel; — noble homme Jehan de Lignères, dit Bernart, avocat; — Guillaume de Villeneuve; — Guillaume Lefèvre; — Guillaume Eugarrant; — Jehan Bourlot; — Raoulin de Beaufort; — Perrot de Lieusaint; — Jehan Guillart; — Symon Poule; — Marc des Allez et plusieurs autres, presque tous laboureurs.
7)
Note d'Alliot. — Voir Histoire de l'abbaye de Gif, — Paris. Alph. Picard. 1892, — pages 64 à 78. — Dans les pages consacrées à Marguerite d'Orouer, nous avons dit sans détour quelle singulière et pauvre abbesse elle était; mais il nous avait paru que ses mœurs étaient irréprochables. Or, il résulte d'un procès découvert depuis lors, dans les registres du Parlement, que ses mœurs étaient aussi suspectes et dépravées. Notons pourtant que ces accusations furent formulées devant la Cour et non prouvées, et que, de plus, elles ne se produisirent qu'après la mort de l'abbesse en 1493.
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