Jean de la Barre — 1647.
Quam nactus Spartam hanc adornes.
trouveroient, concernant la ville comté de Corbeil; ce que j'ay fait et executé le plus exactement qu'il m'a esté possible. De |2| plus, j'ay recherché, veu et leu, tous les chartriers et lettres des églises et monasteres de la ville et chastellenie de Corbeil: avec cela j'ay employé quelques années à feuilleter mes livres, et en ay tiré tout ce qui me pouvoit servir à me rendre certain de tout ce qui s'est fait et passé en ce païs; Alors confi- derant les fleurs que y auoiscueillies , en fis vn bouquet , & dreffay des Memoires a deffein de les prefenter à Monseigneur de Villeroy : mais il pleut à Dieu de le tirer de ce monde pour l'efleuer au Ciel, & luy conferer la Couronne Celefte , que fes actions heroiques meritoient : Cet accident fafcheux à la France, déplorablepour moy,mefit tomber laplume des mains, Voftre tres-humble , & tres-obciffang feruiteur, DE LA BARRE. me deſchargea de produire au jour ces Memoires , eftant refolu de les laiffer dans les Cabinets de mes amis , où ils fuffent demeurez enfeuelis , s'il ne fe fuft trouué des perfonnes qui pouffez d'affection pour leur País natal , ont defire qu'ils fuffent donnez au Public , ce que ie n'aypeu leur defnier: Mais ie n'ay pas eftimé qu'il fuft honnefte ny bien-feant de les met- tre en lumiere , fans eftre protegez de Voftre Nom ; ce ie mefuis perfuadé que vous auriez pour agreable , puis qu'ils ont efté faits fous vos aufpices , & pour l'efclairciffement des Seigneuriesde Voftre illuftre Maifon , & que tant furleur frontispice , que par leur clofture, ils tefmoignent estre entiere- ment voftres ; & que ie ne les produits au iour à aurre deffein quepour vous feruir & honorer, ainfi que la Nature mon deuoir m'obligent à demeurer, que MONSEIGNEVR,NOMS DES AVTHE VRS des Liures , defquels ces Memoires ont eſté extraits. A Beliard. Cartulaire noftre Dame. De Bault. Decretales. De Thou De Selues. Des Vifins. Dion Caffius. Doublet. Du Tillet. Du Breüil. Du Chefne. Auchet. G Irard Cambrenfis. Glabert. Coquille. Elgandus. Ademare. Albert Crans. Argentray. Arthemidore. Afinius Pollio. S. Auguftin. Aymoin le Moine. Alde. C Befly. CACartulaire S. Spire. Di D Ferron. G Cenalis. Charron. Guaguin. B BBaptifte le Maffon. Guill. de Nangis. Baronius. Belle-foreft. Bouchet. Auteuil. Cartulaire d'Yerre.. Chaftel. Croniques d'Anjou. Croniques de Sauoye. Duplex. F H Ajus Cefar. Froiffart. Flodoard. Fulbert. Comines. Guill, de Iumieges. Croniques de Normandie. Gregoire deTours. H äüjNomsdes Autheurscitez és prefens Memoires. I Ean de S. Victor, Paul-Emille. Pierre Damian. Pithou. Iean le Grand. Iuuenal des Vrfins. Egendaire de S. Spire. Legendaire de noftre Da- me. Ebufe. L'Efcorucl. Loyfel. Loyfeau. Roderic de Tolede. Robert. Roüillard. M Amerot. Marlian. Matthieu Paris. Meier. Monftrelet. Nicoles Gilles, T Taucau. Theuet, Turnebe, Fa loinuille. Ifac Pontanus, Pline. Plutarque. Polidore- Vergile, Polibe. Popliniere. Turquet, L L Agerel. Nitard. Neubrige. Oddes des Foffez. Opius. N R S Ainte-Marthe. S. Bernard. Acite. Ondergeeft . P Panorme, Paufanias. Alfingan, Viginaire, Vignier. VVitichind Y Ves de Chartres, Yves Legendaire de S. Guenault. MA Mariana. Sain Olanus le Grand. Oftienfis. RRigord. S. Cyprien. Saxo-gramerien, Strabon. Suetone. Sugger. De Serres. V Pafquier. NARC O TA Papitius le Maffon.
Table des chapitres du present livre
Livre premier.
Origine du nom de Corbeil. Chapitre 1. page 1 Description de la Ville. Chap. 2. p. 8 De la Chastellenie de Corbeil. Chap. 3. p. 13 La Vie de Saint-Yon. Chap. 4. p. 28 La Vie de Saint Spire. Chap. 5. p. 33 La Vie de Saint Loup. Chap. 6. p. 40 La Vie de Saint Quirin. Chap. 7. p. 45 La Vie de Saint Guenault. Chap. 8. p. 48 Des Comtes et Vicomtes de Corbeil. Chap. 9. p. 59 Du Comte Hemon. Chap. 10. p. 62 Du Comte Bouchart premier. Chap. 11. p. 70 Du Comte Maugis. Chap. 12. p. 79 Du Comte Guillaume. Chap. 13. p. 84 Du Comte Regnault. Chap. 14. p. 90 Du Comte Bouchart deuxiesme. Chap. 15. p. 91 Du Comte Oddes. Chap. 16. p. 100 De Hugues du Puisset. Chap. 17. p. 109
Livre second. Du Roy Louis le Gros. Chapitre 1. p. 121 De Eustache de Corbeil. Chap. 2. p. 127 Du Roy Louis le Jeune, et ses freres. Chap. 3. p. 132 De la Reine Adelle Chap. 4. p. 138 Du Roy Philippes, et de sa femme Isburge. Chap. 5. p. 143 Du Roy Louis huictiesme. Chap. 6. p. 154 De la Reine Blanche. Chap. 7. p. 158
Du Roy Saint Louis. Chap. 8. p. 166 D'Alphonce de Poitiers, et sa femme. Chap. 9. p. 174 De la Reine Marguerite. Chap. 10. p. 177 Du Roy Philippes le Bel. Chap. 11. p. 182 De Philippes le Long, et Clemence sa femme. Chap. 12. p. 185 De Philippes et Charles de Valois. Chap. 13. p. 190 Des Rois Jean et Charles cinquiesme. Chap. 14. p. 195 Du Roy Charles sixiesme. Chap. 15. p. 199 Du Roy Charles septiesme. Chap. 16. p. 205 Du Roy Louis unziesme. Chap. 17. p. 211 Du Roy Charles huictiesme. Chap. 18. p. 215 Du Roy Louis douziesme. Chap. 19. p. 219 Du Roy François premier. Chap. 20. p. 222 Reformation du Chapitre de Saint Spire. Chap. 21. p. 228 Du Roy Henry Second. Chap. 22. p. 236 Du Roy François second. Chap. 23. p. 240 Du Roy Charles neufiesme. Chap. 24. p. 243 Du Roy Henry troisiesme. Chap. 25. p. 250 Du Roy Henry quatriesme. Chap. 26. p. 256 De Nicolas de Neufville, sieur de Villeroy. Chap. 27. p. 275
LESI CHAPITRE PREMIER. A LES ANTIQUITEZ DE LA VILLE, COMTÉ ET CHATELENIE DE CORBEIL
LIVRE PREMIER. DE L'ORIGINE DE LA VILLE, NOM ET ARMES DE CORBEIL
CHAPITRE PREMIER
On a toujours estimé qu'il y avoit des mysteres cachez aux noms propres, non seulement des Hom- mes & des Animaux, mais auf des Villes & des Citez : car il eft vray-femblable qu'on ne leur a impofé leurs noms fans quelque caufe, ou fujet par- ticulier. La premiere queftion qui fe traite , non feulement parles Philofophes , mais encore par les Hiftoriens , re- garde l'explication des noms des chofes dont ils veulent parler. Suiuant donc leurs ftiles nous dirons qu'en la recherche que nous auons faite en plufieurs Liurés , Chartes , Titres & Pancartes,2. Antiquitez de la Ville de Corbeil, dans lefquels il eft parlé de Corbeil , nous n'auons trouué aucun Autheur plus ancien que Strabon, qui en a fait mention au 4. li- ure de fa Geographie : il en parle en ces termes , Supra ligerim fluuium prius aderat emporium Corbilo , de quo Polibius mentio- nem facit vt vrbis eo tractu celeberrime. Et Papirius Maçon en la defcription des riuieres de la Gaule Françoiſe, rapporte fouzl'au- thorité de Pierre de Blois , que l'ancienne ville de Corbeil eftoit autrefois baſtie au mefme lieu oùr eft à prefent la ville de Blois, & que ce nom de Biols n'eft qu'vne abreuiation de Corbillois. Amfi par fucceffion de temps , & les changemens des peuples & deleurs langages, il en eft arriué demefmeà beaucoup de noms Gaulois , tranfmuez en François. Longtemps auparavant que lules Cefar conquit les Gaules , cette ville marchande de Corbilo fur Loire auoit efté détruite parles Ambrons , & fes habitans s'eftoient venu retirer en Brie, où ils auoient eſtably leur demeure , fur la cofte d'vnemontagne, aupied de laquelle paffe la riuiere de Seine, & de l'autre cofté la foreft de Senart & les bois du Rougeau , qui pour lors couuroient ces côtaux de la Brie quien cet endroit regardent la riuiere de Seine , & dont les arbres ont efté couppez , afin de cultiuer laterre , pour yplanter & prouignerles vignes , que l'ony voit maintenant. Ces nouueaux habitans de la Brie cheriffans le nom deleurancienne Patric , ne le voulurent point quitter; & pour reparer en quelque façon leurs pertes , & fe confoler en leur affli- ction , ils impofcrent le nom de Corbeilà leur nouuelle Colonic, qu'ils bastirent & conftruirent au lieu dit le vieil Corbeil ; ainfi nommémaintenant, pour le diftingner de la ville de Corbeil , qui depuis a eftébaftie dans le valon entre les riuieres de Seine & de Junne , dite d'Estampes, comme il fera cy-apres declaré. Ie ne doutepoint que l'on n'obiecte incontinent, que Strabon ne fait aucune mention, de noftre Corbeil , & que lules Cefar n'en parle pas , fi ce n'eft fouz le nom de Metiofedum. Pour Strabon il a décritſi ſuccinctement les Gaules , qu'il ne fefaut émerueiller s'il a laiffé Corbeil en arriere , vû qu'il a negligé de rapporter les noms de plufieurs, villes qui floriffoient enGaule, lors qu'il efcri- uoit fa Cofmographie. Quant à Celar , plufieurs ont remarqué qu'il n'auoitnon plus fait difficulté dechanger les noms des villes & citez de la Gaule , que d'en fuppediter lespeuples , & de ren- verfer leur police , leur Eftat & Gouuernement , pour les reduireLiure I. Chapitre I. fouz la domination de l'Empire Romain. Auffi quand la fantafic luy eneftvenue il a pris plaifir de donner des noms Latins à plu- fieurs places importantesdela France. Ce qui eft arriué poffible. àcaufe qu'il n'a commencé à efcrire les Commentaires que long temps apres qu'ilcut faitfes conqueftes : encore ce qu'il en fit ne fut à autredeffein quepourpreuenir les autres Efcriuains , & pour faire paroistre des éclats de fon eloquence , comme recite Opius en fuite defes Commentaires . Il faut donccroire , que quand Cesar voulut décrire la retraite que Labienus fit deuant Paris, qu'il ne pût fe ressouvenir du nom de Corbeil, & qu'en fon licu il in- uenta celuy de Metiofedum (quafi in medio fedens, ) fitué entre Paris &Melun. Ce qui eft d'autant plus croyable , quecette expe dition fut faite en l'abſence de Cefar , qui auoit lots affemblé les Eftats de la Gaule Cifalpine. Et ce peut eftre vndes endroits de fon Hiftoire , quePolio difoit , eum memoria lapfum perperam edi diffe, exiftimabatquerefcripturum atque correcturum , ainfi que Sue- tonerapporte. Quoy qu'il enfoit ce nom deMetiofeduma eſté abro- gé par les Modernes en Iofedum, & l'vn & l'autre eft ordinaire- ment pris pour Corbeil. Mais la diuerfité des fyllabes fi peu con- formes delettres & de prononciation , a misles InterpretesdeCe- far envne grande inquietude : car cela leur a donné fuiet de cher- cher en ces quartiers quelque lieu , dont le nom approchaſt plus prés de ce mot Metiofedum. C'eft pourquoy Vigenaire a mis en Quant le bourgde Meffe, fiz fur la riuiere d'Effonne , au deffus de la Ferté Aleps , fans confiderer que cebourgde Meffe eft éloigné de la riuierede Seine de plus de trois lieues. Ceft pourquoy il ne peutenaucunefaçon s'adapterau Metiofedum de Cefar: D'ailleurs, Marlian s'arreſtant au nom de Tofedum , l'a voulu prendre pour Nojan fur Seine , la prononciation de ceux du païs s'accordant affez à ces deux noms : mais Nojant n'eft pas fitué entre Paris & Melun, & eft hors du chemin de Paris à Agendicum, où Labienus defiroit allertroquer fon bagage. Soit quel'on prenne Agendicum pour Prouins , foit pour Gien ou Sensou quelque autre ville que -ces Interpretes veulent eftre entendus fouz le nom d'Agendicum; il faut que ie dife enpaffant que l'opinion de Scaliger me femble la moins probable , de prendre Agendicum pour la ville de Sens, & l'iniure qu'il dit à ceux qui ne le voudront pas croire , ne me peut feruir derailon car l'explication des noms que Cefar a D A ij4 Antiquitez de la ville de Corbeil, donné aux villes de la Gaule , fe doit prendrede la fuite des paroles defon Hiftoire. Or eft-il que difcourant de la retraite que Labie- nus fit deuant Paris , où il eftoit campé du coſté de l'Vniuerſité (fitué dans le territoire vulgairement appellé Hurepoix ) il vſe de ces termes , Legiones àpræfidio & impedimentis que Agendici re- liquerat magnumflumendeftinebat. Cequis'entend fans difficulté de la riuiere de Seine , qu'il luy conuenoit de repaffer pour aller à Agendicum, par ainfi defigné eftre en la Brie , partant bien pris pour Prouins : car fi on le prend pour la ville de Sens , Labienus n'euft point efté obligé de paffer la riuiere de Seine , au cofté droit de laquelle ( en remontant) la ville de Sens eſt poſéc & fi- tuée,enforte qu'elle eft du mefme cofté où Labienus eftoit auecfon armée. Nousnous fommes vn peu eftendus fur ce nom d'Agendi- cum, à caufe que Cefar dedans le mefme diſcours parle de Metiofe- dum , que Scaliger dit que ceux quile prennent pour Corbeil n'ont point d'entendement : Etfans donnerraifon defon dire , ila voulu par cereproche clorre la bouche à tous ceux qui ne voudroient pas eftredefonaduis. Et de fait ie voy que Monfieur de Thoune l'a pas voulu dédire , encore qu'il y aye peu d'apparence de dire que Ce- far envnemefme page, parlant deMelun, luy aye voulu donner deux noms diuers , fans donner quelque marque de cette varia- tion. C'eſt ce qui m'incite à maintenir que les termes defquels Cefar vſe, monftrent apertement que le lieu que Cefar appelle Metiofedum, cftoit affis &fitué ſur la riuiere de Seine , &pardeuant lequel il conuenoit que les bateaux qui remontentde Paris à Me- Jun paffaffent : Et nous auons cy-deuant monftré que la ville du vicil Corbeileftoit lors conftruite en la Brie, fur le cofté de la ri uiere de Seine, où les Gaulois s'eftoient campez, & d'où ils s'effor- çoient d'empeſcher le paffage aux Romains. Efcoutons ce que Cefar en dit : Labienus à Lutetia recedens, naues quas Meloduno deduxeratprima confecta vigilia quatuor millia paffuumprogredi, Sequeexpectariiußit. Quibus rebus auditis Galli , quod exiftimarent diuerfis locis tranfire legiones , fuas quoque copias in tres partes di- uiferunt. Nampræfidio è regione caftrorum relicto, parua manu Me- · tiofedum verfus Miffa , que tantum progrederetur quantum naues proceßiffent , reliquas copias contra Labienum duxerunt. Quand doncCefar dit qu'il fit remonter fes bateaux par la riuiere de Sei- ne, encore qu'ils tiradent vers Melun , il n'eſt pas dit qu'entreLiure I. Chapitre I. Paris &Melunil n'y euftaucune place de remarque qui ne fe peut nommer : commede fait la ville de Corbeil y eftoit fituée du cofté dela Brie, &laquelle il eftoit neceffaire de nommer par fon nom, ou par circonlocution : car ce fut proche du vieil Corbeil quefe donna la bataille, en laquelle Camulogene &tous les Gaulois de fa fuite furent defaits envn champ, quiiufques à prefent en a re- tenu le nom de Champ-Dolent. Pourfinir cette conteſtation nous auons pournos garens tous les Interpretes de Cefar, qui font d'ac- cord que cette troupe defoldats enuoyée pour coftoyer les bateaux des Romains qui retournoient à Melun par la riuiere de Seine, adreffoientleur chemin vers Corbeil , & ne fe pouuoit en aucune façon faire autrement. Au refte le nom de Metiofedum eft pur Latin , & ne tient rien du langage des Gaulois , & fut inuenté par Cefar , pour fignifier Corbeil , lors qu'il fe mit à efcrire les ex- ploits guerriers de Labienus , qui luy rendit en cet endroit vn fer- uice fignalé. Pour conclufion , on doit tenir pour certain, que la ville du vieil Corbeil eftoit conſtruite deuant que Ceſar cuſt fait fes conqueftes en ce païs, & ce par les Gaulois , échapez de la de- ftruction de la ville de Corbulo fur Loire ; Et eft vray-femblable que cegrand Capitaine Corbeus , qui fe porta fi vaillamment en , eſtoit na cette Prouince àfouftenir la guerre contre les Romains tif, ou Seigneurde Corbeil , dont il portoit le nom. A iij Ie neveux pas nier qu'il n'yait grande apparenceau dire de ceux qui rapportent la fondation de la ville de Corbeil à Gnaus Domi- tius Corbulo : car il fe peut faire qu'il y auoitfait conftruire quel- ques baftimens , que la longueur du temps , quiconfomme toutes chofes a reduit au neant : mais il ne refte autre chofe que le bas eftage de cette Tour quarrée, quifert de logement au Capitaine de Corbeil, & qui eft fituée au deffus des Moulins bannaux , pro- che l'emboucheure dela riuiered'Eftampes en celle de Seine. Cet excellent Capitaine Corbulo eftoit Gouuerneur des Gaules , & Lieutenant General de l'Empereur Claude Neron, des armées de- ſtinées à la garde du fleuue du Rhin , frontiere de l'Empire. Son nom a toujours efté honoré & reſpecté des Romains. Les habitans de Corbeil ontanciennement eſte cheris en la faueur , en forte que Cenalis, Theuet, Belle-foreft , Du- Chefne, &autres Hiftoriogra- phes François, ont efcritque la ville de Corbeil eftoit vne Colonie Romaine. 16 Antiquitez de la ville de Corbeil, De dire que Corbulo ait ietté les premiers fondemens de la ville de Corbeil, outre la tradition ancienne, onfe peut fonder fur cequ'en difent Tacite,Pline & Dion, que l'Empereur Claudepor tant enuieà la gloire que Corbulo alloit acquerant par les grands exploits de guerre , & infignes victoires qu'il obtenoit de iour à autre fur les Allemans , il luy commanda de laiffer ces peuples en repos , & qu'il leur donnaft la paix. Corbulo ayant exeouté ce com- mandement, ne voulut point que ce grand nombre de gens de guerre & artisans, qui eftoient difperfez parmy les legions, demeu- raffent oififs , & s'aneantiffent à faute d'exercice ; il leur fit faire plufieurs grandes fortifications , &efleuer des chasteaux en diuers endroits dela Gaule ; &le nom de Corbeil fymbolifant au fien, me fait croire que c'eftvn ouurage de cegrand Capitaine, qui te- noit pour maxime deguerre , que Dolabra hoftem effe vincendum, quel'on ditauiourd'huy , Qu'il faut vaincre l'ennemy auec le pic & la pelle. Ceuxquin'ont pas voulu prendrela peine d'éplucher ces affai- res fi exactement, ont dit queCorbeil auoit pris fa denomination duvoldes Corbeaux , Coruolium à coruorum volatu , & que de ces oiſeaux , frequens en ce païs , la ville de Corbeil a pris fon nom. Sinous eſtions de leur opinion, nous ne craindrions non plus detirer l'ethimologic du nom de Corbeil du vol de cét oifeau, que les Cor- neliens , peupled'Italie , ont fait le leur des Corneilles . Nous di- rions quecela nous feroit commun auec l'Ifle des Corbeaux , dont Paufanias fait mention en fes Arcadiques ; Et auec cette ville de Germanie, qu'Arthemidore appelle Port des Corbeaux. Nous pourrions fairevaloir cenompar le dire de Girard Cambrenfis, qui affeureque Rauenfbourg, grande &celebre ville d'Allemagne, fi- gnifie , Ville des Corbeaux ; & que d'iceux eft deriué le nom de Rauennela plus ancienne ville d'Italie : où il dit que de fonftemps il s'y faifoit vne affemblée innumerable de Corbeaux le iour de fainte Apolinaire. En Elpagne l'Eglife du Patron tutelaire de Lif bone eft appellée faint Vincentdu Corbeau. Nous nous aiderions auffi duferuice que les Corbeaux ont rendu au Prophete Elizée, & à l'Hermite S. Paul. L'eftime que l'on doit faire de cét oiſeau ſe peut connoiftre parlefoin que le Pfalmifte Royal dit , que Dieu a des petits Corbeaux , aufquels il prepare la viande, & donne nour- riture. Nous pourrions extraire de l'Hiftoire naturelle , plufieursLiure I. Chapitre I 7 traits de difcretion & preuoyance dont cét animal vſe ordinaire- ment: du moins chacunconnoiftfon induſtrie , à fçauoir parler & proferer diftinctement les paroles qu'on luy apprend. C'eft pour- quoy le peuple Romain porta tant d'affection à vn Corbeau , que par Edit public il ordonna quefes funerailles feroient faites folem- nellement , &qu'il feroit porté au bufcher par deux Ethiopiens , & conduits par vn Meneftrier , ioüant de la flute. Nous trouuons en F'Hiftoire, que Marcus Valeriusſe tint pour bien honoré de porter le nom de Coruinus ; Et qu'entre les Familles Patriciennes il n'y en a point cu de plus illuftre que celle des Corneliens , dompteurs de l'Afrique & de l'Afic. En fin , nous fuiurions l'exemple du Chan- celier Renaut de Corbie , qui ſe glorifiant de fon nom , chargea fes Armesde trois Corbeaux de fable en champ d'or. Mais d'auoir deriué le nom de Corbeil du vol des Corbeaux , c'eft de l'inuen- tion de Cénalis , qui s'eft efforcé de donner des noms Latins aux villes de France , par l'allufion de leurs noms propres. le trouve auffi peu d'apparence à ce vol de Corbeaux , qu'au dire de ceux qui deriuent le nom de Corbeil du Latin, Cor bellicum comme : files habitans de Corbeil eftoient hauts à la main , &promptsaux armes. Les autres pourfe moquer de ces Rébus de Picardie , difent que Corbeila efté ainfi nommé, à caufe qu'en fon plan il reffemble à vne corbeille. Mais de toute ancienneté les habitans de Corbeil ont fait vne meilleure allufion fur le nom de leur ville, ayans char- gé l'Efcuffon de leurs Armoiries d'vn cœur de gueules temply , d'vne Fleur de Lys d'os en champ d'azur , voulans dire qu'ils ont le cœur bel , loyal, fidele , &affectionné au feruice deleur Roy, & àla Couronne de France. mol q8 Antiquitezdela ville deCorbeil, CHAPITRE II. L'imitation de plufieurs Hiftoriens nous commence. rons ces Antiquitez par la deſcription de la ville de Cor- beil , & du territoire de fa Chaftelenie , d'autant plus volontiers , que par cette premiere expofition , ce qui fera cy-apres déduit fera plus facile à entendre par ceux qui pren- dront la peine de lelire. Nous venons de dire que les fondemens duvieil Corbeil ont efté poſez par les habitans de l'ancienne ville de Corbulofur Loire , & que pour noftre ville de Corbeil elle re- ferefon origine à Gneus Domitius Corbulo , & deuons eftre ex- cuſez fi nous n'en auons produit de meilleurs teſmoignages . Du moins nous cfperons que noftre recherche fera trouuée plus raifo- nable & conuenable à noftre fujet , queles difcours de beaucoup d'Hiftoriens , quifefont efforcez de tirer l'origine de leurs villes, des noms & perfonnes plus efloignées , & eftranges de leurs ma- ticres. Nous continuerons de dire , qu'en la pointe de terre , faite par le concoursdes riuieres de Seine & de Iunne, dite d'Eſtampes, Corbulo baftit vn chafteau, non pas vne ville, ou cité , queles Ro- mains appelloient Colonie : cartous les Anciens qui ont parlé de Corbeil, l'on qualifié du nom de Chafteau, &non pas de Ville , ny d'autre nom qui foit propre à vne congregation ou affemblée de perfonnes qui veulent viure enfemble. La preuue de cette propo- fition eft facile & cuidente ; en ce qu'à prefent mefme la ville de Corbeil, &fes faux-bourgs font dela Parroiffe d'Effonne, ou de quelqu'autrecirconuoifine. Ce quifait voir &connoiftre, que lors de la diftribution & eftabliffement des Parroiffes, il n'y auoit point en ce lieu d'autre habitation que la Tour de Corbulo , baſtie en forme dechafteau &maifonparticuliere. Cars'il y euft eu nombre de peuple & de familles , habituées & refidentes en cette Place, on y euft eſtably vne Parroiffe auffi-toft qu'à Effonne, au vieil Corbeil, Peray, & en tousles autres villages circonuoifins , qui } DESCRIPTION DE LA VILLE de Corbeil. ontLiure I. Chapitre II. 9 B ont chacun leur Eglife Parrochiale , ieur Pafteur & Curé . Auff T'Hiftorien Nitard difant que le Roy Charles le Chauue fut ioin- dre les troupes de Bourgogne, conduittes par Varrin , ne donne pointderemarque de celieu,finon que ce fut oùla riuiere de Iunne verſeſes eaux en la Seine : ce que Faucher prouue par bonnes rai- ſons auoir efté fait à Corbeil , non pas à Montereau faut-Yonne, Toutefois ceux-là fe font trompez, quiontdit que ce lieu eftoit re- duit en vn deſert, à cauſe du nom d'Hermitage attribué à la Maiſon du petit Prieuré de S.Iean, fiz dans la ville de Corbeil : car cette de- nomination d'Hermitage eft moderne ; c'eft à dire appliquée long temps depuis que le chafteau de Corbeil a efté accommodé en forme de ville, & employé à l'habitation de plufieurs ménages, ainfi que nous expliqueronscy- apres. Pour le prefent nous dirons quedurant le regne de Charles le Chauue , entre les rauages que firent les Normans en France , ils détruifirent la ville du vicil Cor- beil , laquelle auoit efté baftie en Brie par les Gaulois , échapcz de laville de Corbilofur Loire, ainfi qu'il eft déduit au Chapitre precedent. Lors de cette feconde deftruction faite par les Nor- mans, les habitans du vieil Corbeil fe retirerent aux lieux plus écartez & fecrets de la foreft de Senart , & des bois du Rougeau, lors de plus grande eftenduë qu'ils ne font àprefent. Ces pauures gensfe tindrent là tapis & cachez , iufqu'à ce que cette rauine & deluge de Brigans fuft paffée ; puis feraffemblerent , & aduiſerent entr'eux de fe retirer aupres du chaftcau de Corbeil , & d'eſtablir leurs demeures aux enuirons d'iceluy, d'autant qu'ils voyoient que cette pointe de terre qui eft entre les deux riuieres eftoit deffen- duëpar la Tour de Corbulo , & que le refte eftoit facile à forti- fier :ce qu'eftant fait ils pourroient viure en plus grande feureté qu'ils n'auoient fait, du cofté dela Brie. Ils firent agreer leur def- Tein au Roy Charles le Chauue , qui leur permit de s'y loger, & clorre, fuiuant le projet qu'ils luy en reprefenterent. Depuis que la place fut rendue capable de fe deffendre , le Roy eſtablit vn Capitaine pour garder le Chafteau, & conferuer les habitans en re- pos & feureté de leurs perfonnes & biens. Il en fut fait de meſme enplufieurs endroits de la France , pour obuier aux courſes & pil- leriesdes Normans , ainfi que dit Ademar. Et les autres Hiſtoriens à fonrapport, difent que le RoyCharles le Chauue fit abatre les ponts qui ne fe pouuoient deffendre , & enfit baftir d'autres auxAntiquitezde la ville de Corbeil, : Heux plus commodes. Et fur les auenuës il fit baftir des Chaſteaux, & efleuer des Tours fur les embouchures des riuieres , & en ces places il y mit des foldats en garnifon , pour repouffer les efforts de ces Pyrates. Cela fut particulierement obferué à Corbeil , qui eft affis en vn licu aduantageux pour la nauigation , à cauſe qu'il eft entouré de deux riuieres qui luy feruent de foffez : A l'em- boucheure de leurs ceaux il y auoit yne Tour , qui au dire de The- uet eftoit d'vne hauteur admirable ; maintenant elle eft reduite en forme de pauillon carré , & fert de logement au Capitaine; lequel deuant les guerres ciuiles faifoit fa demeure au chasteau qui eft fur l'auenue du pont, du coté dela Brie. Ce pont eſt baſty fur la riuiere de Seine, & compofé de neuf arches, de pierre de taille : il fert de paffage pourfaciliter le commerce des païs de Ga- tinois,de Hurepois, & dela Beauffe, auec ceux de Brie & de Cham- pagne. Il fe trouue efcrit en quelques vicux Regiftres de la ville, que ce pont a efté baftyll'an de noftre Salut quatre-vingt deux, qui feroit la premiere année de l'Empire de Titus , fils de Vef- pafien mais il y a de l'apparence que les premiers caracteres de cette datte ont efté effacez par l'iniure du temps. Toutefois il eft certain que Charles le Chauue fit fortifier le pont du cofté de la Brie par le moyen de ce petit Chafteau dont nous venons de parler , lequel ( au temps que l'on n'vfoit point d'artillerie) eftoit d'affez bonne deffence , à cauſe qu'il eft flanqué de cinq: tourelles , & eftoit attaché à vnc haute tour qui luy feruoit de donjon. Le Chafteau eft maintenant enruine ; &cette tour que l'on appelloit le Hourdy , a efté ſapée iufques aux fondemens. Gregoire de Tours fait mention d'vn pont fcis dans le territoi- re de Paris , qu'il appelle vrbienfis. Ses Interpretes , & autres, qui à fa relation en ontvoulu parler , font bien empeſchez où ils trouueront ce pont Vrbienfis : fon interprete l'appelle le pont de la riuiere d'vrbi. Belle- foreft dit que c'eft le pont de faint Cloud; & Fauchet dit que c'est le pont de Charanton. l'ayau- tre-fois eftimé que c'eftoit le pont de Corbeil, & qu'il falloit dire Corbolienfis , fuiuant leftile de Sugger : mais il eft certain qu'il faut lire vrgienfis , & que c'eftoit vn pont baſty fur la riuiere d'Orge , que les Latins ont appellé vrgia , & que fur l'vn des ponts de cette petite riuiere les foldats du Roy Chilperic furent -défaits par Afclepias , Capitaine de Gontran Roy d'Orleans,Liure 1. Chapitre II. lequel eftoit forty d'Estampes , & autres lieux des confins de la Beauffe, qui n'eft pas beaucoup efloignée de la riuiere d'Orge. Ce qui eft de plus remarquable en la ville de Corbeil, c'est que fes trois portes ont leurs aucnues & fortics en trois diuerfes Pro- uinces , encore que le corps entier de la ville foit compris dans le Gaftinois. En cette contrée eft la porte de S. Nicolas , à coſté de laquelle il y a vn beau pauillon couuert d'ardoife , qui fert ' d'Hoſtel de ville , où les habitans s'affemblent quand ils veulent deliberer de leurs affaires publiques. Cette porte eft fortifiée de terraffes , bouleverts &efperons , qui la couurent. A l'encogneu- re de la muraille qui tourne fur la riuiere de Seine, vers le port S. Laurens il y auoit vne tour quarrée , dite le Donjon qui a efté abbatuë iufqu'au premier eftage , & a efté enfermée dans l'efperon , que le fieur de Tregny fit baftir des demolitions de l'Eglife S. Nicolas, qui eftoit dans le Cimetiere , proche la por- te de la ville. A l'autre bout de la ville eft la porte , dite de Pa- ris , à cauſe qu'elle ouure le chemin à cette ville capitale du Ro- yaume. Souz le pont-leuis de cette porte paffe vn bras de la ri- uiere d'Estampes , qui fait en cet endroit moudre les moulins bannaux du Roy, qui feruent pour toute l'eftendue de la Cha- ftellenie. Ces moulins font pofez droit au deffous de la tour de Corbulo , qui fert de logement au Capitaine de Corbeil. Et eft àremarquer, qu'en cét endroit la riuiere d'Eftampes fait la fe- paration du Gaftinois & du Hurepoix. La troifiefme porte de la ville a fon iffuë par deffus le pont de Seine, au trauers le Cha- fteau , pour entrer dans la Brie. La ville eft entourée de bon- nes murailles , garnies de tours , guerites , & efperons , le tout fouftenu de rempars de terre, pour garantir la ville & ſes habi- tans des inondations de la riuiere de Seine , & les preferuer du pillage & rapine des gens de guerre. Lafituation de la ville, & la difpofition des lieux circonuoifins fournit d'vne autre com- modité contre les defbordemens de la riuiere de Seine : car elle trouue fa décharge, & vn paffage facile par dedans le foffe de la ville , & fe vuide par le canal de la riuiere d'Eftampes ; Sans cette vuidange naturelle la ville courroit fortune d'eftre quel- quefois fubmergée. La ville de Corbeil eft tellement reſtrainte entre ces deux riuieres , qu'elle fe peut nommer Peninfule ; auffi les maiſons des Bourgeoisyfont fort ferrées: auec cela elles font BijIZ Antiquitezdela ville de Corbeil, La troifiefme Eglife eft dediée à Dieu , fouz le nom de faint Guenault, pource qu'en icelle repofent les deuotes Reliques de ce faint Abbé, que le ComteHemon yfit apporter, apres auoir fait baftir cette Eglife , & fondé le feruice d'icelle pour entre- tenir cinq Preftres feculiers. Auiourd'huy elle eft deferuie par vn Religieux de l'Abbaïe S. Victor , fouz le titre de Prieur de S. Guenault. La quatriefie Eglife eft appellée S. lean de l'Hermitage , autrement dit le petit S. Ican , pour le diftinguer de S. Ican en Fifle , qui eft vne Commanderie qui dépend des Cheualiers de Malte, fize entre Corbeil & Effonne. C'eftoit vn petit Prieuré qui dépendoit de l'Abbaïe de S. Maur des Foffez , qui eft à preſent à l'Archeuefehé de Paris. Il y a maintenant vn Con- uent de Religieufes. La cinquiefme Eglife eft la Chapelle de l'Hoftel Dieu , ac- compagnée de logement pour la retraite des pauures paffans ; pour l'Adminiſtrateur , fon Chappelain , auec le train & mefna- ge requis à telles maifons. Theuer qui en a efté l'Adminiſtra empreffées par les baftimensde cinq Eglifes , y conftruites, aued les logemens des gens d'Eglife qui la deferuent. La premiere Eglife eft celle de noftre Dame , baſtie d'vne fort belle ſtructu- re , qui reffent fort fon antiquité : le portail eft orné de grandes Atatues de pierres de lierre, qui reprefentent les figures de quel- ques Rois , Reines, & perfonnes venerables , fans aucunes de belles in- feriptions. Le baftiment de cette Eglife eft enrichy voûtes tant au faifte de l'Eglife , qu'aux Chapelles qui font à l'en- tour, lefquelles ont leur veuë & fortie par le Cimetiere , au bout duquel eft la maifon du Curé , & des Preftres qui y celebrent le feruice diuin. Cette Eglife eft encore ornée d'vn tres-beau clo- cher, entierement bafty de pierre de taille , en forme pyraini- dale , dont la pointe eft eflcuée par deffus les montagnes voifi- nes , &fert à defcouurir les aduenues de la ville , pour empel- cher les furprifes en temps de troubles & guerres ciuiles. La feconde Eglife eft celle de S. Spire , plus fpacicufe & ce- lebre, à caufe des Corps Saints qui y repofent : outre que la fo lemnité de la feſte de S. Spire y attire vn nombre infiny de Pe- Ferins , qui ont de coutume d'y venir chercher la guerifon de leurs maux.Liure I. Chapitre 11. 13 Laplace où se tient le Marché eft fituée au milieu de laville, elle eft faite en triangle , d'où fortent trois ruës qui conduifent- aux trois portes de la ville. Aux enuirons de la Croix , qui eft efleuée au milieu du Marché , fe fait la vente des grains , & au- tres marchandifes que l'on apporte les jours de Mercredy , Ven- dredy & Samedy, pour y eftre venduës & debitées. Au coſté droict de cette place eft l'Hoftel Dieu , & l'Auditoire de la Iu- ftice Royale, le Greffe , & les prifons. De l'autre cofté eft l'E- glife de noftre Dame , & les boucheries. Il paffe au trauers de la ville vn bras d'eau de la riuiere d'Estampes , qui fait moudre vn moulin, dit de la Boucherie. Anciennement ce canal & bras d'eau feruoit de foffé au Chafteau de Corbeil ; ce qui fe peut connoiftre par les termes de la Legende de S. Spire, & par les Leçons qui fe lifent en fon Eglife le iour de la fefte du Sain&t ; & pareillement par la Charte du Comte Bouchart , dont fora fait mention cy-apres. CHASTELENIE de Corbeil. III. PRES auoir fait la defcription de la ville de Corbeil, nous eſtimons eftre neceffaire de repreſenter l'eften- due & le reffort de la Chaftellenie. Pournous guider par fes campagnes , monts & valées , nous nous ayde- rons de la Pancarte du Chaſtelet , qui contient vne fimple de- nomination des lieux & places de fon territoire, aufquels nous teur, a efcrit qu'il auoit efté fondé par la Reine Adelle , ce qui n'eft nullement conforme aux lettres antiques de cette Maiſon, ainfi que ie feray voir cy- apres au Chapitre qui traite de cette Reinc. Outre ces cinq Eglifes il y auoit vne fainte Chapelle à deux eftages , que S. Louysauoit fait baftir , au boutde la falle de fon Hoftel; le lieu eftant tombé en ruine ces années dernieres , on a cfplanadé le lieu pour accommoder le logement du Capitaine. DE LA CHAPITRE Bij14 Antiquitez de la ville deCorbeil, adioufterons les noms des Seigneurs de chacun lieu , auec les droits de luftice dont ils ioüiffent à prefent, à quelque titre que ce foit. Cette Pancarte eft conçeue en ces termes. Cefont les noms des villes & villages de la Chaftellenie de Cor- beil, appartenans, fortiſſans , fubiects &iufticiables , venansref pondre à l'Auditoire du Roy noftre Sire à Corbeil. * Afçauoir du cofte de la Beauffe. CORB RBEIL, ville portant titre de Comté, eft le lieu domi- nant fur les lieux cy-apres dénommez , qui doiuent venir refpondre ( les vns en premiereinftance , les autres en cas d'ap- pel) pat deuant le Preuoft de Corbeil , eftably : auec vn Pro- cureur du Roy, Greffiers , Huiffiers , Procureurs , Notaires , & autres Officiers neceffaires à l'exercice de la Iuftice. Couldray , Paroiffe & village duquel Maitre François Tronçon, Correcteur en la Chambredes Comptes à Paris , eft Seigneur, & y a droict de haute , moyenne, & baffe Iuftice , au reffort de Corbeil. Monceaux, Paroiffe & village , où il n'eſt demeuré que peu de maiſons és environs de l'Eglife : ce villageauec fes hameaux, releuent de la Preuofté de Corbeil. Pleẞis-Chefnay, Village fitué fur le grand chemin de Lyon, & deFontaine-bleau, dont partie eft de la Paroiffe deMouceaux, l'autre partie de la Paroiffe de Couldray. Tornanfils , font deux Fermes entourées debocages , poffedées par le fieur Chopin, qui eft auffi Seigneur de Mouceaux , & enpartie du Pleffis - Chefnay, le tout refpond en premiere in- ftance à la Preuofté de Corbeil. Saint Fargeau, groffe Paroiffe, la Seigneurie appartient à Iean des Champs, fieur de Marcilly , qui a tout droit de Iuftice, qui reffortit àla Barre du Chapitre de Noftre Dame, dont cet- te Seigneurie a eſté diſtraite. Villiers, eft vnpetit hameau fiz dans la Paroiffe de S. Fargeau, qui appartient au Prefident de Hacqueuille. Tilly, nouuelle Paroiffe erigée en faueur du Prefident le lay , ou il a fait baftir le Chafteau de la Maiſon Rouge,& où il a acquisLiure I. Chapitre III 15 du Roy tout droit de Iuftice, au reffort du Chaftelet de Paris. Ionuille , terre Seigneuriale qui appartient à Iacques de Caftel- nau , fieur de la Mauuifiere, qui l'a acquife des Moines de la Charitéfur Loire , auec droit de moyenne Iuftice au reffort de Corbeil. Les Bordes, eft vne maiſon Seigneuriale , qui appartient au ficur des Friches , auec droit de moyenne & baffe luftice au reffort de Corbeil ; Cette maiſon & la precedente font dela Paroiffe de S. Fargeau. Ponthiery , hameaufiz fur le grand chemin de Lyon , dont partie eft de la Paroiffe S. Fargeau , l'autre partie de Pringy. Le Rû d'Efcole qui paffe au trauers du hameau , fait en cét endroit la feparation de la Chaftellenic de Corbeil, & du Baillage de Melun. Moulignon, eft vn hameau enclaué en la Paroiffe de S. Fargeau, où il y a vne Eglife furcurfale pour le foulagement des habi- tans. Ce Chafteau & la Seigneurie appartiennent à François Mazoyer, fieur de Ville- Serin , auec moyenne & baffe Iufti- ce, au reffort de Corbeil. Auffonnetes, village où la Pofte eft eftablie pour Lyon : la Sei- gneurie & la Iuftice du lieu font joints à celle de Mouli- gnon. Boulineau, groffe ferme au cul d'vn grand bois , jointe au Mar- quifat de Villeroy, de la Paroiffe S. Fargeau, mod Auvergnaux, Paroiffe & villagefiz fur le cheminde Lyon; il dé- pend de la Commanderie du Saulfoy où l'on exerce moyen- , ne & baffe Iuftice, au reffort de Corbeil. Portes, petit village & Paroiffe dépendant du Marquifat de Villeroy. Chancueil, village & grande Paroiffe, iointe à Villeroy ; toutes- fois les village & hameau de Souteuille , & du Buiffon , font de la Iuftice de Corbeil. Beauuais, hameau de la Paroiffe de Chancueil, où la Poſte a eſté eſtablie pour le chemin de Lyon , il eſt du Marquiſat de Vil- leroy. Moncelets, ferme & hameau font de la meſme teneurè que precedent.16 Antiquitezde laVille de Corbeil, VU Lieux fituez au Hurepoix. Mondeuille, gros village & Paroiffe, remplie de petite Nobleffe; il dépend de l'Abbaye du Port- Royal, auec toute Iuftice au ..reffort de Corbeil. Cheuanes , Paroiffe & village , dont vne partie eft de la Iuftice deCorbeil , l'autre de Villeroy. Tiron, &la Veruille, font deux fermes du Marquifat. Ballancourt, Paroiffe & gros village, que le Chapitre de S. Spire a tranſporté au Seigneur de Villeroy. Paluau, hameau dela Paroiffe de Ballancourt , & de la meſmete- nure; C'eft dece lieu d'où le Comte Hemon tira les Reliques de S. Spire. Fontenay, Paroiffe & bon village ; c'eftoit l'antique Domaine des Vicomtes de Corbeil, dontil a retenule nom : il eft à pre- … fent du Marquifat Villeroy, beau Chafteau erigé en Marquifat, qui a efté composé des Fiefs & villages dont les noms enfuiuent ; Beauuais, Mene- cy, Fontenay , Noifement, Malcuoifine , Creue- cœur, Lapa- dole, Quinete , Meffis , Chancucil, Mouceles , Moutils , Bou- lon, Chupin , la Couldraye, Villc- feu , Montigny , Bataille, Ormoy, & autres fiefs & terres , tous lefquels vnis enſemble, portent leur foy & hommage au Chafteau du Louure, & re- leuent les appellations de la Iuftice au Chaſtelet de Paris. Quant à Menecy, & Ormoy, mentionnez en la Pancarte , il n'eſt pointdebefoin d'en parler dauantage, parce qu'ils font com- pris en l'article precedent.. ILLABE , Paroiffe & village , qui auec la Seigneurie de Copeaux, appartient aux hoirs de Hector de Budé , aucc droit de Iuftice, moyenne & baffe patrimoniale, & enl'achapt qu'ils ontfait du Roy de la haute Iuſtice, il eſt énoncé qu'elle releueroitau Chaftelet de Paris. Ville-oifon, hameau dela Paroiffe de Villabé,qui eft aux hoirs du Treforier Chahu, qui pretendent que toute la Iuftice du lieu leur appartient, au moyen de l'achapt de la Iuſtice men- tionné enl'article precedent. Efcharcon,Liure I. Chapitre III. 17 Courcouronne, Paroiffe & village , dontla Seigneurie eft my-par- tie entre le Prieurde S. Guenault , & le fieur du Peray, à cauſe de fa Seigneurie du Pleffis Briart : ils ont droit de moyenne Iuftice au reffort de Corbeil. Efcharton, Paroiffe &village , où Monfieur Bouguier Confeiller en Parlement afon Chafteau, auectout droit de Iuftice , acqui- fe du Roy, aureffort de Corbeil. Brazeus, Maiſon Seigneuriale, fize en la montagne de Montau- ber, appartenant à Charles de Gouffier : elle eft de la Preuofté de Corbeil , encores qu'elle foit dela Paroiffe deValgrand. Bondouphle, Paroiffe & village, où il ya diuers Fiefs , qui releuent de diuers Seigneurs des Chaftellenies de Corbeil & Mont- le-hery, à caufede ce meflange des conteftations , les habitans portent vne partie deleurs appellations au Chaſtelet de Paris. Life , Paroiffe & village ; la Seigneurie defquels Monfieur l'Anglois ajoint à fa maifon de Beau-repaire, par l'achapt qu'il en a fait de Monfieur l'Archeuefque de Paris , Abbé de S. Maur. Ila moyenne &baffe Iuftice, qui releue à Corbeil. Place , Chafteau fiz en la Paroiffe de Liffe , lieu qui demeure ho- noré de la naiffance de Monfieur de Verdun , qui a efté pre- mier Prefident és Parlemens de Paris & Thoulouze : il cft de la Preuofté de Corbeil. Montblin, Maifon Seigneuriale qui appartient à Monfieur Bou- guier : elle eft en la Paroiffe d'Eſcharcon. Pleßis Chalan, Maifon de campagne, fize en la Paroiffe de Liſſe, qui appartientaux hoirs du Treforier Aligret, auec baffe Iuftice auseffort de Corbeil. Orangis , Paroiffe & village, qui appartient à Madame de Mar- chaumont. Vizi , Paroiffe &village , fur la pante d'vn cofteau. Chaftillon , hameau de la Paroiffe de Iuvify. Chages, maiſon champestre , laquelle auec les trois derniers C Montauger, maifon champeftrefur la riuiere d'Eftampes, rebaſtie par le fieur Chahu , apres l'auoir acquife du Commandeur de S. Ican en l'Ifle. Fleury Merogis, Paroiffe & village, qui appartient à Monfieur Io- ly Aduocatau Grand Confeil ; le Fief releue de Yerre, & la Iu- ftice de Corbeil.18 Antiquitez de la ville deCorbeil, articles releuent du Roy , à cauſe des Chaftellenies de Cor- beil, & Mont-le- hery ; la plus grande partie des Fiefs & Sei- gneuries deces lieux , appartiennent au Comte de Saux , Sei- gneur de Sauignyfur Orge, lequel prenant fujet de la contefta- tion des Officiers des Chaftellenies de Corbeil, & Mont- le- he- ry, porte d'authorité priuée fes appellations deuant le Preuoſt de Paris. Grigny, Paroiffe &village , dont la Seigneurie &la Iuftice appar- tiennent à Iofias Mercier, fieur des Bordes , & releue à Corbeil. Pleßis le Comte, Paroiffe &petit village , duquel le Fief & la Iuſti- ce appartiennent au fieur de Grigny. Riz, Paroiffe & village qui appartient à Monfieur Faulcon pre- mier Prefident en la Cour de Parlement de Rouen : il relcue les appellations à Corbeil. La Borde, hameau fiz fur la riuiere de Seine , qui eft de la Paroiſſe & Iufticede Riz. Fromont, ancienne maiſon des Templiers , poffedée par le fieur de Nouueau , qui jouït de la haute luftice , reffortiffant à Corbeil. Bout, hameau de la Paroiffe d'Evry , il eft diuifé en deux Sei- gneuries. Bout le grand appartient à Madame de Longueil, auecmoyenne Iuftice. Le petit Bout a apppartenu cy- deuant à Me André Courrin , qui y auoit bafty vnebelle maifon , la- quelle a efté paracheuée par le fieur Galand , Greffier du Con- feil, qui ya employé tous les artifices poffibles pour l'enrichir, de quantité de Statues , de Iardins , Fontaines , Caſcades , & autres ornemens , pour la rendre fignalée entre celles de fon voifinage. Effonne, bourg & Paroiffe, eft de la Seigneurie du Prieur de No- ftre Dame des Champs ; c'eft vn membre dependant de l'Ab- baïe de S. Denys , par le priuilege de laquelle il porte fes ap- pellations au Parlement de Paris. Chante-mefle, belle maifon , fituée entre Effonne & S. Iean en l'Ifle : elle appartient au fieur Heffelin Confeiller du Roy en fes Confeils , Maiftre d'Hoftel ordinaire de fa Maiſon , & defa EvryfurSeine, Paroiffe &village de l'ancien Domaine de l'Ab- baïe de S. Maurdes Foffez , par la donnation du Comte Bou- chart : auffi la Iuftice reffortit à Corbeil.Liure I. Chapitre III. 19 Chambre aux deniers , lequel fe feruant dela commodité de l'eau de la riuiere d'Eftampes qui paffe au trauers de fes Iar- dins, en efleue des Fontaines & Cafcades , faites par artifice noncommune, leſquelles attirent les perfonnes les plus curieu- ſesau doux murmure de fes eaux & beauté des jardinages de cette Maiſon. Vauxfur Effonne, eft vne petite Ifle de la riuiere d'Eftampes , où il refte des maſures de l'Hermitage S. Guillaume , la Seigneu- rie du lieu eft jointe à Villeroy. Les Bordes, font quelques moulins & maiſons qui bordent lari- uiere d'Eftampes entre Corbeil & Effonne , dont vne partie eft de la cenfiue & Iuftice de S. Iean en l'Ifle : l'autre partie eft de la cenfiue du Prieur S. Guenault , & dela Iuftice du Preuoft de Corbeil. MoulinGalan , eft vn hameaudela Paroiffe d'Effonne, où il y a des • moulins à bled, à papier, & pour tailler des diamants , dansvn beau Pauillon baſty par le fieur Chahu. TIOLES , Paroiffe &village , le fieur le Vaffeur Receueur Ez fort de Corbeil. Parisen ilyadroit nu Soify,Paroifle & village auecbeau Chafteau, appartenant à Mon- fieur le Preſident de Bailleul ; il a toute Iuftice qui reffortit en la Preuofté de Corbeil. Champrozay,hameau dela ParoiffedeDraueil,dans lequel l'Hoftel Dieu, l'Abbé de Sainte Geneuiefue , & l'Abeffe de Poiffy ont cenfiues , & quelques droits de Iuftice au reffort de Corbeil . Draueil, Paroiffe & village , duquelles Dames de Poiffy, ont la plus grande partie de la Seigneurie, & la Iuftice ; Les Seigneurs L'Hospital de S.Iean en l'Ifle, eft vn Prieuré affecté aux Preftres de l'Ordre de S.Iean de Ierufalem , dits de Malte ; il y a vne belle Eglife, grand Palais , & maifon commodepour le Prieur & fes Religieux. Frere Iacques de Harlay en eft titulaire , & y a droit de haute , moyenne & baffe Iuftice au reffort de Corbeil. Villages & Seigneuries de la Brie, Cij20 Antiquitez de la ville de Corbeil, de Boiffize , &de Mouceaux y ont des maifons feodales , auec pretenfion de quelques droits de Iuftice au reffort de Cor- beil. Vigneux , Paroiffe &petit village appartenant à la Damede Reil- lac, quia droit de moyenne Iuftice aureffort de Corbeil. Rouures , hameau de la Paroiffe de Vigneux , où le fieur general Beauclerc a vne belle maiſon feodale , qui releue de la Vicomté de Corbeil , &la Iuftice dela Preuofté de Corbeil. Mongeron, Paroiffe & villlage, appartenant à Monfieur Bruflard Confeiller au grand Confeil ; il a droit de moyenne & baffe Iuftice au reffort de Corbeil. Sanlices, eft vnmoulin fur la riuiere de Seine. Chalandray, hameau de la Paroiffe de Mongeron , appartient aux Religieufes de S. Antoine , lefquelles fans raifon rele- uent leur luftice au Chaftelet de Paris. Crofne, beau Chafteau fiz fur la riuiere d'Yerre ; il eft à Monfieur Bruflard fieur de Genlis : il a tout droit de Iuftice au reffort de Corbeil. Terre, ancien Chafteau poffedé par ceux de la famille de Budé, qui pretendent auoir droit de Chaſtelenie , & fouz cette cou- leur le font diftraits du reffort de Corbeil, combien que leur Fiefen relcuc. 1 Mainuille, hameau de la Paroiffe de Draucil , appartenant à Monfieur de Comartin , Garde des Seaux de France , le Fief & la Iuftice releuent de Corbeil. Au village d'Terre ilya vne ancienne Abbaïe de Filles de l'Or- dre de S. Benoift , de laquelle, Dame Catherine des Vrfins cft Abbeffe, la fondation fera cy-apres rapportée en fon lieu. Brunoy, Paroiffe & village auec fon Chafteau , qui eft vn des plus anciens Fiefs de la Comté de Corbeil ; le Comte de Lau- noy en eft Seigneur : fa Iuftice reſortità Corbeil. Efpinay, Paroifle & village qui defpend de l'Abbaïe de Sainte Geneuiefue de Paris. Quincy, Paroiffe &village poffedé par Maffoni Italien : la Iuftice eft du reffort de Corbeil. Boucy S.Antoine, Paroiffe &village , dépend de la Commande- rie du petit S. Antoine de Paris ; François d'Amifon en eſt Commandeur: la Iuftice de ce lieu reffortit à Corbeil.Liure I. Chapitre III. 21 Perigny , Paroiffe & village , qui en partie eft à Monfieur Picart Confeiller aux Requeftes du Palais ; partic au fieur Nicot Se- cretaire du Roy , lefquels ont droit de Iuftice en leurs Fiefs au reffort de Corbeil. Iarcy, Abbaïe de Filles de l'Ordre S. Auguftin , Dame Leanne des Prez en cft Abbeffe ; elle a droit de Iuftice, reffortiſſant à Corbeil. Mandre, Paroiffe &village, qui appartient en partie aux Char- treux de Paris, & partie au fieur de Meurs , auffi la Iuftice de l'vn reffortit à Corbeil,& celle de l'autre va à Brie- Comte- Robert. Atilly, Paroiffe & village , qui appartient à Monfieur Bruflart Chancelier de France , auec droit de moyenne & baffe Iuftice, au reffort de Corbeil. Villecrefne, Paroiffe & village, dont la Seigneurie a efté de nou- ueau acquife par Monfieur d'Angoulefme , auec droit de luſtice aureffort de Corbeil. Cerçay, hameau de la Paroiffe de Villecrefne , auffi acquis par Monfieur d'Angouleſme , pour la ioindre au Domainede fon Chafteau de Gros- bois. Chevry, Paroiffe & village, appartenant au Duc de Cheureuſe, auec la Iuftice , au reffort de Corbeil. Corbeil. Pay, belle maifon, du Treforier du Moulin, fize en la Paroiffe de Coffigny. Grify, Paroiffe & village, dans lequel le College de Tours, fiz à Paris,a vn Fief, auecdroitdemoyenne & baffe Iuftice , quirc- Seruon , Paroiffe & gros village , où le fieur de Lione a vne belle maiſon, auec droit de moyenne Iuftice au reffort de Corbeil. Villemenon , beau Chafteau, bafty par le general Poncher, fiz en la Paroiffe de Seruon; il appartient au fieur Paul Parent , qui fe dit haut Iufticier dans le village de Seruon, dont il a eu de grands procés auec le fieur de Lione, par les Arreſts du 13. May, l'an mil fix cens , & 18. Mars milfiz cens vnze , le reffort a eſté conferué à la Preuofté de Corbeil. Maroles, Touffus , Auberuilliers , &Liffy, mentionnez en la Pan- carte, fe fontéclipfez du reffort de Corbeil. Caßigny , Paroiffe &village , duquel le fieur du Pré , Correcteur en la Chambredes Comptes eft Seigneur : la Iuftice reffortit à Cüj (22 Antiquitezdela ville deCorbeil, 1 leue à Corbeil: lefurplus dépend du Chafteau de la Grange le Roy, qui porte fon reffort à Brie-Comte- Robert. Suifnes, hameau de la Paroiffe de Grify , qui appartient au fieur Louuet , Maistre dela Pofte deParis , auec droit de baffe Iu- ftice au reffort de Corbeil. Fontaines , hameau de la Paroiffe de Sougnoles : il appartient à Monfieur d'Elpernon : il releue de Corbeil. Cordon, de la mefme Paroiffe, appartient au fieur Bourdin Be- fonuille , auec droit de Iuftice au reffort de Corbeil. La borde, le Mefnil, & Coubert , appartiennent au Seigneur Ma- reſchal de Vitry, qui fe retire deuers le Bailly de Brie- Comte- Robert. Sougnoles, village & Paroiffe , où il y adiuers Fiefs , les vns ref pondent à Corbeil , les autres à Melun , autres à Brie- Comte- Robert. La Burelle, hameau de la mefme Paroiffe , il appartient à Maiſtre Claude Portas , dont le Fief releue du Vicomté de Corbeil,par- quoy la Iuftice y deuroit reffortir. Liuerdis, Paroiffe &village, qui appartient au Prefident Granger; le Seigneur d'Yerre en a retiré lereffort dela Iuftice , fouz om- breque le Fiefreleue de luy. Forcille , appartient au ficur Iean de Merle, qui releue fa Iuftice à Corbeil. Evry enBrie, Paroiffe &village, où Madamede Villetiers, veufue de Monfieur de Chappes Preuoft de Paris , a droit de Iuftice aureffort de Corbeil. Pleßis les Nonnains, ainfi dénommé , à caufe que les Religieufes d'Yerre font Dames de celieu. Mardilly, hameau de la Paroiffe d'Evry, appartient à Antoine le Roux , fieur de Tafchi : il a droit de Iuftice au reffort de Corbeil. Gregy, Paroiffe & village , appartenant à Guy & Antoine de Brennefreres , qui fe difent fortir de la tige de la maiſon de Brenne, quia donné des Rois à Ierufalem, & à Naples : leur Iuftice reffortit en la Preuofté de Corbeil. Senfales , hameau dela Paroiffe de Brie-Comte- Robert , appar- tient à Maiſtre Iacques le lay , Maiſtre des Comptes Paris.Liure I. Chapitre III. 23 Varenne, Paroiffe & village, appartenant à Charles de Fleury, fieur du Luat: la Iuftice baffe & moyenne reffortit à Corbeil. Vaux la Reine , Maiſon Seigneuriale , appartenant au fieur de Riuiere, auec droit de Iuftice au reffort de Corbeil. Coms-la-Ville , Paroiffe & grand village , duquel la plus grande partie de la Seigneurie appartient audit fieur de Riuiere , auec droit de Iuftice au reffort de Corbeil. Les autres perfonnes quiont des Fiefs en ce village , vfurpans la Iuftice, refuſent le reffort. Moysy- l'Euefque , Paroiffe & village , qui fe qualifie Chambre Epifcopale de l'Eglife de Paris ; par priuilege s'exempte du reffort. Lugny, vieil Chafteau qui appartient à Iean Fufée, ficur de Vois- nom ; releue fon Fief de Grigny , mais reconnoift la Iuſtice de Corbeil: il eft fitué en la Paroiffe de Moiffy. Noifement, Chafteau ruiné , en la mefme Paroiffe. Chanteloup, Ferme en la mefme Paroiffe. Chaintreau, autre ferme d'icelle Paroiffe , qui appartient aux Da- mes de l'Abbaïe du Lys ; ces quatre lieux derniers ne recon- noiffent autre luge que le Preuoft de Corbeil. Cramoyau, beau Chafteau en ladite Paroiffe de Moiffy ; il appar- tient à Robert de Grouches , fieur de Gribonal , auec les ha- meaux de Tremblefeau , &Môny, où il fait exercer Iuftice au reffort de Corbeil . Lieu-faint, Paroiffe & village , dont la Seigneurie &la Iuftice appartiennentaux Chartreux de Paris; ils refpondent à Corbeil. Villepefque , vieil Chafteau &hameau fiz en la Paroiffede Lieu- faint, appartient aux fieurs de Fontaines , auec Iuftice qui rele- ue à Corbeil. Varastre , maiſon Seigneuriale de Monfieur Gayant , Preſident aux Enqueftes , il dit auoir droit de luftice au reffort de Corbeil. Ormoye, Paroiffe & petit village appartenant aux ficurs de Poftel, auecmoyenne Iuftice au reffort de la Preuofté de Corbeil. Granois, petit hameau de la Paroiffe d'Etiole: il eft de la Iuftice de la Preuofté de Corbeil. Villelouvette , Ferme, qui eftoit de la Maladrie de Corbeil , a efté attribuée à la Fabrique de l'Eglife de Noftre Dame.24 Antiquitez de la ville de Corbeil, Tigery, village, partie de la Paroiffe de S. Germain, partie d'E- tiole : il y a beau Chafteau , auquel eft jointe la Vicomté de Corbeil ; la Iuftice reffortit à la Preuofté de Corbeil. Au village de Trigery il yavne autreSeigneurie, dite la Tour de Trigery, quiappartient aux hoirs du fieur du Bois. La Grange à la Preuofte, prés le village de Genouilly, où Mon- fieur Seuin Confeiller en la Cour de Parlement a fait eſtablir vne nouuelle Paroiffe pour la commodité defon Chaſteau. La grange de Senart, eft vn hameau qui dépend de l'Abbaïe d'Yerre ; il eft de la Paroiffe d'Etiole , & de la Iuftice de Cor- beil, Saintry, Paroiffe & village appartenant à lacques Bernard fieur deMontgermont , auecdroit de Iuftice , dont il a fait diftraire lereffort de Corbeil. Vilededon, hameau de la Paroiffe de S. Pierre de Peray , qui ap- partientauChapitre S. Spire , auec la haute Iuftice du lieu , au reffort de Corbeil. Mory le grand, eft vneferme appartenant aux Bourciers du Col- lege du Cardinal le Moine à Paris. Les Clos , autre ferme qui eft au prefident Gayen. La Roterie, petite maiſon feodale, qui eft au ficur de la Ioigniere. Ces quatrelieux derniers font de la Paroiffe de Peray , & de la Preuofté de Corbeil. Seruigny, eft vneferme en la Paroiffe de Lieu-faint; elle dépend d'vne Chappelle de l'Eglife des Innocens dans Paris. Peray, Paroiffe & village, la maifon Seigneuriale eft à Monfieur Tronçon Secretaire du Cabinet. Le Chapitre S. Marcel de Paris y a droit de quelques difmes, cenfiues, & rentes. Decet- te Paroiffe dépend le faux-boug de S. Leonard, oùily a vne Morfan , Paroiffe, & petit village , qui cft aux hoirs du ficur le Favre: il eft de la Preuofté de Corbeil. Nandy, petit Chafteau , où la Dame Doüairiere de Vitry faitfa demeure : il eftoit anciennement de Corbeil ; mais les Sei- gneurs de Vitry- Coubert en ont porté l'appel à Brie- Comte- Robert; encore qu'aucun des lieux circonuoifins ne refponde à ce Baillage. Mory lepetit, autrefermequi eft aux hoirs du ficur Preuoft Cham platreux. EglifeLiure I. Chapitre III. 25 Eglife furcurfale pour la commodité des habitans , affez fre- quens en celicu , à raifon du paffage du Pont de Seine , abou- tiffant à la place de S. Leonard. Tout ce qui eft de cette Pa- roiffe eft de la Iuftice du Preuoft de Corbeil. Vieil Marché, hameau , partie de la Paroiffe de Peray , partie de celle de S. Germain du vieil Corbeil, qui fait croire que l'an- cienne ville de Corbeil comprenoit dans fes murailles le vicil Marché, & Peray : les maifons de ce lieu font de la cenfiue de diuers Seigneurs , & de la Iuftice de la Preuofté de Corbeil. Villeret, eft vn Fief& vneMaiſon champeſtre, qui en foy & hom- mage releuc de Villepefque. Touraille , eft vne ferme en la cenfiue du fieur de Saintry ; elle appartient, auec la precedente,au fieur du Preffoir : elles font de la Preuofté de Corbeil. Val-Coquatrix,maiſon feodale, qui a efté rebaftic parleCommif- faire Thibeuf . En ce lieu il y a vne voûte fouz vne tour quarée, d'où ilfortvne fontaine, où le vulgaire dit que la Reine Adelle venoit fe baigner , pour fe purger defa Ladrerie ; ce qui fera defcrit en fon lieu. Cette mailon eft fituée en la Paroiffe S. Germain : depuis peu il s'y eft introduit vne Iuftice que l'on oftend au loing, &au large. Vieil Corbeil, cenom démonftre que c'eſt la plus ancienne place du païs; c'eft où nous auons dit que les habitans de Corbulo fur Loire eftoient venus fe refugier: à prefent lelieu eft fort dé- peuplé, & n'y refte que peu de maifons és enuirons de l'Egliſe S. Germain ; le baſtiment de laquelle eft d'vne structure fort gentille & agreable à la veuë : elle est fondée de bon reuenu, pourbien entretenir la Fabrique, & le Seruice diuin. La Paroiffe de S. Germain comprend non feulement le vieil Corbeil, la Moitié du vieil Marché, vnebonne partie du village de Tigery, mais encore tout le faux- bourg S. Iacques ; combien qu'eniccluy il y avnebelle Eglife dediée à l'Apoftre qui a donné fon nom au Faux-bourg: ellefert de fecours pour foulager les ha- bitans , & les exempter de monter au vicil Corbeil. Cette Eglife de S. Iacqués appartenoit aux Templiers , auec les maiſons , preffoirs , & heritages qui l'enuironnent , & partie Deuant la porte de cette Eglife, eft la belle maifon du ficut Re- gis; elle a efté depuis jointe au Val- Coquatrix. Ꭰ.26 Antiquitezdela ville de Corbeil, •. des difines de la Paroiffe ; par la donation qui leur fut faite par Marguerite de la Grange , l'an de grace mil deux cens foixante- fept. LesCheualiers de Malte ontfuccedé aux Templiers , à tous les heritages qu'ils auoient és enuirons de Corbeil , &l'ont joint au Prieuré, & Commanderie de S. Iean en l'Ifle. Cefaux- bourg S, Lacques eft fort peuplé & remply d'Artiſans, & Manouuriers : tout le commerce du païs s'y faifoit ancienne- ment. Le quartier du Tremblay s'eft conferuéfeul en la cenfiue du Roy : le reste du faux-bourg & de la ville en a efté éclipfé par des moyens longs à déduire. Dansle territoire de la Paroiffe S. Germain , il y a vn chantier de terre, que l'on appelle Champ- Dolent ; auquel on dit auoir efté donné ce nom à cauſe de la defaite des Gaulois , & de leur Capitaine Camulodenus , par Labienus Lieutenant de Iules Cefar. Pour la largeur de la Chaftellenic, à prendre depuis Mondeuille en Gaftinois , iufques à Chevry en Brie, elle a fept lieues d'e- ftenduë , prenant la longueur fuiuant le cours de la riuiere de Seine: depuis Boiffifeiufques à Ville-neufue SaintGeorges, elle contient fix lieuës,fçauoir trois lieuës au deffus de la ville, & trois au deffous. Encepaïs, outre les forefts de bois taillis , & haute fuftaye , il y a de longues plaines & vallons , propres au labourage , pour le rapport de toutes fortes de grains , legumes , & fruits. Les co- tauxfonttous plantez de vignes ; & des lieux plus afpres il fetire des pierresmolieres , & des grés : il y a auffi des pierres tendres, faciles à conuertir en chaux ; ces cotaux empefchent , les des- bordemens des riuieres : les vallées & baffes plaines feruent de prairies , d'où il feleue des foins à miliers. En cette contrée il ne manquerien qui foit neceffaire à la Il reste à remarquer qu'en l'eftenduë de la Preuofté & Chaſtel- lenie de Corbeil , il coule &paffetrois riuieres , Seine , Eftam- pes , & Yerre , outre qu'elle eft bornée par deux petits fleuues : - Car le haut de la Chaftellenie commence au Rû d'Efcole , qui vient deMilly pafferà Ponthierry, d'où il va fe rendre dedans la riuiere de Seine , au deffous de Boiffife le Roy. Du meſme coſté la Chafteilenie finit par le bas à la riuiere d'Orge , au Pont de Mons.Liure 1. Chapitre III. 27 vic humaine : l'on y recueille des bleds , auoines , orge, pois , febues , & toutes autres fortes de grains ; des pommes , poi- res, peſches , noix , & autres fruits. Il y croift des vins blancs, & clairets à foifon : il s'y trouue force beftes fauues , noires, rouffes: quantité de gibier à la plume , &au poil : ce quia incité nos Rois d'en faire vne grurie , qu'ils appellent le plaifir du Roy, dont la garde eft commife au Capitaine de Corbeil. Nonobftant toutes ces commoditez le peuple y eft pauure, મે caufe que la plus grande partie des heritages font aux Ecclefiafti- ques , ou bien aux Bourgeois de Paris , excepté quelque peu de Nobleffe efparfe par la campagne. Quant à la manufacture, il ne s'y en fait poïnt , par la noncha- lance du peuple: il s'y debite auffipeu de marchandiſe, à cauſe que tout va à Paris. Les habitans qui jouiffent de quelques heritages , ont moyen de fubuenir à leurs neceffitez; ils paffent le temps le plus joyeuſe- mentqu'illeur eft poffible , fans chagrin. Ceuxqui font contraints de trauailler pour viure , s'ils ne fça- uent point de meftier , leur exercice eſt d'aller à Paris deux fois la femaine , dedans le bateau Corbillard , porter vendre leurs menuës denrées ; & par mefme moyen acheptent ce qu'ils ont befoin & neceffité, pour eux & pour leurs voifins : cela fait qu'il y a toufiours cherté de viure en la ville , de laquelle tout fe porte à Paris , & rien nes'y apporte que par lemenu . Dij28 Antiquitez de la ville deCorbeil, LA VIE VIE DE CHAPITRE IV. ' OBLIGATION que nous auons de conferues la memoiredes Saints Perfonnages , qui ont apris à nos deuanciers àconnoiftre &feruir Dicu, nous conuic de commencer ces Memoires , par le recit de la vie & des actions des Saints , dont les Reli- ques & venerables defpoüilles , ont efté foigneufement gardées en nos Eglifes. De leurs Legendes , & des Autheurs approuuez, nous auons extrait ce que nous allons en efcrire. Le Cardinal Baronius a remarqué , que Saint Denis fut en Epheſe vifiter S.Iean fi toftqu'il fut de retour de fon exil de Path- mos; &que par fon confeil , & à fa perfuafion il entreprit de ve- nir en Gaule annoncer l'Euangile de IESVS - CHRIST : Ce deffein diuulgué entre les Grecs, plufieurs fe refolurent de l'accompa gner. Dece nombrefut S. Yon ( dit en Latin Ionius) bien inſtruit de tous les myfteres de la Religion Chreftienne : car il eſtima qu'il nepouuoit employerfafcience plus vtilement qu'en l'expo- fition dela parole de Dieu, & en l'inftruction du peuple ignorant: luyapprendreàconnoiftre Dieu, & à luy rendre le feruice agrea- ble. Yonic eft vne Prouince de l'Afic Mincure , habitée par les Grecs , en laquelle noftre Patron eftoit né , & pour cela appellé Ionius, & Tonas. En ce long voyage que S. Yon fit auec S. De- nis , depuis la Grece iufques au fonds de la Gaule , il produifit infinis tefmoignages de fa douceur, patience, humilité, & obeïf- fance ; Vertus d'autant plus admirables en vne perfonne de fa qualité , defon fçauoir & defon âge , couuert dela blancheur de fon poil ; l'honnefteté de fa conuerfation découuroit les perfe- tions internes defon ame : Ses paroles eftoient remplies de be- nedictions , &loüanges de la Majefté Diuine ; & employoit fon temps à rendregraces à Dieude fes biens, & des faueurs qu'il en receuoit. Sesdifcours eftoient pleins d'exhortations , d'embraffer DE SAINT YON Martyr.Liure 1. Chapitre IV. 29 la Croix de IEsvs , de laquelletoutes les vertus tirent leurs perfe- &ions. Son déduit eftoit d'inftruire le peuple, & par viues rai- fons luy perfuader que le fouuerain bien de l'homme confiftoit enla connoiffance de Dieu, & en l'obferuance de fes faints Com- mandemens. Apres que S. Denis eut bien reconnû les merites deS. Yon, il ne permit pas quecette lumiere demeuraft cachée fouz le boiffeau : Et fi toft qu'il eut eſtably fa demeure en la Cité de Paris, il employa S. Yyon à la Predication , & publication de la deliurance du genre humain , par noftre Redempteur lɛsvs- CHRIST, Venu en ce mondepour deliurer les hommes de la fuje- tion des puiffances Infernales. Et à ce que S. Yonnemanquaft point de pouuoir, pour exercer toutes les fonctios Ecclefiaftiques, il luy confera l'Ordre de Preftrife; puis luy donna fa benediction, & l'enuoya auec Saint Cheron , publier l'Euangile par les Gaules. Eux bien deliberez de bien employer le talent que le S. Efprit leur auoit départy, ils prirent le chemin par le bourg de Châtre, où ils trouuerent vn grand nombre de peuple affemblé pour ce- lebrer la Feftede Mars, qui eftoit reueré en ce lieu , qui feruoit de camp aux Soldats Romains : lefquels durant le feiour que les Legions Romaines y auoient fait , ils s'eftoient employez à bá- ftir vn Temple à l'Idole de leur Dieu Mars , & les Gaulois ve- noient y apporter leurs offrandes. Saint Yon confidera qu'il n'auoit que faire d'aller courir plus loing , puis qu'il trouuoit à trauailler envne moiffon fiplantureufe , & auecdes perfonnes qui auoienttantde beſoin d'eftre inftruits & retirez de leurs erreurs . Illaiffa paffer S.Cheron, qui s'en alla à Chartres: Luyafin d'auoir plus de commodité de conferer auec S. Denis , s'arreſta à Châ- tre , & mit incontinent la main à l'oeuure , & commença d'an- noncer aux Soldats Romains , & au peuple Gaulois , la bonne nouuelle de la Loy Euangelique ; & s'efforça de perfuader à fes Auditeurs de quitter leurs fuperftitions , &de croire en IBSYS- CHRIST, qui par fa mort les auoit rendus capables de pouuoir iouïr dela vie eternelle : Et les affeura que s'ils vouloient croire en luy, il les combleroit detous biens , & les deliureroit des maux qu'ils enduroient, des mal- heurs que leur caufoient leurs vices & imper- fections. Dieu luy auoit donné le don des langues , auec la faci- lité defe faire bien entendre des Romains , &des Gaulois :auec scla il confirmoit fa doctrine, par lesfignes & miracles qu'il ope D iij30 Antiquitez de la Ville deCorbeil, roit au foulagement des pauures infirmes : L'vne &l'autre grace jointes à fa vie innocente , & tres- auftere, eurent le pouuoir de conuertir les habitans du bourg de Châtre, & le peuple des vil- lages circonuoifins de quatre à cinq lieuës à la ronde, efquels S. Yonfaifoitfes courfes , pour inftruirele peuple à la Foy, & Reli- gion Chreftienne. Le monde admiroit fa deuotion , &fa ferueur enfes prieres, oblations &facrifices : on s'eftonnoit de fon abſti- nence, & de ce qu'il ne receuoit aucun falaire ny recompenfe des cures & guerifons qu'il faifoit , ny de la peine qu'il prenoit à les inftruire ; & fouuent il refufoit le viure, & chofes neceffaires à la conferuation de fa vie. Pour la nourriture il fe contentoit d'herbes , de racines , & des fruits prouenans naturellement de la terre. Aufurplus , il auoit vn foin extréme defe conferuer pur & net detoute ordure & impureté dela chair : Enforte que l'on peut dire de luy, qu'il n'y auoit point de iour en l'annéequ'il n'offriſt fon corps &foname en holocaufte & facrifice à Dieu; auffi eftoit- il plutoft ſubſtanté de la grace de Dieu, que d'aucune autre vian- de materielle dont il vfaft. Tout cela le faifoit aimer & cherir de tous ceux qui le connoiffoient : en forte que lors que l'on eftoit aduerty qu'il deuoit prefcher en quelque endroit , il s'y faifoit vn concours & affemblée de peuple émerucillable ; l'on y comptoit iufques à trente mille perfonnes, qu'il auoit inftruits , ®enerez par le Baptefme. Lors quefon dernier iour arriua , il eftoit furvne montagne proche du bourg de Châtre , inftruifant le peuple , & l'exhortant à perfeuer en la Foy , & croyance qu'il leur auoit en- feignéc. Enleuantles yeux il vit venir des Satelites, enuoyez par le Prefect Iulian , pour le faire mourir. Alors fans s'eftonner fe deftourner du difcours encommencé , il exhorta fes Auditeurs d'auoirfouuenance des bonnes inſtructions qu'il leur auoit don- nées, & de perfeuerer en l'obferuance des Commandemens de Dieu : Car mes chers freres ( leur dit- il ) voila Monfeigneur & Redempteur LESVS- CHRISTqui m'appelle à luy, pour mefaire par- ticipant de la felicité eternelle : il a eu pitié dema vicilleffe , & des infirmitez de mon corps , qui nepeut plus fubfifter au trauail; maintenant il veut me faire paffer par la purgation du Martyre, afinde m'éleuer par deffus les Cieux enfon Paradis : partant,mes amis, demeurez fermes en la Foy & croyance de la Loy Euange- lique queie vous ay annoncée, & mettez toute voftre efperance nyLiure I. Chapitre IV. enDieu qui vous a créez, & enfon Fils IESVS CHRIST , qui vous a rachetez par fon precieux Sang. Nevous eftonnez point de la fu- reurdes Princes de la Terre, nydes menaces de leurs Officiers; quel'amour du monde ne vous empefche point de conferuer en voftre cœur la Loy Chreftienne , en laquelle gift toute voftrefal- uation Apres . auoir dit ces paroles , il leua les yeux au Ciel, & rendit graces à Dieu de ce qu'il luy faifoit la faueur de le faire participant dela gloire qu'il a preparée à fes Efleus. Apeine auoit- il misfin à fes prieres, que trois Soldats , nommez , Androft, Iarrie, & Latin , s'adrefferent à luy, & luy dirent rudement : Eft-ce toy, quipartes malefices & enchantements , feduits le peuple, & l'empefche d'immoleraux Dieux immortels , & luy perfuade de mefprifer les Empereurs , & tranfgreffer leurs Ordonnances? Saint Yon leur fit refponce , qu'il ne fçauoit que c'eftoit de for- lege ny demalefice; au contraire qu'il faifoitprofeffion de faire du bien à tous , & de fecourir le peuple en fes neceffitez , & ' de luy enfeigner à porter honneur & reuerence au Dieu Souuerain Sei- gneur, & Maiftre du Ciel & de la terre, & à fon Fils vnique IESVS- CHRIST,aunomduquel touthommepouuoit eftrefauué: Et com- me il vouloit pourfuiure d'expofer les articles de la Loy Chre- ftienne, les cruels fatelites le faifirent au corps , le defpouillerent de fes habits, defchirerent fa peau à coups defouets , fans que le venerable vicillard fuft aucunement efpouuenté de la terreur de leurs menaces , nypar la douleur des tourmens qu'ils luy faifoient fouffrir , eftant de longue main tout refolu d'endurer la mort, pour l'honneur de Dieu, & la confeffion defon Saint Nom : c'est pours quoyil endura patiemmenttoutes les iniures qu'ils luy dirent , fans s'affliger des playes dontfon corps eftoit tout cicatrifé . Tout ainfi que fi fes membres vfez de vieilleffe & de trauaux , euffent cfté renouuellez enla vigueurdefa ieuneffe , tant il fe maintint ferme & conftant à perfeuerer en la publication de la diuinité de fon bon Seigneur IESVS- CHRIST . Cela fit perdre patience à l'vn des fatelites, qui prit vne hache & en coupale col à noftre S. Yon: à la cheute de fon corps, l'air s'émeut, excita des efclairs,tonnerres, &foudres efpouuentables, qui firent fuir ces Satelites Impies. Le corps du S. Martyr demeura illuminé , & s'il faut dire viuifié : Et par vne vertu furnaturelle , il fe releua de terre , prit fatefte en- tre fes mains, & la porta iufques aulieu où il auoit eflcu fa fepul 132 Antiquitez de la ville de Corbeil, de ture ; D'autres dilent qu'il la porta iufques furle Pont de Châtre . Les Chreftiens qui l'aucient affifté enfeuclirent fon corps en grande reuerence, & faifans cét office charitable , ils furent em- baumez d'vne odeur tres-fuaue: ce qui les incita à redoubler leurs deuotions , & à chanter Hymnes & Cantiques à l'honneur de Dieu, & à la memoire de S. Yon. Ie faifois quelque difficulté d'efcrire le miracle du tement de fa tefte par vn corps mort , croyant que cela eftoit particulier à S. Denys ; fi ie n'euffe trouué plufieurs Efcriuains Ecclefiaftiques qui ont confirmé ce miracle, qui eft exactement déduit dedans les Legendaires , & aux Leçons qui fe lifent aux Eglifes de Corbeil , auxiours dediez à la Commemoration de la faueur que Dieu a fait à ce païs , de l'auoir illuminé de la con- noiffance defa fainte Loy, par la voix de S. Yon. Le Breuiaire de Paris rapporte mieux que le Legendaire de Corbeil , que S. Yon fut martyrifé par le commandement de Iulien , Prefect du Pre- toire, & non pas par Iulien Cefar. De mefme s'eft abufé celuy qui a efcrit le Legendaire de Noftre Dame de Corbeil, de dire quel'executionfut faite durant l'Empire de Domitian : car par la raifon rapportéeau commencement de ce Chapitre , il apparoiſt que S. Yon eft venu en Gaule depuis la mort de Domitian , & y a feiourné par quelques années. Partant il eft vray-femblable de dire que S. Yonfut martyrifé l'an troifiefme de l'Empire d'A- drian , autemps qu'il paffa au trauers des Gaules , pour aller faire la guerre en Bretagne , à caufe qu'en cette année-là Salmius Iulianus eftoit Prefectdu Pretoire dudit Empire. Et laforme & maniere dont l'on proceda à l'execution du martyre de S. Yon, monftre qu'elle fut faite extraordinairement , felon l'vfage mili- taire , & fans garder les formes vfitées entre les Romains. C'eſt vne des raisons qui m'afait dire que le martyre de S. Yon eft ar- riué autemps del'expedition de l'Empereur Adrian en la grande Bretagne, n'ayant pas trouué le temps cotté precifément , auquel S.Yon eftvenu en ce voifinage annoncer l'Euangile, & l'arroufer defon fang innocent. Ie n'ay point encore defcouuert le temps auquelfesfaintes Reliques ont efté apportées à Corbeil. I'ay feu- lement apris par les Leçons qui fe difent en l'Eglife de Noftre Damede Corbeil , que la Chaffe de S. Yon fut refaite & reſta- blie durant le regne du Roy Louys vnzieſme ; & que l'Eueſque por-Liure I. Chapitre IV 33. CHAPITRE de Paris auffi nommé Louys , fit les ceremonies de la Tranſlation de la Chaffe, à la diligence &aux frais du Chapitre & Chanoines deladite Eglife de Noftre Dame. Sur le deuant de cette Chaffe eft la repreſentation d'vne perfonne Ecclefiaftique en habit de Chanoine, eftant à genoux deuant l'Image de la Vierge. Les An- ciens tiennent par par tradition tradition , que c'eft le portrait de Maiftre Si- mon Capitaut , Confeiller Clerc, en la Cour de Parlement de Paris , qui lors eftoit Chanoine en ladite Eglifede Noftre Dame de Corbeil; & que ce fut luy qui fit les frais de ladite Tranſ- lation. DE SAINT EXUPERE, DIT S. SPIRE, premier Euefque de Bayeux. I toft que Saint Clement cuft efté appellé au gouuernement de l'Eglife Romaine, en fuiuant l'exemple de S. Pierre ; il tria & choifit les plus fages & aduifez entre les Chreftiens , & les enuoya prouigner la vigne Ecclefiaftique par tous les cli- mats de la Terre,fpecialement en la contrée d'Oc- cident, où il mit vn bonnombre de Predicateurs , entre lefquels S. Spirey fut enrollé. Il eftoit pour lors en la fleur de fa jeuneffe, grand, adroit, & de belle reprefentation : fa preftance rendoit tef moignage des vertus internes , dontfon ame eftoit illuftrée : fon maintien donnoit à connoiftre qu'il eftoit extrait de noble lignée; auffi auoit-il efté foigneufement inftruit en fa ieuneffe , és Arts li- beraux, & en l'exercice des Vertus Morales : Et par vn bon-heur extraordinaire à fon ffecle , il eftoit fils de pere & mere Chre- ftiens , qui auec le laict fuy auoient fait fuccer &gouſter la Pieté, Charité, & humilité Chreftienne : Ce qui fut caufe qu'il com- mença debonne heure à marcher parles voyes rudes & penibles de la Vertu ; reprimant fes paffions , domptant fes affections , & mefprifant la gloire du monde : il dédia fes actions & penſées à l'honneur & au Seruice deDieu , le refoudant d'employer fa vie . V. E34 Antiquitez dela ville de Corbeil, à la publication de l'Euangile. Et pour fatisfaire à fon vou, il ſe fia enroller en latroupe de ces valeureux Soldats, qui entreprirent la conquefte Spirituelle des Gaulois : Cette fainte troupe arriuée en la Prouence , fe difperfa en diuerfes Prouinces des Gaules ; & S. Spire pouffé de l'ardeur de fa jeuneffe s'aduança iufques aux extremitez dela Neuftrie, ( que nous appellons Normandie) où par la pureté defa vie , la fplendeur defes vertus , la grace des cu- res & des guerifons des malades , & infirmes : en vn mot par la charité qu'il exerçoit enuers les pauures , il s'acquit l'amitié du peuple Neuftrien. Etpar fes paroles, animées du S. Efprit, il con- uertit à la Foy Chreftienne , prefque tous ceux de cette contrée, címerueillez de voir reluire tant de perfections , en vn homme mortel . Lagrace que Dieu luy faifoit cft admirable, defçauoir par fa douceur & humanité appailer la rage des Payens Infidelles : & par fa feuerité contraindre les vicieux à quitter leurs plaifirs, pour s'adonner à la mortification. Par viues raifons il perfuadoit aux impies de quitter leurs Idoles , &venerer la Croix : par l'exemple defa charité il les induifoit d'abandonner leurs biens , & vendre leurs heritages, pour en diftribuer l'argent aux pauures & indigens, à caufe quel'on voyoit clairement qu'en aucune de fes actions il nerecherchoit, nyprofit , ny intereft, finon d'honores Dieu , &de donnet à connoiftre combien il eftoit bon &mifericordeux, & ne ceffoit d'en publier la grandeur & la Majefté entre les Gentils Şavoix fortant d'vne poitrine fi cordiale ne s'éuanoüiffoit point en l'air , mais penetroit auecefficace iufques au fonds des ames de tous ceux qui preftoient l'oreille à fes bonnes inftructions. Entre les autres Rigobert, & Zenon, des plus fignalez en Nobleſſe & fcience, entre les gens de cette Prouince , en peu de temps fu- rent fibierinftruits, qu'ils luy feruirent de Coadiuteurs à la pu- blication du Chriftianifme ; & lepeuple fuiuant la pifte de ces deux grands Perfonnages , deferoit beaucoup d'honneur & de refpect à leur Apoftre S. Spire, qui leur enfeignoit que la perfe- tion Chreftienne eftoitfondée en humilité &patience. Cepen- dant il neceffoit de redoublerfes mortificatiós,afin defe mainte- nir en la pureté d'vne vie-innocente : paricelleil fouloit aux pieds la gloire dumonde, pour mieux exalter la grandeur de Dieu,fon Seigneur & Redempteur à cette fin il employoit les iournées en- tieres â inftruire le peuple és myſteres de la Religion Chreftien-Liure I. Chapitre V. ·35 • ne, & Dieu multiplioit en luy fes graces & benedictions : En fin l'âge &letemps le conduirent à la vieilleffe, & fon corps au tom- beau ; fon ame libre fe prefenta pure & nette deuant fon luge. Sa fin fut auancée par vne fiévre lente & continuë : durant ſa maladie il fut fort vifité des Chreftiens , qui s'efforçoient de le fe- couriren fon infirmité : luy de fon cofté ne laiffoit écouler aucune minutedetemps, fans l'employer à l'inftruction & confirmation de fes difciples , fpecialement de Zenon , & Rigobert, qui de- uoient luyfucceder au Sacro-faint myftere de la publication de la Foy Chreftienne , & de l'adminiftration des Sacremens de l'E- .glife Catholique. Encore que les eflancemens de la mort ne l'euf- fent aucunement troublé , il nelaiffa pas de monftrer qu'il auoit pitié & compaffion des miferes & trauaux que les hommes fouf- frent en ce monde : c'eft pourquoy il ne ceffoit de les recom- mander à la mifericorde de Dieu, & tout tranſporté d'vne cha- rité Celeſte , il fit fa Priere en la forme. & maniere qui enfuit. Dicu de Lumiere & de verité, Source de tous biens , Recteur de l'Vniuers, auqueli'ay mis toute maconfiance ; Vous fauez comme i ayfidellement employé ma vie à voftre Seruice , & à la Publi- cation de voftre Euangile ; que i'ay portée & annoncée iufques aux dernieres fins de la Terre habitable , par cette voix dédiée & consommée à celebrer vos merueilles. Iè vous fupplie de m'ac- corder cette grace , que tous ceux qui auront recours à vostre Mifericorde , & vous fupplieront au nom de moy , vostre bien humble Seruiteur , foient gueris & deliurez de leurs maladies, & infirmitez; afin que plusieurs ayent fujet de remercier voftre bonté immenfe, desgraces &faueurs qu'ils auront reçeu de voftre main benigne & mifericordieufe : Et que toutes vos Creatures vous beniffent, adorent , & celebrent la gloire de vous , mon Dieu, tout Bon, & Tout puiffant en l'Eternité. ´Sa Priere finie , lesaffiftans aperçeurent que l'ame de leur Pere fpirituel , quittoit fon habitation Terreftre pour aller dans le Ciel recçuoir les Palmes & Lauriers preparez à ceux qui ont employé leurs vies au feruice de Dieu. Son corps qui auoit efté le Templedu S. Efptit , füt honorablement enfeuely , & mis en ſon tombeau fur vn coftau proche la ville de, Bayeux , dans vne Chapelle que S. Regnobert y fit baftir , & puis la dédia à Dieu fous le nom de fon bon Maiftre S. Spire : Son corps a Ei36 Antiquitez de la ville de Corbeil, . repofé en ce lieu l'efpace d'vne centaine d'années ; & iufques à ce que les Normans courans, &rauageans cette Prouince , quel- ques fideles Chreftiens de l'Eglife de Bayeux enleuerent les ve- nerables Reliques de S. Spire & de S. Loup , & les apporter ent en nos quartiers , dans l'ancien Chafteau de Paluau , fiz fur lo concours des deux petites riuieres d'Estampes & d'Effonne. En ce lieu de Paluau ce double Trefor fut mis en referue , & y a efté gardé iufques aux guerres Ciuiles , qui s'efmeurent en- tre les Succeffeurs de Charlemagne, Hugues le Grand , & les fiens. Le ComteHemongrand &puiffant en armes , fut afficger le Chateau de Paluau , le prit & ruina ; laiffant à fes Soldats . les biens meubles en proye il fe referua pour fa part du bu- tin les Saintes Reliques de S. Spire & de S. Loup , plus à prifer que l'or & l'argent. Hemonfut porté de deuotion , &non d'aua- rice, à faire enleuer ces corps, Saints : il les fit porter à Corbeil, où il fit baftir vne Eglife proche fon Chafteau ; & pour la fon- dation d'icelle il donna le territoire de Paluau & de Belancourts pour entretenir l'Eglife, & douze Preftres, qu'il y mit en l'hon- neur des douze Apo ftres. Par cette Legende les années ne font point cottées, c'eft quoy il eft befoin d'en rechercher l'efclairciffement ailleurs . Ĉenalis fuiuant l'opinion commune, a efcrit que S. Spire eft venu en Gaule auec S. Denis , l'an denoftre Salut quatre- vingts treize , fouz l'Empire de Domitian. Mais Baronius le refere temps de Trajan , enuiron l'an fix vingts denoftre Salut : ce font les deux opinions qui ont cours fur ce fujet. Quant à l'année du tranfport de fes Reliques , Iean de S. Victor en fon Memorial d'Hiftoire , dit que l'année huet cens foixante-trois , Charles le Chauue regnant en France , les venerables Reliques de S. Spire furent apportées en la Chaftellenie de Corbeil , ce qui fe doit entendre du Chaſteau de Paluau. Et de l'Hiftoire d'Odde des Foffez , nous inferons qu'elles ont efté tranflatées à Corbeil, enuiron l'an neuf cens cinquante , auant que Hugues Çapetfuft paruenu à la Gouronne deFrance , &lors qu'il fe qualifioit Duc & Prince des François. Et ces trois diuerfes ftations ; fçauoir, Bayeux , Paluau , & Corbeil, font affez clairement defignées dans le grand Legendaire de S. Spire. Les habitans de Balan- court, en faucur de la pofe que les Saintes Reliques ont fait à pour- au 1Liure I. Chapitre V. 37 : Paluau, fiz dans le territoire de leur Paroiffe sont ce droit, qu'au jour de la folemnité de la Tranflation de S. Spire, qui fe celebre le Dimanche des Rogations , ils leuent la Chaſſe du milieu de la nef de l'Eglife, &la portent iufques fouz le Por- tail du Cloiſtre , où elle eft reçeue des Confreres , qui la por- tent à la place du Tremblay, où il fe dit vn Sermon auec des Prieres folemnelles. Cenalis dit que le Chef de S. Spire eft demeuré à Bayeux : Toute- fois en l'année mil fix cens dix-neuf, quand Meffire Paul Hurault , Archeuefque d'Aix , renouuella la Chaffe de Saint Spire , tous les os de la tefte fe trouuerent en icelle , & furent lors expofez à la veuë & veneration du peuple. D'autant que la tradition eft que S. Spire eft venu en Gaule auec S. Denis , il fembleroit conuenable de difcerner en cét endroit , fi c'eſt l'Areopagite ou non. Mais fans-m'arrefter à cette question tant agitée à prefent ; ie diray fimplement qu'il doit fuffire à tous bons François d'aquiefcer à la tradition de ſes Anceſtres, reconnûs & confeffez par les Grecs , & confir- mez par l'authorité de l'Eglife Romaine : Que noftre Patron & Apoftre de l'Eglife Parifienne S. Denis , eft l'Areopagite, grand Predicateurdes Verbes Diuins. Encores que l'honneur des hommes de noftre Siecle ne foit pas pour s'arreſter beaucoup au recit des Miracles : Iene laiffe- tay pas de rapporter ceux dont ie fuis tefmoin oculaire, laiffant à ceux qui envoudront voir dauantage, de les aller lire dans des Narrations que Maiftre Baptifte le Maçon, & Iean Boquet en ont fait imprimer. Anne Allet natifue d'Orleans , âgée de dix-huit ans , apres auoir efté fept années perclufe , & priuée de l'vfage defes mem- tes , futapportée à Corbeil l'année 1600. denoftre Salut, & le jour de la Tranflation de S. Spireaffifta à Matines , &à là Meſſe, &yfit fes prieres & deuotions , fous la Chaffe de S. Spire, où en vn inftant elle recouura fa fanté , & fe trouua en fi bonne dif- pofition de tous les membres , qu'elle fut à pied à la Proceffion, rendant graces à Dieu de la fanté qu'elle auoit reçeuë par l'in- . Et apres qu'elle eut paffé en deuotion les terceffion de S.Spire iours de la Fefte & de fon Octaue , elle s'en retourna à pied en la ville d'Orleans, où elle fut fe prefenter à Maistre Charles dela Saulfoye , Docteur en Theologic , & Grand Vicaire de l'Eucf- E iij38 Antiquitez de la ville de Corbeil, que d'Orleans , &luy fit recit de la guerifon qu'elle auoit reçeuë, par la grace de Dieu , & de S. Spire. Le fieur de la Saulfoye luy remonftra que puis qu'elle auoit reçeu vne fi fignalée faueur de Dieu , elle deuoit employer fa vie à le feruir , & à inſtruire la ieuneffe, à quoyfaire elle luyfembloit affez propre. Elle luy ayant fait refponce qu'elle ne fçauoit lire ny efcrire , ny coudre , ný en drap, ny en linge , il luy repliqua que ceux qui eftoient illu- minez de la grace de Dieu , n'auoient point de befoin d'apren- tiffage pour faire les fonctions aufquelles il les appelloit , & à l'in- ftant il luy prefenta fon Breuiaire , & luy commanda de lire de- dans ; cette fille obeïffante prit le Liure, & leut en iceluy auffi fa- cilement que fi toute fa vie elle n'euft fait autre chofe. Cette preuue enhardit le fieur dela Saulfoye de luy enjoindre de pren- dre vneplume & du papier qui eftoit furfa table, & d'y efcrire; ce qu'elle fit , en grande fimplicité , & fe trouua qu'elle efcri- uoit d'vn caractere fort propre à l'vfage des filles. Suiuant donc fonConfeil elle s'eft depuis employée à inftruire les ieunes filles d'Orleans : ce que ledit fieur de la Saulfoye m'a affeuré eſtse vray en la maniere que Anne Allet me l'auoit recité. En l'année mil fix cens vnze , Daufine Bouricant , âgée de treize ans, fut amenée à Corbeil par Iean Bouricant , Imprimeur àParis, & Louyfe Berthinfes pere & mere, à la Fefte de S. Spire, en efperance que leur fille obtiendroit guerifon d'vne paralifie, dont elle eftoit detenuë long-temps auparauant, & ne furent point trompez de leur efperance : car apres qu'ils eurent tous affifté aux Matines , & à la Meffe le iour folemnel , ils reçeurent leur fille de deffous la Chaffe , où elle auoit paffé la nuic en prieres laquelle affifta à la Proceffion portant vn Cierge blanc en main,pourrendre graces àDieu de la fanté qu'il luy auoit reftituée. En l'année mil fix cens treize , Meffire René de Thou , Geur de Bonœil , & Dame Marie de la Faye fa- femme , voyans que leur fille, Louyfe de Thou, eftoit demeurée impotante de- puis fa natiuité, & d'vn corps fi debile , qu'il n'y auoit point d'apparence.que iamais elle peuft fe fouftenir fur fes pieds, l'en- uoyerent à Corbeil celebrer la Fefte de S. Spire , où ſelon la ceremonie du lieu , elle paffa la nuict en l'Eglife, fouzla Chaffe de Saint Spire, en Prieres & Oraifons , d'où elle fe releua le matin faine de tous fes membres , gueris mitaculeuſement. LeLiure I. Chapitre V. 39 fieur de Boncil publie volontiers cette faueur , qu'il a reçeuë de Dieu ; & ie luy ay oüy reciter deuant la Reine de France, paffant par Corbeil , en l'année mil fix cens vingt- deux. Il en deliura au Chapitre de S. Spire vn acte d'attestation pardeuant Notaires , le vingtiefme iour d'Aouft , en ladite année mil fix . cens vingt-deux. Meffire Mederic de Vic Garde des Seaux de France , fieur des Bergeries , de S. Port, & de Saint Affyfe , prés de Cor- beil , auoit vne fille Religieufe en l'Abbaïe d'Yerre , nommée Eleonor, qui à l'âge de feize ans deuint Paralytique, & entre- prife de la moitié des membres de fon corps. Son.Abbeffe, & les Religieufes en auoient grande compaffion, & en auoient fait maintes Prières , leufnes , & Mortifications, pour impetrer la fanté : Enfin ils s'aduiferent d'enuoyer leur Chapelain faire leur Offrande à Corbeil , & celebrer la Meffe en l'Eglife de S. Spire, le cinquiefme May mil fix cens dix- neuf. Pendant ce voyage. les Religieufes redoublerent leurs Prieres , & firent apporter leur Sœur Eleonor au Cheur de l'Eglife, où ils chantoientMa- tines : Ce faifant Sour Eleonorfe trouua faifie de grandes dou- leurs enfes partics malades ; & tous les os de fes membres com- mencerent à fe froiffer de telleviolence, que le bruit enfut oüy de toutes celles qui affiftoient au Choeur. Cela dura autant de temps qu'vn Preftre employe à dire la Meffe , & puis fes os fe remirent d'eux- mefmes en leurs lieux naturels , & lors Sœur Eleonor fetrouua entierement feine & guerie de cette Paralyfie. Vn iour que ie fus faluër Madame l'Abbeffe d'Yerre, pour la remercier de ce qu'elle m'auoit aidé du Chartier de la Maiſon, dontie me fois feruy à quelques endroits de ces Memoires ; elle voulut que Sœur Eleonor me racontaft elle mefme ce qui luy eftoit arriué tant en fa maladie , qu'en fa gueriſon miraculeufe. Durant les dix-fept années que l'ay refidé à Corbeil, il s'eſt fait plufieurs autres miracles que ie laiffe à Meffieurs les Cha moines de S. Spire à efcrire & publier.40 Antiquitez de laVille deCorbeil, par LA VIE DE SAINT LOVP, Enefque de Bayeux. CHAPITRE NTRE les Gaulois , que S. Spire conuertit à la Foy Chreftienne, S. Rigobert & S. Zenon ont efté les plus celebres à la Pofterité. La Legende de S. Spire porte que S. Rigobert fut efmeu à embraffer la Loy Euangelique , pour auoir veû qu'en vertu de la prononciation du nom de I SVS CHRIST , vn aueugleauoit recouuert la veuë. Quant à Zenon qui eftoit fçauant , & bien exercé en la Philofophie des Druides, il voulut entrer en difpute auec S. Spire , & ce en la place publique , efperant le confondre par fon eloquence . Il commença donc à luy reprocher que fa Loy eftoit contraire & repugnante à la raifon , & en difcourut auec l'applaudiffement de la populace. Quandil cuft ceffe de parler , S. Spire fans s'a- mufer à refpondre .à ces vains difcours , fe mit à publier“ & magnifier la grandeur , puiffance, & Majefté d'vn feul Dieu, vnique en fon effence , & trine en perfonne : Puis leur declara que par la vertu de cette fupreme Deïté , l'homme pouuoit eftre fait participant de la beatitude eternelle , de laquelle il cftoit venu enfeigner le chemin à tous ceux qui le voudroient efcouter & croire à fes paroles ; & pour preuue de fon dire , il deliura fept hommes miferables des efprits malins qui le poffe- doient, par la vertu de IESVS-CHRIST, qu'il leur annonçoit. Zenon cftonné de cette merueille embraffa la Religion Chre- ftienne , & fe rendit humble Efcolier de S. Spice , & ſe fit fi bien inftruire en la Foy & myftere de la Religion Chreftienne , qu'ik fe monftra depuis fi feruent en l'obferuation des Commande- mens de Dieu , que S. Spire luy confera , & à Rigobert auffi, l'Ordre de Diacre . Et tous deux ne cefferent tant que S. Spire vefcut, de le feruir , honorer, & refpecter, & eurent vn grand foin de le preferuer des entrepriſes faites contre la perfonne, VI.Liure 1. Chapitre VI. 41 F pu- par les Sacrificateurs Payens , &apres fon decés ils l'enfeuelirent auec la plus grande reuerence qui leur fut poffible , & depuis ils continuerent d'honorer fa memoire ; employerent toute leur eftude à bien obferuer & accomplir fes preceptes és exercices de Charité , Humilité , & Patience. Au furplus ils fe porterent tant de refpect I'vn à l'autre , que durant la vie de Zenon S. Rigobert ne voulut vfer de la puiffance Epifcopale qui luy eftoit deferée par tous les Fidelles , à caufe de fa nobleffe , & des vertus & mer- ueilles que Dieu operoit par fes mains : Mais il refpectoit tant l'âge ancien de Zenon & fes merites , qu'il luy deferoit tout l'honneur de la Prelature , & le coniurqit fouuent d'accepter l'Office Epifcopal , pour l'amour qu'il portoit à Dieu , & au falur des hommes de fa Patrie : En la conteftation qui eftoit entre ces deux Saints Perfonnages , à qui fe defereroit plus d'honneur , il s'efcoula cinq années ; fans que pour cela ils ceffaffent detravail- ler , ny qu'ils laiffaffent paffer aucune occafionde profiter aŭ blic, & d'inftruire le peuple en la Loy & Religion Chreftienne, Quand Zenon fut decedé , il ne refta plus d'excuſe à S. Rigobert pour refufer de prendrela charge entiere del'Eglife de Bayeux, il s'en acquitafort dignement , au contentement detous les Fide- les ; enforte que la memoire de fon nom en eft demeurée vene- rable à la pofterité. Auant fon decés il vfa d'vne grande pre- uoyance & diligence à chercher vne perfonne qui luy peuftfuc- ceder à la Predication de l'Euangile ; & par infpiration diuine il ietta la veuë fur vn ieunehomme, nommé Lupon , autrement Loup, & l'ayant reconneu d'vn efprit vif & capable de doctrine, il le retira enfa maifon, &prit peine de l'inftruire, tant par paroles, quepar bons exemples ; il luy fraya le chemin de la vertu par la temperance, frugalité , & par l'exercice des mortifications mo- derées. Tout ainfi qu'il y a plaifir de cultiver vne terre fertille, c'eftoit vn contentement à Rigobert de voir le progrés & ad- uancement de fon Difciple : Carce ieune Lupon eftoit d'vn na- turel fi docile , que fans donner aucune peine à fon Maistre , il comprenoit facilement tout ce qu'il luy enfeignoir. Ce fut vn grand aduancement à Lupon de s'eftre entierement liuré, à la difcretion de fon Maiftre , & de n'auoir point , d'autre volonté que d'accomplir fes Commandemens. Dauantage , il s'efforçoit autant que fon âge pouuoit porter, d'imiter l'aufterité de la vie,42 Antiquitezdela ville de Corbeil , de la charité & deuotion de S. Rigobert : Il aymoit Dieu auec re- uerence, & le craignoit par amour ; il eftoit ennemy du babil & plaifanterie, neprenoit aucune recreation finon à feruir Dieu & fon bon Eucfque. Encores que Lupon cuft fait vn grand pro- grés en la Philofophie Chreftienne ; toutesfois S. Rigobert con- fiderant combien l'efprit de l'homme eft inftable & changeant, fpecialement en la ieuneffe, il differa l'efpace de deux années à baptifer fon Difciple, afin que tant plus profondément il auroit eftably les fondemens de la connoiffance &de l'amour deDicu en l'efprit de ce ieune homme, il en demeureroit d'autant plus ferme & affeuré au combat , où il le vouloit engager, contre les attraits de la fenfualité , des delices , & des honneurs du monde, à ce que la terreur & l'efpouuentement des tourmens &de la mort, ne trouuaffent aucune prise en fon efprit. Quand Rigobert re- conneyt que fon Difciple eftoit affez fort pour entrer en lice , & de fe prefenter au combat contre la fubtilité des Philofophes, & contre l'arrogance des Tyrans , &apres vne deuë preparation, il luy confera le Sacrement de Baptefme, & quelques années apres il le fortifia du Crefme facré , afin que plus feurement it peuft parfaire fa courfe au trauers des perils du monde. Ainfi bien confirmé il luy donna fa benediction , auec permiffion de fe retirer enfa maifon paternelle. Lupon changeant de demeure ne changea point de volonté ny de refolution , d'employer fa vie au feruice de Dieu Et confiderant qu'il eftoit obligé d'of- frir les premiers fruits de fa ſcience à fon pere & à la mere , il commença les exercices par l'inftruction qu'il leur donna de la connoiffance de Dieu , & de la redemption du genre humain, par la Mort & Paffion de noftre Sauueur IESVS- CHRIST. Puis il toutna fa parole à fes voifins, parens, & amis , & leur fit goufter des fruits de l'Euangile. Tous ces exercices fpirituels ne l'empefchoient point de trauailler courageufement au labeur & culture des heritages paternels ; il s'y gouuernoit neantmoins de telle forte que fon trauail corporel ne le deftournoit point de fes exercices de Medication & d'Oraifon , qu'il auoit apris de $. Rigobert. On le voyoit fouuent tenant la beſche ou le rateau, allegerfon trauail par le chant des Hymnes & Pfalmes , qu'il fai- foit refoner à la gloire de Dieu. Le temps que les autres paffent à jouer, manger, ou repofer, il l'employoit à inftruire les igno-Liure I. Chapitre VI . 43 Fij rans , confoler les affligez , redreffer les deuoyez , penfer les malades , fecourir les neceffiteux ; Ses voifins confiderans fa cha- rité enuers fon pere & fa mere , l'innocence de fa vie , & la pu- reté de fes mains, l'aymoient infiniment, &fe laiffoient potter ai- fément à croire quela doctrine eftoit fainte & veritable. Quand il arriuoit quelque Fefte folemnelle Lupon fe retiroit aupres de fon Euefque , pour luy aider à la celebrer plus honorablement, & pour participer aux Saints Sacrements. S. Rigobert le voyant en fi bon train , pour luy donner plus de courage & de vertu au trauail de la femence de la parole de Dieu , & à la Predication; luyconfera l'Ordre de Sous-diacre, & luy enjoignit de baptifer ceux qu'il auoit inftruits , & luy abregea le nom de Lupon ent celuy de Loup: Luy animé de la parole de fon Maiftre , & il- luminé de la grace du S. Efprit , commençade guerroyer puif- famment les Infidelles , & les terraffoit par les miracles qu'il ope- roitau foulagement du peuple qu'il attiroit à la connoiffance de Dieu par fes biens- faits. Sur ces entrefaites le pere & la mère de S. Loup pafferent à vne meilleure vie. Apres qu' leur cut rendu les deuoirs d'humanité , il redoubla fes exercices de pieté , & s'adonna entierement au feruice de Dieu , en fe defchargeant de toutes les autres affaires du monde. Il commença par l'alienation de fon Patrimoine , qu'il vendit , & en diftribua l'argent aux pauures , publiant d'effet & de paroles, que l'or & l'argent ne font pas à ceux qui les tiennent enfermez fous la clet : mais que Dieu les a donnez aux hommes pour en vfer charitablement aux neceffitez de la vie humaine. La re- nommée de fa liberalité a efté fi celebre que les Anciens Pont furnommé Eleimon Quand Saint Rigobert fentit . que la nature luy defailloit , il enuoya querir Saint Loup, & le pro- meut à l'Ordre de Diacre , en efperance qu'il luy fuccederoit à fon Euefché3; mais fa difcretion & humilité fut fi grande qu'il procura que S. Rufinian fuft eſley Euefque de Bayeux : il peûr bien differer , mais non pas s'exempter de la charge de Paſteur : car S. Rufinian, à caufedefa vieilleffe , nepeût long- temps porter le faix des fonctions Epifcopales. Donc apres fon decés S , Loup fur efleu Euefque , du confentement de tous les Dioceſains ; & quelque difficulté que S. Loup y apportaft , il luy conuint de fubir ce ioug. Le Legendaire de S. Spire dit que ce fut S. Syl- •44 Antiquitez de la ville deCorbeil, ueftre Archeuefque de Rouen , qui le facra & inftalla en fon Siege. Ce qui n'eft vray-femblable : car Saint Sylueftre n'a Siegé à Rouen qu'en l'année quatre cens trente : Il y a appa- l'Efcriuain a mis Sylueftre pour Seuert , qui a efté le troifiefme Archeuefque de Rouen ; encores que pour les conioindre enſemble il faudroit fuiure l'opinion de S. Gregoire de Tours, pour la venue de Saint Denis en France , quelque long efpace de temps que long veüille dire que S. Spire , & Saint Rigobert ayent Siegé à Bayeux. * Tant que S. Loup a vefcu , quelqueincommodité du corps ny de vieilleffe qu'il cuft , il ne s'eft iamais laiffé aller à la parcffe, & a perfeueré fans relaſche à faire fes exercices iournaliers de Prieres, Meditations, Catechifmes, & Predications, fans fe def- courager des mauuaifes rencontres qui fe prefentoient pour Fempefcher d'effectuer fes faintes refolutions. Eftant aduerty de l'heure de fontrefpas , il attendit en patiencefon heure com- me vn fidelle feruitcur qui attend la venue de fon Maiftre. • rence que De plus, ladite Legende remarque que S. Loup reçeut en vn mefme iour l'Ordre de Preftrife, & fut facré Euefque, & qu'il a Siegé à Bayeux l'efpace de trente ans , durant lefquels it a employé toutfon labeur , & fon induſtrie à donner à fes Com- patriotes la connoiffance des veritez Diuines , & à inftruire fes ouailles à la pieté. Et en fon particulier il s'efforçoit de monter de degré en degré par l'efchelle des vertus Chreftiennes , afin de pouuoir eftre eflcué fur les voûtes Celeftes , & paruenir à la gloire preparée aux bons Seruiteurs & amis de Dieu. Ieft auffi efcrit que de fon temps il y auoit vn Loup affreux , qui repainoit en la foreſt voifine du bois d'Auranches , que le La- tin appelle Arborea . Cetteļmale- befte enragée eftoit accouſtumée de venir courir iufques aux portes de Bayeux , fans que les ha- bitans cuffent la hardieffe d'empefcher le carnage qu'elle fai- foit. Elle auoit defia efgorgé iufques à dix-huit perfonnes, lors que Euelque charitable , compatiffant à l'affliction du peuple , ap- paifa l'ire de Dieu , & contraignit cette cruelle befte d'aller fe precipites dedans le fleuue prochain , où elle fe noya. Vn iour que Saint Loup alloit celebrer le diuin Seruice , il rencon- tra deux pauures aucugles , aufquels il rendit la veuë par l'im- pofition de fes mains.Liure I. Chapitre VI. 45 LA VIE DE SAINTQVIRIN, ” Fiij . CHAPITRE Par fon Teftament il pria que l'on le fift inhumer au lieu où il auoit fuppedité la male-befte , dont nous auons parlé ; ce qui fut accomply, & fut enfeuely auec vn fien Preftre , nommé Anfioc, & furent tous deux mis en vn mefmefepulchre , à cauſe qu'ils eftoient decedez en vn meſme iour & heure. Soixante & dix ans apresla mort, par reuelation diuine , fon corps fut tranſporté dedans la ville de Bayeux , en vne Egliſe nouuelle- ment edifiée ; depuis ils en ont efté enleuez pour la crainte des Normans, & les deuotes Reliques de S. Loup furent apportées en ces quartiers , & depofez auec celles de Saint Spire au Cha- fteau de Paluau , en la Paroiffe de Balancourt , enclofe dans le territoire de la Chaftellenie de Corbeil , ainfi que nous auons amplement déduit en la vie de S. Spire, où il eft dit comme le bon Comte Hemon les fit apporter en fon Chafteau de Cor- beil, aux portes duquel il fit baftir vne Eglife , où elles furent depofées en tout honneur & reuerence à la gloire de Dieu. Et dans le Cloiſtre de S. Spire l'on y a baſty vne belle Chappelle, au nom de S. Loup , & dedans icelle on a pofé les Fons Bap- tifmaux que l'on y void à preſent. Martyr. N'Eglife du petit Saint Ican, dit de l'Hermi tage , fize en la ville de Corbeil, il y a vne Châffe pleine des offemens de Saint Quirin : fa vie le trouue efcrite dans le grand Legendaire de Saint Spire , en vn Chapitre intitulé , Paßio Sanctorum Nicafij Epifcopi , Quirini Presbyteri, &Scuniculi Diaconi. Où il eft dit que Saint Nicaife enflammé de l'amour diuin , accompagna Saint Denis Areopagite , & vint auec luy en Gaule , pour luy ayder à annoncer l'Euangile : Et quetout ainfi que Saint Denis eftoit affocié auec les Saints Eu- leutere & Ruftic, de mefme, Saint Nicaife prit Saint Quirin, VII.Antiquitez dela ville de Corbeil, & Scuuicule pour les affeffeurs , & qu'au departement qu'ils fi- rent entr'eux , des Prouinces de la Gaule , la haute Neuftrie efcheut à Saint Nicaife , & à fes affociez Quirin, & Scuuicule; Eux pour paruenir aux lieux de leur departement, firent com- pagnie à Saint Denis iufques en la Cité de Paris , où ils firent quelque feiour pour s'inftruire de la langue du païs , des hu- meurs & inclinations du peuple qu'ils deuoient inftruire. Puis ils ſe mirent en chemin pour aller à Roüen en bonne volonté de fccourir cette noble ville , & deliurer cette populcufe Pro- uince de Neuftric , de la feruitude du Diable ; y annoncer les recompenfes Celeftes qui font preparées à ceux qui reçoiuent & obferuent la Loy de IESVS- CHRIST, & prirent leur che min par Pontoife, & de là entrerent dans le Vexin le Normant, oùils commencerent à faire retentir les louanges de Dieu , Crea- teur du Ciel & de la terre,; Et fe tranfportant és lieux où l'on leur difoit qu'il fe faifoit quelque affemblée de peuple , afin de diſtribuer le fruit de leurs Predications à plus de perfonnes ; ils furent en vn lieu dit de Vaux , où ils trouuerent vne multitude de peuple affembleż pour donner la chaffe , & faire mourir vn horrible Dragon qui gaftoit le païs, & deuoroit les hommes. S. Nicaife confidera que s'il deliuroit le païs de cette mauuaiſe befte , il gagneroit l'amitié & bien- veillance des habitans. Pour les y difpofer il leur fit vne remonftrance de la puiſſance du * Dieu qu'il venoit leur annoncer ; & pour leur monftrer que fes paroles eftoient veritables, il commanda à Saint Quirin d'aller querir ce Dragon & dele luy amener , ce quifutauffi toft exe- cuté ; car Saint Quirin par vertu de la Sainte obedience , fut trouuer le Dragon à fon repaire , où la befte baiffa le col, & fe foumit à fon Eftole , & s'en laiffa lier &mener , pour eſtre prefenté à Saint Nicaife , qui fans toucher à la befte, par la feule prononciation du nom de IESVs , la fit creuer, & per- dre la vie, auec l'eftonnement du peuple prefent , fequel s'ef- pouuantoit de la grandeur & fierté du Dragon, & le regardoit auec crainte , encore qu'il fuft mort & eftendufur la terre ; ils admirerent tous la vertu de ce nom , & fe laifferent facilement. perfuader que les paroles de leurs nouueaux Euangeliftes eftoient veritables , & s'affectionnerent fort enuers leurs Saints Docteurs, apres qu'ils curent reconnu la pureté & innocenceLiure I. Chapitre VII . 47 de leurs vies & moeurs. Les Gaulois prenoient plaifir à l'enuy I'vn de l'autre à fe faire inftruire, & à apprendre les articles de la Foy Chreftienne. De cette premiere rencontre ils baptiſe- rent cent dix-huict perfonnes. Saint Nicaife & fes compagnons ayans reconneu l'humeur facile & docile des Gaulois , & veû que d'eux-mefmes ils venoient fe prefenter au lauement de Re- generation , auec vne curiofité nompareille de ce peuple , à re- chercher les moyens d'acquerir la gloire eternelle , ils ne trouue- *rent pas raisonnable de quitter fi toft des hommes fi bien affe- ctionnez à leur falut. En ce temps- là Ficinin Sifinie gouuernoit les Gaules pour l'Empereur Domitian , auec commiſſion d'ex- terminer tous les Chreftiens. Si toft qu'il fut aduerty de ce qui fe paffoit à Paris & és environs ; il fit premierement mourir Saint Denis & fes Compagnons , & par la recherche qu'il fit de leurs adherens , il defcouurit que plufieurs eftoient allez en Neuſtrie : Il enuoya dede fes fes Satelites Satelites apres apres eux eux.. Ces gens cu- rent fort facilement nouuelle de Saint Nicaife , & de fes affociez, par la renommée qui couroit des miracles qu'ils faifoient. Ils fe tranſporterent à la Roche- Guyon , oùon leur dit que les Saints auoient chaffe vn efprit Infernal qui tourmentoir tous les habi→ tans; puis fuiuans leur pifte ils les attraperent à Cany, proche de la riuiere d'Epte, qui eft à prefent vn Prieuré dependant de l'Abbaïe de Saint Ouin de Rouen ; & fans autre forme ny figure de procés , ils couperent les teftes des Saints Nicaife , Quirin, & Scuuicule : Ce lieu en a retenu le nom du Guay Saint Nicaife. Ces Satelites ietterent les corps des Saints Martyrs à la voiric, pour les faire deuorer aux beftes carnacieres : mais la venerable Dame Piance fit de nuit leuer leurs corps , & les inhumer dans vne Ifle de la riuiere d'Epte , où elle fit baftir vne Chapelle qu'elle dédia, auec l'Ifle, auferuice de Dieu & defes Saints Ser- aiteurs. Par la reuolution des temps les venerables Reliques ont efté tranſportées en diuers lieux . Meulan fur Seine les reclament Pour Patrons : Les Eglifes de Saint Nicaife, & Saint Viuien de Rouen, fe ventent d'en poffeder vne partie. C'eft de ces lieux que les Reliques de Saint Quirin ont efté leuées , & apportées à Corbeil, par l'Archeuefque Maugis , ainfi que nous dirons en la vie du Comte Guillaume. Le fixieſme jour de Septembre l'an mil fix cens dix-huîết;48 Antiquitez de laVille de Corbeil, Maiftre André Courtin Chanoine de l'Eglife de Paris , delegué par Monfieur le Cardinal de Retz, transferant ces Reliques d'vne vicille Châffe en vne neufue , ils'y trouuavn eſcriteau en vieille Lettre Gotique , efcrite fur du parchemin, ces paroles , Hic re- quiefeit corpus S. Quirini Archipresbyteri, & Martyris Difcipuli S. Nicafij Archiepifcopi Rothomagenfis , & S. Piencia que eos fe- peliuit. De Natalibus en fon vnziefme Liure , dit quela Fefte de S. Quirin doit eftre celebrée le vnziefme iour d'Octobre. Baro- nius fait mention de Saint Quirin , l'an de noftre Salut quatre- vingts huict , l'an fixiefme du Pape Clement , & le quinzieſme de l'Empire de Domitian ; & par ainfi conclud qu'il eft venu en France deuant- S. Denis : c'eft vne controuerfe où il n'y a point de fin, & qui n'eft pas de grande importance , & n'eſt fondé de part & d'autre que fur des coniectures affez foibles . Ie me fuis eftudié d'éuiter toutes les contradictions en la vie des Saints cy-deffus efcrits ; feulement ic remarqueray que ceux qui ont imprimé les Liures de Baronius ont changé le nom de la bonne Dame Piance en Patientia. humaines LA VIE DE SAINT GVENAVLT, Abbé de Landeuenet. VIII. E venerable Guingaloy , Abbé de Landeuenet, faifant la vifite des Maifons fujetes à fon Ab- baïe, paffa par l'Hoftel de Romalius , Comte de Bretagne ; il rencontra le petit Guenault, fils du Comte, & de Letitia fa femme : Et comme les vieillards careffent ordinairement les enfans , il demanda à ce ieune fils s'il vouloit bien venir auec luy en fon Monaftere; l'enfant luy ayant refpondu gayement qu'il le defiroit ; s'of- frit de fi bonne volonté à fuiure l'Abbé , que du conſentement du Comtefon pere , & de fa mere, l'Abbé emmena S. Guenault auec luy , & cut foin de le faire bien inftruire aux Lettres CHAPITRELiure I. Chapitre VIII. 49 G humaines & diuines, aufquels il s'adonna de grande affection . Quand il fut paruenu en pleine puberté , Guingaloy le prit en particulier, & luy remonftra qu'il y auoit affez de temps qu'il eftoit dans le Monaftere pour en fçauoir les reigles & conftitu- tions ; qu'ilvoyoit la fimplicité de leurs veftemens , leurs jeunes, leurs veilles ordinaires en outre l'affiftance continuelle qu'ils faifoient iour & nuit à l'Eglife ; les frequentes meditations , orai- fons, &lectures ; l'obferuance du filence , auec la rigueur de l'o- beïffance; partant qu'il deyoit aduifer , & fe rcfoudres'il vouloit fuiure les confeils Euangeliques ; quitter les honneurs du fiecle; renoncer aux biens & réjouiffances du monde, pour s'embar- quer dedans le Nauire de l'Eglife , & fuiure le chemin penible dela Vertu , afinde paruenir à la gloire du Ciel. Saint Guenault tout deliberé &refolu, refpondit auec allegreffe , qu'il nedefiroit autre chofe que de viurefous fa conduite , & d'employer ſa vie au feruice de Dieu ; c'eft pourquoy il le fupplioit humblement de le receuoir en fa protection , & l'admettre au nombre de fes Reli- gicux , où il luy rendroit obeïffance & feruice , comme le plus petit de la maison. L'Abbé ne doutant aucunement de la bonne volonté , du confentement de tous les Religieux du Monaftere, le reçeut en la focieté de cette deuote Communauté , & le re- ueftit de l'habit Monacal. Depuis S. Guenault employa toute ſon eſtude & induſtrie à paruenir à la perfection de la vie Reli- gieufe, s'efforçant de s'en rendre capable. Il veilloit volontiers , & meditoit d'affection . Sur tout il s'efforçoit de reprimer les eflan- cemens de la fenfualité , par jeunes & difciplines moderées ; il fuyoit l'oftentation Pharifienne , & toute vainegloire : il prenoit garde qu'enfes actions , l'excés ne fuft blafmé ; que la nouueauté n'offençaft, & la particularité ne defpleuft à fes Confreres : il repaiffoit la viuacité de fon efprit par la lecture des faintes Ef- critures , defquelles puis apres il entretenoit fes penfées ; regloit fes actions ; fondoit fes meditations . Auec tous ces exercices fpi- rituels , il ne fuyoit point la frequentation de fes Confreres, ny des autres perfonnes deuotes & charitables. Enfin il s'entrete noit auec toutes perfonnes en paix & amitié , par la douceur de fes mœurs, paroles honneftes & modeftes : il fe conduifoit en toutes les actions , par difcretion & grande prudence : Aucc cela il voit d'vne grande promptitude à fecourir les neceffiteux;50 Antiquitez dela ville deCorbeil, de compaffion à confoler les affligez ; de charité à redreffer les errans & déuoyez en la Foy. Ces cuures luy concilioient l'ami- tié & bien-veillance de tous. Plus onl'honoroit , plus il s'humi- lioit. Cela fut caufe que lors que le bon Guingaloy fentit que -Dieu le vouloit retirer du monde , il confeilla à fes Religieux d'eflire Saint Guenault pour leur Abbé & Paſteur , comme vn homme chery de Dieu , & preuenu de fes benedictions. Son aduis fut fuiuy de tous les Religieux , & du confentement de tous S. Guenault fut efleu Abbé de Landeuenet. Mais il eut bien dela peine à fe refoudre de prendre la charge de l'Abbaïe, & quitter la douceur de fon eftude , & la confolation de ſes me- ditations , pour aller s'embaraffer au foin du ménage , auquel le Maiftre de la maiſon eft contraint de s'employer , & d'y auoir l'œil & la penſée ; outre les difficultez qui fe rencontrent à exer- cerla feuerité queles Superieurs font forcez d'vfer, pour main- tenir l'ordre de la difcipline Monaftique. Ces confiderations l'eftonnoient & le faifoient reculer de donner, fon confente- ment à l'eflection qui auoit eſté faite de fa perfonne : mais les inftances de fes Confreres eurent tant de pouuoir fur luy qu'ils firent flefchir fa refolution, & leur accorder que fon eilection euft licu : Ce fut toutesfois à condition qu'elle ne valideroit que pour fept ans , lefquels expirez il luy feroit loifible de quitter fa charge , & de s'en aller accomplir certains pelerina- ges qu'il auoit voüez à la deſcharge de fa confcience. Sous cette condition il reçcut en fes mains le bafton Paftoral , & durant les fept années accordées , il accomplit tous les offices & deuoirs d'vn fage & vigilant Paſteur : Toutes les actions furent con- duites par grande charité : Il accomplit le premier les loix & ftatuts du Monaftere, & par fon exemple donna courage à ſes inferieurs de les obferuer ; & oftoit aux pareffeux tout ſujet de s'excufer. Les fept années de fa charge Abbatiale expirez , & les affaires de fa maiſon reduites en bon eftat , il prit douze Re- ligicux, & auec eux s'en alla vifiter les Eglifes de la grande Bretagne , & d'Efcoffe , defirant viure inconnû en ces païs eftrangers , fi Dieu n'euft reuelé la fainteté de fon feruiteur, par les miracles qu'il produifoit frequemment ; car il n'y auoit infirmité de corps nyd'efprit, à laquelle il n'apportaft remede & foulagement : Et perfonne ne fortoit de fa prefence fans confo-Liure I. Chapitre VIII. lation & allegement. Il s'employoit volontiers à la conuerfion des pecheurs , & à l'inftruction des ignorans : Il s'efforçoit de perfuader aux Religieux de fe contenir dans les termes de leurs vocations , & en l'obferuation des reigles dont ils faifoient pro- Seflio Il auoit vne merueilleufe adreffe à gagner le cœur de ceux qu'il abordoit, en forte qu'ils ne faifoient aucune difficulté de fe foufmettre à fa direction. Sur tout il voit d'vne grande difcretion des liberalitez qu'on luy faifoit , & ne les receuoit que pour fubuenir au reftabliffement des Eglifes , des lieux de picté, &pour foulager les plus miferables. Quand il fe vit fauorifé des Princes , refpecté des perfonnes riches & opulantes , il employa fon credit à faire baſtir deux grands Monafteres , I'vn en An- gleterre , l'autre en Efcoffe, & les remplit de jeuneffe, qu'il auoit inftruite à lapieté. L'odeur & la fuauité de fa doctrine, & de fes mours, fe diuulga en forte, qu'il y cut cinquante Conuents de Moines qui le foufmirent à fa conduite. Et pourmieux fçauoir comprendre la forme & maniere de fon procedé , ils le prierent de leur enuoyer de fes Religieux. Quand il fe vit recherché de tant de perfonnes , il fut furpris d'vne grande crainte , de s'eftre laiffé emporter à la vaine gloire, & d'auoir trop librement re- çeu les honneurs qu'on luy auoit deferez ; pour cette cauſe il redoubla fes mortifications , jeuſnes & oraifons ; priant Dieu de l'infpirer, & luy faire fçauoir comme il deuoit fe comporter en l'af- Aliction où il fe trouuoit embaraffé. Dieu qui n'abandonne point fes Serviteurs fideles , luy fit fçauoir qu'il cuſt à ſe retirer au païs d'où il eftoit venu. Obtemperant à cette reuelation , il ſe mit en train de quitter l'Angleterre , & emmena auec luy cin- quante Moines. Eftant fur la mer leur vaiffeau fut ietté en la cofte de Cornuaille Bretonnante , où il fut bien reçeu par Ri- ualon, Seigneur du païs, qui voulut queles fubjets fereffentiffent de la fainteté de fon hofte. A cette fin il fit baftir trois Mona- fteres, efquels Saint Guenault diſtribua vne partie de fes Moi- nes , pour enfeigner la jeuneffe du païs. Apres ilfe remit fur mer auec le refte de fes Religieux ; Leur barque ayant efté portée fur l'Ile de Groye , à ſon arriuéc les cloches de la Paroiffe ſonne- rent d'elles mefmes. Par cette merueille les habitans de cette Ifle creurent qu'il y auoit quelque vertu eminente en ceux qui ve- noient d'aborder en leur Ifle ils eſcouterent donc bien volon 5 Gij52 Antiquitez de la ville de Corbeil, tiers les exhortations de Saint Guenault , & fe difpoferent à mieux feruir Dieu qu'ils ne faifoient auparauant. Saint Gue- nault ne pouuant faire long-temps feiour en cette Ifle , il defi- gna certains Oratoires &lieux de retraite pour ceux qui auoient efté plus touchez de deuotion, afin que feparez du vulgaire , ils peuffent s'exercer és actions de pieté qu'il leur auoit enfeignées. Quand il fe fut remis à la voile , fon bateau fut s'efchoüer ſur certaines Dunes & lieux deferts , efquels il ne trouua point d'eau douce pour fubuenir à la foif des fiens ; à cette cauſe Saint Gue- nault & fes Religieux fe mirent 'en prieres , & icelles finies il fit de figne de la Croix fur vne roche , qu'il frapa de fon baſton Pa- ftoral, dont il en rejalit vne fontaine de belle cau claire. A cauſe de cette faueur diuine S. Guenault refolut de paffer le refte de ſa vie en ce mefme lieu , qu'il commença d'accommoder de quelques petites loges , & celules , auec vne petite Chapelle. Ce qui depuis a feruy defujet à la fondation d'vn grand Mo- naftere , qui y a efté baſty : car le Roy Guerch fut aduerty de la venue du Saint par fes Veneurs, qui luy rapporterent qu'eux ny leurs chiens n'auoient peu approcher d'vne biche qui s'eftoit retirée en fauueté fous le Scapulaire du Saint , que le Roy Guerch defira voir , & l'enuoya prier de le venir vifiter, ce que par humilité il accorda, & fut reçeu honorablement par le Roy & fes Courtifans. Eux tous ne pouuoient fe raffafier de l'ouïr parler de Dieu , & le vouloient retenir auec eux : Mais le Saint ne pouuant fe feparer defon troupeau , demanda bien toft fon congé , qu'il obtint auec les bonnes graces du Roy, qui luy donna deux bonnes Metairies pour fubuenir à la nourriture de fes Moines, & à l'entretien de fon Monaftere. La vicilleffe furuenant, ne permit plus à Saint Guenault d'agir, & d'auoir foin des autres , il fe démit de fa charge d'Abbé entre lesmains d'vnfren parent, qui luy reffembloit auffi bien en integrité de vic que de proximité delignage. Enfin Saint Guenault rendit fon ame à Dieu le troifiefme iour de Nouembre. L'année n'eft point cottée en la Legende, il eft feulement dit qu'il fut enfeuely en grande ceremonie , en l'vne des Chapelles du Monastere , & que depuis on luy a porté tant de refpect, que l'on nepermettoit point aux femmes d'entrer en cette Chapelle. Mais que le Roy Neomenie eftant venu enpelerinage en ce Monaftere, & le trou- . “Liure I. Chapitre VIII . 13 uant en ruine, ille fit reedifier tout de nouueau auec fon Eglife, dedans laquelle le corps de Saint Guenault fut efleué & exposé à la veneration du peuple , qui y abordoit entroupes innumera- bles, pour y trouuer foulagement & guerifon de fes maladies. Quelquescentaines d'années apres les Infideles faifans des cour- Les & rauages continuels en Bretagne , les Religieux de cette Abbaïc eftans contraints de l'abandonner , emporterent quant & eux les Saintes Reliques de Saint Guenault, & les apporte- rent en France , où Teugdon Preuoft de Paris les reçeut ho- neftement ; & pour leur retraite il leur donna vne Maiſon Sci- gneuriale , qu'il auoit en la Paroiffe de Courcouronne prés de Corbeil, oùils depoferentleurs Reliques; & demeurerent en ce lieu iufques à ce que les Saxons vinrent faire la guerre en France: alors les Reliques de Saint Guenault furent apportées au Cha fteau de Corbeil , où l'Illuftre Comte Hemon fit paroiftre fa pieté & magnificence ; caril fut auec le Clergé & le peuple, fes fubjets , à Croix & Baniere déployée receuoir le Corps Saint, & pour le commencement il le fit mettre en vne petite Chapelle qui eftoit au Faux - bourg Saint Lacques , & la donna, auec fon pourpris, à ces Moines; encore à prefent le Prieur de Saint Gue nault jouït de cét heritage. Apres que les Saxonsfurent retirez , le Comte Hemon defirant embellir fon Chafteau ;, & munir fa place d'vn fi bon deffenfeur , il fit baftir vne Eglife au lieu le plus eminent de fa maifon , où il fit apporter ce precieux joyau Il donna & departit de fes biens pour entretenirquatre Preftres, qui deuoient celebrer le Seruice diuin en cette nouuelle Eglife. Quandle RoyLouisle Groste fut rendu Seigneur proprietaire de Corbeil, il donna cette Eglife à l'Abbaie S. Victor lez Paris. Ilya plufieurs chofes en cette Legende , Idont nous venons de donner latraduction , quimeritoientd'éftro expliquées ; comu me ce quenous venons de dire de la guerre que les Saxons firent enFráce, lors queles Reliques de S. Guenaultfurent tranſportées à Corbeil. Cela felon Vitigind & Fauchet , fe doit entendre'dp voyage que l'Empereur Othon fit en France, pourfecourir Louis d'Outre-mer, mal mené par Hugues le Grand, & autres Sei gneurs de France. Dauantage , ce que la Legende dit de Roma lius, perede S. Guenault , qu'il eftoit Comte de Bretagne, &do ce qu'en vn autre endroit elle vie de ces paroles , Ex illis regio- G iij54 Antiquitez dela ville deCorbeil, 1 nibus in Franciam pignora deportantes in Parifiacos finesperue- nerunt ; celuy qui a compofé la Profe de S. Guenault a dit qu'il eftoit Anglois. Delà eft venu lebruit vulgaire queles Reliques dudit Saint ont cfté apportées d'Angleterre au village de Cour- couronne, qui eft vn erreur quimerite d'eftre corrigé : car du nom de Bretagne , vouloir inferer que Saint Guenault aye efté An- glois de Nation ; c'eft ignorer l'Hiftoire , qui nous apprend que I'Ile d'Angleterre n'a reçeu cette denomination qu'enuiron l'an huit cens de noftre Salut , par l'Ordonnance du Roy Ecbert. Et cette Legende rapporte que Saint Guenault avefcu du temps de Riualon & de Guerch lefquels regnoient , l'an cinq cens de noftre Salut , plus de deux cens ans auant que les Bretons fuffent nommez Anglois . Dauantage, l'on ne peut reuoquer en doute que ce canton de Gaule, que Cefar appelle Cité Armorique, n'aye efté nommé Bretagne, du moins depuis la fortie de Ma- xime & Conan, hors de l'Ifle de Bretagne , du temps de Teo- dofe le grand, enuiron l'an de noftre Salut trois cens quatre- vingts. Et Bede le Venerable, & premier Hiftorien Anglois que nous ayons , reconnoift que les Bretons Gaulois ont peuplé &donné le nom de Bretagne à ceux de l'Ifle : mais foit l'vn, foit l'autre ,le nom de Bretagne d'antiquité eftant commun à I'Ifle & à la terre ferme , il nepeut feruir depreuue que S. Gue- nault ait efté Anglois. Quantaux autres paroles qui portent que ces Saintsgages ont efté apportez de Bretagne en France ; l'on ne peut pas non plus infererqu'ils ayent efté apportez d'Angleterre, pource qu'il eft certain que les Bretons fe font toufiours voulu feparer du refte de la France ; & encores à prefent que la Bre- tagne eft vnic & incorporée à la Couronne de France, neant- moins quandles Bretons fortent hors les limites de leur Pro- uince, ils difent qu'ils viennent en France. Ce qui pourroit dauantage induire le foupçon que Saint Guenault ait eſté, non pas Anglois , mais foit nay en la grande Bretagne ; c'eſt qu'Argentré en l'Hiftoire de ce Pais fait mention d'vnGuyno- lay, qui a quelque rapport auec Saint Guenault, dit en Latin Guenailus. Pour le plus grand efclairciffement de cette Anti- quité , ie tranſcriray icy les paroles dudit Argentré conçeuës en ces termes. Le Roy Gralon àla priere defes fübjets , enuoyafaint Corantin fLiure I. Chapitre VIII. ss à Saint Martin Archeuefque de Tours , pour lefacrer Euefque de Quimper, & en fa compagnie il enuoya deux hommes degrande fainteté, Guinolay & Tugdon , afin d'eftre consacrez Abbezde deux Monafteres qu'il auoit fait nouuellement baftir. Ilsfurent tous trois bien reçeus de Saint Martin, qui confacra Saint Coran- tin Euefque de Cornuaille, mais il ne voulut toucher à Guinolay &Tugdon, difant qu'il appartenoit à Saint Corantin de les benir, & eftablir en leurs Monafteres. Quand Saint Corantin fut de retour en Bretagne, il en eftablit vn à Landeuenet, & l'autre en un autre lieu . Ce Guinolay eftoit venu de l'Ile de Bretagne, . Son pere s'appelloit Flagian , &fa mere fuyant la perfecution . Ils eurent un au- Alba, &demeuraient à Lefcan , prés Quimper tre fils nommé Iacut , au nom duquel a efté dedié vn Monaftere au Diocefe de Dol, tenu par les Religieux de Cifteaux. Entre- autres perfonnes qui en ce temps-là fe transporterent de l'e en terre ferme, fut Guinolay , qu'ils honorent en la baffe Bre- tagne. Iufques icy les paroles d'Argentré ont efté tranfcrites : en icel- les il y a trois chofes conformes à noftre Legende : La pre- miere , le nom de Guinolay, qui refpond au nom de Guenailus: Lafeconde, le nom de l'Abbaïe de Landeuenet , explique affez bien le nom de Langodunocenfis , dont la Legende vie : La troi- fiefme , en ce qu'il fait fon Guinolay contemporin de Guin- galoy mais d'autre cofté il fe trouue de grandes differences. Premierement l'Hiftoire dit que Guinolay eftoit fils de Flagian, & d'Alba. La Legende dit que Saint Guenault eftoit fils de Ro malius & de Letitia, Enfecond lieu , l'Hiftoire dit que Guinolay a efté le premier Abbé de Landeuenet , Abbaïe nouuellement baftie par Gralon ; & la Legende veut que Guenault a fuccedé à Guinaloy. En troifiefme lieu , l'Hiftoire dit que Guinolay a vefcu fous le Roy Gralon , du viuant de Saint Martin, environ F'an quatre cens de noftre Salut. Et Saint Guenault a vefcu fous Riualon & Guerch, qui Seigneurioient enuiron l'an cinq cens foixante, du temps de Clotaire &fes enfans. En quatrieme lieu, l'Hiftoire fait fuir Guinolay hors d'Angleterre, de peur de la perfecution. Et la Legende y fait aller Saint Guenault, aymé & chery des Rois & du peuple, enforte qu'il y fit baftir deux grands Monafteres. En cinquieſme lieu , l'Hiftoire dit que Tugdon56 Antiquitez de la ville de Corbeil, eftoit Abbé en Bretagne. Et la Legende dit que Tugdon eſtoit. Preuoft de Paris L'on pourroitapporter d'autres differences que . , j'obmets, à caufe que lesfufdites font fuffifantes pour dire , &fou ftenir queSaint Guenault &Guinolay ont efté deux diuers per- fonnages , efloignez pour le moins de deux fiecles ; les Latins nommans I'vn Guenailus, & l'autre VVinoleus. Pour fatisfaire à la queftion ,fçauoir de quel païs cftoit Saint Guenault, l'on peut fouftenir par plufieurs raifons , tirées de la Legende , que Saint Guenault eftoit originaire de la Bretagne Armorique & Gau- loife. Lapremiere eft que Romalius fon pere eftoit qualifié Comte de Bretagne, laquelle qualité ne fe trouuera point auoir iamais efté donnée à aucun Seigneur de l'Ile de la Grande Bretagne, en laquelle le nom de Comte n'a point efté en vſage par les Anglois , finon depuis la conqueste de Guillaume le Normand. Au contraire de toute antiquité les Seigneurs de la petite Bre- tagne fefont dits & qualifiez Ducs & Comtes. La feconde rai- fon fera priſe des paroles fuiuantes de la Legende. Rebus Mo- nafterij difpofitis , in maiori Britannia peregrinabatur, & latere quidem volebat in terris alienis quem latere virtutum infignia non patiebantur. De ces paroles l'on peut confiderer que par- lant de l'Angleterre , il ne la nomme pas fimplement Bretagne, mais Grande Bretagne , à la diftinction de la petite Bretagne Gauloife, en laquelle Romalius eftoit Comte : Et outre, le texte dit que fa Grande Bretagne eftoit vne terre eftrangere à Saint Guenault, où il vouloit ſe tenir caché & inconnu à ceux du païs. La troifiefme raiſon cft , que la grande Bretagne & l'Efcoffe, eftoient fi bien eſtrangeres à Saint Guenault , que le Legendaire n'a peu nommer aucun des Rois &Seigneurs, qui commandoient ences païs du temps qu'il yfeiourna : mais auffi toft qu'il retourne en la petite Bretagne , fon païs natal , il ne manque point de dire & fpecifier les noms de ceux , fur les terres defquels il a paffe & feiourné , comme de Ricualus , que nous diſons Ricua- lon, furnommé Murcmaſon , Roy du païs de Cornouaille , que Cefar appelle Curiofolites , la Seigneurie duquel s'eftendoit fur les Eueſchez de Quimper, Leon, Lantriguier, &fur l'Ifle de Groy, ou Groaye, fiz vis à vis de la ville de Hamibouft , & du Port de Blauet. Ce Ricualon eftoit fort aimé du Roy Clotaire, à caufe de fa vaillance. Au fortir de cette Ifle de Groaye , la barqueLiure I. Chapitre VIII. 57 barque de Saint Guenault fut iettée fur le terroir de Guerch, où VVerech , fils de Maclian , à fçauoir fur la terre de Vannes, ou il Seigneurioit en qualité de Roy, felon la Legende, ou plu toft de Duc ou Comte, comme difent Gregoire de Tours , & Aymoin le Moine , qui le nomment Varocus. Enfin ce qui me femble ofter toute difficulté , & verifier que S. Guenault eftoit Breton ; c'est que la Legende rapporte que Neomenie ayant vifité l'Eglife où repofoient les Reliques de Saint Guenault , il trouua tout le baſtiment du Monaftere en peril eminent, & le fit rebaftir tout de nouueau , auec l'Eglife & la fepulture du Saint. Ceux qui ont feüilleté nos Hiftoires , ont affez oûy par- ler de Neomenie , qui ayant eſté eſtably Gouuerneur au Comté de Bretagne, par l'Empereur Louis le Debonaire, apres fon decés fe reuolta contre le Roy Charles le Chauue , & fit de grandes deſtructions dans les Prouinces voisines , fans y efpagner les Eglifes : envengeance dequoy l'on dit qu'il mourut d'vn coupde bafton Paftoral de S. Maurice d'Angers , comme il eft rapporté en fa vie. C'eſt donc vn abus de dire que les Reliques de Saint Guenault ayent cfté apportées d'Angleterre à Corbeil ; encore plus abfurde de le dire Efcoffois de nation , & qu'il foit venu mourir àCorbeil du temps du Comte Hemon, ainfi que The- uet le raconte en fa Cofmographic. Claude Robert enfa Gaule Chreftienne, dit que l'Abbaïc de Landeuenet, eft fituée au Dioceſe de Quimpercorentin ; & au Catalogue des Euefques de Lantriguier , il met trois Prelats du nom de Guenailus ; ce qui monftre que la memoïre de Saint Guenault s'eft conferuée en honneur en noftre Bretagne Armorique. Ie fuis cfbahy que le fieur de Bault , qui a efcrit l'Hiftoire de Bretagne, dutemps du Roy Louis douziefme; encores que fou- uentil s'aide &allegue la Croniquede l'Abbaïe de Landeuenet, ne fait point de mention de noftre Saint Guenault , fi ce n'eſt fous le nom de Gurthenqc, qu'il dit auoir efté frere de S. Iacut, & contemporain de Guingabreus , fous le Roy Gralon. fe me fuis enquis d'vn du païs , qui connoiffoit l'Abbé de Landeue- net, de cette Chronique alleguée par de Bault , qui m'a dit qu'à prefentils n'ont aucun refte ny veftige. Ie fuis contraint icy de me plaindre de ceux qui ont mis la H58? Antiquitez delaVille deCorbeil , vie de Saint Guenault dedans le Liure des Fleurs des Saints; car s'ils ne vouloient fuiure ce que l'en ay efcrit , ils ne deuoient pas y mettre mon nom, & deftruire l'eloge qu'ils m'ont donnée, me faifant apeller l'Euefque de Paris Reginaldus , Legault ; & la petite Ifle de Groaye , Sainte-Croix, & autres inepties que ie ne veux m'amufer à contredire. Mais i'ay peur qu'à la fin ces Efcriuains à la tafche ne rempliffent de ronces & d'efpines, l'excellent jardin , dans lequel Ribadeneira auoit planté la Fleur des Saints. 231035 1 ATS 5m 1 roh sl a 1.Liure I Chapitre IX. 19 DES ANCIENS COMTES ET VICOMTES DE CORBEIL . Left biendifficile d'efcrire en deftail le gouuét- nement des Villes & Prouinces de la France, fous les deux premieres races de nos Rois. Sinon que toutes les villes en general eftoient du Do- maine de la Couronne de France ; & le peuple eftoit gouuerné, pour la plusgrande partie, felon l'ordre eſtably par les Romains entre les Gaulois. Le Docteur Cujas a remarque qu'entre les nouueautez introduites par l'Em- pereur Conftantin , futlecredit & authorité qu'il donna au nom de Comes, duquel eft deriué le nom François de Comte; ce qu'il fit pour honorer ceux qu'il defiroit recommander commefes amis & familiers. A caufe dequoy le nom de Comte fut incon- tinent recherché par les Gouuerneurs des villes & Prouinces de Empire Romain , pour s'efgaler à ceux qui auoient commandé dans les armées, quiprenoient la qualité de Ducs. Et quand nos Rois François le furent emparez des Gaules , afin de gagner l'affection de la Nobleffe du païs ; ils la conferuerent en grades & dignitez , dont ils fe trouuerent iouiffans. Et la Nobleffe Fran- coife trouua bon de fe fraternifer auce la Nobleffe Gauloife, par la conformité des noms de Ducs & Comtes. Non pas que fous ces noms les Rois leur accordaffent aucun droit de pro- prieté és villes & lieux honorez de ces tiltres : ils ne leur don- noient ny attribuoient en ces places que certains gages , pen- fions & menus droits , qui de couftume appartenoient aux Of- ficiers & Magiftrats de la Republique ce qui s'obferue chcotes -ià prefent en Angleterre. Et qui confiderera de prés l'Hiftoire de France, life trouuera que les Rois de France , de la pre- ” CHAPITRE IX. 0160 Hij160 Antiquite de laville deCorbeil, miere race , ont efté fort jaloux de leur Souueraineté , & ne Todt aucunement communiquée à leurs fübjets, de quelque condition qu'ils fuffent. Lailfans cette antiquité , dont l'on ne peut parler que par coniectures ; ie diray fimplement que les Ducs & Comtes anciens eftoient non feulement Capitaines, mais encores lugesdes peuples commis , fous leurs directions & gouuernemens. S'il y a eu de ees Comtes à Corbeil, nous n'en pouuons rien affeurer , d'autant qu'il n'en refte aucun veftige. Mais l'importance de la ville de Corbeil , à cauſe du paffage de la riuiere de Seine , Inous fait croire qu'auffi toft que la ville de Corbeil fut clofe , & le paffage du Pont fortifié , comme nous Pauons dit cy-deuant , l'on y eftablit vne garnifon de Soldats, auec vn Capitaine, pour tenir le paffage en feureté. Et par ce qui s'en eft enfuiuy , il appert que ce Capitaine futhonoré de la qualité de Comte , & leurs Lieutenans furent nommez Vicom- tes. Les yns & les autres font demeurez en fimple cftat d'Offi- ciers , jufques à la minorité du Roy Charles le Simple ; du- rant le Regne d'iceluy il s'introduifit vne grande confufion au gouuernement de l'Estat de la France. Et les Officiers , & Gou ruerneurs des villes & Prouinces s'en firent bien àcroire ; enfin ils lirendirentleuds Gouvernemens hereditaires, Le Couronnement a de Hugues Capet authorifa leurs poffeffions, & les rendit Sci- gneurs legitimos des dieux , defquels auparauant ils n'eftoient qu'Officiers , au moyen de la confirmation que le Roy leur en Soctroya , afin de les tenir obligez à le maintenir au Siege Royal, 2 affeurer la Couronne enla famille Quand . les Ducs & Com- tes fe virent proprietaires des Chafteaux, Villes, & Prouinces de la France; alors ils negligerent d'exercer la Iuftice en per- -fonne, pour s'adonner entierement au fait des armes, par lef- quelles ils efperoient fe pouuoir maintenir, & conferuer en leurs nouvelles poffeffions : Adeur exemple les Vicomtes recognoif- fans que les Loix & la Iuftice n'auoient plus de vigueur , & que -toutes les affaires fe démefloient par l'efpée , ils quitterent l'e- xercice de la Iuftice, & deleurs Offices, & enfirent vne maniere de Seigneurie, qu'ils incorporerent aux Fiefs, & terress particu- 29lieras, dontilsiouifoient. Les particuliers & lepagurt peuple, ne pougant fubfifter fans Juftice , fon rechercha des hommes pai- fibles , & bien entendus au maniment des affaires domestiques, . 1Liure 1. Chapitre IX. 61 pour exercer & rendre la Iuftice. L'on donna à ces Iuges diuers noms : & en ces quartiers du Royaume , les noms de Baillifs & Preuofts , auec leurs Lieutenans, furent les plus vfitez ; d'iceux nous en remettrons le difcours en vn autre lieu , pour dire que fous le Regne de Hugues Capet, le Comte de Corbeil demeura Seigneur & proprietaire de la ville & Chaftollenie de Corbeil, & des droits Seigneuriaux qui en defpendent commepareille- ment la Vicomté fut tranfportée en vn Fief patrimonial , rele- uant du Comte de Corbeil , par le moyen du nouuel eftabliffe- ment , & vnion qui fe fit auec la Seigneurie du village de Fon- tenay, qui en a efté furnommé Fontenay le Vicomte, Par fuc- ceffion de temps la Seigneurie de Fontenay a efté diftraite de la Vicomté , qui a paffe en diuerfes mains, & appartenu à di- uers Seigneurs de Fiefs , fiz en cette Chaftellenic , & à preſent elle eft iointe à la Seigneurie de Tigery. Et d'autant quepar cy- apres il ne fe prefentera gueres de fuiet de parler de cette Vi- comté ; nous exhiberonsicy l'eftat par adueu rendu en la Cham- bre des Comptes à Paris , duquel la teneur s'enfuit. Le quinziefme Ianuier , l'an de grace mil trois cens quatre- vingts cinq, Gilles Malet , Seigneur de Villepefque , & de Saififur SSeine, Vicomte de Corbeil's Aduonons de tenir en fog.& hommage du Roy noftre Sire, à cause de fon Comte de Corbeil, vn Fiefcontenant une Maiſon feante à Fontenay le Vicomte , auec le Iardin , commele tout fe comporte . Item trente-cinq arpens de terre & vignes, auec vingt -fix fols de menufens, portans lots, ventes, faifines, & amende, le cas efcheant. Item le cours de l'eau, & une maison nommée la Roque , auec le maraisfeant au- dit Fontenay. Item, vne droiture & demie à Noel. Item , trois deniers Poiteuins fur chacun muid de Sel paffansfous l'arche du Pontde Corbeil; auec le plancheage. Item, les mesures de la ville & Chaftellenie de Corbeil Claude Caligant tient un Fiefde la- dite Vicomté, aẞis à Etioles appellé la Court du Preffoir, anec haute Iuftice. Iacques Oudart en tient un Fiefà Tigery , conte- nant une maison , court, jardin, & colombier, appellé le Fiefde Saucourt. Maiftre Robert de Tinteuille Confeiller en Parlement en tient un Fieffin àTigery, contenant une tour cloſe defoffez pleins d'eau, terres, prez, &rentess appellé la Tour de Tigery. “Louis desNoyersen tient un autre Fieffix audit Tigery,conte- 1 Hij: 62 Antiquitez de la ville deCorbeil, nant unegrande maison, jardin, prez, terres , rèntes , auec deux arriere-fiefs , l'un à Rouure , l'autre àVigneux. Ledit des Nojers en tient un autre Fief, contenant foixante arpens de bois en deuxpieces , fiz en la foreft de Senart, l'on appellé les Trofmes; l'autre le Cormier, fizfur le Rû de Hauldre. Tean Teftu Notaire en tient un Fief, fiz à Seruigny, contenant plufieurs pieces de terre , & des ariere-Fiefs. Iean Postelfieur d'Ormoye , entient un Fief, contenant vingt arpens de bois , appellé Mongafton. Louis Sanguin en tientl'Hoftel & Seigneurie deVillemenon présSeruon, auec haute Iuftice ; en tient encores le Moulin & la Pefcherie de Villemenon. Claude Sanguinfonfrere ,fieur de Meudon, en tient le Fiefde la Burelle, prés Sougnole, terres , prez, rentes , auec cinq arriere-fiefs. Maiftre Iean Tarterean en tient deux Fiefs, mounans de ladite Vicomté, fiz à Brye-Comte-Robert. Maiftre Iean Buyer en tient un Fieffeant à Seruigny. Iean Ducy,fieur de Mongermont, & de Saintry, en tient on Fieffix à Lieu-faint. Maitre Gilles l'Hulier en tient la Terre & Seigneurie de Rou- ures, & deux arriere-Fiefs ; le tout mouuant de la Vicomté de Corbeil. OVR entamer l'Hiftoire particuliere de Corbeil, c'eft Hemon qui nous en ouure le pas ; 'car c'eft le premier quialaiffe memoire de luy , aumoyen de la conftruction & fondation des Eglifes de Saint Spire , & deSaint Guenault; & par la ma- gnifique tombe fur laquelle fa repreſentation eft gifante, & fur le rebord de laquelle eft l'infcription qui enſuit. Cy gift le corps de haut, & noble homme , le Comte Hemon, jadis Comte de Corbeil, Dieu ait fon ame. Les années de fes fondations , ny de fon decés ne font point cottées , ny decla DE HEMON de Corbeil. CHAPITRE X. COMTE 3 ·Liure I. Chapitre X. 63 rées. Les Chanoines de Saint Spire fe font attachez à Aymon de Bourbon , & pour leur Autheur ils alleguent Guaguin, qu'ils difent auoir efcrit, que Louis le Gros prift Aymonde Bourbon; & adiouſtant du leur , difent qu'il confiſca ſa perfonne & ſes biens, qu'il prefumoit eftre la Comté de Corbeil , encores que Guaguin ne le dife pas. Ils n'ont pas pris garde qu'ils conioignent deux diuers actes , lefquels font en quelque façon vrais : Sçauoir, que le Roy Louis le Gros arrefta prifonnier le Comte Aymon de Bourbon. Et d'autre cofté , que le Roy retira à foy & à fon Domaine le Comté de Corbeil : le dernier point pris conioincte- ment auec le premier, eft faux. Ceux qui liront attentiuement Guaguin , trouueront que Louis le Gros a regné vingt- huit ans : & qu'aux premieres années de fon Regne , tenant Hugues du Puiffet , Vicomte de Chartres, prifonnierà Chafteau- Landon, il retira de luy la Comté de Corbeil, par compofition faite par l'entremise de Suger, Abbé de S. Denis en France ; ainſi que nous rapporterons cy-apres en fon lieu. Long temps apres que cette affaire fut vuidée , le Roy Louis fit vn voyage en Bour- bonois, pour faire mettre à la raiſon Aymon de Bourbon, qui par, violence s'eftoit emparé de tous les biens de la fucceffion de fon pere, au preiudice d'Archambault , cinquiefme du nom , foħ neueu , &fils de fon frereaifné , decedé auant leur perecommun. Nonobftant le fait , tel quenous venons de dire, & qui eft con- firmé par le mefme Guaguin , par Suger , & tous les Hiftoriens François , les habitans de Corbeil ont efte nourris en cette.er- reur, que le Comte Hemoninhumé en l'Eglife de Saint Spire, eftoit de la race & famille de Bourbon ; & le donnent ainfi à en- tendre à tous ceux qui vifitent leur Eglife , contre toute appa- tence de verité. Car quand Aymon auroit efté de la race des Archambaults de Bourbon , nos Rois & Princes ne font point defcendus de la fouche dudit Aymon , & qui plus eft , n'ont eu ny pû auoir aucune alliance de parentelle auec luy , d'autant que le mariage de Robert d'Arthois , auec Agnets de Bourbon; & celuy de Robert de France , Comte de Clermont, auec la fille de ladite Agnets , n'ont point introduit d'alliance auec Ay- mon de Bourbon, mort deux cens ans auant lefdits mariages. Quant à ce qu'ils adiouftent pour prevue de leur dire , cette Croix qui eft deuant la porte de l'Eglife des Carmes à Paris, :
64 Antiquitezdela ville de Corbeil,
c'eft alleguer fans Autheur : Car de dire que cette Croix eft dite Croix d'Aymon , à caufe qu'Aymon de Bourbon a eſté executé en ce lieu, cela n'eft aucunement veritable; car Aymon n'a iamais efté accufé d'aucun crime , ny moins condamné : Ce dont il eft blafmé, c'eſt d'auoir voulu maintenir auec l'efpée vn droit litigieux , & diuerfement obferué en France. Sçauoir, fi reprefentation auoit lieu en fucceßions directes & collaterales.” De façon qu'Aymon eftant refté feul enfant d'Archambault, quatriefme du nom , il fe pouuoit dire & porter pour feul ou principal heritier de fon pere, à cauſe que fon frere aifné eftoit mort auantfon pere , & ainfi que fon fils , eſtoit reculé d'vn de- gré de la fucceffion de fon Aycul . Aymon ne manquoit point d'exemples pour fouftenir les pretentions , par ce qui s'eftoit pratiqué és fucceffions des principales Maiſons de France. Auffi le fait d'Aymon ne fut point pris en fi mauuaife part qu'ils fe perfuadent : Car leur Autheur Guaginvfe de ces paroles. Aymo petiit vt adregemfibi ire liceret ad quemdimiffo fupercilio veniens accepit veniam deductufque in Franciam publico iudicio nepoti quod abftulerat reddere condemnatur. Paul Emile explicant cette affaire, dit : vtin magnis Imperiis controuerfo iure nepos & ma- iore filio antea defuncto ad auitam hereditatem, an minor filius vocetur. Aymo pofitis armis coactus eft iudicio procerum ftare. Idem ius adolefcenti datum quod patri fi viueret adiudicaretur. Pars tantum bonorumpatruoferuata. De ces paroles l'on void que tant s'en faut qu'Aymon aye efté condamné à perdre la vie, qu'on luy adiugea la part & portion en la fucceffion con- tenticufe. Pour conclufion , ce n'eft point Aymon de Bourbon, qui eft inhumé en l'Eglife de Saint Spire, laquelle auoit efté ba- ftie & fondée deux cens ans auant qu'Aymon de Bourbon fuft né. Le Cofmographe Theuet voulant à ſa mode dire quel- que chofe de nouueau , s'eft grandement fouruoyé & extraua- gué fur le fait de noftre Hemon , qu'il fuppofe cftre ce fameux Aymon Dardeine, pere de Regnault de Montauban. De fon dire il n'en rapporte autre raifon que la grandeur & richeſſes de fon Aymon; finon qu'il met en ieu le Prieuré de Saint Iean de l'Hermitage , qu'il appelle l'Hermitage de Maugis ; & s'eft imaginé que c'eft ce Maugis d'Aigremont, tant chanté par les Romans. Si Theuet cuft cfté auffi foigneux defeüilleter les bons LiuresLiure I. Chapitre X. 65 I Liares , quede mettreau iour fes fantaifies , il cuft trouué que ce Prieuré a pris fa denomination de Maugis , Archeuefque de Rouen, qui pour quelque temps y fit retraite , fuyant la perfe- cution de Guillaume le Baftard , comme il fera dit cy- apres. Auffi Theuet n'eftant pas bien affeuré enfon Aymon Dardeine, va chercher, en fes vieux parchemins (comme il dit ) vn Ay- mon qu'il appelle de Champagne , pour effayer s'il s'en pourroit feruir à démeller cette fufée, ce qui luy a mal fuccedé. Car Pithou , tres- fçauant en l'antiquité de fon païs de Champagne, nous a appris qu'entre les Comtes Champenois, il n'y en a cu qu'vn nommé Edmond, & non Aymon, qui eftoit fils de Henry troifiefme du nom, Roy d'Angleterre ; lequel ayant ef- poufé Blanche, veufue de Henry le Gros, à caufe du Douaire de fa femme, & de fes conuentions matrimoniales , prit la qua lité de Comte de Champagne. Par ainfi il fe void combien cét Anglois Champanifé eftoit efloigné de la Comté de Corbeil, oùil y auoit plus de quatre cens ans que Hemoneftoit inhumé. L'on m'a communiqué les Memoires de Frere lacques Doublet, Moine & Hiftorien de l'Abbaïe de Saint Denis , qui portoient que Hugues du Puiffet eftoit furnommé Aymon Courre-vache, & luy vouloit adapter les fondations des Eglifes de Corbeil: Encores quefon Abbé Suger, contemporain dudit Huges , & duquel il aamplementparlé en fon Hiftoire, ne faffe point men- tion de ces furnoms. Au contraire il expofe que Hugues n'en- tra iamais enla iouïffance de Corbeil; partant n'apeûy faireau- cuns baftimens , nyfonder des Eglifes : ileft mort en la Paleſti ne. Il eſt encores hors de propos de fe vouloir aider d'vn Hu- gues Aymon, fils de Geofroy d'Aquitaine, car il paffa le cours de fa vie en la terre Sainte. Quivoudroit aller chercher vn He- mon iufques en Languedoc , leurs Hiftoires nous enfourniroient vn plus en main , quand ils difcourent de la rebellion de Ber- nard, Comte de Thoulouze : car ils difent qu'il auoit vn frere nommé Aymon , qui s'efforça de tirer & diuertir le Roy Louis le Beguede faire la guerre aux Thoulousains , par vne elmotion qu'il fufcita en ces quartiers de deça, par la furprife qu'il fit de la ville d'Evreux. En effet cela incita le Roy de reuenir en Fran- ce, mais il fut arreſté en la ville de Tours, où il deceda , fans auoir puny ces freres (editieux. Ce Bernard & fonfrere Aymon66 Antiquitez de la ville de Corbeil, approchent fi prés du temps de noftre Hemon de Corbeil; que l'ay aucunement douté fi ce n'eftoit point vne meſme per- fonne Toute . -fois le temps bien calculé, il ſe trouue prés de foixante ans de diſtance du premier , que Paradin dit auoir eſté Comte d'Autun. Et le fecond, fçauoir Hemon de Corbeil, qui a vefcu iufques au commencementdu Regne de Hugues Capet. Ayant donc recherché auec la plus grande diligence qu'il m'a efté poffible , i'aytrouve que noftre Hemon eftoit fils d'Oſmont le Danois , Gouuerneur de la ieuneffe de Richart , premier du nom , Duc de Normandie ; la perfonne &affaire duquel il a eu en finguliere recommandations & le tira hors des mains du Roy Louis d'Outremer, qui le retenoit en la ville de Laon. Olmont l'ayant enucloppé dans vn faiffeau d'herbes , l'emporta ſur ſon col au Chafteau de Couffy, & depuis il le maintint, &conferuafes terres & fes Seigneuries , par grande prudence & vigilance. Et quand le Duc Richart fut en âge, il luy concilia le mariage d'Efme, fille de Hugues le Grand , Prince des François ; les Fiançailles en furent faites à Paris , l'an de noftre Salut , neuf cens quarante-fix. A cette fefte fe trouuagrand nombre de No- bleffe de Normandie , entre lefquels parut Hemon fils d'Of- mont, ieune homme de grande efperance, chery & careffé des Dames ; il fe trouua efpris de la beauté & bonnes graces d'vne icune Damoifelle , proche parente d'Auoye, femme de Hugues le Grand, fecut de l'Empereur Othon , qui l'auoit amenée bien icune en France ; elle fe nommoit Elizabeth. La Princeffe Auoye s'apperçeut ineontinent de leurs amours, & les defcou- urit à fon mary , qui en fut bien content ; efperant que faifant ce mariage, Elizabet iroit entretenir les Normans en bonne intelligence & volonté , d'accomplis le mariage de leur fille Elme, qui lors n'eftoit âgée que de neuf à dix ans, Hemon donc & Elizabeth furent mariez enfemble : & en faucur de leur mariage Hugues le Grand leur donna la Comté de Cor- beil, & la Seigneurie de Gournay fur Marne. Les Hiftoriens ont remarqué que Hugues rechercha l'alliance des Normans, pour s'en preualoir contre l'Empereur Othon , qui eftoit entré en grande colere contre luy , à caufe qu'il auoit melprife toutes les prieres qu'il luy auoit faites en faueur de Louis d'Ou- tre-mer: Et fans deferer au refpe&t qu'il luy deuoit, il auoit traitéLiure I. Chapitre X. 67 le Roy fi indignement, qu'il l'auoit contraint de luy laiffer la ville de Laon , fa principale retraite. Outre cela Hugues auoit refulé de fe foumettrepour le difcord qu'il auoit auec le Roy, au iugement des Princes d'Allemagne , affemblez à la Diete de Verdun , tenuë l'an neuf cens quarante-huit : Et de meſme au- dace auoit rebuté les Ordonnances du Concile de Treues ; d'au tres difent de Mayence, tenu en la meſme année , par le Pape Agapete, pour raiſon dequoy Hugues fut excommunié par le mefme Pape. Toutes ces brauades efmeurent Othon d'entrer en armes dans la France par deux fois. La premiere, il vint iuf- ques à Paris , ruinant & defolant les terres de Hugues , & defes partiſans : Mais n'ayant apporté d'Allemagne des munitions de guerre pour forcer les villes & places de refiftance , il s'en re- tourna en fon païs , fans auoir auancé autre choſe , finon d'en- uenimer le cœur des François, contre le Roy Louis d'Outre- mer, fur lequel ils reiettoient la caufe de leurs pertes , & des dommages qu'ils auoient foufferts de l'armée cftrangere. La feconde fois, l'Empereur auec fes Saxons , fut iufques à Rouen, où Hugues s'eftoit retiré auec lon gendre,le Duc Richart , &où ils auoient ioint enfemble leurs forces pour s'opposer à l'Empe- reur. Etde fait quand l'Empereur approcha de Rouen, fon auant- garde fut rudement reçeuë, & repouffée par les François & Normans, entre lefquels Hemon fe fit remarquer par fa valeur &bonne conduite : Outre l'honneur qu'il y acquit , il cut en fa part de bons prifonniers ; ce qui contraignit Othon de retourner enfon païs , plus mal accompagné qu'il n'eftoit venu. Hemon de Corbeil fe monftra plus chaud à la pourſuite , nonobſtant qu'Elizabetfuft proche parente de l'Empereur : car il porta auffi peu de refpect à fon alliance , qu'il auoit conneu qu'elle n'auoit point empefché Othon de venir faccager les terres de ceux qui luy eftoient fi proches d'alliance. Ce font les voyages d'Othon, que la Legende de Saint Guenault appelle la fureur des Saxons; à caufe defquels Hemon retira dans Corbeil , comme en vn lieu de feureté , les Reliques de ce Saint , qu'il fit apporter de Courcouronne, où ils auoient long temps repofé. Au retour de la pourſuite des Saxons , Hemon vint defcharger fon butin à Corbeil, où le trouuant bien accompagné de gens- d'armes , il s'en feruit à prendre vengeance de ceux qui l'auoient offencé à I ij68 Antiquitezde la ville de Corbeil, la faueur de l'armée estrangere. Entre iceux eftoit le Seigneur de Paluau, petit Chaſteau affis entre les Palus & Marets, qui fe font par le concours des petites riuieres d'Eftampes, &d'Effone, au deffus du Pont de Gomiers : l'affiete de ce Chafteau ne pût empefcher Hemon de leforcer , & mettre au fil de l'efpée tous ceux qu'ily trouua. Entre le butin plus precieux furent les Châf- fes de Saint Spire , & de Saint Loup , iadis Euefque de Bayeux, que noftre Comte retint pourfa part du butin , & les fit apporter à Corbeil en grande reuerence , & dés lors il commença le ba- ftiment d'vne Eglife pour y mettre ces Saintes Reliques. Le ri- che butin qu'il auoit fait à la guerre , & la raçon qu'il tira des Allemans fes prifonniers , feruirent à commencer le baſtiment, que depuis il fit parfaire des deniers que fon pere Olmont luy laiffa par fonTeftament, en confideration quepar la Couftume de fon païs , il eftoit comme Cadet, exclus de la proprieté des heritages de fa fucceffion. L'an neuf cens cinquante- fix, Louis d'Outre-merdeceda , & fut fuiuy en ce paffage commun à tous les hommes, par Hugues le Grand. Ils laifferent en leurs places leurs fils Lothaire , & Hugues Capet, qui s'accorderent mieux enfemble que leurs peres n'auoient pas fait. Ces Princes eftans d'accord , le peuple demeura en repos, horf- mis le Comte Hemon, qui prit fujet de cette paix d'aller en Pelerinage à Rome ; en retournant d'Italieil mourut en chemin. La Comteffe Elizabet fa femme, fit apporter fon corps à Cor- beil, & le fit inhumer fplendidement en l'Eglife de S. Spire. Oddes des Foffez , en la vie qu'il a eſcrite du Comte Bouchart, dit qu'il mourut du temps de Hugues Capet , non qu'il veuille dire qu'il foit mort depuis le Couronnement de Hugues , mais feulement de fon temps , comme nous dirons en la vie de Bou- chart. l'eftime qu'il mourut l'an neuf cens cinquante-ſept, ayant cfté marié auec Elizabet l'eſpace de dix ans. Nous n'avons pas encores deſcouuert combien ils eurent d'enfans de leur mariage. Oddes ne parle que de Thibault , Abbé de Saint Maur. 11 eft soute-fois à croire que s'il cuft efté fils vnique , on ne l'euft pas enuoyé dés fa icuneffe prendre l'habit de Moine à Clugny. Refte à remarquer les Armesgrauéesfur l'Efcu d'Hemon , quieft femé de Coquilles d'argent , chargée d'vn Lyon dragoné de gucules. Les Chanoines ont long temps vfé de ces Armes enLiure 1. Chapitre X. 69 leurs Seaux & cachets. Depuis ils y ont fait grauer l'Image de Saint Spire. Reſte à eſclaircir vn doute que fait du Chefne: Si à Corbeil ily a eu deux Comtes du nom d'Hemon . Il fonde ce doutefur le Memorial d'Hiftoires , qui eft en la Bibliotheque de Saint Victor , où il dit que la Tranflation du Corps de Saint Guenault, ſe fit en l'année huit cens foixante-trois. Mais il y a apparence que ce Memorial vfe du nom de Corbolium , non pour la ville feulement, mais auffi pour tout le territoire de la Chaftellenie de Corbeil . Ce qui a fait refoudre du Cheſne à conclure qu'il y a eu à Corbeil vn feul Comte du nom d'Hemon, lequel a fait conftruire les Eglifes de S.Spire, & de S. Guenault, & ya fait apporter les Reliques de ces Saints Perfonnages,lefquelles longtemps auparauant auoient efté apportées &depoféesdedans la Chaftellenic de Corbeil : Sçauoir, S.Spire à Paluau, & S. Gue- nault à Courcourone Toute . - fois Charon comprenant debiais en fon Hiftoire ce que Theuet a efcrit , dit qu'il ya eu deux Comtes à Corbeil du nom d'Aymon, & quele premier a efté ce tant celebre ComteDardeine, & quelefecond a efté Comte deChampagne; &ce qui eft plus ridicule , il adiouſte qu'ils eftoient tous deux d'vne mefme lignée , & que tous deux ont leur Sepulture à Corbeil. Pour la parenté, il eft certain qu'Edmond de Champagne eftoit fils de Henry troifiefme du nom , Roy d'Angleterre, de la Mai- fon de Normandie, qui ne touchoit deparenté , ny d'alliance à Aymon Dardeine. Ce que nousdifcuterons plus amplement en la vie de Philippes le Bel, durant leRegne duquel Edmondviuoit. Quant aux Sepultures Charon en parle , fans iamais auoir efté à Corbeil : car il eft vifible à ceux qui ont hanté en cette ville , qu'il n'y a qu'vne feule Sepulture , d'vn feul Comte He- mon, àla memoire duquel les Chanoines de l'Eglife de S. Spire cont de couſtume de celebrer vn Seruice le vingtieſme iour de May,fuiuant ce qui eft porté par leurs Chartes &Martyrologe. “ Ie ne fçay où Papirius le Maçon a efté pefcher ce qu'il dit en fon Liure des Fleuues deFrance, que ce fut vn Preuoft de Cor- beil , quipar le commandement du Roy fit apporter à Corbeil les Reliques de S. Spire ; fans declarer les noms, ny du Roy, ny duPreuoft ; fans cotter le mois ou l'année , ny fon Autheur. Et quiplus eft contrel'authorité des Chartes, Tiltres & Legendaires des Eglifes de la ville & Chaſtellenic deCorbeil. I iij70 Antiquitez de la ville de Corbeil, ຈ : 2/2 DE BOVCHART , PREMIER DV nom , Comte de Corbeil, & de Melun. CHAPITRE XI. DDES Moine de l'Abbaïe de Saint Maur des Foffez , non gueres efloigné du temps que le ComteBouchart viuoit , dit qu'il eftoit de noble & illuftre Race entre les François ; & qu'en fa ieuneffe il fut nourry en enfant de bonne Mai- fon, à la pieté , & à la modeftie. En la fleur de fon adoleſcence ſes parens l'introduifirent en la Maiſon Royale, chez le jeune Prince Hugues Capet , auec lequel il fut inftruit en toutes fortes d'exercices bien feantes à la Nobleffe , efquels il parut fi adroit & aduifé , qu'il en acquit l'amitié de Hugues, qui vfa de luy comme de fon confident ; luy donna l'Ordre de Cheualerie, & le combla de biens & d'honneurs. En cette fai- fon la nouuelle du decés du Comte Hemon fut apportée en Cour. L'on penfa auffi toft à quelle perfonne l'on commettroit la garde des places de Corbeil & de Gournay, comme impor- tantes à la liberté du commerce de la ville de Paris. Hugues Capet ietta auffi toft la veuë fur Bouchart ; & pour cette caufe on luy fit efpoufer la veufue du Comte Hemon, & auec icelle l'on l'inueftit des Chaftellenies de Corbeil , & de Gournay. Oddes adioufte & dit ; Hugo dedit fibi fideli Comiti Caftrum Milidunum Corbolium comitatumque Parifiaca vrbis taliterque Comes regalis efficitur. Il eft difficile à croire que Hugues Capet aye fi liberalement donné le Comté de Paris en proprieté, veû que c'eftoit la plus eminente de fa Seigneurie , & par le tiltre de laquelle il auoit donné à ceux de fa race entrée à la Couronne Royale Ce qui pourroit faire croire que la conceffion de ces trois Comtez, Paris , Melun , &Corbeil , n'eftoit qu'à tiltre de fimple Office, à la mode ancienne , laquelle lors n'eftoit pas du tout abolie. Auffi de Nangis vſede ces termes. InterComites Pa-Liure I. Chapitre XI. 71 latinos Comes Melodunenfis Regi Franciafamiliaris erat. Et Belle- Foreft parlant du Comte Bouchart, dit qu'il eftoit Gouuerneur de l'Ile de France, & Officier de la Maiſon du Roy. Et Albert Cranfe dit , Regi famulans Brucardus Paroles . que l'on peut ex- pliquer felon l'vfage de noftre temps , Officier de la Maiſon & Couronne de France. Car nous voyons queles plus grands Sei- gneurs, les Princes du Sang Royal , tiennent à grand honneur d'eftre employez au feruice de la perfonne du Roy , & de fa Maifon; ainfi que les Electeurs de l'Empire d'Allemagne pen- fent releuer leurs dignitez , en fe difans Officiers Domeſtiques de l'Empereur. Nous auons vne preuue euidente , quele Comté de Paris ne fut donné à Bouchart qu'à tiltre d'Office ; c'eft qu'a- pres fa mort il ne demeura pas à ſes enfans , mais fut donné à Hugues de Beauuais , que la Reine, Conftance fit tuer felon le dire de la Cronique d'Anjou. Ces qualitez m'ont emporté vn peu loin de noftre fujet. Retournons vers l'adolefcence de noftre Comte, conduite de la main de Dieu , au trauers les vanitez dela Cour , par luy meſ- prifées auec vne prudence finguliere : car il maintenoit fa repu- tation entre des perfonnes entierement diuerfes d'humeurs à la fienne, qui nerefpiroit que la pieté & deuotion , à l'aduencement de laquelle Dicu luy fufcita vne Commiffion honorable , que ie déduiray felon la verité de l'Hiftoire : puis ie declareray pour- quoy ic mefuis deftourné de la Narration d'Oddes des Foffez. Ceux quifont verfez en l'Hiftoire de France, fçauent les guet- res cruellement exercées entre Arnoul le Vieil, Comte deFlan- dres, &Guillaume Longue- efpée, Duc de Normandie, au ſujet de Herloin de Monftreüil. Entre les rauages & defordres de cette guerre, les Flamans defolerent & pillerent les villes de S. Riquiers &de S. Valery, fans efpargner les Eglifes, dont ils tranfporterent lesReliques àS.Omer, en l'Abbaie de S. Bertin.Quelques années apres Hugues Capet eftant Roy de France , eut vne reuelation, par laquelle il luy eftoit enioint de faire reftituer les Reliques des Saints aux lieux confacrez à leurs memoires, en ce faiſant les Saints le prendroient luy & fa pofterité en leurs protections. Le iour enfuiuant les Moines de Saint Valery vindrent fe letter aux pieds de Hugues Caget, & le fupplierent de les affifter de fa faucur & de fon authorité enuers Arnoul Comte de Flandres, J72 Antiquitez de la ville de Corbeil, pour leur faire rendre & reftituer les Reliques de leur Patron. Leur demande fit reſſouuenir à Hugues Capet de la vifion qu'il auoit euë en dormant , & creut qu'il ne la deuoit pas mefprifer. Pour fatisfaire aux prieres des Moines, il s'adreffa à fon fidelle feruiteur Bouchart, & l'enuoya deners le Comte de Flandres, l'admonefter de fa part de reftituer les Reliques des Saints, pour eftre remiſes aux lieux deſtinez à leurveneration. Bouchart accepta tres-volontiers cette commiffion , comme vn benefice que Dieuluy offroit , d'eftre employé à fon feruice, en honno- rant fes Saints Efleus. Ce fut en l'année neuf cens quatre-vingts deux, quenoftre Comte fut en la ville d'Arras trouuer le Comte Arnoul le ieune, duquel il obtint tout ce qu'il demanda : Etfans perdretemps fe mit en chemin de conduire les Corps Saints en leurs Eglifes. Et apres auoir laiffè Saint Riquier en fon lieu , il continua fon voyage vers la ville de Saint Valery. Quand il arriua fur le bord de la riuiere de Somme , il trouua la mer ex- tremement haute , engoufrée dans le canal de ce feuue. Ce qui l'eftonna fut que l'heure du reflus paffée , la mer ne s'eſcou- loit nullement, mais perfifta long-temps à tempefter dans ce canal ; comme fi à deffein elle ſe fuft oppoſée au paſſage de ces Reliques. Bouchart paffa vne bonne partie de la journée fur leriuage engrandepatience ; & la nuit arriuant il entendit le pcu ple murmurer, & fe fcandalifer de l'empefchement extraordi- naire qui fe prefentoit au paffage , comme fifon action cuſt deſ- pleuà Dieu. Alors pour leuer le fcandale, Bouchart ſe proſterna en terre,priant Dieu d'vne feruente affection , à ce qu'il luy pleuft faire paroiftre à ce peuple combien il a agreable l'honneur que les hommes portent રેà ceux qui ont employé le cours de leurs vies à fon feruice. Ses prieres furent incontinent enterinées par fouuerain Seigneur des Eaux , des Vents , & de tout l'Vniuers; & lors qu'il y auoit moins d'apparence d'auoir le paffage libre, & qu'il fembloit que les Vents de Bize & de Galerne s'effor çoient de pouffer toutes les eaux de la mer, dans ce canal eftroit de la riuiere de Somme ; tout envn inftant les Vents cefferent; la Mer fe retira enfon lit , & donnalieu aux eaux douces , pour s'efcouler dans fon fein. Cela arriua fi foudainement que les affi ftans reconneurent que cela s'eftoit fait par miracle & diuine affiftance. Et les Reliques de Saint Valery furent tranſportées outre le 1Liure 1. Chapitre XI. 73 ! outre la riuiere , & auec Hymnes & Cantiques, reftablies en leur Eglife. Oddes compare ce paffage à celuy des Enfans d'Ifraël, au trauers de la mer Rouge . Outre la peine & defpence que le Comte Bouchart auoit fait en fon voyage , il diftribua largement de fes biens , & donna de beaux ornemens à l'Eglife de Saint Valery. Et rendit les Moines du lieu fi affectionnez en fon en- droit , qu'apres fon decés ils defirerent auec paffion d'auoir fon Corps pour l'enfeuelir proche de celuy de Saint Valery , afin qu'il tinft compagnie iufques au iour de la Reſurrection gene- rale , au Saint qu'il auoit honoré durant la vie. Et n'ayans peû obtenir ce qu'ils demandoient, ils fonderent vn Seruice Anni- uerfaire à la memoire du Comte Bouchart, lequel depuis ils ont toufiours celebré le iour de fon decés. l'ay rapporté ces Actes au commencement de la vie du Comte Bouchart, à cauſe que Meier la met en l'année neuf cens quatre-vingts , & Belle- Foreft, en l'année quatre-vingts deux. Nicole- Gilles eſt blaſ- I mé par les Flamans , de ce qu'il a mis la Tranflation de Saint Valery auoir eſté faite du temps d'Arnoul le vieil , & depuis le Couronnement de Hugues Capet ; ce qu'ils difent ne s'eſtre peû faire , d'autant qu'Arnoul le vicil eftoit mort auant le Cou- ronnement de Hugues Capet. Mais Oddes efcriyant principa lement pour les affaires de fon Monaftere , les a voulu defcrire auant que de parler des autres actions efloignées de fon ſujet. Quand Bouchart fut de retour en fa maiſon , & qu'il vint à con- fiderer les graces &affiftances qu'il auoit reçeues de Dieu en fon voyage, il le confirma dauantage , & auec plus d'affection à fer- uir Dieu & fon Eglife. L'occafion s'en prefenta à ſon voiſinage: Il paffoit fouuent proche l'Abbaïe de Saint Maur, & rencontroit en fon chemin l'Abbé Magenart , qui chaffoit & tenoit la cam- pagne en habit de Cheualier, pluftoft que de Religieux ; &enten- doit de tous coftez murmurer le peuple du mauuais comporte- ment de l'Abbé , & de fes Moines. L'ayant rencontré en vn lieu conuenable , il luy en fit vne petite reprimande, &l'aduer- tit de faire ceffer le fcandale dont le des-honneur retomboit fur tous ceux de fon Ordre. Magenart ne fit gueres bien fon pro- fit des remonftrances de noftre Comte; car il auoit eſté nourry & efleué dans les delices d'vne Maiſon fplendide de Paris , & portoit toute fon affection aux cheuaux , chiens , & oifeaux. En K7.4 Antiquitez de la ville de Corbeil, l'Abbaïe de Saint Maur, il y auoit vn bon Religieux nommé Adicus , qui ayant fçeu ce qui s'eftoit paffé entre fon Abbé & noftre Comte , fe feruit de cette occafion pour faire reſtablir en fon Monaftere l'obferuance dela Regle de Saint Benoift. Il vint trouuer le Comte Bouchart; luy reprefenta le piteux eftat de l'Abbaïe de Saint Maur, & le coniura de prefter la main & fon authorité, pour y reſtablir l'honneur du Seruice diuin. Le Comte luy promit d'en auoir foin, & fe retira deuers Hugues Capet; luy requiſt de luy faire deliurer vne Commiffion pour reformer cette Abbaïe , & la remettre en l'obferuance de fa Reigle. Le Roy qui ne refufoit pas volontiers fon fidelle Confeiller , con- noiffant qu'il n'auoit point d'autre deffein que pour l'honneur de Dieu & de fon Eglife ; en fit deliurer par fon Chancelier tel- les Lettres que le Comte defira : Bouchart garny de ces Lettres Royaux , par le confeil du Moine Adicus, fe tranſporta en Bourgogne, & fut trouuer le bon Pere Majoul , Abbé de Clu- gny, & luy perfuada de venir en France faire cette reforme. Ils arriuerent à Saint Maur, fans que Magenard fçcuft aucune choſe de ce quife paffoit. Bouchart fe rendit Maiftre de la Maiſon , & fit affembler le Chapitre , où il remonftra à l'Abbé & à fes Moines , que par leurs vies déreglées &fcandaleufes ils auoient contraint le Roy d'interpofer fon authorité , pour remettre en vfage la difcipline, Monaftique par eux delaiffée & melprilée; & que pour la reſtablir il auoit amené leReuerend Pere Majoul, auquel il conuenoit qu'ils obeïffent. L'Abbé & fes Moines fe trouuerent bien eſtonnez , & ne pouuans refifter à la neceffité qui leur eftoit impofée, aymerent mieux quitter la place que de fe foumettre à la difcipline feuere de l'Abbé Majoul. Pour cette caufe le Comte les fit fortir de l'Abbaie de Saint Maur: Neantmoins pour contenter Magenard & fa fequelle , il leur fit donner le Prieuré de Granfeüil , où il paſſa ſa vie, & y a efté inhumé. Saint Majoul deliuré de cette vermine , trauailla à la reformation du Monaftere, auec les Religieux qu'il auoit amenez . auec luy de Clugny, & autre deuote ieuneffe de Paris qui eftoit accourue au renomdela Sainteté : Enfin la Regle de S.Be- noift fut remife en vlage. Pendant que S. Majoul donnoit ordre au Spirituel , Bouchart pouruoyoit aux neceffitez corporelles, tant pour le prefent que pour l'aduenir. Etafin que les Religieux tLiure I. Chapitre X1. 75 nefuffent diftraits par la pauureté & neceffité, de vaquer hors le Conuent ; il leur fit donner par Hugues Capet la Terre & Sei- gneurie de Maiſons fur Seine, proche le Pont de Charenton , Les lettres en furent expediées par le Chancelier Regnault, fils du Comte Bouchart , l'an neuf cens quatre-vingts huict. Cette donation fut chargée d'vn Seruice Anniuerfaire , qui fe celebre en l'Abbaïe de Saint Maur, le vingtiefme Nouembre, qui eft le iour que le Roy deceda. Quand Saint Majoul vit la reformation en bon eftat , il s'en retourna à Clugny ; & laiffa en fa place vn bon Religieux nommé Teuton, auquel noftre Comte fit deferer le tiltre d'Abbé par le Roy Robert , qui auoit .fuccedé à fon Pere, nouuellement decedé. Le bon Teuton prit grande peine à bien inftruire & gouuerner fes Religieux , & re- mettre fon Abbaïe en honneur & credit. Non contant d'em- ployer fa parole , il mit la main à l'œuure , & fit rebaftir tout de neuf le Refectoir, plus ample & capable qu'il n'eftoit aupara- uant. Cela pleut au Comte, & l'incita de départir de les biens au Monaftere de Saint Maur ; & du confentement d'Elizabet fa femme, & de fon fils Regnault , lors Euefque de Paris , il donna la Seigneurie de Neuilly fur Marne, auce le Patronage de la Cure de ce lieu. De plus il donna la Seigneurie de Liſſe prés de Corbeil, de Siaux en Gaſtinois , & Courceaux au Me- lunois ; & à fon imitation Ioſelin Vicomte de Melun y confera du fien la Terre de Noifi le Sec, qu'il tenoit à foy &hommage du Comte, lequel en accorda l'amortiffement. Et depuis Io- felin fe rendit Religieux audit S. Maur. Le Roy Robert en fit expedier les Lettres par Roger fon Chancelier , l'an neuf cens nonante-huit, au mois de May, le dixieſme defon Regne. Badoux Preuoft de Corbeil ( & non pas de Melun ) donna fa maiſon de Corbeil, fur laquelle a efté bafty le Prieuré de Saint lean de ' Hermitage ; pour fa fondation il donna plufieurs droits Sei- gneuriaux, terres, & heritages fiz au vieil Corbeil , & à Saintry, Choifi, & Athis : L'amortiffement de cette donnation fut expe- diée par le Franc , Chancelier du Roy.Robert , à la faucur de la Reine Berthe , l'année millenaire de noftre Salut, le douziefme du Roy Robert , qui n'eftoit pas moins affectionné enuers le Comte Bouchart qu'auoit efté fon Pere Hugues , à caufe de la bonne affiſtance qu'il luy auoit faite à ſon Couronnement. Mais Kij776 Antiquitezdela ville de Corbeil, . La plus part des Hiftoriens donnent l'honneur de la priſe de Melun au Duc Richart; ce qui donne à connoistre que Bouchart entretenoit foigneufement l'alliance qu'il auoit auec les Nor- mans, à caufe de fa femme Elizabet , qui en premieres nopces auoit efpoufé Hemon, allié du Duc Richart, & fils defon grand Gouuerneur Ofmontle Danois. Nous verrons cy- apres comme cette alliance s'eft prouignée entre les enfans & fucceffeurs. Retournans à noftre propos , ie diray qu'Oddes des Fofſcz, & Aymoin le Moine me femblent plus croyables que les autres Hiftoriens, quand ils difent que ce fut Bouchartluy meſme qui afficgea Melun , & le prit auant que le Comte de Chartres le peuft fecourir. Et non content d'auoir pris la ville, il fut au deuant de fon ennemy, & le furprit vn matin qu'il deflogeoit du village d'Orfay, où il diffipa fes troupes , & les mit en route honteufe- ment. L'Etat de la France eftoit lors merueilleufement confus; & le Roy Robert prenoit grande peine d'y mettre ordre ; d'in- troduire la paix ; faire regner la luftice; maintenir la difcipline entre les Ecclefiaftiques; ce qui le faifoit aimer & refpc&ter detout le peuple de France , & principalement des Ecclefiaftiques, comme Protecteur de leur liberté ; comme ceux de la ville de Sens experimenterent, lors que leur Comte Reinart les tour- mentoit, à caufe qu'ils auoient refufé d'eflire Brunon fon fils pour leur Archeuefque ; & auoient efleu Leoteric, homme fage &fçauant, capable de cette dignité. Reinatt , & fon frere Fro- mont, indignez de l'affront qu'ils pretendoient leur auoit eſté fait en cette eflection , perfecuterent indignement les Ecclefia- ftiques de la ville de Sens. Et Leoteric fut contraint de fufpen- ; pendant que le Comte s'employoit au feruice de Dieu &de fon Eglife, il fe trouua furpris par Oddes Comte de Chartres , qui tenant de l'humeur tricheufe de fon pere Thibault , corrompit Gautier Concierge du Chafteau de Melun , qui luy liura la pla- ce, & par le Chasteau il s'empara de la ville , qu'il ne peut gar- der long temps : car Bouchart affifté de la faueur du Roy , & renforcé du fecours de Richart ſecond du nom , Duc de Nor- mandie, fut en diligence affieger Melun, &le ferra de fi prés que ceux qui s'y estoient introduits n'eurent pas le moyen defefour- nir de viures & de munitions : ils furent contraints de rendre la place, &liurer Gaultier, pour eftrepuny de fa trahiſon.Liure I. Chapitre XI. 77 dre fa modeftie & patience , pour mettre fa vie en feureté : il trouua Regnault Euefque de Paris , preft de le fecourir de fes moyens , &de fon credit, qu'il employa enuers le Roy Robert, qui felon fon humeur douce & facile , tenta premierement les voyes d'accord & de Iuftice : Mais quand il vit que l'emplaftre qu'il y appliquoit eftoit trop foible pourvneplaye fi enflammée, il donna charge au Comte Bouchart fon Seneschal d'affembler Kij Les gens de guerre pour punir ces Rebelles , qui furent aiſé- ment défaits : car les habitans de Sens introduifirent le Comte Bouchart dans leur ville , qui penfa prendre Reinart dans fon lit :à peine peut-il cuader hors de la ville à demy-nud ; & fon frere Fromont qui s'eftoit tetiré au Chafteau , fut contraint de fe rendre à difcretion. Le Royl'enuoya tenir prifon à Orleans, où il finit fes iours. Ie fuis de l'opinion de Nangis , qui rapporte cette Hiftoire en l'année mil cinq , pluftoft qu'Ademar qui la recule de dix ans , à caufe que Bouchart n'a pas vefcu iufques à ce temps-là : Car fi toft qu'il fut de retour de cette expedition, fentant quefon âge, & les trauaux qu'il auoit fupportez ne luy permettroient pas de faire longue durée en ce monde, il tourna toutes les pensées à la deuotion. Mais entreprenant trop fur fa perfonne parles ieufnes & macerations, il tomba en vne griefue maladie, qui acheua d'abatre les forces : Il fe fit porter en l'Ab- baïe de Saint Maur des Foffez , auec quantité de meubles pre- cieux, linges & ornemens de ſa Chapelle , dont Oddes faiſant la defcription , entre-autres chofes dit , Seruorum & ancilarum magnum numerum. Ce qui donne à connoiftre que la feruitude perfonnelle n'eftoit point encores abolie en France. Il en refte auffi quelques veftiges és Couftumes de Brie &de Champagne. Pour ce coup Bouchart efchapa, & reuint à conualefcence par vne fpeciale grace de Dieu , qui le donna aux prieres des Reli- gieux, & aux vœux & pleurs des veufues & orphelins. Apres qu'il fut gueryil ne voulut plus retourner en fa maiſon , il s'en- ferma au Monaftere de S. Maur, où il prit l'habit de Religieux, auec refolution de paffer le refte de fa vie auec les Moines , & -fe mit au trauail comme le dernier Nouice, iufques à porter les Chandeliers en l'Eglife . Thibault fils du Comte Hemon de Corbeil eftoitlors Abbé de Saint Maur, où il auoit efté appellé du Prieuré de Cormery qu'il regiffoit. Il voulut fe mefler de f78 Antiquitez de laVille deCorbeil, foulager le bon-homme Bouchart fon beau- pere, & luy perfua- der de quitter ces petites foumiffions Monacales ; mais le Comte luy dit d'vn grand courage ; Si lors que i'eftois Capitaine , fuing de Gens-d'armes & de Nobleffe , i'ayfait gloire deporter la chan- delle deuant un Roy Terrien, àplus forte raifon ie me dois humi- lierdeuant la Majefté de Dieu, & porter les Chandeliers en så Maison, &felon mon petitpouuoir aider à celebrer le Seruice Diuin. Ses faits & fes dits furent de grandiffime edification , & de bon exemple. Sa vieilleffe ne luy peût permettre de fup- porter long-temps la fatigue d'vne vie fi auftere & penible ; il fut faifi d'vne fièvreaiguë, qui luy fit reffentir les traits de la mort prochaine, ce qu'il prit enpatience , & fe difpofa en bon Chre- ftien à receuoir les Sacremens de l'Eglife. Il rendit l'ame à ſon Dieule vingt- fixiefme Feburier . Safemme , fes enfans, fes parens & amis, vinrent affifter à fes Obfeques & Funerailles , qu'ils fi- rent faire en grande magnificence. Il fut inhumé dans vne Cha- pelle où les Moines difoient leurs Matines ; & fur fa Tombefut graué l'Epitaphe qui fuit. Hic vir Magnus quondam dum corpore vixit Nomine Brucardusper mundi climata notus, Celfus erat meritis dictis factifque modestus Pauperibus largus viduis per cuncta benignus , Ipfius en corpus tumulo requiefcit in illo Martius oftendit obiiffe Kalendas, Sa veufue Elizabet deceda le ſeptiſme iour de Ianuier enfut- uant , &fut inhumée aupres de fon mary auec ce Memorial. Hocplacuit Domino viuos coniungere viuos, Etpoliandrafimul iungere fic voluit, Hoc quicumque legisperfolue carmina Pfalmi, Spiritus vt valeant ſcandere regna poli. Le Moine Oddes, dit qu'en fa ieuneffe il auoit veû leur Tom- beau, duquel il auoit tiré & tranfcrit leurs Epitaphes cy-deffus. Et qu'en l'année mil cinquante-huit qu'il efcriuoit , leur Sepul- ture eftoit à demy ruinée, Il dit dauantage, que le Comte Bou-” Liure I. Chapitre XI. 79 chart eftoit grand terrien , & Seigneur des places qu'il appelle Vindocinum , Laueranum , & Montem aureum cuté plufieurs exploits de guerre, qu'il n'a ; & qu'il auoit exe- voulu rediger par efcrit. Lefieur Roüillart a tranſlaté de Latin en François l'efcrit d'Oddes , & l'a inferé en fon Hiſtoire de Melun . Et le ficur d'Au- teuil l'a miſe entre les Vies qu'il a eſcrites des Miniftres d'Eſtat de France , fans que I'vn nyl'autre y aye adiouſté rien de par- ticulier ; fi ce n'est que c'eft luy qui fit paracheuer l'Eglife de Saint Pierre de Melun. Nous auons veû de plus, le don qu'il fit à l'Eglife de Saint Guenault, de douze Septiers de bled, à pren- dre fut la terre de Mondeuille, Et outre cela les Lettres de con- fitmation de toutes les fondations faites par le Comte Hemon fon predeceffeur , dont les Originaux font au Trefor de l'Eglife Saint Victor lez Paris . Et des dattes cy- deffus tranſcrites , ſe voidBouchart l'abfurdité , auoit efpoufé de ceuxenquipremieres ont efcrit nopces qu'Elizabet Aymon Dardeine femme de. Si cela eftoit vray , il faudroit qu'elle fuft âgée de plus de trois cens ans quand elle fut mariée auec le Comte Bouchart. Corbeil. CHAPITRE pas COMTE DE DE MAVGIS XII. I le Moine Oddes euft accomply la promeffe qu'il auoit faite , de defcrire la vie de Regnault Euefque de Paris, ou fi ſes eſcrits n'euffent point efté perdus ou efgarez ; il y a apparence qu'il nous cuft appris les noms de fes freres & fœcurs , & quel partage il leur auroit fait des biens des fucceffions d'Hemon, de Bouchart, & d'Elizabet leur femme : Car felon la prudencede Regnault, il eft à croire qu'auant que de fe retirer au Monaftere de Saint Maur, il auroit ordonné du partage de Les freres & fœurs , pour laiffer la paix en fa famille. Tay cy- deuant dit, que fi le Comte Hemon n'euft point eu d'autre en-7 80 Antiquitez de la ville de Corbeil, fant que Thibault Abbé de Saint Maur ; & que l'Euefque Re- gnault cuft efté fils vnique du Comte Bouchart , ils ne les cuffent pas donnez à l'Eglife ; veu la curiofité que la Nobleffe de Fran- ce a toufiours euë de conferuer leurs Races &Familles : Ioint qu'il leur euft efté affez facile de maintenir leurs Noms & Armes en honneur & reputation , par le moyen des Seigneuries & Terres qu'ils poffedoient au iour de leur trefpas. Enayantfait la recherchela plus diligente qu'il m'a efté poffible, j'ay trouué que du Chefne en fon Hiftoire de Bourgogne au Liuretroifiefme , où il traite des Comtes de Vendofme , extraits de la Maifon de Neuers ; dit que Bouchart le Vieil , Comte de Melun & de Vendoſme , eſpouſa Elizabet veufue d'Hemon, ComtedeCorbeil, duquel elle auoit eu plufieurs enfans.Et quede fon fecondmary elle cut deux enfans, Regnault Comte de Ven- dofme & de Melun , Euefque de Paris , Chancelier de France, fous le Roy Robert. Et Adelle troifiefme , femme de Foulques Nerre, Comte d'Anjou, pere de Geofroy Martel , de laquelle il fortit vne fille nommée Adelle d'Anjou , qui fut mariée par Regnault Euefque de Parisfon Oncle, auec Bode, puiffant Sei- gneur Bourguignon, & Comte de Neuers ; & en faueur de cema- riage il luy donna le Comté de Vendofme. Ie n'ay rapporté icy qu'vne partie du difcours de du Chefné, d'autant qu'au refte il y a des chofes que la verité nepeut endurer , & quel'ay refutées en diuers endroits de ce Liure. L'vn de mes amis m'afait la faueur de me communiquer les extraits tirez des Chartes , & Pancartes de l'Abbaïc de Vendoſme , defquels du Chefne s'eft feruy pour mettre au iour ce qu'il a produit des Comtes de Vendofme. Outre ce que l'ay extrait cy-deffus , il eft confirmé par le fieur Belly de Fontenay, homme bien verfé & confomme en noſtre Hiſtoire, &en Genealogie des Maiſonsfignalées de la France ; il en parle en ces termes ; Foulque Nerre, ou le Noir, efpousa la fille de Bouchart le Vieil, Comte de Paris , de Melun , de Ven- dofme, & de Corbeil, de parfafemme , fous les Rois Hugues Ca- pet, &Robertfonfils. Dudit Bode & Adelle font créez & pro- uenus tous les Comtes de Vendofme, iuſques à ce que leur li- gnée eft venue à finir en la maifon de Bourbon. Quant aux enfans du Comte Hemon, outre cequenous auons appris du Moine Oddes, de l'Abbé de Saint Maur, Thibault, l'HiftoireLiure I. Chapitre XII.`. 81 'Hiftoire Normande, & nos vieilles Pancartes , nous donnent à connoiftre que Germaine fille d'Hemon , ou pluftoft d'Albert fon fils aifné, fut coniointe par mariage auec Maugis fils de Ri- chart, premier du nom , Duc de Normandie. Et par cy- apres, par la continuation de ces Memoires, nous rencontrerons fouuent des Lettres fignées &foufcrites par Ferry de Corbeil, & fes fils vc- nus du Cadet , & dernier fils d'Hemon & d'Elizabet, qui ont pro- duit vne lignée de longue fuitte, dontferafait mentio en plufieurs endroits deces Memoires. C'eft pourquoy ie poferay pouryn fait conftant & veritable, que la Comteffe Elizabeta cu plufieurs en- fans defes deux maris, Hemon & Bouchart. Et fuiuant ce peu de reliques de cette antiquité que nous auons peu defcouurir ; nous dirons que Germaine fille d'Albert , fils aifné du ComteHemon, fut iointe par mariage auec Maugis Prince Norman , que les autres appellent Mauger, pour approcher plus prés du nom La, tin Malgerius : Mais ie fuiuray I'vfage du païs qui a preualu. La caufe de cette alliance fe peut ailément conceuoir de ce que nous auons dit qu'Hemon eftoit Norman de nation , fils d'Õf- mont le Danois, Tuteur du Duc Richart premier ; & en fuitte de cela Bouchart n'euft point d'amy qui l'affiftaft plus promptement au recouurement de Melun que ledit Richart. De là vint que l'Euefque Regnault voulut affermir fa maifon , en renouuellant l'alliance des Normans; ainſi il maintint fa Niece aux droits que la Natureluy auoit acquis en la Comté de Corbeil. Et la beauté & bonnes graces decette fille luy concilia l'amitié &le mariage dudit Maugis , fils dudit Duc Richart , & de la Damoiſelle Gonor. La plus part de nos Hiſtoriens font vn grand recit de Maugis, à caufe desferuices qu'il rendit au Roy Henry premier du nom: Et de l'ayde qu'il luy fit à conferuer les droits contre la mere Conftance &fon frere Robert, lefquels s'efforcerent de le pri uer de la Couronne de France ; nonobftant que le Sage Roy Robert de fon viuant l'euft fait Sacrer & Couronner à Reims: Auffi le Roy Henry en reconnoiffance des feruices qu'il rece- uoit du Comte Maugis , l'a aimé & honoré tant qu'il a veſcu. De là peut eftre venu que quelques-yns ont efcrit que Maugis eftoit Onole du Roy ; ainfi l'afferme Nagerel en la Chronique de Normandic contrel'authorité de Guillaume de Iumiege , qui en parle en ces termes. Dux Robertus Henricum Regem , hono- L82 Antiquitezdela ville de Corbeil, rificefufcepit, & non multo poft decenter armis equifque inftru- Etumpatruo fuo Malgerio Corbolienfi comiti deftinauit mandans ot infuispartibus omnes affligent quos à fidelitate regis defiftere videret. Voila donc Maugis difertement reconneu & nommé Oncle du Duc Robert , par vn Hiftorien non gueres efloigné de fon temps. Cela eft confirmé par Guaguin en ces paroles, Henricus matris potentiam veritus ad Robertum Ducem acceßit auxilium opemque pofiturus. Qui Henrici fortunam miferatus magnus illum muneribus cumulatum valido infuper equite inftru- ctum ad patruumfuum Malgerium qui Comes Corbolij erat mi- tens Comiti mandat, vt Henrici parte fequatur & quo ad eum fieripoßit tueatur. Il nous feroit facile de citer d'autres paffages, pour montrer que Nagerel & ceux qui l'ont fuiuy, fe font four- uoyez en cet endroit : Caril n'y apas vn de ceux qui ont efcrit de la Genealogie des Ducs de Normandie , qui n'aye compris Maugis entre les enfans de Richart & de Gonor ; & Nagerek luy mefme ne l'a pas oublié. Ce qui me fait eftonner de Belle- Foreft, d'auoir laiffé cét erreur dans les Chroniques de Nicole- Gille , veûla peine qu'ila pris en fés Grandes Annalles à verifier par l'authorité de Guillaume de Nangis , queMaugis eftoit On- cle du Duc Robert, &non du Roy de France. Si nous cuffions trouué iour pour faire paffer noftre Comte Maugis pour Prince du Sang Royal , nous l'euffions volontiers appuyé & confirmé: mais noftre deffein eft de rechercher la verité , fans nous laiffer aller à la vanité & fauffes fuppofitions. Puis que Maugis a efté fi bon Scruiteur du Roy, i'eftime eftre obligé à la iuftification de fes Armes, &monftrer que la raifon l'obligeoit à feruir Hen- ry, comme fils aifné du Roy Robert , & fon heritier legitime à la Couronne de France, & en ce faifant faire apparoir que ceux qui ont efcrit que Henry eftoit le Cadet, fe font trompez. Il eft certain que les premiers Rois de la feconde & troifiefme race ont de leur viuant fait couronner leurs enfans , afin que lors qu'ils viendroient à deceder , le Siege Royalfuft remply, & les fubjets accouftumez à les honorer & à les feruir. Ainfi Hugues Capet fit Couronner fon fils Robert ; & Robert fit Couronner fon fils Hugues ; & iceluy decedé par cas fortuit , il defira de luy fubftituer fon fils Henry. Mais la Reine Conftance femme im- pericuſe , &qui abuſoit de la facilité de fon mary , voulut introLiure I. Chapitre XII. 83 · duire le plus ieune, qui fe nommoit Robert, & qui depuis à efté Duc de Bourgogne. Pour ces raifons elle difoit queHenry n'eftoit qu'vn pareffeux, negligent , malicieux , diffimulé (il eftoit alors âgé de feize à dix-fept ans. ) La mauuaife humeur de cette mere eftoit fomentée par les plus grands du Clergé & de la Nobleffe , qui efperoient par ce moyen eneruer le droit fuc- ceffif de la Couronne , & la rendre electiue. Oddes Comte de Chartres & de Blois , eftoit le Chef de cette Cabale , & auoit attiré à fon patty Guillaume Duc d'Aquitaine, & autres grands Seigneurs. Le Roy Robert fut contraint de differer pour quel- que temps de mettre à execution fon deffein , à caufe de la grande contradiction qu'il y trouuoit. En fin fentant que la na- ture luy defailloit , il fit facrer & couronner fon fils Henry en la ville de Reims. Dequoy Conftance s'aigrit fi fort contre Henry , qu'il fut contraint de quitter la Cour & Maiſon Pernelle , & n'ayantaucun lieu deretraite, tenir la campagne , deſnué de tou- tes commoditez , &en grand danger de fa perfonne. Sur ces entrefaites , le Roy Robert deceda l'an de grace mil trente-vn : La Reine Conftance tenoit en fes mains la ville de Paris, d'Orleans, Laon , Melun , &autres, qui pour lors en petit nombre, eftoient du Domaine Royal. Outre cela elle s'eftoit fai fie du Trefor , & des deniers Royaux , par le moyen defquels elle efperoit introduire fon fils Robert. Mais elle trouua que fon fils Henry eftoit tout autrement efueillé , diligent & preuoyant, qu'elle nefe l'eftoit imaginé. Car auec l'ayde du Duc Robert de Normandie, du ComteMaugis , & autresfiens fidels Seruiteurs, il fit connoistre à fa Mere qu'elle auoit tort de vouloir peruertir l'ordre de la Nature, & de l'eftat auquel il auoit efté appellé de Dieu, &yauoit efté inftallé par le fage Roy Robert fon Pere. Ce brefrecit eft extrait des Epiftres 106. & 128. & autres , de Fulbert Euefque de Chartres , & du neufiefme Chapitre du troifiefme Liure de l'Hiftoire de Glaber Rodolphe , Efcriuain, viuant du temps du Roy Robert, & de fes enfans. Cela foit dit en paffant, pour illuftrer l'Hiftoire de France, & monftrer les merites de noftre Comte Maugis. Et afin que la gloire luy en demeure toute entiere , nous leuerons encore vn autre doute que l'on fait fur le droit d'aifneffe du Roy Henry, à cauſe que Roy Robert auoit efpoufé en premieres nopces Berthe de Lij 184 de Antiquitez ville de Corbeil , la Noyant, ou Noyon , dont il auoit eu des enfans , quin'ont point fuccedé ; ce qui a fait eftimer à quelques vns qu'elle auoit eſté ſa derniere femme . Mais les enfans de Berthe nefuccederent point à caufe que le mariage de leur mere auoit efté iugé à Rome inceftueux , pource que le Roy Robert auoit efté Compere de ladite Berthe, ayant tenu furles fonds Baptifmaux le fils qu'elle auoit eu d'Eudon le Champenois , fon premier mary. C'eſt pourquoy les Ecclefiaftiques de France le contraignirent de quitter Berthe, & d'aller à Rome requerir abfolution ; ainfi que telmoignent Holgandus , Glaber , & Pithou. Le Cardinal Da- miani s'eft laiffé perfuader que le fils que Berthe auoit eu du Roy, auoit le col long comme vn oiſon , & eftoit monftrueux. Il a efté fuiuy en cette opinion par Baronius & Duplex , fondé fur vn certain fragment produit par Pithou : mais la veuë dudit papier qu'ils appellent fragment de l'Hiftoire d'Aquitaine , eft fuffifante pour le rendre infuffifant d'eftre fuiuy , n'eftant que rapfodie & faits incertains, accumulez fans ordre. Pour retourner à noftre Maugis , apres auoir gouderné paifiblement le Roy Henry, il deceda entre les bras de fa femme Germaine de Cor- beil, à laquelle il laiffa vn fils nommé Guillaume, qui luy fucceda, & dont il nous conuient parler. de Corbeil. Es habitans de Corbeil , par ancienne tradition , ont appris que Saint Guillaume Archeuefque de Bourges , eftoit nay en la ville de Corbeil , & monftrent vne Chambre en vne Maifon de la ruë Saint Ican , où ils difent que fa mere le pro- duifit au iour ; & adiouftent que depuis aucune femme ne s'eft peû deliurer de fon fruit dans cette Chambre. Et à demy lieuë de Corbeil, entre les prez fiz fur la riuiere d'Effonne, il y a vnc DE GVILLAVME XIII. CHAPITRE COMTELiure I. Chapitre XIII. 8, peninfule en laquelle font des mafures du refte d'vn Cloiftre, où ils difent que Saint Guillaume faifoit la retralte , & venoit faire Les deuotions du temps qu'il eftoit Chanoine de l'Eglife de Pa- ris. Et que de luy , ce lieu en a eu le nom de Saint Guillaume de Vaulx. A la verité ie n'ay rien veû dans les Autheurs qui ont efcrit la vie, qui repugne à cette tradition . Saint Guillaume fut Archeuefque de Bourges, depuis l'an vnze cens quatre vingts - neuf, iufques en l'année douze cens quatre . Il fe peut faire les habitans de Corbeil ayent meflé ce qui eft de l'Archeuefque de Bourges auec leur Comte Guillaume fils de Maugis : car bien qu'en fa ieuneffe il ne refpiraft que la guerre , & felon le de- fordre du fiecle , il fuft pluftoft preft de mal faire que d'endurer aucune chofe ; toute- fois il auoit vne inclination naturelle à la pieté & deuotion : ce qui fe pourra connoiftre, parce que nous rapporteronsfes geftes. Entre les curieufes recherches que Frere Jacques Doublet a fait des Antiquitez defon Monaftere , il a re- marqué qu'entre les Seigneurs qui affifterent à l'ouverture de la Châffe de Saint Denis en France , l'an de noftre Salut mil cin- quante, noftre Comte Guillaume de Corbeil y affifta , & appoſa fon Seel à la Lettre qui enfut expediée, pour iuftifier que les Alle- mans s'abufent de dire que le corps de Saint Denis ait efte tranſporté à Ratisbonne par l'Empereur Arnoul. Il parle encores d'vne autre Lettre concedée à l'Abbaïe de Saint Denis par le Roy Henry, qui eft auffi ſouſcrite par noftre Comte Guillaume. Le fieur du Chefne m'a donné ouuerture pour connoiftre & mettre en auant que Guillaume Comte de Corbeil, eft celuy que les Normansappelloiêt de Verlange, & eftoit Comte de Mortain. T'ay efté confirmé en cette opinion par le Teftament de Guil- laume le Conquerant, où il dit ; PoftquamDux Guilielmum cogno mento Verlangum Comitam Mortolij pro minimis occafionibus de Neuftria propulfauit. Il est bien certain que les Comtes de Cor- beil font defcendus des Ducs de Normandie : car Maugis pere de Guillaume eftoit fils de Richart premier, & frere de Richart fecond Ducs de Normandie. Ce Richard ſecond fut pere de Guillaume d'Arques , & de Maugis Archeuefque de Roüen. Entre les mauuaifes Couftumes que les Normans apporterent de leurs païs Septentrionaux fut celle-là , que tous enfans re- connus des peres cftoient tenus pour legitimes , encores qu'ils que Lij86 Antiquitezdela ville de Corbeil, fuffent nez hors de mariage. De là eft arriué qu'encores que le Duc Robert n'cuft point efté marié , les Eftats du païs ne firent point de difficulté de reconnoiftre fon fils Guillaume pour leur Seigneur , comme legitime heritier de fon Pere, à la fimple priere qu'il leur en fit auant que de partir pour aller en Peleri- nage enla Terre Sainte ; en retournant de ce voyage il mourut en la ville de Nice en Bitinie , l'an mil trente- cinq. Henry premier du nom Royde France, fe tenoit obligé au defunct pour les bons offices qu'il enauoit reçeus; c'eft pourquoy il confirma facilement fon Ordonnance Teftamentaire, & ferendit Protecteur de fon fils Guillaume , lors âgé de douze ans feulement. Les Ducs prece- dents auoient laiffé quantité d'enfans, qui estoient forts & puiffans dans le païs, à caufe des villes & Chafteaux dont leurs peres les auoient nantis de leur viuant. Ces perfonnes cuffent volontiers conteſté la Duché de Normandie, mais ils fe nuifoient les vns aux autres. Et Dieu donna la force & l'induftrie au Duc Guillaume qu'il deffit, & chaffa hors du païs tous ceux qui luy contredirent. Ainfi noftre Comte de Corbeil Guillaume fut chaffé de Mor- tain, & de toute la Normandie pour vn petit ſujet ; à fçauoir qu'vn certain Efcuyer nommé Bigot , Vaffal de noftre Comte , le vint trouuer pour prendre congé de luy auant que partir pour aller en Italic. Noftre Comte le diffuada de faire ce voyage, difant qu'il feroit mieux fes affaires demeurant dans le païs , où dans peu de temps il pourroit recouurer tout ce que bon luy femble- roit. Cesparoles furent rapportées au Duc, dontil entra en gran- decolere , & s'en aigrit fi fort que noftre Comte fut luy mefme contraint d'aller en Italie paffer fa melancholie , d'auoir efté fpolié de la Comté deMortain , que le Duc donna à Robert fon frere vterin. Ce Ducvfoitfouuent de ces rigueurs enuers fes pa- rens paternels , à cauſe qu'il auoit opinion qu'ils luy enuioient fa bonne fortune : & de fon cofté il prenoit plaifir de les abaiſ- pour auancer & enrichir fes pauures parens maternels. Il en vfa de mefme enuers Guillaume Comte d'Arques , & Maugis Archeuefque de Rouen fes Oncles. Il prit fujet de ce faire , à caufe que le Comte d'Arques s'eftoit marié à la fille de Guy Comte de Pontieu , fans fa permiffion , & de qui il auoit fait reparer le Chafteau d'Arques prés Diepe , que le Duc fut affie- ger. Ce que voyant l'Archeuefque Maugis , il fe retira habile- ferLiure I. Chapitre XIII. 87 mentde la ville de Rouen, &emporta le plus qu'il peût d'or & d'argent, fans efpargner les Reliques & ornemens d'Egliſe. En- tre autre il enleua la Châffe de Saint Quirin , &vint ſe retirer à Corbeil aupres defon Coufin Guillaume de Verlange , afin que par fon aide il peuft obtenir fecours des François , pour deli- urer fon frere , affiegé dans le Chafteau d'Arques. Maisſon ſe- cours fut defait , & le Comte d'Arques contraint de liurer ſa place au Duc, & de fe retirer à Boulogne deuers le Comte Eu- ftache, qui lereçeut en faMaifon. Et l'Archeuefque Maugis vint à Corbeil, où il auoit depofé les Reliques de Saint Quirin en l'Eglife du petit S. lean , &fit quelquetemps fa refidence dans la maiſon de ce Prieuré , qu'il appelloit fon Hermitage , dont elle a retenu le nom de l'Hermitage de Maugis. Mais il s'ennuya in- continent d'eftre reduit en vn lieu fi eftroit , & s'en retourna in- difcretement en Normandie , où on le contraignit de refigner fon Benefice entre les mains de Maurille Abbé de Fefcan. Et par Decret des Euefques de Normandie , il fut relegué en l'Ifle de Greneze, oùapres auoir fouffert beaucoup de neceffitez , il ſe noya en pefchant en la mer, ou comme difent quelques-vns, on luy aida à fe noyer. Car Polidore remarque que pour expiation de fa mort le Duc fit baftir deux Monafteres , l'vn à Caen en Normandie, l'autre à Londres en Angleterre . Par ces difcours, tirez de l'Hiftoire de Normandie , l'on peut voir combien The- uct s'eft efloigné de la verité , quand il a efcrit que ce Prieuré de Saint Lean a pris la denomination du fabuleux Maugis d'Aigre- mont, qui iamais n'a cu rien à démefler à Corbeil : mais ily eut vn Comte nommé Maugis , qui eftoit Oncle d'vn Archeuefque de Rouen de meſme nom , qui a habité dans ce Prieuré , def- quels il eft plus conuenable & veritable de tirer cette denomina tion d'Hermitage de Maugis.“ Pour retourner à noftre Comte Guillaume, quand il commença à vieillir , & qu'ilfe fentit caffé des trauaux de la guerre , & des defbauches defa ieuneffe , il delibera de quitter le monde , & de laiffer la poffeffion de fon Comté de Corbeil entre les mains de fon fils Regnault, afin de fe retirer plus librement en l'Ab- baïe de Saint Maur des Foffez , & en reftabliffant les ruines de cette Maifon & de l'Eglife, faire penitence, & fe donner tout à Dicu. Pour faciliter la reformation de ce Monaftere , tant au88 Antiquitezde la ville de Corbeil, Spirituel qu'au Temporel , il obtint du Roy vn pareil pouuoir qu'il auoit efté au precedent accordé à fon predeceffeur Bou chart premier. Il obtint des Lettres du Roy , qui fe trouuent dat- tées de l'an mil cinquante- huit. Et enla Chappelle de Saint Ba- bolin , fous l'Image de la Vierge i'y ayveu vn Tableau qui con- tientces paroles: Dutemps que le Roy Philippes regnoit en France, l'an milfoixante, eftoit un Comte à Corbeil , le Chasteau riche &puiffant, n'eftantgueres deuot ny pieux , qui fut atteint d'une fiévre cruelle ; luy craignant de mourir, & penfant àfes pechez griefs, s'en vint en cette Maison en deuotion, &propofa s'ilplai- foit à Dieu, de luy donner la fanté, qu'ilprendroit l'habit de ceans. Ilfut exaucé, & reçeut gueriſon , à cause dequoy il ne fut point negligent de diftribuerfès biens auxpauures , & defaire réedifier cette Eglife , & à toutes autres occafions il accompliſſoit les œu- ures de charité de tout fonpouuoir Aduint . un iour que fe prome- nant en l'Eglife de ceans , regardant le Crucifix , il apperçeut que les Images eftoient fort vsées & déperies ; il luyprit deuotion de les faire renouueller : à cette fin il fit venir un ouurier nommé Rumolde, expert en la taille , qui apprefta tout ce qui luy eftoit neceſſaire pourfaire une Image dedans le lieu, où autresfois eftoit la Chappelle Saint Denis , &prit deuotion de faire l'Image de Noftre Dame lapremiere. Comme il voulut commencer ày tra- uailler, il entendit vne voixd'une perfonne qui l'appelloit parfon nom. Rumoldepensant que ce fuft le Comte , quitta fon attelier &allapour le trouuer , &fçauoir ce qu'il defiroit de luy, mais il nepeut le rencontrer, encores qu'il euft efté long- temps à le cher- cher, demandant aux Moines qu'il rencontroit s'ils n'auoient point veû le Comte, qui luy difoient que non. En fin il s'en re- tourna àfon ouurage, où iltrouua l'Image de Noftre Dame toute faite, par la grace de Dieu & de la glorieufe Vierge Marie. Rumolde raconta ce miracle au Comte, & à plufieurs, qui enre- mercierent Dieu. Ce que deffus eft efcrit en la partie fuperieure de ce Tableau , chacun en croira ce qu'il luy plaira, Mais pour la remarque de la Vie de noftre Comte, il paroift de fa conuerfion & des œuvres de pieté qu'il a exercées en fa vicilleffe , auffi qu'il eft decedé en habit Saint & Religieux en la Maiſon de Dieu. C'eft ce qui m'a fait dire que ce n'eft pas fans caufe que les ha bitans de Corbeil ont reçeu par tradition antique, cette croyance, qu'ilLiure 1. Chapitre XIII. 89 Le nom de Guillaume me fera encores adioufter que Corbeil a donné à l'Angleterrevn autre perſonnage celebre de ce nom, qui en l'année vnze cens vingt- trois fut efleu Archeuefque de Cantorbery, qui a efté le vingt- fixiefme dudit Ordre, lequel Couronna & Sacra Eftienne Roy d'Angleterre , & y mourut l'année fuiuante , ainfi que le remarque le fieur Robert en fa Gaule Chreftienne. Et Baronius dit que le fufdit Archeuefque Guillaume eftoit Legat du Saint Siege Apoftolique , & cat grand foin de faire conferuer les droits de l'Eglife d'Angleterre. Le nom de noftre Comte Guillaume m'a incité de le faire ac- compagner par ces autres perfonnes fignalées du meſme nom, que l'on dit eftre nez à Corbeil , où bien y auoir fait quelque M qu'il y a eu à Corbeil vn Guillaume qui a merité d'eftre honoré &refpecté pour la pieté . Que fi l'on ne trouue noftre dire certain, à cauſe que noftre Comte Guillaume n'a point efté Canonifé; ie mettray en auant vn autre Guillaume de grande reputation en l'Eglife , qui a eſté Abbé de Paraclit d'Ebelhort en Danne- marc, lequel eftoit natif de Corbeil , & fut inftruit à Paris aux Lettres, Humaines & Diuines , par le foin de Hugues Abbé de Saint Germain des Prez , qui au fortir de l'Efcole luy fit confc- rer vne Prebende en l'Eglife Sainte Geneuicfue à Paris , auecvn Prieuré qui n'eft point nommé en fa Legende. Il fe pourroit faire que c'eft le lieu que nous auons cy-deffus dit s'appeller Saint Guillaume de Vaulx. Et que ce fut en ce lieu- là qu'il reçeut la nouuelle de la reformation des Chanoines feculiers de Sainte Geneuiefue , en Chanoines Reguliers de l'Ordre de S. Auguſtin. Ce qui arriua en l'année vnze cens quarante-fept. Et Oddes Prieur de S. Victor lez Paris , fut le premier creé Abbé pour eftablir la Reformation en la Maifon de Sainte Geneuiefue. Noftre Guillaume de Corbeil fut des premiers qui embraffa cette Reforme, & y acquit fi bon renom & reputation qu'Ab- falon Euefque de Kefchildie eftant en France, à la perfuafion du celebre Hiftorien Saxon Sialandique , demanda à grande inftance, & obtint que noftre Saint Guillaume iroit en Danne- marc pour reformer les Religieux de ce païs. Ce qu'il accom- plit fi vertueufement, qu'il fut efleu Abbé du Paraclit d'E- belhort , ainfi qu'il cft rapporté tant par Surius, que par Pontanus, & confirmé par Baronius , en l'année douze cens .༡༠ Antiquitez de laVille de Corbeil , refidence, & s'ils n'ont pas efté contemporains , il femble qu'ils ont efté en vn mefme fiecle. DE REGNAVLT de Corbeil. Ovs n'auons iufques à prefent peû deſcouurir aucune chofe de memorable touchant le fait de Regnault Comte de Corbeil : Il nous reſte ieu- lement quelque indice , qu'il eftoit des Fauoris du Roy Philippes premier du nom , & que d'or- dinaire il fuiuoit fa Cour ; d'autant qu'en la Charte concedée par le Roy Philippes , pour la confirmation des Donations faites par les Rois Robert, & Henry , aux Moi- nes de Saint Martin des Champs , & aux Lettres de l'amor- tiffement de leurs heritages , Regnault Comte de Corbeil aappofé fon Seau auec Frederic de Corbeil fon parent ces Lettres font de l'an de grace de noftre Salut mil foixante-fept. Si Theuet cuft trouué en fes vieux parchemins le nom de Re- gnault Comte de Corbeil , il cuft triomphé de nous difcourir des quatre fils d'Aymon : car alors il a creû auoir bien rencontré, quand il a dit qu'Aymon tant celebré par les Ro- manciers , & le fujet de tant de Poëfies Antiques & Moder- nes , auoit efté Comte de Corbeil. Toute-fois il auroit trouué vne difficulté bien grande à diffoudre ; comment il fe fcroit peû faire que Regnault de Montauban , qu'il reconnoift auoir vefcu fous Charles Martel, auroit peû fous-figner aux Lettres du Roy Philippes , expediées plus de trois cens ans depuis le decés de Charles Martel. Au reste ie ne trouue point où noftre Regnault s'eft allié par mariage , ny s'il a laiffé aucuns enfans; nyfi Bouchart qui luy a fuccedé eftoit fon fils , ou fon frere, ou autrement fon parent. La fufdite année mil foixante- ſept eft remarquable par la conquefte d'Angleterre , faite par Guil- CHAPITRE XIV. y COMTELiare I. Chapitre XIV . 91 laume Duc de Normandie , dont nous auons parlé au Chapitre precedent. Elle fe fit lors que le Roy Philippes eftoit en fon en- fance, du moins à peine auoit-il atteint l'âge dequinze ans, & cftoit gouuerné fous la tutelle de Baudouin Comte de Flan- dres , lequel prefta confort & aide au Norman , dont il fut mal recompenfe , ainfi que fe plaignent les Annaliftes Flamans. Auffi ç'a efté vne conquefte qui a porté vn grandiffime preiu- dice aux Rois de France fubfequens , lefquels ont penſé eftre ruinez par les Anglois , fortifiez d'hommes & demoyens , des Prouinces de Normandie , Guyenne , Poitou , Touraine , & Bretagne, poffedez par les heritiers dudit Guillaume de Norman- die. DuTillet a remarqué qu'en la meſme année mil foixante- fept, nafquift Godefroy de Buillon , qui depuis conquit la Terre Sainte , & la Cité de Ierufalem. Ie n'ay rien à dire du decés du Comte Regnault , feulement il nous refte quelque foupçon que c'eſt luy qui gift en l'Eglife des Minimes du Bois de Vin- cennes , fous cette Tombe de Marbre noir, qui a efté pofée au milieu de la baffe nef de l'Eglife dudit Conuent , dont il nous conuiendra parler cy- apres. nom Comte de Corbeil. DE.BOVCHART SECOND ᎠᏤ CHAPITRE XV. NCORES que nous ne puiffions affcurer fi Bou-. chart ſecond a efté fils de Guillaume, oude Re- gnault , fi eft-ce que nous parlerons plus affeu- rément de fes actions : Car outre l'Abbé Sugger, & autres Hiftoriens qui nous en ont donné des nouuelles, il a rendu fon nom illuftre par la con- ſtruction du Cloiſtre de Saint Spire , & par le Priuilege qu'il a concedé & octroyé aux Chanoines de cette Eglife. Ses Lettres font de l'année mil foixante & vnze : Et par icelles il eft remar- qué que l'Eglife de Saint Spire auoit cfté fondée & dottée par , Mij92 Antiquitez de la ville de Corbeil, fes Predeceffeurs , en l'honneur de Dieu , de fes douze Apo- ftres , de Saint Spire , & de Saint Leu. Mais que par la confu- fion des guerres Ciuiles cette Eglife auoit eſté deſolée , eſtant fituée hors des murs de fon Chafteau; & que pour la mettre en feureré, & empefcher pour l'aducnir qu'elle ne demeuraft expoféc à la mercy des gens de guerre , il auoit fait baftir vn Cloiftre fermé de bonnes murailles , afin que les Preftres qui deferui- roient en cette Eglife y peuffent faire les fonctions de leurs Offices , & y celebrer le Seruice Diuin en toute feureté. Il eft rapporté en cette Lettre que le Comte Bouchart fit faire cette cloſture à la priere de ſes Vaffaux , en efperance qu'ils feroient participans des deuotions & des prieres qui fe feroient en cette Eglife. A cette fin il octroya que les Ecclefiaftiques qui habite- roient en ce Cloiftre , feroient & demeureroient libres & francs de toutefuietion , & ne pourroient eftre inquietez d'aucuns im- pofts , nyfurchargez de Tailles ny fubfides , impofez par luy ou fes fucceffeurs, ny parautres perfonnes de quelque eftat ou con- dition qu'ils fuffent; & que l'Abbé mefme de Saint Spire n'au- roit aucun pouuoir de difpofer , ordonner , ny iuger des affaires qui fe pafferoient dans ce Cloiftre ; & lors qu'il furuiendroit quelque chofe à decider il y feroit pourucu par le Chapitre deuëment affemblé : & qu'en iceluy les affaires feroient vuidées à la pluralité des voix des capitulans , fans preiudice de la lu ftice ordinaire de l'Euefque de Paris. Pour authorifer dauan- tage ce Priuilege , il le fit confirmer par le Roy Philippes , lors regnant , Richer Archeuefque de Sens , Geofroy Euefque de Paris, lean Abbé de Saint Spire , & quantité d'autres Prelats. Ce qui monftre qu'elles furent expediées durant quelque gran- de folemnité , car elles font foufcrites par les plus fignalez Pre- lats & Officiers de la Couronne de France . Ie trouue vn peu rude en ces Lettres , de ce que l'on ofte à l'Abbé toute autho- rité, & ne puis approùuer l'opinion de ceux qui ont penfé faire quelque chofe agreable à Dieu , de donner tant deliberté aux Ecclefiaftiques que de les affranchir de l'obeïffance qu'ils doiuent à leurs Superieurs , au lieu de reduire les vns & les au- tres fous laraifon , & faire en forte que l'authorité demeuraſt au Prelat Hierarchique fans confufion des Ordres ; preuoyans neantmoins de ſecours propre & facile aux inferieurs , quandLiure I. Chapitre XV. 93 ils feroient lefez & opprimez . Ie reconnois qu'il eft efcrit que l'Abbé Iean eftoit fort rude &fafcheux aux gens d'Eglife , mais fon fait particulier ne deuoit pas faire preiudice à fes fuccef- feurs. Pour l'efclairciffement de ce difcours , & des affaires de Corbeil, ie rapporteray les paroles de l'Abbé Henry , qui dit quel'Abbé Iean , in Canonicos exercebat tyrannicam rabiem & paternam non exhibebat charitatem nec examen formidabat di- winum. Les Chanoines eftans fi rudement traittez eurent re- cours premierement à fon Pere Ferry , autrement Frederic de Corbeil , & àfon frere Baudouin ; &quand ils virent que l'Abbé ne tenoit conte de fon pere ny de fon frere , ils s'adrefferent au Comte Bouchart, & luy donnerent à connoiftre la mauuaife procedure de l'Abbé. Noftre Comte qui eftoit homme haut à la main , contraignit l'Abbé Iean de fe foufinettre au iugement ' de Geofroy Euclque de Paris , & de Drogon fon Archidiacre, qui terminerent ces differens felon le ſtile de Iuftice , &la forme qui lors eftoit ordinairement prátiquée en France, qui fut telle: Que quatre perfonnes qualifiées & de bonne reputation , dont les parties conuindrent deuant les Iuges : Sçauoir , Gaultier & Gontier Preftres , Milon Diacre , & Seruin Sous- diacre , lefquels comparurentdeuant les Iuges deleguez ; &par leurs fermens atte- fterent que l'Abbé de Saint Spire n'auoit aucun droit particu- lier, ny prerogatiue par deffus les Chanoines ny au reuenu de F'Eglife, finon quatre chofes fpecifiées en ces termes, Prebendas, Iuftitias Canonicas Canonicorum. Tertiampartem Villebelancur- tis, & terram que fpectat ad feudum Abbatia. Le changement de vie & de couftume, nous a ofté le moyen d'expliquer l'e- nergie de ces paroles , & de pouuoir definir iufques où s'eften- dent ces droits de l'Abbé . - De ce que deffus ie tire deux confequences. La premiere, que l'Abbé lean & fon pere Ferry , auec Baudouin fon frere, eftans furnommez de Corbeil ; il s'enfuit de là ce que nous auons dit cy-deffus , que le ComteHemon auoit laiffé plufieurs enfans de la femme Elizabet , de lon defquels l'Abbé & les parens eftoient venus, Secondement, ie maintiens que le Comte Bou- chart eftoit plus fage & moderé que fente en fon Hiftoire ; car Henry l'Abbé Sugger ne le repre-. de France luy donne cét cloge , Brucardus magnus &gloriofus Comes, qui benignus & Mij94 Antiquitez de laville deCorbeil, iuftus iudex grauißime ferebat Ecclefia perfecutionem. Il me femble à propos d'efclaircir en cet endroit vne queftion qui fe fait à Corbeil , s'il y a eu des Moines habituez au Cloiftre de Saint Spire ; la fuitte de l'Hiftoire cy- deffus deduite fous la foy des Pancartes de l'Eglife de Saint Spire , & d'Autheurs approu- uez , ne peut porter qu'il y ait eu des Moines en ce lieu. Mais le vulgaire qui entend parler d'Abbé , de Communauté , de Re- fectoir , dont il refte quelques veftiges par les noms que l'on donne à diuers lieux fituez dedans & dehors le Cloiftre , fait Coupçonner qu'autre-fois il y a eu des Moines ; & Theuet l'a efcrit en fa Cofmographie: fi bien que cela eft demeuré fiauant imprimé enla tefte de quelques-vns , nonobftant qu'on leur monftre que par la Legende il eft dit que l'Eglife de Saint Spire a efté fon- dée de douze Preftres feculiers, y eftablis par le ComteHemon, en l'honneur & memoire des douze Apoftres. En fuitte de cela, que par la conftruction du Cloiſtre, faite par le Comte Bouchart fecond, qu'il n'y auoit point de clofture ny delogemet de Moines; que le Reglement fait par l'Euefque. de Paris, entre l'Abbé & les Chanoines contredlife à ce que l'on dit des Moines ; & que les Lettres de l'Abbé Henty frere du Roy Louis le Ieune y font entierement contraires . Il y en a toute-fois de fi opiniaftres qui ne veulent fe departir de leur opinion , & difent que les noms d'Abbé, de Communauté , &de Refectoir, eftans purs Monacaux, que la fondation doit eftre reputée Monacale ; contre les ma- ximes des Docteurs du Droit Canon, qui tiennent que tout Benefice doit eftre tenu & reputé feculier , s'il n'apparoift du contraire ; & Rebuffe en rend cette raison. Que Saint Pierre en la perfonne duquel Dieu a mis la direction de la Police Eccle- fiaftique eftoit feculier en confequence dequoy toute dignité & Benefice Ecclefiaftique doit eftre cenfe , & tenu pour fecu- lier à l'inftar de Saint Pierre , s'il n'en eft autrement difpofé. Pour ce qui regarde la Communauté de viure , l'Eſcriture nous apprend qu'en la naiffance du Chriftianifme , les fideles viuoient . pour la plus grande partie en communauté de biens : elle com- mença de fe reftraindre entre les Ecclefiaftiques , mais elle fut diffipée par les grandes & cruclles perfecutions que les Payens exercerent fur les Chreftiens , fpecialement contre les Euefques, Diacres, & plus eminens du Clergé, tellement qu'il fut impoffiLiure I. Chapitre XV . 95 ✓ que- ble aux Chreftiens de fe maintenir long-temps en cettevie inno- cente de Communauté. Or lors que Dieu donna la paix à fon Eglife , par l'entremife de l'Empereur Conftantin , les Eccle- fiaftiques (du moins ceux qui curent la pieté en recommanda- tion) commencerent de reftablir quelqueforte de vie commune, viuans des biens qui leur eftoient offerts par les fideles . Le mal- heur a efté que l'opulence a introduit la fuperfluité & l'a- uarice , par lefquelles la pieté & charité ont efté cftouffées . Depuis, l'abus s'y eft meflé , &a tellement augmenté, que l'on a efté contraint de faire plufieurs Decrets & Ordonnances fur la diftribution des fruits, rentes & reuenus des biens des Eglifes. Et l'on a tafché par diuers moyens de reftablir la Communauté dans les Colleges inftituez , tant és Eglifes Collegiales que Ca- tedrales , ainsi qu'il fe peut voir au Liute des Decrets , & Canons de l'Eglife , entre lefquels ie me contenteray de tirer de la ftion premiere de la caufe douziefme, le Canon Certè ego ; où Saint Auguftin dit qu'au commencement qu'il entra en fon Eucfché d'Hypone , il auoit refolu de n'admettre perfonne aux Saints Ordres qui ne luy cuft promis & iuré de viure en Com- munauté auec luy. Que fi par apres quelques- vns s'en feparoient il auoit refolu de les degrader & priuer de la Clericature. Mais apres qu'il eut bien confideré les inconueniens qui arriuent quand les Preftres font contraints en leur maniere de viure , il s'eftoit départy de fa refolution, & s'eftoit refolu de neplus con- traindre les Preftres de viure en Communauté , à caufe des maux que l'hypocrifie engendre entre ceux que l'on y retient par force. Du dire de ce grand Docteur & de fes preceptes , il s'eft produit en l'Eglife Romaine deux efpeces de Chanoines. La premiere eft des Chanoines Reguliers , à caufe de la profeffion qu'ils font d'obleruer la Reigle de Saint Auguftin , de viure en Communauté , & ne poffeder aucune chofe en particulier. La feconde, eft des Chanoines feculiers , ainfi nommez , à caufe qu'en leur maniere de viure ils ne different en rien des Preftres qui viuent parmy le peuple, finon qu'ils partiffent entr'eux. les fruits & reuenus des Eglifes qu'ils deferuent. L'on peur à bon droit dire qu'ils tirent leur denomination du nom Canon , qui fignifie part & portion congruë ; & reffemblent en quelque façon à ceux que Saint Cyprian appelloit Fratres portulantes,96 Antiquitez dela ville de Corbeil, Nos Antiquaires François , difent que l'inftitut des Chanoines a cfté introduit en France du temps de Charlemagne Mais . que Yues de Chartres le mit en grande pratique & vigueur ; en forte que dede fon fon temps les Chanoines pour la plus- part ne dif- feroient en rien des Moines finon en leurs habits. Et plufieurs Chefs de Chapitres , pour s'authorifer dauantage , prirent lors la qualité d'Abbez. La marque en eft demeurée non feulement à Corbeil, mais auffi à Saint Geneft de Clermont en Auvergne, & à Saint Sebaſtien de Narbonne. Les Canoniftes difent que le nom d'Abbé feculier eft fort en vlage és Païs & Royaumes de Naples, Aragon, & Caftille. Ainfi que Panorme & Oftienfis ont remarqué és Glofes qu'ils ont efcrites fur laDecretale d'A- lexandre troifieſme ; en laquelle il eſt declaré que l'Abbé Sc- culier de Saint Nicolas de Ceperano , ne deuoit pas eftre con- traint de receuoir entre fes Chanoines Pierre Rougeau , qui auoit quitté la Prebende pour fe rende Moine . Et apres auoir jetté le fac aux orties , comme l'on dit, il vouloit rentrer en fa premiere condition. Balde difcourant des Abbez feculiers , les appelle Abbates Foranei , & les eftime preferables aux Cha- noines des Eglifes Cathedrales , à caufe qu'ils font Chefs de Chapitres , & de Compagnies Ecclefiaftiques. Son opinion eſt fuiuie par le Preſident de Solue , qui met les Abbez feculiers au feptiefme lieu & rang des dignitez Ecclefiaftiques , tenans le milieu entre les grandes & petites. Pourconclufion de la Thefe cy-deffus pofée,nous employerons le Decret du Concile de Latran , tenu fous Alexandre deuxief- me, par lequel il eft ordonné à toutes perfonnes Ecclefiaftiques, d'habiter, dormir , manger enſemble en des logis proches de leurs Eglifes. Et quepour y maintenir le bon ordre ils efliroient vn de leur Compagnie pour leur Chef, & l'honnoreroient du nom d'Abbé. Mais pour cela l'on ne peut pas inferer que iamais il y ait eu des Moines refidens dans le Cloiftre de Saint Spire. De fait, encores que les Chanoines de Noftre Dame de Corbeil ayent cu vn Abbé Prefident, à leur Chapitre, & ayent vefcu au- tresfois en Communauté , ils n'ont iamais eu de Cloiſtre ny de Maiſon où ils ayent habité enſemble : ils demeuroient en des maiſons efparfes en diuerfes rues de la ville , defquelles il y en a encore qui ont retenu les noms de Refectoir & Communauté . LesLiure I. Chapitre XV.. 97 Les droits de l'Abbé de Saint Spire ayans efté reglez , ainfi que nous auons dit cy- deffus , la dignité Abbatiale en eft de- meurée mieux eftablie : là où cette dignité Abbatiale a efté fu- primée en l'Eglife de Noftre Dame de Corbeil, à caufe des ri- gueurs que les Abbez exerçoient fur les Chanoines & Preftres deferuans en cette Eglife. Pour retourner à noftre Comte Bouchart , Maiftre Baptiſte le Maffon , en la Vie de Saint Spire , qu'il a efcrite à la haſte, attribue la conftruction du Cloitre à Bouchart premier, que luy mefme reconnoift auoir vefcu auec Hugues Capet de fi grand âge qu'il auoit vn fils Chancelier de France , enl'an neuf cens quatre-vingts huit. S'il euft pris garde à la datte des Let- tres de noftre Bouchart, il eut trouué prés de quatre vingts - ans de diſtance, car elle eft dattée de l'an mil foixante & vnze; ainfi il cuft reconneu qu'il y a eu deux Comtes à Corbeil du nom de Bouchart. Ioint que Oddes des Foffez , qui a efcrit la Vie de Bouchart premier , l'an mil cinquante- fix , dit que lors fa fepul- ture eftoit en ruine , & ne parle de luy que par la relation des plus anciens Moines de Saint Maur. Quant à noftre Bouchart fecond , que nous tenons fur les rangs, Sugger en la vie de Louis le Gros le dépeint de toute autre humeur & complexion que fon predeceffeur , qui eftoit humble & affectionné feruiteur des Rois Hugues Capet & de fon fils Robert. Au contraire Bouchart ſecond eftoit fort fuperbe , Chef des mutins , & rebelle au Roy Philippes premier , iufques à ce point, d'afpirer à la Couronne de France Sugger . dit qu'il mit vne armée en campagne , & cut la hardieffe de prefenter la bataille au Roy, & en rapporte vne galanterie que Bouchart fit. Le matin qu'il fortit aux champs pour aller combattre , il refufa de prendre fon cfpée de la main de fon Efcuyer , & voulut la receuoir de la main de ſa femme, à laquelle gay & deliberé il dit : Noble Comteffe, baillez joyeuſement cette espée à voftre Noble Baron , qui la receura de voftre main en qualité de Comte, pour vous la rapporter auiour- d'huy comme Roy de France. Mais il enarriua tout autrementque fon orgueil luy auoit mis en l'imagination ; car il fut tué cette journée d'vn coup de lance , qu'il reçeut d'Eftienne Comte de Chartres , lors Partifan du Roy, & par fa mort les feditieux fu- rent diffipez , & le peuple iouift de la paix. Ce font les paroles N98 Antiquitez de la ville de Corbeil, de Sugger , au moins l'explication de fon Latin , auquel il ne cotte point l'année de cette expedition &défaite de Bouchart, ny ne declare non plus les motifs de la guerre , ny quels Partiſans ou intelligence il auoit auec les autres Seigneurs de France plus puiffans que luy ; c'eft ce qui fait trouuer fon entrepriſe plus eftrange , fi l'on ne vient à confiderer l'humeur du Roy Phi- lippes, & le pauure eftat auquel il laiffa tomber les affaires; dequoy il femble neceffaire de dire vn mot. Le Roy Philippes de fon naturel eftoit de leger efprit , neantmoins vif, & qui con- duifoit fes affaires par fineffes & fubtilitez , indignes de fa qua- lité ; car il auoit peu d'efgard à la Iuftice ny à la raiſon , cher- chant de faire fon profit des querelles & diffentions de ſes ſub- jets & voifins , comme il pratiqua au difcord qui s'efineut entre Geofroy le Barbu , & fon frere Foulques Rechin , en faiſant le partage de la fucceffion de leur ayeul Geofroy Martel ; car le Roy abandonna l'aifné , moyennant que Foulques luy laiſſaſt le païs de Gaftinois. LeRoy vfa fi fouuent de pareilles pratiques, qu'il en accueillit la haine de la Nobleffe de France , laquelle y adioufta le melpris de la dignité Royalle , quand on le vid tel- lement accoquiné apres les femmes, qu'il endura d'eftre ex- communié plufieurs fois , pluftoft que de quitter Bertrade de Montfort ; l'interdit du Royaume , en fut decreté au Concile de Clermont , l'an mil quatre-vingts feize , en confirmation de ce qui en auoit efté deſia ordonné aux Conciles d'Authun & de Plaifance, & quifut depuis encorereiteré à Poitiers, en Octobre de l'année vnze cens de noftre Salut. Les François en conçeurent vne fi grande indignation contre le Roy , qu'en vne grande partie des Contracts on ceffa d'y appofer fon nom , & au lieu d'iceluy onymettoit Regnante Iefu Chrifto. Les Notaires Apo- ftoliques ne s'y oublierent pas , ny les autres qui fe trouuerent refidens dedans les Seigneuries mal affectées au Roy , qui eftoient en grand nombre en France. Cettemauuaife affaire af- Aligea la France enuiton quinze ans à diuerfes fois , auant que le Roy fuft reçeu au giron de l'Eglife ; & pour s'en purger il fe retira en l'Abbïae de Saint Benoift fur Loire , iufques à fon decés , qui arriua le vingt- neufiefme Iuillet vnze cens huit. Et Bertrade, à fon exemple, prit l'habit de Religieufe en l'Abbaïe de Fontevrault, où par l'aufterité de la vie qu'elle y mena elleLiure I Chapitre XV . 99 fuiuit aifément fon mary au tombeau. Durant ces troubles , G Louis le Gros fon fils , d'vne vertu Heroïque , n'euft pris le foin des affaires publiques , l'Eftat de la Monarchie Françoife s'en alloit renuerfé & ruiné. Car il n'y auoit fi petit Baron , & Sei- gneur Chaſtelain, qui ne vouluſt contrefairele Prince Souverain. Tous fe mefloient de forger monnoye, leuer des Tailles , impo- fer des tributs , dénoncer la guerre, liurer bataille en toute li berté. L'efbahiffement donc en doit eſtre moindre , d'ouïr dire que le Comte Bouchart ait mis cette folie en fa tefte , d'afpirer à la Couronne de France , qu'il eftimoitvacante, & exposée au premier Conquerant. Quant à Eftienne , qui donna le coup de lance & tua Bouchart , i'ay opinion que c'eft celuy qui eft mis pour troifiefme de ce nom, enla famille des Comtes de Brie & de Champagne, d'autant qu'il eftoit ennemy mortel de noſtre Comte, à caufe de la querelle hereditaire qui eftoit entre leur famille. Tefmoin la furprife de Melun, dont nous auons parlé enla vie de Bouchart premier. Cette inimitié s'eftoit reveillée par les droits & pretenfions du Comte Maugis &fes parens fur le Duché de Normandie , & par la confifcation du Comté de Mortain fur le Comte Guillaume Predeceffeur de Bouchart; car ledit Eftienne auoit eſpouſé Alix fille du Duc Guillaume le Conquerant d'Angleterre. Pour accomplir les diuines Pro- pheties , Eftienne fut chercher fa mort en la Paleſtine , où il la rencontra en la bataille de Rames, où il fut tué d'vn coup . ces confiderations il n'eftpas vray- femblable dedire que noftre Bouchart ait entrepris cetteguerre à lafufcita- tion des Anglois , ainfi que l'vn de nos nouueaux Hiſtoriens l'a mis en auant; car le ComteEftienne nefefuft pas oppoſé aux def- feins defonbeau-pere. lefuis encore efbahy de trouuer és grandes lance Sarafine Pour Annales de Belle- Foreft , le nom de Raoul mis pour celuy de Bouchart, contre ce qu'il en a efcrit en fa Cofmographie , enco res qu'en icelle il fe foit fort extrauagué en tout le difcours qu'il fait des Seigneurs de Mont-le-hery ; & du Puiffet qu'il appelle Puiffac. Et mefemble qued'Auteuil a bienrencontréde dire que Belle- Foreſt & autres , ont affez mal compris l'Hiftoire de Sug- ger, & n'a pas mal fait de l'expliquer dedans les Vies de fes Mi- niftres d'Eftat ; fans approuuer toute- fois ce qu'il dit , que no- ftre Bouchart fecond . ait efté fils de Bouchart premier ; & la 2=1897 Nij dc GTHEAUS LYON DELA VILLE100 Antiquitex de la ville de Corbeil, COMTE B XVI. ELLE FOREST en fes Grandes Annales rap porte plufieurs Hiftoires pour montrer que fous les premiers Rois dela troiftefme Race l'on n'imputoit point à crime de leze- Majefté de defobeir & leuer les Armes contre la Majefté Souueraine. De fait nous verrons que les biens du Comte Bouchart ne furent point confifquez , fa veufue & fes enfans fe conferuerent & maintindrent en la poffeffion de Les terres & Seigneuries. Lors que noftre Comte fut tué il eftoit en la fleur de fon âge; & de fa femme Alix, ou Alefie de Creffi, il laiffa deux enfans , à fçauoir vn fils nommé Oddes, qui luy fucceda à la Comté de Corbeil, & vne fille auffi nommée Alix. Du Chefne Fappelle Yfabeau, & fon mary Evrard , qui fut ma- riée à Hugues du Puiffet Vicomte de Chartres ; Adelefie de Creffi eftoit encores ieune , belle , riche , & de noble race lors de la mort de fon mary ; c'est pourquoy eHe trouua bien toft party pour fe remarier , & la néceffité de fes affaires la conuia de ce faire, à caufe des ennemis que fon mary auoit faits par fon arrogance. Guyle Roux Comte de Mont-le-hery fon voiſin, preuue que nous auons apportée qu'entre eux deux il ya ca trois Comtes à Corbeil ; fçauoir, Maugis, Guillaume &Regnault, refute affez fon opinion ; outre ce qu'il confond entierement les alliances de nos Comtes , & de ceux de Mont-le- hery. Nous dirons de plus que les Chartes de l'Abbaïe de Saint Victor & d'Yerre, iuftifient pleinement qu'Eftienne de Garlan- de a cfté Euefque de Paris auffi bien que Chancelier de Fran- ce : Cela foit dit en paffant ; car chacun s'en fait accroire en matiere d'Antiquité , bien qu'il n'y a que Dieu qui puiſſe fça- uoir la verité de toutes chofes, DE ODDES de Corbeil CHAPITRELiure I. Chapitre XVI. 101 : paroiffoit fort alors entre la Nobleffe de ce païs , & fe faifoit ap- peller Comte de Rochefort , il eftoit petit fils de Thibault Fil-d'eftoupes, qui auoit fait baftir & conftruire le Chasteau de Mont-le-hery, du temps du Roy Robert , duquel il eftoit Grand Veneur , & Grand Maistre des Eaux & Foreſts de France. Ce Gay le Roux cftoit vaillant , experimenté aux armes , & à la conduite des gens de guerre fa vaillance a efté caufe qu'il a efté appellé par deux fois à l'Office de Seneschal de France, & que Adelefie Doüairiere de Corbeil entendit fort volontiers aux paroles qui luy furent portées de leur mariage, confiderant qu'elle pourroit fe maintenir &ſes enfans , par le crédit &ſupport dudit GuyComte de Rochefort, bien-aimé & fauory du Prince Louis, fils aifné du Roy Philippes. Ie coniecture que ce mariage fut contracté l'an mil foixante & quatorze ; d'autant quela pre- miere fois que les Princes Chreftiens fe croiferent pour le re- couurement de la Terre-Sainte , Hugues de Creffi leur fils y tint compagnie à fon Pere , fous les enfeignes de Hugues le Grand Comte , de Vermandois , duquel Guy de Rochefort, que l'on furnommoit le Roux fut Marefchal & conducteur. Guy donna tant de preuues defa valeur &fage conduite en ce voyage, qu'à fon retour en France le Roy Philippes le reçeut aucc hon- neur, & le reftablit en l'eftat de Grand Maiftre & Seneschal de France. Le Roy luyfit l'honneur de vouloir prendre fon alliance par le mariage du Prince Louis auec Luciane fa fille. Ils en paffe- rent fiauant qu'ils furent fiancez enfemble, mais les nopcesfurent differées à cause de la ieuneffe de la fille qui n'auoit que dix ans: elle cftoit d'vne beauté exquife & d'excellente grace'; ils furent trois ans en ces fiançailles. En cette longueur le Prince Louis fe refroidit en les amours ; & pour eftre difpenfé de ce mariage il mit en auant la parenté & proximité de lignage entre luy & fa fiancée. Quelques-vns font venir cette parenté du cofté de la Maifon de Montfort , & difent qu'Alix de Crefft Mere de Lu ciane eftoit fille de Huon de Creffi , & d'Auoye de Montfort, fille d'Amaulry deMontfort, fils du Roy Robert , & de Berthe de Noyon , Dame de Nogent. En ce faifant le Prince & ſa fian- cée eftoient alliez du trois ou quarriefme degré de confangui- nité , de quelque cofté que fuft leur parenté. Le Concile tenu à Troyo en Champagne par le Pape Paſohal , l'an vnze cens ſept, N iij102 Antiquitez de la ville deCorbeil, declara les promeffes de mariage mulles , & caffa tout ce quis'en eftoit enfuiuy, &fit deffences aux parties de paffer outre àla con- fommation du mariage. Cette Sentence fut donnée auec grande connoiffance de caufe , apres auoir ouy plainement les parties intereffées ; car le Pape aimoit Guy le Roux , pour l'auoir tou- jours affifté tant qu'il fut en France comme , il appartenoit à fon Office de Senefchal de France. Ceux qui neveulent pas auoüer qu'Amaulty de Montfort ait cfté fils du RoyRobert, difent que Guy eftoit, iffu de la branche Royalle de Vermandois , auquel cas l'alliance qu'ils auoient enfemble ne pouuoit eſtre qu'au fixieſme degré ; cela eftant , Guy auoit plus de raifon de ſe plaindre du Prince , de ce qu'il n'auoit fait aucune inſtance au Pape pour obtenir la difpence , que l'on n'euft peû honneftc- ment luy refufer. Toute-fois Guy de Rochefort ne fit pas fem- blant de prendre à cœur ce mefpris , il continua affez long- temps à s'employer au feruice du Roy & de fon fils , iufques à ce qu'il furuint vn nouueau fujet de difcord , qui fut fomenté par ceux qui enuioient la bonne fortune du Comte ; entre lef quels Sugger met Ancel de Garlande : combien qu'il euft efté remis en la grace du Roy, par l'entremife de Guy, il ne laiffa pas de luy ioüer vn tour de Courtisan , nourriffant le Prince Louis en défiance contre luy , en efperance d'obtenir fon Of- fice de Seneschal , comme il aduint fi toft que la guerre fut de- clarée à Guy : pour l'intelligence de laquelle il eft à ſçauoir que Guy à caule de fa femme Alix de Creffi , iouïfloit en Douaire de la Seigneurie de Gournay fur Marne ; il en auoit fortifié le Chafteau , & orné le Bourg d'vne belle Egliſe , erigée en Prieuré , & y auoit donné beaucoup de biens pour la fon- dation ; entr'autres chofes il luy auoit attribué le Patronage & les Difmes de la Cure d'Effonne & de Corbeil , par la concef- fion qu'en fit Oddes de Corbeil, à la priere de fa mere Alix de Creffi, Sugger fait cas , & exalte la beauté de l'Ifle de Gour- nay, & prife fort la fortification faite en icelle. Au paſſage de ce licu il fe leuoit d'ancienneté quelque Peage fur les marchan- difes paffant par ce deftroit : il arriua que quelques Marchands Allemans qui venoient vendre des cheuaux de leur païs en la ville de Paris furent arreftez par Hugues de Pompone , commis à la garde du Fort de Gournay par Guy le Roux ; il pretendoitLiure I. 103 I Chapitre XVI . que ces chevaux eftoient tombez en commiſe, &fujets à confif- cation , à faute d'auoir acquité le Peage ordinaire ; c'eftoit mar- chandiſe dont ils auoient affaire , & nevouloient point ouïr par- ler de reftitution , encores que le Peage & amende leur fuft of fert au premier arreft defdits cheuaux. Les pauures Marchands deftrouffez fe retirerent deuers le Prince Louis , & luy remon- ftrerent que pour auoir voulu luy faire feruice , & luy amener des cheuaux de leur païs , on leur vouloit faire perdre leur marchandiſe. Le ieune Prince Louis haut à la main , enuoya demander les cheuaux , & au refus qui en fut fait , il eft auffi toft deuant le Fort de Gournay, auecvne bonne trouppe de gaillarde jeuneffe, qu'il entretenoit prés defa perfonne, par le moyen de la- quelle il a fait merueille en fon temps Hugues . de Pompone porté de l'humeur prefomptueufe de la Nobleffe de fon temps, ( qui faifoit gloire de mefprifer le Prince Souuerain ) ferme la porte au nez de fon Prince , & refufe d'obeïr, & oppoſe les ar- mes à la force dont on commença auffi toft d'vfer , & fouftint reſolument les affauts de la Gendarmerie Royalle , contre la- quelle il s'eftoit de bonne heure pourucu de Soldats diſpoſez à bien deffendre la place , en attendant le fecours dont ils eftoient affeurez : Car Guy le Roux auoit plus de reffentiment dans le cœur, du rebut de fa fille , à caufe que cette difgrace auoit eſté fuiuie du mefpris des Courtilans , mefiance de fon Prince , re- culement de fes faueurs, & bonnes graces ; ce qui luy auoit don- né ſujet de faire fes preparatifs, & de fe fortifier d'amis & d'in telligences auec les mal- contans : ce qui luy fut affez facile ; car c'eftoit lors l'ordinaire que tous les Seigneurs de France fe pre- ftoient la mainles vns aux autres , pour contrecarrer la puiffance Royalle. Guyne manqua point defe mettre encampagne , affifté detous fes patens & amis , entr'autres de Thibault Comte Pala- tin deChampagne. Le Prince Louis fans s'eftonner de leur mul- titude mit ordre à fon fiege ; & en Capitaine expert va prendre fes aduerfaires à fon auantage ; les met en route & fuite hon- teufe, puis retoutna à fon fiege , & vinquant la difficulté du lieu, & l'opiniaftreté des affiegez par vn affaut vigoureux , fe rend maistre de la place, qu'il fit incontinent apres reparer ; la fournit de viure & munitions , & en commit la garde à Ancel de Gar- lande ; ce qui augmenta la fafcheriede Guy & defon fils Hugues104 Antiquitez de la ville deCorbeil, de Creffi, ieune homme, d'vn cœur fier &indomptable, qui refo- lut de fe vanger de la perte de fa place : Mais ne pouuant mal- faireau Prince Louis, il tourna le feu de fon indignation à l'en- contre de fon propre fang ; fçauoir contre Oddes de Corbeil fon frere vterin , à cauſe qu'il n'auoit voulu l'affifter en l'affaire de Gournay , cftant en mauuais mefnage auec fon beau-pere Guy le Roux, pour le mauuais traittement qu'il faifoit à ſa mere Adelefic: il l'auoit chaffée de fa maiſon , retenant neantmoins fes biens & fes heritages fans luy en faire raifon. Hugues de Creffi adheroit à fon pere plus qu'à fa mere , qu'il eftimoit por- ter plus d'affection àfon fils aifné , efmeu d'enuie, fut luy dref- fer vne ambuſcade prés la maiſon , & ne faillit point de la fur- prendre, d'autant qu'il ne fe doutoit aucunement d'vne telle trahiſon. Ainfi qu'il penfoit aller prendre fon paffe-temps à la chaffe , il fe trouua pris , arrefté , & mis prifonnier dedans ſon Chafteau meſmes , duquel Hugues fe faifit. Quelques domeſti- ques du Comte coururent à Paris en donner aduis au Roy Louis le Gros , qui nouuellement venoit de recueillir la fucceffion du RoyPhilippes premier fon pere : Ces gens donnerent à enten- dre au Roy que s'il luy plaifoit d'enuoyer en diligence de ſes Soldats , qu'ils luy tiendroient la porte de la ville ouuerte ; à cette nouuelle le Roy depeſcha Ancel de Garlande fon Seneſ- chal auec les Archers de fa garde, pour aller fe faifir des portes de la ville de Corbeil , promettant de les fuiure auec fa gendar merie , qu'il commande de prendre les armes. Ancel executant fa commiffion , entra fous la brune en la ville de Corbeil , & fcs Archers s'efpandirent par les rues d'icelle. Les habitans qui n'eftoient pas aduertis de leur venue, ignorans quelles gens ve- noient fe loger en leurs maifons , s'efucillans au bruit des che- uaux fortirent de leurs maiſons auec baftons & armes , & fe iet- terent fur cette petite trouppe difperfée dansles ruës ; en tuerent quelques-vns; chafferent les autres, &prirent Ancel de Garlande, qui fut enfermé auec le Comte Oddes , & au lieu de prendre il fut pris, & mis en poffeffion du Chateau de Corbeil, d'vne autre façon qu'il ne defiroit pas. Ceux de fa troupe qui peurent efchapper, retournerent en diligence à Paris porter ces triftes nouuelles au Roy, qui s'eftoit amuſé aupres du feu à caufer plus que de raiſon. Mais refueillé par ce meſſage inopiné , mit auſſi toftLiure 1. Chapitre XVI. 105 toft le pied à l'eftrier , & fit auancer fes Soldats qui l'attendoient; mais fà peine luy fut lors inutile , d'autant que Hugues auoit cu le loifir de donner ordre à fes affaires. Le Royles trouua fi bien difpofez à fe deffendre , que quelque effort qu'il pût faire, iufques àmettre la perfonne en danger , il fut contraint de fe retirer & de faire affembler de plus grandes forces , auec lesquelles il retourna mettre le fiege deuant Corbeil , en laquelle il faillit d'enfermer Hugues : car fi toft qu'il fentit venir le Roy il laiffa de bons Capitaines & Soldats pour deffendre la place, & fortit en campagne afin d'auoir moyen de fecourir les affiegez : Il fut donc recueillir fes partifans , & femondre le Comte de Brie & Champagne de le venir fecourir ; mais fes affociez eſtoient en- cores effrayez de la déroute qu'ils auoient reçeuë deuant Gour- nay, où leurs trouppes eftoient demeurées en fi mauuais equipage, qu'ils auoient befoin de temps pour fe refaire , & remplir leurs Compagnies de nouucaux Soldats. Cependant Hugues crai- gnant que fes gens affiegez ne perdiffent courage , il fit tous fes efforts pour rentrer en la place : il deftrouffa fouuent les Viuan- diers de l'armée Royalle, & tailla en pieces les Fourageurs ; ré- ueilla fouuent le Camp du Roy, d'efcarmouches , fans rien pro- fiter :Il effaya toutes fortes d'inuentions & de defguifemens pour entrer en la ville , letout en vain, pour le bon ordre que le Roy tenoit en fon Siege. Les habitans de la ville deſirans efuiter le fac & pillage de leurs biens , introduifirent le Roy au defçeu des Soldats de leur garnifon , lefquels furent contraints de ſe retirer au Chafteau, & peu de iours apres le rendirent au Roy du con- fentement de Hugues de Creffi , qui par ce moyen fit la paix auec le Roy, mettant en liberté Oddes & Ancel , qui auoient couru fortune , I'vn deperdre la vie, & l'autre fa ville. Les longues periodes de Sugger , d'où nous auons tiré cette Hiftoire, font tellement confules , que l'on ne peut pas aifé- ment difcerner de laquelle des deux places, Corbeil ou la Ferté- Baudouin,il veut parler,ce qui a fait dire quetoutes les deux villes auoient efté affigées & prifes. De moy ne reconnoiffant aucune place à dix lieues de Paris, qui porte le nom dela Ferté- Baudoüin; Tay creu que ce fut Corbeil qui fut pris & affiegé par le Roy Louis le Gros , & qui la remit entre les mains du Comte Oddes, contre lequel Sugger fe monftre fort paffionné ; car il luy dit106 Antiquitezdela ville de Corbeil, des iniures atroces , & luy reproche qu'il ne meritoit pas de porter le nom d'homme , mais d'animal &homme fans raiſon. La haine qui eftoit entre Sugger & le Comte Oddes , venoit de ce que Sugger auoit fait baftir vn Monaftere proche l'Eglife de Noftre Dame des Champs fur Effonne , & y auoit logé douze Moines, qu'il auoit tirez de l'Abbaïe de S. Denis en France. Le Comte Oddes ne fut pas contant d'auoir ces Moines fi proches deluy, pour controllerfes actions , & qui par la prefomption de leurs Priuileges entreprenoient fur les droits de fa Iuftice , & de fa Seigneurie. La colere tranfporta le Comte d'aller rauager leur baffe-court , & leuer l'argent qui eftoit dans leurs troncs. Sugger s'en vangea par Cenfures & Excommunications , qu'il fulmina contre Oddes , lequel fur ces entrefaites tomba malade, & en l'apprehenfion de la mort cut remors de confcience du mal qu'il auoit fait aux Moines. Il employa tous les amis pour fe reconcilier auec l'Abbé & fes Moines ; & pour les recom- penfer du mal qu'il leur auoit fait , il defchargea les habitans du Bourg d'Effonne de certaines munitions de foin & chairs falées de pourceaux , qu'il auoit de couftume d'exiger d'eux pour l'en- tretenement de la garnifon de fon Chafteau. Le Religieux Doublet en rapporte les Lettres dattées de l'anvnze cens douze, quatriefmeannée du Regne de Louis le Gros. Au pied de cette Lettre il eft efcrit qu'elle a cfté ratifiée par la femme du Comte Oddes, fille d'André de Baudemont , que Sugger appelle Pro- curator terra Comitis Theobaldi , qu'il dit auoir prefenté en lu- ftice fon gage de combat, pour iuftifier que le Comte Thibault auoit cu droit de faire fortifier le Chafteau d'Alonne en Beauffe, qui eftoit vn Fief dependant & releuant du Domaine du Roy. Cette prefentation de gage de bataille ſe faifoit par vn ftile lors en vlage , qui tenoit lieu de preuue des faits mis en auant au procés. Cette action de Baudemont fut difcutée en Iuftice ; Sçauoir fi le gage auoit efté valablement offert par Baudemont Seneschal du Comte de Chartres ; & bien leué par Ancel de Garlande Seneschal du Roy . Par Sentence des Pairs , l'offre & l'acceptation du gage furent declarez nuls , & que du fait dont il s'agiffoit le Roy feroit creu à fon ferment : Sçauoir s'il auoit , ou non , accordé à la Comteffe de Chartres , mere du Comte Thibault, la permiffion de fortifier la Maiſon d'Alonne.Liure I. Chapitre XVI 107 O ij De cette Dame de Baudemont Oddes Comte de Corbeil ne laiffa aucuns enfans viuans apres fon decés , qui arriua l'an de grace mil cent feize. Cette beyeuë a rendu Duplex perplex , quand il void que la fucceffion d'Oddes n'eft point deferée à Hugues de Creffi, mais à Hugues du Puiffet , & n'en apperceuant pas bien la rai- fon, il s'imagine qu'il en auoit efté debouté comme Criminel de leze- Majefté. Et neantmoins il reconnoift qu'au meſme temps Hugues du Puiffet eftoit prifonnier à Chafteau- Landon, pour raifon du mefme crime de felonie. Mais Sugger le deuoit mettre hors de ce doute : car il a efcrit , Mortwo Oddone cum Rex multo & fumptuosè labore ad obtinendum Caftrum Cur- bolium infudaffet illud obtinere abfque Hugonis Putacenfis, le prie que l'on ne s'offence point d'vn petit diucrtiffement que ie defire faire en cét endroit , pour refpondre à ceux qui m'accuſent de n'auoir pas efté affez diligent en la collection de ces preſens Memoires , à cauſe qu'ils ont trouué en quelque Ef- criuain Moderne des particularitez qui femblent y contrarier, Pour refponce ie leur dis , que l'on ne peut veritablement par- ler de nos Comtes Bouchart fecond, Oddes fon fils , &Hugues du Puiffet fon gendre, contre & par deffus ce que l'Abbé Sug- ger en a efcrit aupreiudice du Roy Louis le Gros , & de fon fils Louis le Ieune ; & Yues de Chartres en fes Epiftres. C'eft où cy- deuant nous auons renuoyé Belle- Foreft, & où nous appel- lons le fieur Duplex , lequel a efcrit que Oddes Comte de Cor- beil eftoit fils de Guy de Rochefort, à cauſe qu'il eftoit frere de Hugues de Creffi. Efcoutons ce qu'en a efcrit Sugger: Interea contigit decedere Odonem Curbolienfem comitem filium Brucardifuperbiẞimi Comitis. Par ces paroles il apparoift que fi Hugues de Creffi a efté frere d'Oddes, ç'a eſté à caufe d'Ade- lefie de Creffi leur mere commune Car . en premieres nopces elle auoit efpoufé Bouchart, & de leur mariage eftoient fortis vn fils & vne fille : Sçauoir Oddes qui luy fucceda au Comté de Corbeil, & Adelefie qui fut mariée auec Hugues du Puiffet. Efcoutons Sugger , Hugo Crefiacenfis fratrem Odonemin Caftro firmitatis Balduini impingit hoc vero Caftrum non hereditario, iure poßidebat. Sed occafione matrimonij de comitiffa Adelaide quampater eius retento Caftro fpretam repudiauerat.108 Antiquitez delaVille deCorbeil, Le diray en paffant que ie m'efbahis de ce que Duplex expli- que le nom de Firmitas , par ce nom de ferme ; veû qu'il eft conftant que l'on explique ce nom Latin Firmitas, par ce mot François , Ferté , comme la Ferté- Baudouin , la Ferté- Alez , la Ferté- Gaucher, &infinies autres par la France. Et pour dire tout en cet endroit ce que i'ay à redire contre Duplex tou- chant nos Comtes ; ie m'efbahis de ce qu'il doute s'il faut dire Hugues Comte du Puiffet , où Puiffeaux , & femble qu'il incline à Puifeaux, car il fait excommunier Hugues par l'Archeuefque de Sens , du Dioceſe duquel defpend Puiſeaux en Gaſtinois. Là où le Puiffet eft en Beauffe au Dioceſe de Chartres , oùYues eftoit Euefque, & auec lequel il a eu de grandes querelles à départir, ainfi que nous déduirons au Chapitre fuivant. En fecond licu, Duplex dit que le Roy Louis le Gros fut met- tre le Siege deuant la ville de Toury, & qu'il auoit deffein de la faire brufler , fi Thibault Comte de Chartres ne l'en euſt empefché, & que ce fut fur ce fajet que Baudemont preſenta ſon gage de bataille. Efcoutons ce qu'en dit l'Abbé Sugger , Hugo Puteacenfis cum Comite Theobaldo Tauriacum fancti Dionifij, villamfatis munitamfunditus euerterefeftinabant. Sed nos (in- quit Sugerius) à rege remißi citißimi Domino annuente intra- uimus vnde noftri exhilarati Hoftium Sabata decidebant. Tant s'en faut donc que Thibault procuraft le bien de la ville de Toury , que c'eftoit luy qui la vouloit ruiner : au contraire que c'est le Roy qui la conferua comme vne place appartenant à l'Abbé Sugger fon grand Confeiller & confident. Et en fuitte de cela Sugger rapporte que le Roy ayant efté furpris par fes ennemis & les gens mis en route , ce fut en la ville de Toury où il fit fa retraitte Sugger l'expofe . en ces termes , Cum Regis exercitus circumquaque effet difperfus alij Aurelianum , alij Stem- pas, alij piuerim Rex Tauriacumfatigatus deuenit. En fuitte de ces narrations Sugger expofe en cette forte le fujet pour lequel Baudemont prefenta fon gage de bataille en Iugement ; Comes Theobaldus machinabat Marchiam fuam amplificare &pro Caftro Puteoli quem Rex deftruxerat villam que dicitur Allona firmare nitebatur, & quafi ei fuiffet id conceffum à rege in cuius feudi. erat Allona Pactum hoc offerebat per Andream de Baldaweto deliberatione quia Comitis Odonis exforore nepos erat.Liure I. Chapitre XVI. 109 XVII. Ovr ainfi que Hugues Capet eftablit la gran- deur de fa Maiſon dans la confufion de l'Eſtat des François , & par la mauuaiſe habitude en laquelle luy & les fiens auoient nourry la No- bleffe deFrance à mefpriſer l'authorite Royalles Tout de meſme luy & les Rois fes Succeffeurs ont depuis efté long-temps contraints d'endurer d'eftre gour- mandez & traictez au pair par leurs fubjets , qui s'eſtoient en mefme temps emparez des Prouinces , Villes & Chateaux de la France. Ĉar fur l'affeurance des places fortes qu'ils occupoient ils nefaifoient aucune difficulté de faire la guerre, & de pa- roiftre en armes à la face de leurs Rois & Princes Souuerains. Nous laifferons les plaintes de ces defordres publics , de peur de nous efgarer dans les tenebres d'vn fiecle fi miſerable ; & nous nous contenterons de coftoyer les aduenuës de noſtre Chaſtel- lenie de Corbeil , fous la conduite d'Yues de Chartres , & de Sugger Abbé de Saint Denis , & des Chartes & Pancartes de nos Eglifes , defquels i'ay appris que la Reine Conftance fem- me du Roy Robert auoit fait baftir & fortifier le Chateau du terrafuaprocuratorem ratiocinare. l'ay fait cette digreffion pour preuenir ceux qui trouuent toufiours à redire aux ouurages d'autruy, afin que s'ils trouuent en d'autres Efcriuains de ce temps quelque choſe contraire à ce que nous en expofons , ils fçachent que nous n'ignorons pas ce qu'ils en ont dit , & que nous fçaurons bien y refpondre en temps & lieu. Au refte nous nefommes point tant amateurs de nous mefmes , que fi l'on nous monftre quelque chofe de bonne mife que nous ne le receuions gracieufement ; car nous auons affez experimenté qu'il eft facile de s'efgarer en la defcouuerte & recherche des Antiquitez. · DE HVGVES DV PVISSET Comte de Corbeil. CHAPITRE O iij110 Antiquitez de la villedeCorbeil, Puiffet en Beauffe , à la requeſte des Ecclefiaftiques qui poffe- doient la plus grande partie des terres de cette contrée, fous l'efperance que cette fortereffe les exempteroit des courfes des picorcurs &fourageurs qui faifoient cftat de viure aux defpens des gens d'Eglife, & de leurs Fermiers & fubjets. Pour reprimer ces brigandages , la Reine Clemence fit eftat d'entretenir vne forte garnifon dans le Chafteau du Puiffet, duquel elle donna la charge au Vicomte de Chartres , qui fit fi bien fon deuoir d'empefcher le degaft des terres Ecclefiaftiques , qu'apres fon decès fes enfans furent continuez enla Capitainerie de la Tour du Puiffet , iufques au troifiefme fucceffeur nommé Evrard , au- quel le Roy Philippes fit quelque difficulté de continuer l'eftat de Comte Chaftellain du Puiffet , à caufe des plaintes faites contre luy. Thibault premier du nom , entre les Comtes de Chartres, n'oublia pas de faire fon profit du difcord furuenu entre le Roy &fon Chaſtelain , il pratiqua Evrard , & l'attita à fon feruice. Le Roy en ayant eu auis fe tranfporta en Beauffe, affez mal accompagné de gens de guerre ; auffi fut-il plus mal receu qu'il n'efperoit , fes gens furent repouffez , & luy pour- fuiuy iufques à Orleans. Les Comtes de Neuers & de Bois- Gency , auec vne centaine de Gentil-hommes de la fuitte du Roy , furent pris prifonniers auec tous les Ecclefiaftiques qui auoient accompagné le Roy ; ce qui fut trouué mauuais de tous à caufe du reſpect que iufques à ce jour l'on auoit porté aux gens d'Eglife. Le Roy Philippes ne pût auoir raiſon de cét outrage, il fut contraint de retirer les prifonniers en receuant en grace Evrard, & fe contenter de l'hommage qu'il luy fit de la Comté & Chaftellenie du Puiffet. Cét Evrard cut deux fils, l'ailné nommé Hugues luy fucceda au Comté du Puiffet , & à la Vicomté de Chartres ; c'eft luy qui efpoufa Alix , ou Adele- fie de Corbeil fille du Comte Bouchart fecond , & fœur du Comte Oddes, De fon temps fe fit cette grande entrepriſe pour le recouurement de la Terre Sainte, & de la Cité de Ic- rufalem. Ce fut vn coup d'Eftat qui feruit beaucoup au reſta bliffement de la dignité Royalle en France ; par le moyen de ce voyage que les François firent au Leuant , la France le def- chargea d'vn grand nombre de mauuais garçons nourris à la guerre, &accouftumezau pillage. Ceux qui demeurerent furentLiure 1. Chapitre XVII. III plus ailez à mettre à la raiſon. ” La premiere loy qui fuft faite au Concile de Clermont pour l'eftabliffement de ces voyages, portoit ; Que toutes perfonnes qui ſe chargeroient de la Croix, &fe mettroient en deuoir d'accomplir le voyage , outre la Re- miffion pleniere de tous leurs pechez , auroient tréues & fur- feances de toutes dettes, procés , inftances , & querelles en ge- neral; la paix auec toutes perfonnes , horfmis les Infidelles. En fuitte tous Pelerins eftoient mis & reçeus en la protection & fauuc-garde de l'Eglife & du Siege Apoftolique. Ces loix fer- uent à l'intelligence du narré qui fuit ; car Hugues du Puif- fet eſmeu de l'honneur que fon Pere Evrard ( que Matthieu Pa- ris appelle Ebrardus ) auoit acquis entre les Chreftiens , qui pre- miers s'acheminerent à la conqueste de Ierufalem : Aſon exem- ple fon fils Hugues fe chargea de la Croix , & ſe mit en chemin pour aller en la ludée auec vne trouppe de Soldats d'eflite. Err paffant en Italic il affifta de les armes le Pape Paſcal contre fon Antipape Gilbert ; auant que partir de France il auoit laiffé le gouuernement de fon bien & de fes affaires à fon frere Guy; l'Euefque de Chartres l'appelle Fraternarum rerum cuftos , c'eſt en l'Epiftre 192. ou il recite certaines procedures faites en cette qualité ; elles meritentd'eftre expliquées. En certaine Paroiffe de l'Euefché de Chartres if y auoitdeux Maiſons Seigneuriales poffedées par diuerfes perfonnes , qui releuoient leurs Fiefs du Vicomtede Chartres. Hugues du Puif- fet, en reconnoiffance de quelque plaifir qu'il auoit reçeu d'Y- uesde Couruille , luy auoit donné le relief de l'vn desdits deux Fiefs pour le ioindre aux droits du Fiefde Couruille , à la char- ge d'en porter la foy & hommage au Vicomte de Chartres. Au temps que Hugues eftoit en fon voyage de Leuant, Rotrou Comte du Perche, acheta le Fief dont le relief auoit efté donné à Couruille ; apres fon achat il voulut fortifier la Maiſon Feo- dale , Guy du Puiffet aduerty de ce nouuel ouurage fe ioint auec de Couruïlle , & forme complainte en cas de faifine , & nouuelleté deuant l'Euefque de Chartres , & demande que la paix concedée aux Pelerins leur fuft gardée , & en ce faifant que la fortification encommencée fuft remiſe en l'eftat qu'elle eftoit lors que Hugues eftoit croifé. Le Comte Rotrou compare deuant l'Euefque , & maintient que le lieu qu'ilfortifie eft du112 Antiquitez de la ville deCorbeil, à cauſe reffort de fon Comté du Perche, & non pas de la Vicomté de Chartres ; L'Euefque Yues dit que felon le ftile ordinaire dont l'on voit en fon temps il ne pouuoit paffer outre au lugement de cette affaire fans ordonner du combat proposé par les par- ties , à caufe dequoy il les renuoya en la Iuftice feculiere du Comte de Chartres, où Yues de Couruille perdit fa caufe. Le feu de la colere eftant monté à la tefte de cette Nobleffe , de paroles ils en vindrent aux mains , & Couruille fut pris priſon- nier du Comte du Perche. Guy du Puiffet aduerty du mal- heur de fon Vaffal , renouuella fes complaintes , & obtint Let- tres de Rome adreffées à l'Archeuefque de Sens , par lef- quelles il luy eftoit mandé de faire deliurer Couruille de pri- fon , & de faire furfeoir la fortification encommencée ; & de faire auffi qu'en tout & par tout la paix fuft gardée aux Pe- lerins , en leurs droits , noms & actions. Le Comte de Ro- trou compare en Iuftice , fouftient n'auoir fait aucune choſe contre la paix de l'Eglife , d'autant qu'Yues de Couruille qui luy auoit fait la guerre n'eftoit point croifé , ny Pelerin, & partant non receuable à s'ayder de ces Lettres. Guyaunom de fon frere Hugues , Pelerin croifé , repliqua qu'il eftoit la principale partie, & qu'il auoit le plus grand intereft en cette caufe, partant fouftient que le Comte du Perche ne doit eftre receu ny ouy , iufques à ce qu'il cuft reftably la place &le refte de l'affaire, en leur entier : Sçauoir , mis Couruille en liberté , & démoly les fortifications de la place. Le Comte du Perche ref- pondoit qu'en ce qui concernoit la fortification , le differend, en auoit efté iugé à fon profit en la Cour du Comte de Char- tres. L'Official de Sens bien empeſché à vuider ce differend, apres plufieurs delais , ordonne que par maniere de prouifion Couruille fera mis en liberté en baillant caution , & quela con- ftruction de la fortification cefferoit iufques à ce qu'il cuft eu auis du Papede ce qu'il en deuoit ordonner. De cette Sentence Rotrou enappelleàRome, où il perdit fa caufe… Nous n'auons trouué aucune chofe dans l'Hiftoire des ex- ploits de guerre faits par Hugues du Puiffet en la Paleſtine , où fon nom a efté enfeuely auec fon corps, & Guy fon frere ne le furuefcut de gueres. Yues de Chartres fe plaint grandement de luy, & l'appelle Refuga Clericalis militis , & fil'auoit excommuniéLiure I. Chapitre XVII. 113 àcaufe des entrepriſes qu'il faifoit fur les droits de fon Euefché. Guy laiffa cette querelle à démefler à fa belle-fœur Alix de Corbeil, & àfonneueu Hugues du Puiffet le ieune , leſquels ne voulurent point laſcher prife , ny reftituer à l'Euefque ce que Guy auoit occupé , à caufe dequoy ils furent excommunicz; Et quoy qu'ils interpofaffent tous leurs amis & le Roy meſme, ils ne peurent obtenir de l'Euefque d'en eftre abfous. Eux faf- chez de fe voir ainfi rebutez , furprindrent l'Euefque Yues , & l'enfermerent dans vne trifte prifon , où ils le traicterent indi- gnement, ne luy fourniffans pour fon viure que le pain de dou- Icur & l'eau d'amertume, comme il fe plaint par fes efcrits. C'eſt enuiron cette faifon que Eftienne Comte de Chartres mourut en la Paleſtine , laiffant fa veufue Alix de Normandie chargée de beaucoup d'enfans ; elle porta toute fon affection à fon fecond fils nommé Thibault, & le fit iouïr du droit d'aiſneffe : c'eft luy qui depuis a efté furnommé le Vieil. Eftant lors ieune enfant , Hugues du Puiffet voulut fe preualoir de ſa minorité, & s'emparer de quelquesdroits du Comte fon Seigneur : il eftoit incité à ce faire par få mere , qui volontiers fo fuft vangée de la mort de fon pere Bouchart Comte de Corbeil , qui auoit eſté tué par le Comte Eftienne. Pour paruenir à leurs deffeins ils firent vne fi grande leuée de Soldats , qu'ils tenoient la Com- toffe de Chartres & fes enfans comme affiegez en leurs mai- fons. Alix Doüairiere de Chartres , fine Normande , auoit bien fçeu s'entretenir aux bonnes graces du Roy Louis le Gros, afin de s'en ayder à fon befoin, ainfrqu'elle fit , quand clic ſeſentit preffée par fon Vicomte. Elle eut recours au Roy pour reprimer Les habitans de Chartres indignez des outrages commis en la perfonne de leur Euefque , voulurent venir le tirer de force hors de prifon ; mais luy connoiffant que leur puiffance n'eftoit pas bastante pour venir à bout de leurs entreprifes , cut crainte que leurs vains efforts n'incitaffent le Vicomte & fa mere à luy faire quelque outrage en fa perfonne. Il efcriuit aux Chartrains, & les pria de ne s'efmouuoir point, & de remettrefa deliurance à la mifericorde de Dieu , auquel feul il auoit misfon efperance. Hugues du Puiffet s'apperceuant que tout le monde le blafmoit, appaifa fa colere; fit la paix auec fon Euefque ; le mit en liberté, & le fatisfit du tort qu'il luy auoit fait. P114 Antiquitez de la ville de Corbeil, l'audace de Hugues. Le Roy qui fçauoit quelle efmeute fai- foient tous les Seigneurs de France quand il vouloit en chaſtier quelques- vns d'entr'eux. Pour y obuier il conuoqua vne affemblée d'Eftats à Melun , où de tous coftez il arriua des plaintes contre Hugues du Puiffet , & des degafts que faifoient Les Gens-d'armes : il fut mandé & fommé de comparoir aux Eftats, il n'y ofa venir ny comparoir ; & par la contumace il fut ordonné qu'il feroit contraint par armes de fatisfaire à ceux qu'il auoit offenfé. Le Roy exccuta luy- mefme le refultat des Eftats ; il mit fon armée aux champs , & fut affieger le Fort du Puiffet , & quelque refiftance que Hugues peuft faire la place futprise d'affaut , les fortifications d'icelle furent ruinées , & n'y eut que la tour qui fut efpargnée , apres auoir efté defnuée de fes deffences. Hugues fut pris prifonnier, & enuoyé tenir pri- fon à Chafteau- Landon , où il eut tout loifir de rongerfonfrein, & faire penitence des maux qu'il auoit fait fouffrir aux autres. Il eut cette confolation en fa captiuité d'ouïr nouuelle de la guerre qui s'eftoit cfmeuë entre ceux qui l'auoient ruiné ; à fça- uoir le Roy & la Comteffe de Chartres, fur le fujet du Cha- fteau d'Alonne, que la Comteffe vouloit faire fortifier contre la volonté du Roy: ce futfur ce differend qu'André de Baude- mont offrit le gage de bataille , ainfi que nous auons verifié au Chapitre precedent. Des paroles on en vint aux armes , & s'en cfleuavne guerre qui dura long-temps , par le fupport &fecours que le Roy d'Angleterre donna à fa Niece la Comteffe de Chartres. L'on a remarqué que ce diſcord a fait l'ouuerture aux grandes & fanglantes guerres qui depuis ont efté efmeuës entre les François & les Anglois. Durant ces troubles il arriua vn accident inopiné , par le moyen duquel Hugues du Puiffet fut deliuré de prifon ; c'eſt qu'Oddes Comte de Corbeil fon Oncle deceda fans laiffer au- cuns enfans , & ne laiffa autre heritier que le fufdit Hugues fils de fa fœur. Thibault Comtede Chartres, de Brie &de Champa- gne, tafcha de s'emparer de Corbeil pour auoir le paffage libre de la riuiere de Seine , quand il voudroit aller de la Beauffe en la Brie , & employa tous fes moyens pour paruenir à fon attente. Cela réueilla le Roy Louis le Gros, qui vint à confide- rer l'importance de la place , & quefi elle tomboit entre les mainsLiure I. Chapitre XVII. 115 de Thibault, il pourroit incommoder grandement le commerce de la ville de Paris en luy bouchant ce paffage ; veû que celuy de la riuiere de Marne luy eftoit fermé par la ville de Meaux que Thibault tenoit en fes mains. Le Roy refolu d'auoir Cor- beil, y trouua plus de difficulté qu'il ne penfoit , encores qu'il tinft en fes mains celuy auquel la place appartenoit ; car André de Baudemont, pere de la veufue du Comte Oddes , eftoit dans la place , & tenoit ferme fans donner prife fur luy , ny efpoir d'auoir Corbeil contre fa volonté. Il penchoit fort du cofté de Thibault , mais il craignoit de faire tort à Hugues prifonnier, qu'il defiroit fur tout de mettre en liberté. L'Abbé Sugger ef- crit qu'il en fit plufieurs voyages , & fit en forte qu'il moyenna vne conference au village de Moiffi l'Euefque , où il fut accordé que Corbeil feroit deliuré au Roy , & que Hugues luy en cederoit tout le droit qu'il y auoit ; quoy faiſant il feroit mis en liberté &rentreroit en la poffeffion du refte de fes biens, à la charge qu'il ne pourroit fortifier la tour du Puiffet , fans le congé & permiffion du Roy . Ainfi Louis le Gros prit poffeffion de la Ville, Comté , & Chaſtellenie de Corbeil , qu'il ioignit & incorpora au Domaine de la Couronne de France. Et pareille- ment Hugues fut mis en liberté, auec cette refolution en luy mefme de reftablir les fortifications de la Tour du Puiffet. Il penfa prendre la commodité d'y faire trauailler durant l'abſence du Roy, qui s'acheminoit en Flandres , troublée par la mort du Comte Charles. Sugger compare Hugues à vn Dogue, qui eft deuenu furieux pour auoir efté tenu long-temps à l'attache; ainfi l'humeur melancolique de Hugues, recuitte en l'aigreur de la priſon , auoit engendré en fon efprit des appetits furieux de vangeance. Si toft qu'il eut nouuelles du partement du Roy il s'en alla enroller en la ligue des Mal- contáns , qui faifoient eftat de contrequarrer le Roy fous les enfeignes du Comte Thibault, fupporté en fa malice par Henry premier du nom Roy d'Angleterre , & Duc de Normandie fon Oncle. Hugues efperant que le voyage du Roy luy donneroit affez de temps pour mettre fa Tour en deffence ; entra dans le Bourg du Puiffet , lors que le Marché s'y tenoit , & fit publier par vn Trompete , deffences à toutes perfonnes de fortir de la ville fans fa permiffion, promettant affeurance à tous ceux qui de- Pij116 Antiquitez dela ville deCorbeil, meureroient : Mais quand il fe fut rendu maiftre de la place, & cut mis des gardes aux portes , il fe faifit des plus riches Mar- chands & Laboureurs qui s'y trouuerent , & exigea d'eux de groffes fommes de deniers : il expofa les biens des habitans du Bourg au pillage de fes Soldats , pour les obliger & affection- ner à le fuiure , n'ayant autre moyen de les foldoyer que de leur donner licence de piller & voler impunément. Son deffein eftoit d'en faire autant au Bourg de Toury en Beauffe ; mais l'Abbé Sugger , Seigneur de ce lieu , y eftoit affez bien accom- pagné. Hugues le fut trouuer , & faifant femblant d'eftre fafché du defordre arriué au Puiffet, par vnefeintehumilité pria l'Abbé d'interceder pour luy enuers le Roy ; de l'excufer & de l'affeurer de fon feruice. Il fçeutfi bien diffimuler & cajoler le bon Abbé qu'il luy fit accroire tout ce qu'il voulut , & luy perfuada d'aller trouuer le Roypour luy ofter la mauuaife impreffion du rapport que l'on luy en pourroit faire. Si toft que Sugger fut forty de Toury, Hugues fit approcher les trouppes , & donna vn afſaut au Bourg de Toury, où il trouua les gens de l'Abbé plus fermes & refolus qu'il ne penfoit ; car ils fouftindrent vertueufement tous les efforts , cependant que leur Maiftre s'en alloit à la bonne foy chercher le Roy en Flandres. Son chemin fut plus court qu'il ne pensoit , car il trouua le Roy à Corbeil , où il cftoit venu en diligence pour preuenir les entrepriſes de Hu- gues, defquelles il auoit efté aduerty auant qu'il fuft entré en Flandres. Sugger faiſant fa harangue au Roy, & déduiſant les belles promeffes de la fubmiffion de Hugues , fut exposé à la rifée des Courtilans , d'auoir efté fi credule & fi facile à perfua der vne choſe où il n'y auoit aucune apparence d'aiouſter foy, ainfi que les effets contraires le demonftroient. Le Roy com- manda à l'Abbé de rebrouffer chemin, & de retourner pour def- fendre fa maiſon de Toury, où les gens furent fi réjouis de fon retour , qu'auffi toft ils firent des forties & efcarmouches fur leurs ennemis.Hugues aduerty du retour de l'Abbé & des approches du Roy, fut bien efbahy comment il auoit peû auoirfitoft nouuelle de fon affaire : fans neantmoins s'eftonner dauantage , il fit ſa retraitte au Puiffet , où il refolut de fe deffendre. Le Roy ne voulant perdre le temps à confulter, fuiuit fa pointe , &fut atta- quer Hugues auant qu'il peuft eftre fecouru de fes alliez. Hu-Liure I. Chapitre XVII. 117 gues qui n'eftoit pas apprenty aux armes s'apprefta au combat, difpofa fes Soldats fur les rempars de fon Fort, à demy releuez; & d'vne rufe guerriere mit en embufcade Raoul de Bois- Gency, auec fa Caualerie derriere vne Eglife , à couucrt de certaines maifons qui empefchoient qu'ils ne fuffent apperceus des gens du Roy, afin que lors qu'ils auroient mis pied à terre, & fe. roient leur effort contre le Puiffet , & tafcheroient à franchir les foffez ; & que par l'inégalité du licu ils feroient diſperſez hors de leurs rangs , Bois - Gency & les fiens vinffent charger par derriere les gens du Roy qui ne fe doutoient de cette em- bufche. Si toft que le Roy eut abordé le Fort du Puiffet, il mit pied à terre auec fes Gens- d'armes , & d'vn ardent courage ya chercher fon ennemy, luy fait quitter les dehors ; & comme les gens s'efforçoient de gagner le haut du rempart ils furent affail- lis à l'improuifte par Raoul de Bois- Gency. Les gens du Roy furent troublez par cette furpriſe, & fans auifer à fe deffendre commencerent à s'enfuir ; & fans la proüeffe du Roy ils euffent tous efté taillez en pieces. Combien que le Roy cuft peu de de perfonnes prés de luy il defgagea plufieurs des fiens que les ennemis auoient pris , & donna loifir aux autres de ſe ſauuer. Mais il ne mit gueres de temps à rallier fes trouppes , & en fit venir d'autres de tous coftez Hugues : de fa part ne perdit point de temps , il auança le plus qu'il pût la fortification de la place, &neceffa deréveiller fes affociez , & les conuier de le venir (ecou- rir;Enfa profperité plufieurs yaccoururent,entre les autres Sugger nommé Hugues de Creffi , & fon frere Guy de Rochefort. Où nous remarquerons que ceux-là s'abufent , qui ont dit que Hugues de Creffi , & Hugues du Puiffet n'eftoient qu'vne mcf- me perfonne. Thibaut Comte de Chartres eftoit le principal Chef de ces reuoltez : Outre les Chartrains il amena de Bric & de Champagne tant de Soldats à cette expedition , qu'il faifoit eitat de manier le Roy à fa difcretion , mais il auoit affaire à vn Prince d'vn courage inuincible , d'vn corps infatigable , & d'vne experience eſprouuée aux armes. Si toft qu'il eut amaſſé Les trouppes , & donné ordre à tout ce qui luy eftoit neceffaire, il fçeut adroitement remettre le cœur au ventre à fes Soldats, & les animer à prendre vangeance de l'affront qui leur auoit eſté fait , leur reprefentant que les ennemis ne l'auoient iamais ofé Pij118 Antiquitezde laVilledeCorbeil, attendre en campagne qu'il ne les cuft vaincus & mis en route: Il ne differa aucunement de les aller trouuer ; & en Capitaine experimenté il fe campa fi auantageufement, qu'encores que fes ennemis fuffent en plus grand nombre il les tenoit comme af- fiegez ; cela leur fit honte & les efmcut à fortir de leur camp, pour s'expofer au hazard d'vne bataille. Le Roy de fon conté ne fit point le retif, & d'vne braue refolution va attaquer les aduerfaires. Durant le combat Thibault auec fes Briois le coule dans le camp du Roy, où il met tout en defordre ; &lors qu'il penfoit auoir tout gagné, & que fes Soldats eftoient attentifs au pillage , Raoul de Vermandois auec fes Picards vint au ſecours du camp. Eux fafchez de voir qu'on pilloit leur bagage , fe iet- tent d'vne fureur nompareille fur ces Briois , & les taillent en pieces. Ce fait ils retournent à la bataille , & furent donner en flanc dans l'escadron de Hugues du Puiffet , le diffipont , & le contraignent de fe retirer dans fon fort , où le Roy le bloqua & enferma. C'eſt lors que luy & les fiens fe trouuerent biers eſtonnez à cauſe du deffaut de munitions d'armes & de viures, &pour le grand nombre de bleffez & eftropiez qu'ils eftoient . Entre les autres le Comte Thibault eftoit griefuement bleffé , ce qui luy fit enuoyer demander au Royvn paffe-port & fauf- con- pour aller fe faire penſer en fa ville de Chartres , ce que Roy luy accorda gracieufement ; Enoutre il permit à tous ceux qui le voudroient, de fe retirer en leurs maifons. Ils accepterent tous cette faueur extraordinaire , & le Puiffet demeura vuide à la difcretion du Roy, qui fit abatre tout l'edifice , fans y laif- fer aucune pierre fur pierre ; fit combler le puits , & rendit le licu inhabitable. duit Combien que Hugues cuft fait courir fortune au Roy de per- dre la vie, il nelaiffa pas de luy pardonner , mais fa facilité & bonté luy fut dommageable , car peu de temps apres Hugues retourna en fon vomiffement , & voulut faire reftablir la for- tereffe du Puiffet. Le Roy y enuoya Ancel de Garlande fon Senefchal , qui acheua de rafer & explanader tout ce qu'il trouua debout, en dépit dequoy Hugues tua Ancel. Le Roy s'offenfa grandement de cét outrage , & monftra d'en auoir vn fi grand reffentiment & volonté determinée de chaſtier exem- plairement Hugues , qu'il reconnut qu'il luy feroit impoffi leLiure 1. Chapitre XVII. 119 ble de fubfifter plus long-temps en France. Pour fon dernier refuge il eut recours à la Croix dont il fe chargea , &ſe mit en chemin pour aller en la Paleſtine acheuer le refte de fes iours auec fes parens : car du Chefne dit que ceux de la Maiſon du Puiffet y cftoient Seigneurs & proprietaires de la Comté de Iaphe, c'eft en l'vnzieſme Chapitre du fecond Liure de l'Hi- ftoire de la Maifon de Chaſtillon , qu'il defcrit la Genealogie de du Puiffet auec celle de Mont-le-hery. Dedans les Chro- niques de l'Abbaïe de Morigny , la Vie de Hugues du Puiffet eft en quelque façon autrement rapportée , & au lieu de l'en- uoyer en Ierufalem il le fait confiner dedans vn Monaftere, à caufe du meurtre par luy commis en la perfonne de Milon de Mont-le-hery ſon parent. Fin du Premier Liure.121 ANTIQVITEZ DE LA VILLE , COMTE ET CHA- telenie de Corbeil . LES LIVRE SECON D. DV ROY DE FRANCE LOVIS fixiefme , dit le Gros. CHAPITRE PREMIER. AR le narré que nous venons de faire des Vies des Comtes de Corbeil , l'on a peû voir le de- fordre qui regnoit en France, quand ceux qui occupoient les places fortes ne reconnoiffoient point la MajestéRoyalle , finon entant qu'il leur plaifoit. Et ces Seigneurs non contans de s'em- parer des droits du Domaine Royal , mettoient leurs mains facrileges fur les biens & perfonnes Ecclefiaftiques. Par leurs iniquitez ils contreignirent (s'il faut ainfi dire) Dieu de lafcher les Q$22 . Antiquitez dela ville de Corbeil, fleaux de fon ire fur leurs teftes impies , en conduifant la main Royalle de Louis le Gros pour les exterminer , car il les fit fortir hors de leurs poffeffions : Sçauoir , Hugues hors du Puiffet & de Corbeil, Guy & Hugues de Pompone hors de Gournay, Thomas de Merle hors de Nogent , Philippes hors de Meun, Guy hors de Rochefort, Milon hors de Mont- le-hery, Elbe hors de Roiffi, Matthieu de Luferche hors de Chantilly. Lapunition de ces per- fonnes turbulantes , & la démolition deleurs forts &retraittes fu- rent trouuées d'autant plus equitables , que leurs excés auoient eſté condamnez au Concile tenu à Troye en Champagne par le Pape Pafchal, l'an de noftre Salut vnze cens fept. De plus , le Royconfirma l'eftabliſſement ja faitpar les Com- tes de Corbeil, d'vn Preuoft , d'vn Procureur du Roy , d'vn Greffier, Tabellion, Notaire , Procureurs & Sergens , pour fatis- faire aux fonctions de la Iuftice , tant en premiere inftance que pour le reffort des Iuftices Subalternes de la Chaftellenic de Corbeil. Non feulement la Preuofté de Corbeil , mais auffi cel- les de Poiffy, Mont-le- hery , Chafteau- fort , Goneffe , Tour- nan, & autres Preuoftez Royalles des enuirons , furent foumifes au reffort de la Preuofté de Paris , alors eflcuée d'vn degré de furifdiction , auec les prerogatiues de tenir le lieu du premier Bailly de France. En forte que comme en Pologne le Chaſtel- lain de Cracouie a la prefeance deuant tous les Vaiuodes & Palatins du Royaume; ainfi le Preuoft de Paris precede tous les Baillifs & Senefchaux de France ; & és affemblées des Eftats Generaux il fied aux pieds du Roy comme premier Officier de Apres que le Roy eut reduit Corbeil à fon Domaine, il y mit l'ordre que nous allons expofer Sçauoir , qu'il eſtablit vn Capitaine dedans le Chafteau pour la garde & feureté d'ice- luy; & s'il furuenoit quelques troubles ciuils, donner l'ordre que les habitans auroient à tenir à la conferuation de la place au feruice du Roy : Et pour fon exercice en temps de paix , il luy attribua la Gruerie des Forefts de Sennart, de Rougeau , & des bois , halliers & buiffons de la Brie, à commencerdepuis les por- tes de Melun iufques au Pont de Charanton , & des lieux cir- conuoifins , compris entre les riuieres de Seine & de Marne.- Depuis cette Grurie s'eft eflargie de deux licuës és environs de Corbeil , du cofté du Gaftinois & du Hurepoix.} 123 Liure II. Chapitre I fa Iuftice. Au reste les Preuofts de Corbeil , & des autres Cha- ftellenies cy-deffus fpecifiées ont toufiours depuis efté confer- uées & maintenuës és droits de Iuftice & Police de leurs Terri- toires , & ont efté honorez de l'Illuftre tiltre & qualité de Con- feillers du Roy. Et s'il faut ainfi dire, le nom de Preuoft, & les fon- &tions de l'office ne font point de fi baffe eftoffe que quelques- vns ont efcrit pour leur intereft particulier : Car il fe void que les Romains à l'imitation defquels nos Rois ont reglé leurs Officiers ) ont vfé du nom de Prapofitus ( d'où eft deriué le nom de Preuoft ) pour fignifier vne dignité eminente entre les Offi- ciers de la Maifon des Empereurs , tels qu'eftoient ceux qu'ils ont nommez Præpofitus fcholarum, Præpofitus agentium in rebus, Prepofitus facri cubiculi , Prepofitus facrorum fcriniorum. Ces Offices rapportez à noftre vfage , font en quelque forte repre- fentez par le Grand Maistre de la Maiſon du Roy, ou bien par le premier Maistre d'Hoftel. Le fecond , par le Maiſtre de la Garderobe. Le troifiefme, par le Grand Efcuyer : Et le qua- trieſme , par le Secretaire du Cabinet du Roy. Et la proprieté du nom de Prapofitus, eft fignifiée fuperiorité & commandement fur les autres. Et par lequarante-troifiefme article de Prefidiaux, il eft dit que les Preuofts precederont les Confeillers du Prefi- dial. Le furplus des fonctions des Preuofts Royaux font affez notoires & reglez par les Ordonnances , fans qu'il foit befoin d'entre-mefler icy les droits & pretenfions des Officiers de Iu- ftice , dont l'exercice eft affez diuerfement conduit par les Pro- uinces de la France, où ils ont pris la forme de leur exercice fe- lon les Couftumes des lieux , & de l'humeur des perfonnes de la contrée , en laquelle ils ont efté cftablis. Quant au corps des habitans de la ville de Corbeil , ils ont de tout temps ioüy du droit de Communauté & de Corps de ville ; &pour la direction de leurs affaires , ils ont trois Efcheuins , vn Receueur de deniers communs, & d'octrois auec fon Controlleur. Tous les ans on eflit vn Efcheuin, & le plus ancien fort de charge apres l'eflection: L'Efcheuin fait le ferment entre les mains du Preuoft , & promet d'eftre fidelle au Roy, & d'auoir foin de la garde & conferua- tion de la ville au feruice de fa Majefté , fans entreprendre fur la Iuftice, qui refide entierement en la perfonne du Preuoft. La charge des Eſcheuins eft d'auoir foin des Portes , Ponts- leuis, 1 Q ij124 Antiquitez dela ville , deCorbeil Murailles , & Remparts de la ville , afin que le tout foit conferué en bon eftat , & que le paué & chauffée foient bien entretenus. Pour fubuenir à ces ouurages, les Efcheuins ont pouuoir d'or- donner de l'employ des deniers communs , & d'octroy, faits par les Rois , pour cftre diftribuez aux Manoeuures , par les man- dez qu'ils adreffent au Receueur. Vn chacun des Efcheuins a fa porte & fon quartier de ville affigné , fur lequel il doit auoir principalement l'œil , & prendre garde : Et fi la chofe eft legere y pouruoir promptement ; finon il en doit faire rapport à l'af- femblée de Ville , qui fe doit tenir tous les premiers Icudis des mois , fi la neceffité des affaires ne conuie de les tenir plus fou- uent. Ces affemblées de Ville fe font en la Chambre del'Hoftel de Ville , qui eft le Pauillon attenant à la Porte de Saint Nicolas; A ces affemblées le Preuoft , le Procureur du Roy , les Eſche- uins, Controlleur , & Receueur , fe trouuent , & generalement tous les Habitans y font appellez & conuicz par le fon de la groffe Cloche de l'Eglife de Noftre Dame. Entemps de guerre les Efcheuins doiuent donner ordre à ce que les Habitans foient fournis d'armes propres & conuenables pour garder leur Ville. Pour faire la garde l'on fepare les habitans en quinze dixaines, pour departir cinq dixaines à chacune porte. C'eft aux Efcheuins de mettre & pofer les dixaines en garde , leur bailler le mot du guet qui leur eft enoncé par le Capitaine du Chateau. Le Pre- woft , le Procureur du Roy, les Efcheuins , Controlleur , & Rece- weur, font exempts de la garde ordinaire ; mais ils doiuent faire des rondes de nuit , & vifiter les Corps de garde , afin de tenir chacun en fon deuoir. Cette Police Militaire mefera remarquer que du temps de Louis le Gros le peuple des villes , & villages de France, eftoit obligé d'aller à la guerre , & fe trouuer aux Ar- mées toutes fois & quantes qu'ils eftoient mandez. Alors le Roy par forme de Priuilege, accorda aux habitans de Corbeil qu'ils ne feroient point tenus d'aller à la guerre que deux fois l'année, & ne feroient obligez de s'efloigner de leurs demeures plus loing que douze lieuës ; auffi le peuple ne payoit point de Tailles mais depuis qu'il a efté chargé de fubfides , Tailles & Taillon , il a efté defchargé du feruice perfonnel qu'il auoit ac- couftumé de rendre à fes defpens. : Louis le Gros voulant faire paroiftre que l'auarice ne l'auoitLiure II. Chapitre 1 . 125 point efmeu à faire la guerre , pour profiter des biens de fes re- belles ; de tous les biens du Comté de Corbeil il ne s'en referua que la Seigneurie de la ville, quelques cenfiues , droits de luftice, Peage des Matchandifes paffans par eau & par terre, auec la foy & hommage des Vaffaux Quant . aux terres , prez , vignes, bois , & autres heritages , il les diftribua aux Eglifes , fpecialement à l'Eglife de Saint Victor lez Paris , qu'il auoit fait conftruire de nouueau, & l'auoit remplie de Chanoines de l'Ordre de Saint Auguftin, aufquels il attribua l'Eglife de Saint Guenault , & fes dépendances. Par les Lettres de cette donation , il apparoiſt que cette Eglife eftoit lors deferuie par quatre Chanoines Re- guliers , y eftablis par le Comte Hemon , aufquels prefidoit vn qui portoit le nom d'Abbé , & conferoit les Prebendes quand elles vaquoient ; l'Abbé fe nommoit Godefroy . Il eft porté par ces Lettres, qu'elles furent expediées àla priere d'Adelle de Mo- rienne , femme du Roy Louis le Gros , & de fes fils Louis & Henry. Et pource que la datte peut feruir à d'autres rencontres nous l'infererons icy. Actum Parifius , anno incarnati Verbi, M. C. XXXIIII. regni noftri XXVII. Et Ludouicofilio in regem fublimato aftantibus in Palatio noftro quorum nomina fubintitu- latafunt &figna. S. Rodolphi Viromandanfia Dapiferi. S. Gui- lelmi Buticulary. S. Hugonis conftabulary. Datum per manus Stephani Cancelary. En execution de ces Lettres, Eftienne Euel- que de Paris mit l'Abbé Gilduin & les Religieux de S. Victor en poffeffion de l'Eglife & Maiſon de Saint Guenault , & de toutes les dépendances , luy donnant pouuoir de mettre de fes Moines en la place des Chanoines à mesure qu'ils decederoient. Les Lettres en furent expediées fous le Seel de l'Euefque de Paris , & fous le Contre-feel d'Alegrin Chancelier. Eftienne Euefque de Paris eftant decedé , Geofroy Abbé de Saint Gue- nault renuerfa ces Reglemens , & mit deux nouueaux Chanoi- nes , au lieu de deux nouuellement decedez. Dequoy il y eut inftance pardeuant Thibault Euefque de Paris , & Hugues Abbé de Saint Germain des Prez, Iuges deleguez en cette cauſe. Par leur Sentence ils annullerent les prouifions des Prebendes con- ferées par l'Abbé Geofroy , & luy firent deffences de plus con- ferer aucune Prebende de cette Eglife , lefquelles demeureroient fuprimées au profit des Religieux de Saint Victor, fuiuant cer- Q iij .126 Antiquitez de la ville de Corbeil , tain refcrit du Pape Innocent , confirmatif de ce que le Royde France , l'Euefque de Paris , &les Abbez de Saint Germain, Saint Victor & Saint Guenault , en auoient auparauant difpofé: à cette Sentence font attachez le Seau de l'Euefque & defdits Abbez. Il faut que ie dife en paffant que ces petits Prieurez de trois ou quatre Religieux defplaifoient grandement à S. Ber- nard , il les appelloit , Sinagogus Satana celulas extra cœnobium vbi tres aut quatuor Fratres fine ordine , fine difciplina folent habitare. C'eſt en l'Epiftre 252. en laquelle il loue l'Abbé Guc- rin d'auoir aboly celles qui dependoient de fa direction. Mais le Roy Louis le Gros auoit fi bonne opinion de l'Abbé Hil- duin, qu'il efperoit receuoir tout contentement de ce qu'il feroit & ordonneroit. Eneffet le bel ordre & la bonne difcipline qu'il auoit introduit en l'Abbaïe de Saint Victor , produifit enfonfic- cle d'excellens Perfonnages, tels que Hugues Adam, &Richart de Saint Vi&tor. Le Roy Louis auoit en fa ieuneffe fauorifé de tout fon pou- uoir les Ecclefiaftiques ; eux abuſans de fa facilité , il ſe monſtra depuis autant reuefche en leur endroit qu'il leur auoit efté indul- gent : Ce changement & affection fait qu'il ne fe faut efbahir, ny des grandes louanges que luy donne Yues de Chartres , ny des plaintes que Saint Bernard fait du mefme Roy. Auffi eft-il bien difficile à vn Roy de complaire aux Ecclefiaftiques , & de conferuer les droits de la Souueraineté. A quoy faire le Roy Louis trauailla fort les dernieres années defa vie , quifetermina l'an deSalut vnze cens trente-fept , & de fa vie le foixantieſme. Il auoit aymé vniquement Eftienne Euefque de Paris , iufques à luy laiffer exercer l'Eftat de Seneschal de fa Maiſon & Cou- ronne de France , apres la mort defon Frere Ancel de Garlande, Ie ne fçay au vray d'où proceda leur difcord , mais il s'en eſmeut entr'eux de grandes contentions , & en vindrent aux extremitez des armes Seculieres & Ecclefiaftiques. En fin ils fe reconcilierent, & le Roy en fa derniere maladie remit la direction de fa con- ſcience àla difcretion de l'Euefque Eftienne , & de l'Abbé Hil- duin, en quoy il fe monftra fort deuotieux. Et quand il fçeut qu'on luy apportoit le faint Viatique , il fortit de fon lit & fut au deuant, &reçeut la Communion auec grandiffimereuerence, &ne voulut en aucune façon retourner enfon lit ; il ſe tint couLiure II. Chapitre 1. 127 loit ché fur vn tapis eftendu fur le plancher de fa Chambre , où il fit de belles remonftrances au Roy Louis fon fils ; que s'il vou- regner en profperité , & eftre affifté de Dieu , qu'il deuoit porter honneur & reſpect aux Prelats de fon Eglife , & auoir foin de foulager fon peuple ; & autres remonftrances que Paul- Emile a elegamment expofées en fon Hiftoire. L'on peut en- core voir l'Epitaphe que luy a dreffée Guaguin. DE EVSTACHE DE CORBEIL, Fondatrice de l'Abbaie d'Yerre. E Roy Philippes premier du nom , a eſté tang tourmenté parles Seigneurs de Corbeil , Mont- le- hery, & autres circonuoifins de la ville de Paris ; que Sugger l'introduit , fe plaignant des trauerfes & facheries que les Gens- darmes qui demeuroient en ces lieux luy auoient donné , & que cela l'auoit fait vieillir auant le temps ; c'eft ce qui incita fon fils Louis le Gros de les exterminer. Depuis fes fucceffeurs ont efté foigneux de conferuer ces places , qu'ils auoient reconnuës eftre comme les clefs de la ville de Paris. Ie n'ay point trouué que les Rois fubfequens les ayent mis hors de leurs mains , finon quand ils les ont donné à leurs femmes par forme d'affignat pour leurs douaires , iufques à ce que Louis douziefme incommodé en fes affaires ouurit la porte aux engagemens du Domaine de la Cou- ronne : Depuis l'acquifition en a efté fort recherchée par lcs Gentils hommes - qui ont leurs Maifons proche des villes & Chaftcaux appartenans au Roy. Ce qui me fait eſbahir quand l'ay trouué dans les Antiquitez de Paris , que Dame Euſtache de Corbeil, femme de lean d'Estampes , ait efté Comteffe de Corbeil, & de plus qu'elle eftoit fœur du Roy Louis le Gros, & que du Breüil a efté fuiuy par les fieurs de Sainte Marthe, en- cores que pour toute preuue de fon dire il ne metteautre choſe CHAPITRE II. 1128 Antiquitez dela ville de Corbeil, en auant que les Fleurs-de- Lys , qu'il dit que l'Abbeffe d'Yerre mettoit enfon Cachet. Pour y donner plus de fondement les fieurs de Sainte Marthe ont mis ladite Euſtache entre les enfans du Roy Philippes , & de Bertrade d'Anjou , & ce fans eſtre ap- puyé d'aucun Autheur. Cela m'a fait confiderer & efplucher plus exactement le Cartulaire , & les autres tiltres de l'Abbaïc d'Yerre, qui m'ont efté communiquez , fans y auoir trouué au- cun veftige de cela. Soit en la donation qu'Euſtache a faite du lieu fur lequel l'Abbaïe a efté baſtie ; foit au Contract du tranſ- port qu'elle fit aux Religieufes des Difmes de la Paroiffe de Lieu-faint, & Brie-Comte-Robert , des terres de Rouure , du Plaiffis les Nonnains , & de la Grange de Sennart , du Patro- nage de la Cure de Ville- Abbé . En aucune de ces Lettres elle ne prend point qualité de Sœur du Roy , ny de Princeffe, ny de Comteffe; il eft fimplement dit qu'elle a fait ces donations du confentement de Iean d'Eftampes fon mary, &de Frederic fon fils , & de Baudoüin de Corbeil fon Gendre , & d'Ameline fa femme. Ces donations furent expediées fous le Seel d'Eſtienne de Garlande Euefque de Paris , & de Thibault fon fucceffeur, lefquels certifient que ladite Dame Euftache & Baudouin fon Gendre, ont donné de plus au Conuent d'Yerre la Ferme de Champ-moteux , & les Difmes d'Oifonuille. Toutes ces dona- tions faites au Monaftere d'Yerre par diuerfes pefonnes , du furnom de Corbeil, me fait foupçonner que ladite Dame Euſta- che n'auoit point d'enfans. De plus , qu'aucun d'eux ne s'attri- buë le tiltre de Comte de Corbeil ; ce qu'ils n'euffent oublié s'ils y cuffent eu quelque droit , veû qu'au meſme Cartulaire les perfonnes qui y font defnommées n'oublient point d'y mettre leurs qualitez. Et en vne certaine Lettre de l'année vnze cens quarante-vn, il y a vn Gilbert qui fe qualifie Vicomte de Cor- beil ; ce qui me fera clorre ce difcours par cette verité , que de- puis que Louis le Gros eut acquis la Comté de Corbeil de Hugues du Puiffet, ladite Comté n'a point eſté diſtraitte du Domaine de la Couronne , finon depuis que le Roy Louis douziefme engagea Corbeil, Melun & Dourdan à l'Admiral de Grauille , ainfi qu'ilfera dit en fon lieu. Pour reuenir au point de la fondation du Monaftere d'Yerre, Eftienne de Garlande Eucfque deParis, qui auoit efté Chancelier dcLiure II. Chapitre IL. 129 de France , par fes Lettres de l'an vnze cens trente- huit , fe vante d'auoir fait baftir & conftruire l'Eglife & le Conuent d'Yerre à fes defpens ; & d'y auoir mis des filles qui faifoient profeffion d'employer leurs vies au feruice de Dieu , en l'obſer- uance de la Reigle qui leur auoit cfté preſcripte par le confeil de Guillaume de Garlande fon frere , & de Hugues Abbé de Pontigny, par le confentementde l'Abbeffe Ildegarde, par luy mife & prepofée à la conduite des Religieufes de ce Conuent: Il dit auoir extrait cette Reigle fur celle de Cyfteaux , & de plufieurs loüables Couftumes , Statuts & Ordonnances des Mo- nafteres bien reglez. Et par la mefme Lettre il ordonne de la forme & maniere qu'il veut que les Religieufes fe gouuernent quand il leur conuiendra proceder à l'eflection d'vne Abbeſſe. Du Breuil dit que ce fut l'an de noftre Salut vnze cens vingt- deux que les Religieufes furent introduites en ce Monaftere , & qu'il fut incontinent remply de filles de la Nobleffe voiſine, attirée à la deuotion par la reputation de l'Abbeffe Ildegarde. Les parens de ces bonnes filles fournirent la Maifon de fes ne- ceffitez , & accommoderent l'Eglife d'ornemens requis & bien- feans. Etpour fubuenir à leurs nourritures & entretien, ils tranſ- porterent au Monaftere plufieurs droits de Diſmes , rentes & reuenus, dont leurs parens s'eftoient emparez des biens des Ec- clefiaftiques , comme il fe void par la ratification de ces dona- tions faites par Thibault Euefque de Paris , l'an vnze cens qua- rante. Dés l'année precedente le Pape Innocent fecond auoit confirmé la Reigle preferite aux Religieufes. Elle fut derechef authorifée par le Pape Adrian quatrieſme , l'an de grace vnze cens cinquante-fept. Les Rois de France ont auffi grandement fauorifé les Religieufes de ce Monaftere, & ont tefmoigné que l'innocence des Vierges qui y refidoient leur eftoit agreable. Le Roy Louis le Icune non contant d'accorder l'amortiffe- mentdes terres & poffeffions données à leur Communauté , prit les Religieufes , leurs terres & poffeffions en fa protection : & comme fi elles cuffent efté domeftiques de fa Maiſon , il voulut qu'elles fuffent nourries du pain de fa table tant qu'il feiourne- roit à Paris ; & afin que la mefmeliberalité fuft continuée parfes fucceffeurs , elle leur en fit deliurer fes Lettres de l'an de noftre Salut vnze cens quarante- trois. En outre pour fubuenir aux R130 Antiquitezdela ville de Corbeil, neceffitez de l'Abbaïe, il leur affigna fix liures cinq fols de rente fur le Domaine de la Preuofté de Paris , qui fe payent encores àprefent. Plus , il leur octroya le droit du Cheuccier de Noftre Dame de Paris , pour en iouïr quand le droit de Regale feroit ouuert en cette Eglife ; la Lettre eft de l'an vnze cens foixante. Et par les comptes de l'Abbaïe , il fe void qu'en l'année mil cinq cens trente- vn , elles eurent les Offrandes de la Meffe de l'Obit d'Eftienne Pouchet, le cent troificfme Euefque de Paris, au Seruice duquel le Roy François affiſta , & donna deux efcus d'or à l'Offrande. Toutes ces gratifications faites à ce Mona- ftere ont efté confirmées par le Roy Philippes Augufte , l'an mil cent quatre-vingt neuf. C'eſt l'ordinaire en matiere de deuotion qu'elles font plus ardentes au commencement , lors que ceux qui s'adonnent à feruir Dieu n'ont autre imagination que d'ac- complir leurs vœux ; ce zele de deuotion parut fi grand en cesfilles qui s'enfermerent les premieres en ce Monaftered'Yerre , qu'elles feruirent d'exemplaire à toutes les autres Moniales de la Pro- uince. Et lors qu'il fut queſtion de reformer les Religieufes de Saint Remy de Senlis on eut recours à Yerre; & Sanfon Arche- uefque de Reims conuertit l'Abbaïe de Saint Remy en vn Prieuré , qu'ilfoumit à la vifite &correction des Dames d'Yer- re , l'an mil cont quarante-fix : Mais ils ont mieux conferué le * parchemin de cetteattribution que la poffeffion de leur priuilege. Les Religieufes de Gif par leur nonchalance auoient reduit leur Conuent en vne extremepauureté ; elles ne trouuerent point de fecours plus prompt qu'en la charité des Nonnains d'Yerre, qui leur départirent de leurs biens , & leur concederent la terre de Damuilliers. En reconnoiffance dequoy les Religieufes de Gif firent vn Statut ; Que lors que le Siege Abbatial de leur Monaftere viendroit à vaquer , fi en iceluy il ne fe trouuoit point de Religieufes capables d'exercer cette charge , ils s'obli- geoient d'eflire & choifir vne Religieufe de l'Abbaïe d'Yerre pour eftre leur Abbeffe. Le Pape Alexandre troifiefme confir- ma ce Statut par fes Bulles de l'an mil cent foixante- cinq. Ce qui eft du fait general de cette Abbaïc eftant exposé , il fautrapporter les derniers honneurs rendus à l'Illuftre Dame Eu- fſtache de Corbeil , qui deceda le cinquiefme fanuier vnze cens trente-deux. Elle fut inhumée en l'Eglife d'Yerre , fous vneLiure II. Chapitre II. Izr Hic iacet inter oues Stephanus qui Parifienfis Extitit Ecclefia Paftor & eius quis. tombe de fer doré , poféc fur quatre pilliers au milieu de l'E- glife, fous le Clocher , & y eft demeurée iufques en l'année mil cinquante-fept, que le defbordement de la riuiere d'Yerre ga- fta toute leur Eglife ; l'on a depuis negligé de reftablir la Sepul- ture de la Fondatrice, Il eft fait mention d'elle au Martyrologe de cette Eglife , en ces termes , Tertio Kalendas Februarÿ obiit Euftachia Venerabilis Matrona, qua fundauit Ecclefiam Edera- cenfem anno Domini millefimo centefimo trigefimo fecundo. Et d'autant qu'Eftienne Euefque de Paris, luy ayda à faire la fon- dation de ce Monaftere , nous adiouſterons icy fon Epitaphe, tirée de Saint Victor, Stephanus huius domus benefactor specialis qui obiit anno Domini millefimo centefimo quadragefimo quarto, Kal Augufti . . Hanc inopemparuamque nouamque pius Pater auxit, Extulit ornauit rebus honore libris. Multa dedit multis fe nobis plufquam daturus La façon d'efcrire de nos Anceftres, de ne point dire les noms de la famille , a beaucoup embroüillé noftre Histoire Françoife , comme de ce qui concerne les perfonnes qui l'vn apres l'autre ont efté Chanceliers de France , & Euelques de Paris. Le Feron en compte trois de fuitte; & és Lettres de Saint Guenault, deux Eftiennes y ont figné , l'vn en qualité d'Euef- que de Paris , l'autre de Chancelier de France, le n'ay point hefité de donner lefurnom de Garlande au fondateur d'Yerre, d'autant que ceux de la Maifon de Garlande eftoient alliez des Comtes de Corbeil , & ont beaucoup de biens en cette Chaſtellenie, dont ils auoient fait largeffe à l'Abbaïe d'Yerre; aux Chartes de laquelle fe void vne donation de Guy de Gar- lande, de fa vigne & defon preffoir fiz à Coms-la-ville , quieft dattée de l'année que le Roy Louis le Icune partit pour faire fon voyage à la Terre-fainte , & vn autre de l'année mil cent douze par icelle Ican & Guy de Garlande amortiffent cer- taines Cenfiues & redeuances que l'Abbaïe d'Yerre auoit droit Si darepluspoffet quifua feque dedit. Rij132 Antiquitez de laVille deCorbeil, DVᎠᏤ ROY ROY LOVIS LE IEVNE, de fes Freres Henry & Philippes , Abbez de Saint Spire. V Roy Louis fixiefme du nom , dit le Gros, & d'Alix de Moriene , font fortis fix enfans mafles. Philippes l'ailné mourut deuant ſon pere. Louis le fecond, a regné apres fon Henry le troifiefme , a cfté Euefque de Beauuais. Philippes le quatriefme , fut Archidiacre de Paris. pere qua Robert le cinquieſme , a efté le Chef de la Maifon de Dreux. Pierre le fixieſme , a efté le Tige de la Maiſon de Cour- tenay. L'homme enqui le Roy Louis le feune s'eft le plus fié , &par le Confeil duquel il s'eft gouuerné , a efté Sugger Abbé de Saint Denis en France il auoit efté fon Precepteur , & le con- ducteur de fa ieuneffe. En la faueur le Roy conceda au Prieur d'Effonne le droit de la Pefche de la riuiere d'Effonne , à com- mencer au Pont du Bourg d'Effonne , iufques aux Moulins Ban- naux du Roy, pour ayder à la nourriture de douze Religieux, que Sugger auoit logez en la Maiſon de Noftre Dame des Champs fur Effonne. Les Lettres en furent expediées par le Chancelier Alegrin, l'an mil cent trente-neuf, la troiſieſme an- née du Roy Louis le Ieune, qui en ſon enfance auoit cfté nour- ryparmy les Moines , & toute fa vie s'eft monftré fort affection- né enleur endroit : Nous auons trouué qu'il donna à l'Abbé de perceuoir à Tremble-feau. Ce ne feroit iamais fait de rap- porter toutes les autres Lettres de cette Abbaïe , aufquelles les Seaux & les Armes de Garlande font appofées. CHAPITRE rante-trois ans. III.Liure II. Chapitre III. 133 de Saint Magloire la Seigneurie du village de Riz , la nomina- tion du Curé auec les Difmes de la Paroiffe. Les Lettres font de l'an de noftre Salut mil cent cinquante-neuf ; ce que nous auons auancé deuant le temps , pour ne point interrompre ce que nous auons à dire des Eglifes Collegiales de Corbeil , qui en ce temps reçeurent vne grande fecouffe ; & l'Eglife de Saint Spire fut en partie bruflée par feu de méchef, fans que l'on ait pû fçauoir d'où la faute en eftoit venue , ainfi qu'il eft remarqué par le Cartulaire de Noftre Dame de Corbeil en ces paroles. Geftum hoc totum eft Corboili iuxta adem Exuperij eodem дно- combuftafuit anno Stephano Buticulary Fratre Epifcopo Parifienfi, Ludouico Iuuene, qui filiam Pictauienfis Confulis dixit regnante. Pour defcouurir cette année de l'incendie , il faut fçauoir que le mariage du Roy Louis , & de Leonor de Poitiers, fut ce- lebré l'an de grace vnze cens trente- fept , & l'Euefque Eftienne mourut l'an vnze cens quarante- quatre, d'où il s'enfuit quecette incendie eft arriuée entre ces deux dattes , & volontiers peu de temps apres le mariage du Roy. En cette mefme faifon Henry frere du Roy fut retiré du Monaftere de Clervaux , où il auoit cfté inftruit à la pieté & aux bonnes Lettres , afin de le rendre capable des dignitez Ecclefiaftiques , oùfon pere l'auoit deſtiné; à ce commencement on luy defera l'Abbaïe de Saint Spire, auecquelques autres Benefices de Collation Royalle. Ce ieune Prince qui auoit cfté nourry fous la difcipline feuere de Saint Bernard', quand il fe trouua parmy la corruption du ficcle , net pouuant fouffrir les débauches des perfonnes qui deferuoient les Eglifes qu'on luy auoit conferées , entreprit incontinent de les reformer , ce qui fut agreable au Pape Eugene il ex- horta noftre Abbé Henry de pourfuiure fon deffein , & luy en- uoya fes Bulles , portant pouuoir de difpofer de cette Reforma- tion felon le projet qu'il luy enuoya ; car l'on auoit fait enten- dre au Pape les grands defordres qui s'eftoient gliffez dedans les Colleges des Eglifes de Collation Royalle , par la licence qu'ils fe donnoient, de fe fouftraire de l'obeïffance des Euef- ques , & dela Iufticeordinaire. Le commencement de cette Re- forme fut vn peu violant , comme venant de l'efprit d'vn ieune Prince qui n'eftoit pas accouftumé aux affaires du monde, où la malice tient le deffùs, ainfi qu'il experimenta ; car l'on fit trouuer Riij134 Antiquitez de la ville de Corbeil, mauuais au Roy fon frere fon procedé , qui l'en aduertit , de ne fc porter auec tantde chaleur. Mais Henry ne voulant rien chan- ger de ce qu'il auoit commencé , le Roy s'en fafcha contre luy, & leur difcord s'augmenta de forte qu'il en pouuoit fortir quel- que finiftre accident , comme l'on peut connoiftre par les Let- tres de l'Abbé Sugger , qui s'employa fort à rabatre les fumées de ce ieune Prince. Enfin le Pape Eugene interpofa fon autho- rité , & moyenna la reconciliation des deux freres. Et pour di- uertir Henry, il fut pourueu de l'Euefché de Beauuais l'an mil cent quarante-huit , qu'il gouuerna l'efpace de vingt- quatre ans, puis on luy confera l'Archeuefché de Reims , en l'exercice du- quel il deceda l'an de grace mil cent foixante &feize. La memoire de fon gouuernement Abbatial en l'Eglife de S. Spire, s'eft conferuée par vne Lettre qu'il a laiffée en forme de Charte, en laquelle apres auoir rapporté le contenu en la Sen- tence renduë par Godefroy Euefque de Paris , & Drogon fon Archidiacre , par nous cy- deuant inferée en la vie de Bouchard fecond,Henrydeclare que cen'eftpointfon intention d'oppreffer les Ecclefiaftiques , mais de les conferuer en leurs droits & Pri- uileges : à cette caufe qu'il quitte & remet plufieurs droits & prerogatiues dont fes predeceffeurs auoient iouy depuis la Sen- tence renduë contre l'Abbé Iean , & qu'il fe contente des droits quienfuiuent : Sçauoir, de la prouifion , inueftiture, &reception des Chanoines , Chantres, & Officiers de l'Eglife , auec la Iuftice qui appartient au Chapitre ; Cette declaration eft paffée en for- me detranſaction, qui fut confirmée par le Roy fon frere , le- quel en fit deliurer vn acte par fon Chancelier Alegrin. Au Cartulaire où cette Lettre eft tranfcrite, on a oublié ( comme à beaucoup d'autres ſemblables ) d'y mettre la datte , qu'il faut fuppléer par vne autre Lettre concedée par fon frere Philippes, apres qu'il eut efté pourueu de ladite Abbaïe par la demiffion de fon frere; elle eft de l'an mil cent cinquante- cinq. Philippes d'vne humeur plus douce & facile que fon frere, à fon entrée voulut gratifier les Preftres qui deferuoient en l'Eglife de Saint Spire, il leur conceda le reuenu des Prebendes vacantes. Le Pape cut defir que Philippes acheuaft la Reformation encom- mencée par fon frere ; mais cette entrepriſe eftoit contraire à fon naturel, qui ne recherchoit que le repos de fon Oratoire:Liure II. Chapitre III. 135 * Et durant la vie il ne s'eft meflé d'aucune affaire , & s'eft con- tenté du premier Benefice qui luy fut conferé , qui eftoit l'Ar- chidiaconé de l'Eglife de Noftre Dame de Paris ; & refuſa la dignité d'Euefque , qu'il quitta à Pierre Lombard , grand & in- figne Docteur. Cette modeftie me fait croire que l'acceptation qu'il fit de l'Abbaïe de Saint Spire, & autres Benefices que frere luy refigna, n'eftoit pas par ambition , encores moins pour le profit qui eft bien petit & indigne d'vn Prince. Car il ne faut pas croire Theuet , quand il dit que l'Abbaïe de Saint Spire valloit lors deux mille florins d'or de reuenu annuel ; car les de- clarations anciennes , & les comptes qui en ont efté rendus y re- pugnent ioint que la plus grande partie du reuenu conſiſtoit en grains , lors à li vil prix , que le muid de bled fromant n'c- ftoit eftimé que quatre liures dix fols. fon Du temps que Henry & Philippes de France eftoient Abbez de Saint Spire, le Chapitre de noftre Damede Corbeil auoit vn Abbé nommé Albert , grand Prud'homme, & Chantre de l'E- glife de Paris ; il luy fafchoit fort de voir que les affaires des Eglifes de Corbeil alloient autrement qu'elles ne deuoient , & voulant y remedier remedier,, il s'ingera de prendre pareille puiffance és droits de correction fur les Chanoines & Chapellains , que les Abbez ont de couftume d'vfer és Maites de Religion. Au contraire les Chanoines pour le contrepointer prenoient des li- cences indecentes à leur profeffion , d'où il arriuoit fouuent des fcandales , aufquels Albert ne pouuant remedier il quitta fon entrepriſe : & fe voyant vieil, & qu'il luy conuenoit de quit ter bien toft le monde , il eut defir de fonder vn Anniuerfaire pour eftre celebré apres fondecés ; mais il iugea qu'il eftoit premie rement neceffaire de fereconcilier auec les Preftres de fon Eglife. Suiuant l'exemple des Abbez de S. Spire il fe départit de toutes fes pretenfions, & fe reigla à ce qui en auoit efté fait pour le Chapitre de Saint Spire : il en donna yn acte qui fut confirmé au Confeil du Roy , l'an de grace mil cent foixante & dix. En ce fiecle-là , Dicu fufcita des hommes excellens , tant en fainteté devie , qu'en doctrine fublime ; comme Saint Bernard, Pierre le Venerable , Yues , Ican & Gaudefroy de Chartres, Hildebert du Mans , Pierre de Blois , & autres personnages en bon nombre, entre lefquels Pierre Abeliard parut en reputa-136. Antiquitez de la ville de Corbeil, tion d'vn efprit fublime, de fçauoir rare & exquis, & dontla me- moire fe fuft gardée en meilleure odeur , s'il fe fuft contenu de- dans la profeffion de la Philofophie, en laquelle il excelloit par deffus les autres. En l'Hiftoire qu'il a efcritenaïfuement de fes ca- lamitez , il dit qu'il commença la Lecture de fa Philofophie en la ville de Corbeil , qu'il remplit d'Eſcoliers , qui par vnecurio- fité merueilleufe accouroient de toutes parts pour ouïr vn per- fonnage fi releué en fes conceptions ; mais cette ieuneſſe ne trouuant pas à Corbeil toutes fes commoditez d'Eftude , per- fuada à fon Docteur de transporter fes lectures en la ville de Paris ; ce qui fut caufe de fon mal-heur : car fe trouuant entre les Theologiens , il fut pouffé d'ambition d'enſeigner la Theo- logie auant que d'y auoir cftudié : La vinacité de ſon eſprit , & la facilité qu'il auoit de s'expliquer , luy donnoit tant de pre- fomption que rien ne luy fembloit impoffible; de là vint ſa per- te fi grande, qu'au lieu de l'honneur qu'il en efperoit receuoir, le renom luy eft demeuré d'auoir efté Heretique ; nonobſtant qu'il foit decedé en bon Chreftien & Catholique, entre les Moines de Clugny, auec lefquels il paffa fa vieilleffe à inftruire les ieu- nes Nouices. Par fon Teftament il ordonna que fon corpsferoit porté en l'Abbaie du Paraclet pouryeftre inhumé, à caufe qu'il auoit fondé ce Meaftere, & yauoitmis fa femme Louyle pour Abbeffe. L'on peut apprendre ce qui eft de la doctrine de cette femme , de fon mariage , de fa feparation , & comme ſon mary luy perfuada de fe couurir du voile de Religion ; en vangeance dequoy il fut chaſtié par le Chanoine Fulbert , comme il eft rapporté en l'Hiftoire qu'il en a efcrit luy-mefme , & eſt inſeré entre fes Epiftres , où il ne feint point d'expoſer ſes calamitez, & la punition qu'il reçeut de la prefomption qu'il auoit conçeuë de la fubtilité de fon efprit, & qu'il fut reduit à ce point de ietter luy-mefme fes Liures au feu. Cecoup du Ciel luy rabatit fi bien fes fumées qu'il le purgea de toutevaine gloire , en forte qu'il paffa tous les autres de fon fiecle en humilité ; ce qui a tiré ces paroles de Pierre le Venerable, Mirabar fæpequa ftupebam tanti tamque famofi hominem nominis fic fe ipfum contemnere ficque abiicere fepoffe. Au refte, dece que Abeliard a efcrit que Maiftre Guillaume de Champeaux Euefque de Chalons atenu les Eſcoles à Melun, &queLiure II. Chapitre III . 137 & que ce fut pour le contrepointer qu'il vint à Corbeil faire fes Leçons. Nous apprenons de là qu'en fon ficcle la ieuneffe eftoit extrémement curieufe de le faire inftruire en toutes for- tes de fciences. Auffi nous auons reconnu que les Chanoines des Eglifes Collegiales de Corbeil obferuoient l'ancienne con- ſtitution de l'Eglife , & prenoient la peine d'enſeigner la ieuneffe en perfonne , ou bien leur donnoient des Precepteurs capables de ce faire. Ce que nous auons appris d'vne Sentence de l'Official de l'Eucfque de Paris , rendue l'an de grace mil deux cens qua- rante-huit ; Par icelle il eft dit que Maiftre Ican Trouſeau, Cha noine de l'Eglife de Corbeil , auoit droit de nommer durant fa vie les Maiftres des grandes Efcoles , & qu'apres fa mort le Chapitre y pouruoiroit. Ledit Troufeau eftoit d'vne Noble fa- mille de Corbeil , qui a donné le nom à vn Fief & vne Maiſon fize en la Paroiffe de Riz ; ces Efcoles eftoient regies felon le Decret du Pape Eugene troifiefme du nom, &de l'Ordonnance du Concile de Latran , qui veulent qu'en toutes les Eglifes Col- legiales il y euft des Prebendes affectées au payement des falai- res des Maiftres qui inftruiroient la ieuneffe à la pieté & aux fciences liberales. S Nous ne pouuons paffer fous filence queledit Troufeau eftoit encores Chanoine de Noftre Dame de Paris , & qu'il fit vn Legs à l'Eglife de Saint Spire, de certaines Maiſons , Terres & Cenfiués , tant à Corbeil , Effonne , qu'à Cheuanes , auec vn muid de bled de rente , à prendre fur la terre du Pleffis- paté, dont la deliurance fut faite par Hugues du Pleffis fon heritier, l'an de grace mil cent foixante & quatorze. Par ce Tiltre il fe void que les Cenfiues qu'il auoit en la ville de Corbeil rele- uoient de Guillaume des Barres , auquel le Chapitre paya droit d'indemnité & d'amortiffement . La connexité des matieres m'a fait remarquer ces particularitez à contre-temps. Quant aux affaires generales de la France , nos Hiftoires font pleines des guerres & differens que le Roy au commencement de fon Regne cut contre le Comte Thibault de Champagne, & qu'à la prife de Vitry, il y eut quinze cens prifonniers de bruf- lez dedans vne Eglife , dont l'horreur toucha fi viuement au cœur du Roy, que l'on fut contraint d'employer Saint Bernard pour le mettre au bon chemin qu'il deuoit tenir pour expier far138 Antiquitez de la ville de Corbeil, f trouuer aute. Dedans le Royfon , & Epiftre faire la paix 225. duil ditComte qu'il fut de àChampagne Corbeil pour; &y difpofer le Roy à faire le voyage de la Terre-fainte , où il ne fe fit rien qui fuft à l'avantage de la Chreftienté ; au contraire il s'y engendra de la ialoufie entre le Roy & la Reine , qui paffa fi auant qu'ils fe feparerent l'vn de l'autre , encores qu'il y cuft des enfans de leur mariage : Sçauoir deux filles , qui furent mariées à deux fils du Comte Thibault. Le Roy fe remaria auec Con- ftance, que quelques-vns appellent Elizabet d'Espagne, laquelle deceda fans donner au Roy aucuns enfans ; ce qui conuia le Roy d'efpoufer en troifiefmes nopces Alix ou Adelle , la plus ieune des filles du Comte Thibault , qui fut mere du Roy Philippes Augufte. D'eux deux nous parlerons au Chapitre fuiuant , & fi- nirons ceftuy-cy par le decés du Roy Louis le leuné , qui arriua l'an de noftre Salut mil cent quatre-vingts , le foixantieſme de fa vie , & le quarante-deuxiefme de fon Regne. IV. Corbeil eftoit le domicile des Reines de France; car anciennement le Douaire des Reines eftoit affigné fur le Gaftinois , dans lequel est enclaué Corbeil ; & les Reines Doüairieres y faifoient volontiers leur retraitte pour ne s'efloigner de Paris, Siege des Rois leurs enfans . La premiere que nous auons defcouuert auoir iouy de Corbeil à Tiltre de Doüaire a efté Alix, autrement Adelle de Champagne, femme du Roy Louis le leune, heureufe Mere dePhilippes Augufte , où Dieu- donné, comme concedé par la faueur diuine aux prieres du Roy & de la Reine fes pere & mere ; & aux vœux & fouhaits de fon peuple, pour la reſtauration de la Monarchie Françoiſe . DE ALIX OVOV ADELLE DE Champagne Reine de France. CHAPITRE E n'eft fans cauſe que pas du Chefne a dit queLiure II. Chapitre IV. 139 Quand le Roy Louis deceda , fon fils Philippes eftoit âgé de douze ans feulement; il fut incontinent apresfacré &Couronné Roy de France , & fuiuantle Teftament de fon pere il demeura en la Tutelle de fa mere Adelle , qui eutvn foin particulier de le bien nourrir & faire inſtruire à la crainte de Dien , & à l'exer- cice de toutes Vertus Royalles. Les affaires d'Eftat fe condui- foient par le confeil & aduis de Thibault , furnommé le Bon, frere de la Reine Mere ; ils furent affiftez de la faueur de Dieu à la conferuation des droits de la Couronne de France , contre- tous ſes mal-veillans , qui s'efforçoient en diuerfes fortes d'atten- ter fur l'Estat. Laiffans ce qui concerne le general des affaires de France aux Hiftoriens & Chroniqueurs , nous ne fortirons pourtant des limites du Territoire de Corbeil , & rapporterons les bien- faits de la Reine Adelle pour accommoder nos Eglifes. Si nous vou- lons croire Theuet , c'eft elle qui a fondé & dotté l'Hoftel- Dicu de Corbeil : au moins il a efté augmenté par elle , d'heritages & rentes, qu'elle a contribué pour fubuenir aux neceffitez des pau- ures. Le mefme Theuet nous a ofté le moyen d'en rapporter les particularitez ; car lors qu'il en eftoit l'Adminiſtrateur il en a porté les tiltres à Paris , où durant les troubles de la Ligue ils ont efté perdus en la maifon où il cft decedé , fize en la rue de Bievre , qui eft des appartenances de l'Hoftel- Dieu de Corbeil: Mais ie m'eſbahis de ce qu'il s'eft monftré fi peu raiſonnable à la memoire de cette excellente Reine , que de publier qu'elle ait cfté atteinte de Ladrerie fans preuue de fon dire , qu'vn faux bruit populaire efloigné de la verité. Car tous les Hiſtoriens rapportent qu'Adelle fut grandement aymée & cherie de fon mary ; & par fon Teftament il ordonna qu'elle feroit Tutrice de fon fils , & auroit la Regence du Royaume. En fuitte elle a toufiours efté honnorée & refpectée du Roy Philippes fon fils, enforte que lors qu'Ifabeau de Haynault fa premiere femme fut deccdée, il mit le petit Prince Louis fon fils vnique entre les mains d'Adelle fon ayeule , comme d'vne femme duitte & accouftumée à la nourriture des Rois. Et quand Philippe Au- gufte s'en alla en la Terre-fainte , il laiffa le gouuernement du Royaume de France à fa mere Adelle, & à fon Oncle Guillau- me Archeuefque de Reims . Ces grandes charges & gouuerne- Sij140 Antiquitezde laVille de Corbeil, mens d'Eftat n'euffent point efté donnez à Adelle fi elle cuft efté atteinte de Ladrerie ; on l'euft pluftoft renfermée au Mo- naftere de la Saulfaye, deſtiné à la retraite des Princeffes qui fe trouueroient affligées de cette maladie . Tout au contraire du dire de Theuct , Adelle a eu renom d'auoir cfté d'vne beauté ex- quife & chafteté finguliere , Forma pudicitiaque laudatißima, dit Guaguin. Pour telmoignage dela picté & liberalité de la Reine Adelle, il nous reste encore les Lettres de la donation qu'elle fit à cette Eglife , de la maiſon d'vn Iuif appellé Elie , & qui eſt de l'an mil cent quatre-vingts , & en l'année fuiuante quatre-vingts trois , elle donna au Chapitre de Saint Spire deux Bourgeois bien aquis à leur Moulin de la Boucherie. Ce font les termes portez par les Lettres , qui veulent dire, qu'encores que les Mou- lins du Roy foient Bannaux, & qu'il ne foit loifible aux autres Meufniers d'aller quefter , ny requerir les grains des particuliers en leurs maifons , ny au Marché de la ville , fans permiffion du Meufnier des Moulins du Roy , & fans luy payer indemnité du gain qu'il y peut faire. Toute - fois le Meufnier du Chapitre, en vertu de cette conceffion , a licence de porter , rapporter & moudre les grains de deux Bourgeois de Corbeil , volontiers Boulangers qui font grand debit de pain à Paris en la place Maubert. Dauantage , la Reine Adelle ayant efté auertie que l'Euef- que de Paris & fon Archidiacre , furchargeoient le Chapitre de Saint Spire de quantité de vifites ; elle moyenna vne compofi- tion entre l'Euefque Maurice & ledit Chapitre, par laquelle il fut accordé que d'orefnauant le Chapitre de Saint Spire ne payeroit que cinquante fols parifis par an , pour tout droit de procuration & de vifitation, à l'Euefque, quand il y viendroit en perfonne ; elle eft dattée de l'an de Grace vize cens quatre- vingts dix : l'année fuiuante elle fut ratifiée au Chapitre de l'E- glife de Noftre Dame de Paris. Il eft fait mention de cette compofition en la Lettre de protection que le Pape Celeſtin troifiefme octroya au Chapitre Saint Spire , l'an mil cent qua- tre-vingts feize. Dans cette Lettre de protection font inferées tous les droits, biens & heritages, que le Chapitre poffedoit en ce temps-là, fpecialement la terre de Ville- dedon, & les boisLiure 11. Chapitre IV. 141 人 du Rougeau, qu'on appelle les Bois de Matines , d'autant que les deniers qui procedoient de la vente de la couppe des bois taillis, deuoient eſtre employez aux diftributions manuelles des Chanoines & Chappelains prefens &affiftans aux Matines , & heures Canoniales , qui fe chantent en l'Eglife de Saint Spire. Les biens-faits de la Reine Adelle a fait dire à plufieurs que ces Images d'argent doré , qui font attachées à la Châffe de Saint Spire, venoient de la liberalité de la Reine Adelle ; ce qui ne ſe trouuera pas veritable, pour les raifons que nous déduirons cy- apres au Chapitre de la Reine Clemence. De plus, les dattes des donations de la Reine Adelle font con- noiſtre que Maitre Baptifte le Maffon s'eft efgaré de la verité, en eſcriuant la vie de Saint Spire , lors qu'il attribuë ces dona- tions à la Reine Adelle , femme de Hugues Capet , mere du Roy Robert, qui eftoit morte prés de deux cens ans auant la datte defdites Lettres , aufquelles l'on peut adioufter la compo- fition qu'elle fit faire d'vn certain procés intenté par le Chapi- tre de Noftre Dame de Corbeil , contre vn habitant de Corbeil nommé Adam Petit , auquel il vouloit faire abatre la maiſon qu'il auoit baſtie en la rue de Corberie , pource qu'elle offuf- quoit la clairté d'icelle Eglife. La Reine interceda pour Adam Petit, & fit confentir au Chapitre que la maifon demeureroit en l'eftat qu'elle eftoit ; mais que d'orefnauant il neferoit plus loiſible aux habitans de Corbeil de hauffer & efleuer les maiſons qu'ils auoient autour de l'Eglife Noftre Dame. La Lettre en fut ex- pediée l'an mil deux cens deux , & feellée du Seau de la Reine Adelle. Cette datte, & les autres precedentes, font fuffifantes pour iuftifier que les fieurs de Sainte Marthe fe font abuſez d'attri buer ces biens-faits à Adelle de Sauoye , femme de Louis le Gros , qui n'a pû eftre affignée de fon doüaire à Corbeil , puis qu'ils difent que Dame Euſtache en eftoit proprietaire , & l'vn cft auffi peu veritable que l'autre. Sij La charité que la Reine Adelle a exercée enuers fon mary Louis fepticfme, me conuie de faire mention du fuperbe Mau- fole qu'elle fit efleuer en l'Abbaïe de Barbeau en Brie , où il eft inhumé ; car en fon temps il ne fe trouuoit rien de fifuperbe , à caufe des peintures exquifes , dorures , & pierres precicules qu'elle y fit appliquer , d'où l'on doit cftimer que l'eflection142 Antiquitezdela ville de Corbeil, qu'elle fit de fa Sepulture en l'Abbaïc de Pontigny aupres de fon perc, n'a point cfté faite par elle par manquement d'amitié enuers fon cher cfpoux ; mais par vne exuberance d'amour fi- liale, qui luy fit prendre en gré de fortir dece monde pour aller repofer en longues années au fein defon Pere bien-aymé , du- quel elle auoit efté cherie par deffus fes freres & fœurs , qui fu- rent huit en nombre, Quatre freres , Henry Comte de Cham- pagne , Thibault Comte de Blois, Eftienne Comte de Sancerre, & Guillaume Archeuefque de Sens. Quatre filles , dont l'aifnée a cfté Ducheffe de Bourgogne : la feconde, Comteſſe de Bar: la troifiefime , Comteffe de la Poüille : la quatriefme, Comteſſe du Perche. Adelle eftoit la plus ieune , à laquelle celuy qui a continué Aymoin , foit Ademar ou autre , au Chapitre cinquan- te-troifiefme, donne cette éloge. Alla Theobaldini Comitis filia tam natura quam induftria laudabilis extitit. Namfapientiaful- gore pradiauit elegantia corporis perpoluit munditia caftitatis emicuit, & quia tot virtutumfloribus decoratafuit, regio honore fublimari meruit. Si le dire de Theuet eftoit veritable , Hemon Comte de Corbeil auroit efte frere de la Reine Adelle , puis qu'il dit qu'Hemon eftoit fils de Thibault le Vieil ; mais fes fupputations font fi mal digerées en cét endroit , qu'elles fe de- ftruifent d'elles-mefmes , fans qu'il foit befoin d'y faire de gran- des reflections. Belle-foreft dit qu'Adelle mourut au mois de Iuin , l'an mil deux cens fix ; & qu'au mois de Fevrier prece- dentil s'eftoit fait vne éclipfe de Lune extraordinaire , qui auoit annoncé la mort de cette Reine Illuftre. Sainte Marthe dit qu'elle deceda l'an mil deux cens cinq , & qu'elle portoit en fes Armes de Champagne vne bande à deux coſtices, ou freſteaux d'or potencez , & contrepotencez de treize pieces fur le champ d'azur. Du Tillet a remarqué qu'elle auoit efté mariée l'an mil cent foixante & vn. Sur laquelle année Baronius remarque que Pierre de Tarentaiſe eſtoit Legat en France du Pape Alexan- dre troifiefme , pour concilier la paix entre les Rois de France & d'Angleterre, & qu'ils furent incitez à le croire par les mira- cles qu'il operoit : Entr'autres il rapporte qu'il guerit la fille du Capitaine de Corbeil. Il fait encores mention d'vne Lettre qu'il efcrit à Saint Thomas de Cantorbery , par laquelle on apprend qu'il feiourna long- temps à Corbeil , & y confera de fes affai-Liure 11. Chapitre IV. 143 res auec le Cardinal Viuian Legat du Pape Alexandre , qui auoit charge de traitter de la reconciliation dudit Saint Thomas auec Henry fecond du nom Roy d'Angleterre , en l'affemblée qui fe deuoit faire en la ville de Saint Denis en France , pour la paix de France & d'Angleterre. CHAPITRE V.. 脆脆蛋 DV ROY PHILIPPES AVGVSTE, de fes femmes Ifabeau , & Ifburge. ' HVMEVR fanguine qui dominoit en la per- fonne de Philippes Augufte , nous a laiſſe beau- coup de fujet de parler de fes mariages, conduits auec beaucoup de defordres. En premier lieu, il n'y cut iamais d'amitié fincere entre luy & Ifa- beau de Hainault fa premiere femme ; il prit ſujet de s'en efloigner , fous ombre de la querelle qu'il auoit auec Philippes Comte de Flandres , Oncle de fa femme, pour raiſon du Comté de Vermandois , que le Roy pretendoit luy appartenir par lamort de la Comteffe de Flandres , decedée fans enfans Dauantage . , le Comte de Flandres refufoit de liurer au Roy les villes d'Ar- ras , l'Ifle, Bapaume, Hedin, & autres places fizes deça le neuf foffe qui fepare la Flandre Gauloife de la Tudefque , que le Comte de Flandres auoit promis de liurer au Roy en faueur du mariage de fa Niece Ifabeau , fon heritiere prefomptiue. Quel- ques iuftes que fuffent les demandes du Roy , il n'en pût auoir- raifon iufques en l'an 1199. par vn traitté fait à Peronne auec Baudouin Comte de Flandres , qui depuis a efté Empereur de Conftantinople, lequel fatisfaisant aux promeffes du mariage d'Ifabeau , deliura le Comté d'Arthois au Roy, comme Tuteur de Louis fils vnique d'icelle Ifabeau. Les Flamans qui font pro- feffion de tourner tous leurs difcours au defaduantage des Fran- çois , leur voudroient faire à croire que nos Rois font entrez en la famille de Charlemagne par la Reine Ifabeau ; en quoy144 Antiquitez de la ville de Corbeil, Pour retourner à noftre Roy Philippes Augufte , il perdit fa femme Ifabeau l'an de noftre Salut vnze cens quatre- vingts neuf, & demeura veufiufques apres fon retour de la Terre- fainte ; alors il fut confeillé de fe remarier, d'autant qu'il n'auoit qu'vn fils , fujet à beaucoup d'accidens. Plufieurs fe mirent en quefte pour luy trouuer femme, les vns furent en Dannemarc, les autres en Morauic , où l'on fçauoit qu'il y auoit de belles Princeſſes à marier. Eftienne Euefque de Noyon s'auança le premier , & amena auec luy Ifembergue , fille du Roy Valde- mar, & fœur du Roy Canut : Son nom eftranger eft prononcé diuerfement, Ilemberge , Ildeburge, Ifembour, & en fon tom- ils fe trompent lourdement. Caril eft certain que Hugues Capet eftoit venu de la meſme race & famille de Charlemagne , eſtant iffu de Childebrand , frere germain de Charles Martel , tous deux enfans de Pepin , dit le Gros , & d'Alpaide Outre . cela , fi en la fucceffion de la Couronne de France , il y auoit lieu pour les femmes , la famille des Capets eftoit iointe par plufieurs al- liances par mariages contractez auec les defcendans de Charle- magne. Les Hiſtoriens de noftre temps ont affez monftré & prouué que Robert, furnommé le Fort, auoit efpoufé Adelaic, veufue de Conrard Comte de Paris , & fille de Louis le Debon- naire , de laquelle il eut deux fils , l'aifné fut Eudes Comte de Paris , qui durant la Minorité de Charles le Simple , fut efleu Roy de France, lequel eut en fa Maiorité bien de la peine à fe deffendre de Robert frere dudit Eudes , qu'en fin il tua à Soif- fons. Ce Robert auoit efpoufé Beatrix fille de Heribert Comte de Vermandois, petit fils de Bernard Roy d'Italie , de laquelle il eut Hugues, dit le Grand , Comte de Paris , qui eſpouſa Alix ou Adelaie fille de Henry premier , Roy de Germanie , & de Mathilde fille de Louis troifiefme, Empereur : Il eft auffi conſtant par nos Hiftoires qu'Adelle femme de Hugues Capet ,eftoit fille de Guillaume fecond du nom, Comte de Poitiers , defcendu d'vne fille de Louis le Begue. Ce n'a point efté Iſabeau qui a fait entrer nos Rois en la famille de Charlemagne , en laquelle de leur chef, & de plufieurs de leurs femmes ils eftoient con- ioints de parenté. Et nos Antiquaires ont remarqué iufques à douze alliances par mariages de filles de la race de Charlema- gne auec celle des Capets. beauLiure II . Chapitre V 145 · beau elle eft nomméeIsburgis , &nous nous fommes arreftez à ce ´dernier. Le Roy l'efpoufa en la ville d'Amiens la vigile de l'Af- fumption de noftre Dame, au mois d'Aouft l'an de grace vnze cens quatre-vingts treize. Elle eftoit debelle taille & de majesté Royalle; mais fa façon altiere &les moeurs trop feueres defplu- rent au Roy, qui s'en trouua incontinent defgoufté. Rigord dit qu'il eut l'efguillette noüée , & qu'il ne pût la defpuceller ; & qu'auffi toft il chercha les moyens de s'en feparer. Il n'cutgueres de peine à trouuer des Euefques , qui fans grande connoiffance de caufe declarerent leur mariage nul , fous pretexte de paren- telle , & permirent au Roy de fe remarier. Puis que pas vn de nos Hiſtoriens n'a voulu prendre la peine d'efclaircir cét affaire ; le bien qu'Ifburge a fait en ces quartiers , où elle a demeuré & refidé affez long-temps , m'obligent d'ex- pofer plus au long ce qui concerne cette alliance pretenduë. Pour la Genealogie d'Ifburge ie vais la defcrire au vray. Sueno fecond du nom , Roy de Dannemarc , laiffa dix fils de diuerfes femmes, defquels il y en a eu cinq qui ont efté appellez à la Couronne felon l'ordre de leur naiffance ; à fçauoir , Harald, Canut, Olanus, Henry & Nicolas. Ce que ces frères ont fuccedé les vns aux autres , n'a pas efté faute que chacun d'eux n'aye laiffé des enfans mafles ; mais c'eft qu'en Dannemarc les Rois font electifs par les Eftats du Païs , qui choififfent qui bon leur femble entre les Princes du Sang Royal. De ces cinq Rois, Henry eft celuy duquel eft fortie noftre Reine Ifburge ; car le- dit Henry (furnommé le Grand pour fa haute corpulance ) de Botilde fa femme legitime , cut vn fils nommé Canut , fi ver- tueux qu'apres fon decés il a efté enregiftré au Catalogue des Saints. Ledit Prince Canut cut à femme Ildebergue fille de Iariflaus Roy de Ruffic , & Niece de la Reine Marguerite, fem- me du Roy Nicolas ; d'eux eft procedé Valdemar , dit le Grand, qui efpoufa Sophie fille d'vn Prince de Ruffie. De leur mariage font fortis plufieurs enfans mafles & femelles ; entr'au- tres Canut cinquiefme du nom , Royde Dannemarc , & Ifburge femme de Philippes Augufte . En toute cette Genealogie vous n'entendez parler de François , ny de Flamans , defquels on puiffe inferer que noftre Reine ait efté alliée d'aucune parenté auec noftre Roy, nyauecfapremiere femme Ifabeau ; mais nous T146 Antiquitezde la ville de Corbeil, y trouuons deux perfonnages du nom de Canut , qui ont efté fanctifiez : Le premier eftoit Roy & fils de Sueno , qui fut tué dans vne Eglife par le peuple , qu'il vouloit contraindre de payer aux Ecclefiaftiques les Difmes des fruits de la terre : Le fecond Canut eftoit Neueu du premier, & fils du RoyHenry le Grand, qui fut tué en trahison parfon coulin Magnus , ialoux de l'hon- neur & du refpe &t que le peuple luy portoit , à caufe de ſes ver- tus heroïques , craignant qu'il ne luy fuft preferé à la Couronne. Depuis, ces deux Canuts , oncle & neucu , ont efté canoniſez à la requeſte du Roy Valdemar . Quant au Roy Saint Canut, à la verité il eftoit allié de nos Rois de France ; car il auoit ef poufé Alix fille de Robert le Frizon Comte de Flandres , & de Gertrude de Saxe, de laquelle il eut vn fils nommé Charles le Bon, lequel à caufe de fa mere herita du Comté de Flandres: Il eut auffi deux filles , Cecile femme de Henry Comte de Go- tie , & Ingerte femme de Foulques Roy de Suede. De pas vne de ces perfonnes noftre Reine Ifburge n'eft defcenduë du cofté paternel ny maternel ; neantmoins ceux qui pratiquerent la feparation du Roy & de fa femme, s'aduiferent de faire appel- ler la Reine Ifburge deuant Guillaume Archeuefque de Reims, Legat en France , oncle du Roy , où cette ieune Reine deftituée de confeil fut aifée à furprendre ; car on ne luy parla point fi elle eftoit parente du Roy, maisfeulement de la Reine Ifabeau; & fur ce l'on l'interrogea fi Saint Canut eftoit fon ayeul , & Charles Comte de Flandres fon coufin , ce qu'elle reconnut ingenuëment , ne s'auifant point de l'equiuoque que l'on faifoit du nom de Canut , dont ce Prince eftoit fon ayeul , & le Roy fon grand oncle. Apres cette fienne reconnoiffance l'on iu- ftifia au procés qu'elle eftoit parente de la Reine labeau, pre- miere femme du Roy Philippes. A la verité Ifabeau eftoit pa- rente du Roy Saint Canut ; car elle eftoit fille de Marguerite d'Alface , femme de Baudouin de Haynault ; &ladite Margue rite eftoit fille de Theodoric d'Alface , & de Sibile d'Anjou; & Theodoric eftoit fils de Thierry d'Alface , & de Gertrude de Flandres , fille de Robert le Frizon , & fœur d'Alix , qui auoit efté mariéo auec le Roy Saint Canut , d'où cftoit procedé Charles le Bon , Comte de Flandres. En prenant cette alliance de ce cofté noftre Reine Ifburge cuft efté pareillement parenteLiure II. Chapitre V. 147 du Royfon mary, qui defcendoit de Berthe , fœur defdites Alix & Gertrude , toutes trois filles de Gertrude de Saxe, qui auoit efté mariée en premieres nopces auec Florent Comte de Ho- lande, dont elle auoit eu deux filles , Berthe & Alix , & de fon fecond mariage auec Robert le Frizon , elle auoit eu Gertrude. Cela fe connoiftra mieux par l'aſpect de leur Genealogie icy repreſenté. Charles de Flan- Theodoric d'Alface. Philippes Augufte. Cecile de Gotie. Ingerte de Suede. Marguerite femme de Baudoüin. Ifabeau femme du Roy Philippes Augufte, Florent de Holande- Gertrude de Saxe- Robert le Frizon. Berthe femme du Alix femmede S. Gertrude femme de RoyPhilippes. L'on fe garda bien de reprefenter cette Genealogie deuant les Prelats qui ordonnerent cette feparation ; mais abuſans du nom de Saint Canut , ils cafferent & declarerent nul le mariage du Roy Philippes , & de la Reine Ifburge. Ie n'ay point trouué dedans nos Hiftoriens & Efcriuains Fran- çois cette Sentence de feparation ; que la plus part d'eux difent auoir efté infirmée & caffée par le deffaut des procedures mal obferuées . I'en ay feulement trouué comme l'efme & abregé dedans l'Hiftoire Angloife de Roger de Hofncdan , qui en a efcrit en ces termes . Eodem anno 1193. Philippus Rex defponfauit fibi Ingelber- gam filiam Valdemari quondam Regis Dacorum fororem etiam Canuti Regis Dacorum modo regnantis menfe Septembris apud Amiens Sabatho , & in craftino fecit eam coronari in Reginam Francia coram nuntiis Regis Dacorum qui eam ad eum deduxe-. rant . Sed in craftino prima noctis qua Rex predictus illam vxo- rem fuam cognouerat voluit eam dimittere fecreti fui confcius. Et paulopoft factum eft inter illos diuortium per Guilielmum Remen- fem Archiepifcopum ; Etper Sacramenta Reginaldi Carnotenfis, &Philippi Bellonacenfis Epifcoporum, &per Sacramenta Comitis Louis le Gros. Louis le Ieune . г Canut. dres. Thierry. Tij148 Antiquitez de la ville de Corbeil, de Dreux, & Comitis de Neuers, & Valteri Camerary Regis Francia, &aliorum multorum qui iurauerunt quod prædicta filia Regis Dacorum erat confanguinea Comitis de Haynault, cuius fi- liam Rex vxorem habuerat. Par ce que nous auons rapporté, cy-deffus il fe connoift que la Sentence rendue par l'Archeuefque de Reims a efté infirmée & caffée , non par le deffaut feul de l'ordre des procedures de Iuftice , mal obferuées en cette caufe, mais par le mal iugé , qui n'auoit cu autre fondement que la furprife d'vnefimple fille. Au furplus iln'y a pas d'apparence que le Pape fe fuft fi fort aheurté à maintenir ce mariage , s'il cuft cfté contracté entre perſonnes d'vn mefme fang dedans les degrez prohibez de l'Eglife , dont ils n'auoient point demandé difpenfe. Ce fut donc à bonne & iufte raifon que noftre Reine Ifburge s'offenfa de l'affront qu'on luy faifoit. En cette fienne affliction elle ne perdit jamais cou- rage , elle s'ayda de tous les moyens iuftes & legitimes à confer- uer fon droit. Elle en aduertit premierement fon frere le Roy Canut ( que nos Chroniques ont appellé Cain , ie ne fçay pour- quoy) de l'iniure qu'on luy faifoit. Ce Roy fc monftra bon pa- rent, & prit à cœur l'affaire de fa Soeur ; il enuoya André Šų- non fon Chancelier , & Guillaume Abbé du Paraclit ( duquel nous auons parlé en la vie du Comte Guillaume de Corbeil) par deuers le Pape Celeftin troifiefme du nom , faire les plain- tes, & le requerir de faire rendre iuftice à cette Reine affligée. Sa Sainteté embraffa cette caufe, & prit connoiffance de cette affaire , quiregardoit la Iurifdiction Ecclefiaftique. Cependant il en efcriuit vne Lettre à Michel de Corbeil Archeuefque de Sens , qui eft rapportée par Mathieu Paris , en la vie de Richart premier du nom Roy d'Angleterre , & luy manda qu'il ne pou- uoit approuuer la procedure du Roy de France : partant qu'il empeſchaft tant qu'il pourroit que le Roy ne conuolaft en nou- uelles nopces auant l'arriuée de deux Cardinaux qu'il diſpoſoit · d'enuoyer en France, pour connoiftre de l'appel interietté par la Reine. Mais le Roy ne laiffa pas de fe remarier auec Marie de Morauie , fille de Bertolde Marquis de Morauie , & Comte de Tirol , & fœur aifnée de Sainte Eduige, femme de Henryle Barbu, Duc de Vratiſlanie, Prince de Pologne , encores fœur de Gertrude femme d'André Roy de Hongrie. Ces nopces de Su-Liure 11. Chapitre V. 149 Marie de Morauie furent celebrées au mois de Iuin l'an de Grace 1196. Ce fut lors que noftre Reine Ifburge fit fes hauts cris , & redoubla fes plaintes, renouuellant fes appellations à Rome pardeuant le Pape Innocent troifiefme , lequel en fit fon rapport. au Conclaue des Cardinaux , où tout ce qui auoit efté fait en France fut caffé & annullé . Et Pierre de Capoue Euesque de Melphe Cardinal du tiltre de Noftre Dame in via Lata, fut enuoyé en France, auec charge expreffe d'excommunier le Roy, & ietter l'Interdit fur fon Royaume , s'il ne quittoit fa nouuelle femme, pourviure auec Ifburge fa femme legitime. Ce Cardinal fidelle au Siege Romain , & mal affectionné enuers les François, qui autrefois l'auoient retenu comme prifonnier de guerre, ne fut pas pluſtoſt arriué en France qu'il conuoqua les Prelats du Royaume en la ville de Dijon , où ils arrefterent que le Roy feroit de nouueau admonefté de fatisfaire à ſon deuoir ; & s'ille refufoit , alors l'Excommunication & Interdiction feroient pu- bliées & fulminées. Cela fut decreté le iour Saint Nicolas en Decembre l'an vnze cens nonante-neuf. Le Cardinal efuita la colere du Roy en fe retirant à Besançon, d'où il enuoya faire les fignifications & proclamations en tels cas ordinaires, nonobftant les appellations & oppofitions formées par le Roy, comme il fe void au Chapitre Nouit ille au Tiltre des appella- tions , & l'interdiction fur miſe fur le païs de l'obeïffance du Roy, & dura depuis le iour de la Chandeleur de l'an mil deux cens , iufques au premier iour de l'annéefuiuante. En cette interuale vne partie des Notaires Apoftoliques (qui en ce temps- là paffoient toutes fortes de Contracts en France ) cefferent d'y appofer les années du Regne du Roy Philippes, & au licu voient de ce terme Chrifto Regnante , comme il auoit efté pratiqué quand le Roy Philippes premier fut excommunié au Concile de Clermont à cauſe de Bertrade. Il eft ridicule de dire que cette claufe fut mife par humilité Chreftienne ; car l'on n'a point vfé de ce terme Chrifto Regnante, qu'en ces occuren ces d'Excommunications & Interdictions : auffi ce n'eſt pas le Roy qui parle en ces Contracts faits entre les particuliers , mais le Notairequi les paffe. Nous ne mettons pas en fait, que durant l'Excommunication, ou Interdiction du Roy &de ce païs, l'on ait ceffé de mettre le nom des Rois pour y mettreChrifto Regnante, Tiij150 Antiquitezde laVille de Corbeil, mais que cela cela eft eft fait fait par quelques- vns du Clergé , ou autres mal affectionnez enuers le Roy. Et ce que nous en auons eſcrit c'eſt plus par maniere de remarque d'vne action fi notable , que pour approuver ce qui en a cfté fait. Retournant à noftre Hiftoire , difons que le Roy Philippes eſtant extrêmement faſché de ces chaudes pourfuittes , ietta le feu de fa colere contre les Ecclefiaftiques de fon Royaume, qui auoient confenty à fon Excommunication. Entr'autres contre Pierre de Corbeil nouuellement pourueu de l'Archeuefché de Sens par le Pape , qui n'auoit pas voulu admettre l'Eflection faite par le Chapitre de Sens de la perfonne de Hugues Euef- que d'Auxerre, à cauſe qu'il n'auoit pas voulu faire garder l'In- terdiction en fon Diocefe , ainfi qu'il eft defduit au premier Chapitre du tiltre des appellations aux Decretales ; & au fecond Chapitre du mefme tiltre l'on void la difpenfe que le Pape In- nocent donna à Pierre de Corbeil , de fe deffaifir de l'Euefché de Cambray pour accepter l'Archeucfché de Sens. Ce Pierre de Corbeil eftoit tres-fçauant homme ; il auoit efté Precepteur du Pape Innocent en fa ieuneffe , qui auoit cu foin de l'auâncer aux dignitez Ecclefiaftiques , nonobftant Pierre n'abandonna point le Roy, dequoy le Pape fe fafcha contre luy, & luy re- procha les biens qu'il luy auoit faits ; mais Pierre luy repartit franchement que c'eftoit luy qui l'auoit fait Pape ; entendant que par la bonne inftruction qu'il luy auoit donnée il eftoit par- uenu à la fupreme dignité de l'Eglifc. Enfin noftre Archeuefque de Sens fe maintint en reputation par fon adreſſe , & fe mettant entre le Pape & le Roy il appaifa le trouble , obtenant de fa Sainteté que la cauſe du Roy, & le procés de fonmariage , feroit reueu & difcuté de nouueau. A ce faire Octauian Euefque d'Oftie , & Ican Euefque de Velitre, Cardinaux du Siege Romain , furent nommez & deleguez pour connoistre de cette affaire , & en vuider le differend en dernier reffort. Du confentement du Roy ces Cardinaux firent affem- bler les Prelats de France en la ville de Soiffons , le jour de la Chandeleur, l'an de noftre Salut mildeux cens & vn. Le Roy & la Reine comparurent en cette affemblée ; le Roy y vint affifté de fameux Aduocats & grands Oratcurs , diſpoſez à deffendre induſtrieuſement ſa caufe, en laquelle ils defployerent toute leur. Chapitre V. 151 Livre II peu- eloquence , & furent efcoutez fauorablement fans eftre inter- rompus de perfonne. D'autre cofté il ne fe prefentoit point d'Aduocat pour defendre la caufe de cette Reine defolée. Les Cardinaux & Prelats feans, en cette Affemblée, attendoient auec eftonnement l'iffuë de cette procedure. Le dernier iour que la caufe fut appellée, il fortit du milieu de la foule du ple vn ieune homme de belle repreſentation , inconnû à tous : il fe prefenta modeftement, & auec humilité demanda congé aux Juges & au Roy de parler & de plaider la caufe de la Reine. Ce qui luy ayant efté accordé, il commençaà déduire fi difertement les raifons de la Reine ; reprefenta fi clairement fa Genealogie; donna à connoiftre fon bon droit , & expofa fi bien fes merites, qu'il fut admiré de tous les Auditeurs : Il amolit le cœur du Roy, & le difpofa à reconnoiftre Ifburge pour fa femme legitime. Labonnegrace & la majefté de la Reineprefente acheua le refte. Quand les parties furent forties de la Salle , pour donner lieu aux luges de confulter entr'eux du lugement qu'ils auoient à rendre , & que le Roy fut monté à cheual , il demanda à If- burge fi elle vouloit bien monter en croupe fur fon chenal : elle accepta auec grace fon offre, & au mefme inftant elle fut efle uée & reçeue fur le courcier , & emmenée par le Roy en fon Hoſtel, où la reconciliation entiere fe paracheua ; dequoy tous les Prelats demeurerent fort contans de fe voir deliurez de la peine de prononcer vn lugement rigoureux contre vn Roy fi attaché à fes affections . Si beaucoup de perfonnes fe réjouirent de cét accord , la Reine Marie en fut fi defplaifante qu'elle en mourut bien toft aptes. Le Pape Innocent ayant efgard à la bonne foy de Marie, & qu'elle s'eftoit mariée en confequence du lugement des Euelques de France, trouua raisonnable de confirmer la legitimation que le Roy auoit faite de fes enfans, pour les raifons qu'il déduit en fa Decretale per Venerabilem. Ce n'eft pas fans fujet que l'ay efté vn peu long à diſcourir des alliances & du mariage de la Reine Ifburge , d'autant qu'elle a efté la feconde Reine de France qui a iouy du Comté de Cor- beil à titre de Douaire ; où elle fe retira apres le decés de fon mary: Elle y fit baftir l'Eglife & maifon de Saint Lean en l'Ifle pour y faire fes deuotions ordinaires, dont elle auoit commencé les exercices durant l'affliction de fon diuorce, lequel auoit duré252 Antiquitez de la ville deCorbeil, huit années. Elle auoit trouué tant de confolation en la vie de uote, que lors qu'elle fe vit veufue & libre de fa perfonne, elle retourna de bonne volonté embraffer la vie folitaire . Elle fonda le Prieuré de Saint lean en l'Ifle, de douze Preftres , quiferoient profeffion de la Reigle Saint Auguſtin, felon l'Ordre des Che- ualiers de Saint Iean de Ierufalem , & affigna leur viure fur cin- quante muids de grain par an , à prendre fur le minage des grains qui fe vendoient au Marché de Corbeil. Le Roy Louis huictiefme fon beau fils confirma cette fondation par fes Lettres de l'an mil deux cens vingt- quatre , la premiere année de fon Regne. Cette donation fut acceptée par Frere Guerin de Mont- aigu , Grand Maistre de l'Ordre des Cheualiers , lors dits de Rodes, & à prefent de Malte ; & afin que le Prieur & les Pre- ftres de Saint Iean en l'Ifle cuffent meilleur moyen de vaquer aux fonctions Ecclefiaftiques , ledit Grand Maiftre leur confera le petit Hofpital de Tigery auec fes appartenances & dépen- dances. Outre cela , à la priere de la Reine il permit aux Reli. gieux de cette Maiſon de pouuoit eflire vn de leur Ordre pour Prieur & Commandeur en leur Maifon, lequel pourroit difpo- fer des fruits & reuenus de fa Commanderie en bon pere de famille : à la charge que luy & les Religieux nourris , eux & les baftimens bien & deuëment entretenus , le furplus du reuenu feroit mis és mains du Receueur general de l'Ordre : l'entens qu'à prefent le Prieur eft deſchargé de la reddition du compte, moyennant quinze cens liures, qu'il paye par année. Toutes ces fondations & reglemens furent confirmez par le Pape Honoré, le ſecond an de fon Pontificat. Au furplus ie trouue que la Reine Ifburge paffa les treize années de fon veuf- uage en la Maiſon de Saint Iean en l'lfle , & voulut y eftre inhu- mée. Son tombeau eft gilant en l'Eglife de cette Maiſon deuant le maiſtre Autel , & eft couuert d'vne l'ame de cuiure , où fa figure eft grauée , & autour d'icelle eft fon Epitaphe comme il enfuit. Nobilis Hic iacet Isburgis Regum generofa propago, Regia quodfuit vxorfignat imago. Flore nitens morum Patre Rege Dacorum, Incliti Francorum Regis adepta thorum.N Liure II Chapitre V. -153 1 Ter duo terque decem cumfubiit illa necem. Nobilis hac erat in ortis quodfanguine claro, Inuenire raro mens pia cafta caro. Annus melenus aderat deciefque vicenne, Pour le reste des affaires de Corbeil , i'ay trouué que le Roy Philippes Augufte l'an mil deux cens dix , exempta de la Grue- rie de Corbeilles bois du Prieuré d'Effonne, fiz en la Foreſt de Sennart , lefquels depuis ont efté vendus & acquis aux Seigneurs de Brunoy , quien iouïffent à prefent. Du Breüil a auffi remat- quéque dedans le Regiftre du Chapitre de Noftre Dame de Pa- ris , appellé le Petit Paftoral , il y a vne reconnoiffance du Roy Philippes , conçeue en ces termes : Nos &heredes noftri tenemur facere reddi Epifcopo Parifienfifexaginta folidos annuos pro ares qui de feudo feritatis debetur &quinquaginta folidos pro Corboly & Montifleterici &feruitium portagy noui Epifcopi per has milites, qui eft vntefmoignage de la pieté de nos Comtes an- ciens , & de l'honneur qu'ils deferoient à leurs Euefques, entre leſ- quels il s'en trouue plufieurs de leur nom & famille , & d'autres entre les Archeuefques de Sens , comme les fufdits Pierre & Mi- chel de Corbeil; iceux ayans ioint à leur Nobleffe vne doctrine infigne , ont merité d'eftre efleucz aux dignitez Ecclefiaftiques. Pierre auoit laiffé plufieurs ouurages defon bel efprit , qui ont efté efgarez par l'iniure du temps ; le Seruice qui fefè celebre en plufieurs Festes de l'année en l'Egliſe de Sens eft de fa compofi- tion : il fut vn des premiers qui fe croiferent contre les Albigeois, & perfeuera en cette expedition l'espace decinq ans , fans efpar- gner fon bien ny fa perfonne : il contraignit le Clergé de fon Dioceſe de contribuer aux frais de la guerre que l'on faiſoit aux Heretiques , & fit payer par l'Abbé de Saint Denis en France, le vingtiefme du reuenu des terres qu'il poffedoit en fon Arche- uefché. Sa pieté , fa douceur, & fa liberalité fe peuuent voir, par ce qu'en a efcrit Taueau , lequel cotte fon decés l'an 1222. le troi- fietine iour de Iuin , durant le temps qu'il tenoit le Synode en fon Eglife de Sens , où il a fiegé l'efpace de vingt-deux ans , où enuiron. Maistre Claude Robert en fa Gaule Chreftienne , rap- Elle ne laiffa pour tous enfans qu'vne fille nommée Maric, que le Duc de Brabant eſpouſa. cereis v.154 Antiquitez de laVille de Corbeil, E bon- heur du Roy Louis huictieſme du nom, d'auoir efté fils d'vn Pere Illuftre , & pere d'vn excellent fils , a obfcurcy la memoire de fa vertu; amoindry le renom de la force & de fa courtoi- fie , que ceux de fon fiecle ont fignifié par ſa deuife Leo Pacificus . Il y a toute-fois grande apparence que cette difgrace luy foit arriuée, ou bien à caufe qu'il ne peût fe maintenir en la poffeffion du Royaume d'Angleterre , où il auoit cfté reçeu & inftalé du confentement des Eftats du païs ; ou bien par la negligence qu'il apporta à pourfuiure les droits qui luy eftoient efcheus à la Couronne de Caftille , à cauſe de ſa femme Blanche, foeur aifnée de Henry premier du nom , Roy de Ca- ftille, decedé fans enfans. Encores qu'en l'vne & l'autre affaire il foit blafmé à tort, pour les raifons que i'expoferois volontiers fi le difcours de ces grandes affaires ne m'emportoit troploing de noftre Chaftellenie de Corbeil. porte fon Epitaphe, qu'il dit auoir extrait de fon Tombeau poſe dans le Choeur de l'Eglife Cathedrale de Sens. Son predeceffeur Michel de Corbeil eftoit decedé dés l'an 1199. le troificfme De- cembre. Ces deux Prelats auoient vne fœur nommée Mahault de Corbeil , Abbeffe de Chelles , en l'année 1220. dont ledit Robert defcrit les Armoiries , qui reuiennent aſſez bien aux Armes peintes fur l'Efcu du Comte Hemon , gifant en l'Eglife de Saint Spirede Corbeil. Les dattes cy-deffusefcrites m'oſtent la croyance que lesdits Pierre & Michel de Corbeil ayent efté Freres de Regnault de Corbeil Eucfque de Paris ; il y a plus d'apparence qu'ils eftoientles grands Oncles , ainfique nous def- duirons en fon lieu. S DV ROY LOVIS HVICTIESME dis de Montpenfier. V I. Nous nous contenterons pour le prefent de dire , que le Roy CHAPITRE. Chapitre VI. 155 Liure II Vij Philippes eftant decedé l'an 1223. Louis fon fils aifné ( vfant du droit de primogeniture ) s'introduifit fagement en l'adminiſtra- tion du Royaume de France, & en confirma les anciennes Al- liances auec les Allemans , puis tourna fes armes contre Sauary de Mauleon Lieutenant de Henry troifiefme du nom Roy d'An- gleterre enGuyenne & contre Aymery de Touars, allié des An- glois, qui auoient leué les armes en Poitou , pendant qu'il trai- ctoit auec l'Empereur Frederic. De prime abord le Roy mit en routte l'armée Angloife, & prit la ville de Saint Iean d'Angely; enfuitte il contraignit les villes voifines de luy rendre obeïffance, & d'vne mefme main il pratiqua fi bien auec les Rochelois, qu'ils fecoüerent le ioug des Anglois pour fe ioindre au corps de l'Eſtat François ; en faueur dequoy les Rochelois obtindrent des Priui- leges fi auantageux, que fous ombre d'iceux ils ont émeu tant de feditions & rebellions , que noftre Roy Louis treizieſme a cſté contraint de les affieger , & reduire par famine à fa difcretion,' qui a efté fi moderéé , qu'il s'eft contenté de faire rafer leurs nurs , efplanader leurs fortifications , qui les rendoient fi altiers & fuperbes. Il eft temps de tourner le vol de noftre plumevers la ville de Corbeil, qui ne fut point negligé par le Roy; car en l'année de noftre Salut mil deux cens vingt- quatre , eftant de feiour à Fon- tainebleau , il ratifia la fondation des Preftres de l'Eglife de Saint Iean en l'Ifle , faite comme nous auons dit par la belle mere Ifburge Reine Doüairiere de France, qu'il honora & reſpecta tant qu'il avefcu : par ladite Lettre il l'appellefa tres-chere Dame Ildeburge Reine Illuftre de France. Entre les Chartes du Chapi- tre de Noftre Damede Corbeil , ilfe trouue vne Sentence arbi- trale de la fufdite année 1224. renduë par Guillaume de Senlis, &Lacques Abbé de Saint Victor lez Paris ; entre Louis Roy de France,foy difant Abbé de l'Eglife de Noftre Dame de Corbeil d'vne part, & le Chapitre d'icelle Eglife d'autre part. Sur ce que le Roymaintenoit qu'à luy en qualité d'Abbé , appartenoit de conferer l'Office de Cheuecier lors vacant ; ce qui eftoit defnié & empefché par le Chapitre. Les arbitres declarerent que l'efle- ction de Cheuccier appartenoit au Chapitre , mais que l'efleu deuoitle prefenter à l'Abbé , pour eftre inftale & mis en poffef fion de fon Office. Cette Sentence me fait prefumer que la155 Antiquitez dela ville de Corbeil, dignité Abbatiale commençoit à fe fupprimer en l'Eglife de No- ftre Dame de Corbeil , puis que le Roy s'en eftoit referué le titre & les droits , pour faire ceffer les contentions & querelles,; defquelles nous auos remarqué quelque chofe en parlant de l'Ab- bé Albert. En ce mefme Chartrier il y a vne autre Sentence Arbitrale entre le Chapitre de Noftre Dame de Corbeil, & les: Religieufes de Saint Antoine des Champs lez Paris ; furce que les Rois de France ayant octroyé aux habitans de Corbeil , de tenir vne Foire la Vigile, Fefte, & lendemain de la Fefte de Noftre Dame de la my Aouft , il en auoit donné & octroyé les profits audit Chapitre; & pour les en faire iouir plus librement, illeur au- roit octroyé droit de Iuftice les iours fufdits , afin de pouuoir contraindre les refufans de payer les peages & impoſts qui auoient cours en ce temps- là. Sur ce fujet ceux du Chapitre s'eftoient faifis & emparez de quelques droits appartenans aux Religieufes de Saint Antoine des Champs lez Paris. Les parties s'eftans. foumis de leurs differens aux Chantres & Sous - Chantres de 1E- glife de Paris , iceux firent deffences aux Officiers du Chapitre de Noftre Dame de Corbeil , d'entreprendre aucune choſe du- rant les troisiours de leur Foire , fur ce qui appartenoit aux Re- ligieufes ; lefquelles pourroient librement jouir & perceuoir les droits & peages qui leur appartenoient durant leſdits trois iours, en la mefme façon qu'ils faifoient le reste de l'année. Cette Sen→ tence eft du mois de May l'an mil deux cens vingt- quatre nous Pauons icy rapportée à caufe qu'elle fett de reglement és cauſes quifeprefentent annuellement entelles affaires. Par ce Cartulaire ie ne fuis tiré de la peine où i'cftois de cher- cher des nouuelles de Pierre duDonjon, duquel Fauchet fait men- . tion en fon Liure de l'origine des Cheualiers , où il le qualifie Comte de Corbeil , & dit auoir veû yne de ſes Lettres feellée de fes Armes , efquelles eftoit empreinte vne Tour ( qu'il appelle Donjon) qu'il tire du nom Latin Domicilium , & adioufte que: cette Tour cftoit feftée d'vne Pomme ; à la verité entre la porte de S. Nicolas & le Port S. Laurens, il y a vne Mailon appellée . le Donjon , derriere laquelle refte le bas d'vne Tour quarrée, qui a cfté battue par les Espagnols , en l'année mil cinq cens quatre-vingts dix , cette maifon eft de la cenfiue de Vaulx fur Effonne. Dans ce Cartulaire il y a quantité de Lettres de ceux :Liure II. Chapitre VI. 157 · lė de cettefamille du Donjon , particulierement de Baudouin , de Iean, & de Guy du Donjon , où ils font qualifiez Cheualiers en l'année 1180. Ils fonderent vn Anniuerfaire en l'Eglife de No- ftre Dame de Corbeil , en confideration de trois maifons qu'ils firent abatre , pour rendre l'entrée de ladite Eglife plus ailée & fpacieufe. Sur le furplus de la place l'on y a bafty des Eſtaux à Boucher, qui appartiennent à l'Eglife. Es Cartulaires de Saint Spire & d'Yerre, il s'y trouue quantité de legs par ceux de la fa- mille du Donjon ; mais ie n'ay point trouué qu'aucun d'eux ait pris qualité de Comte, ny de Vicomte, ains fimplement de Che- ualiers. Quant aux Armoiries que Fauchet donne à Pierre du Donjon, elles font du genre de celles qui chantent & reprefen tent le nom de celuy qui les porte ; & ie penfe que Fauchet s'eft mefpris , de dire que la Tour du Donjon eftoit feftée d'vne Pomme, car c'eftoit d'vne Pefche , pofée en chef de fes Armoi- ries , pour deſigner le lieu de fa naiffance. Corbeil, où la terre a la proprieté de produire des Pefches excellentes , d'où procede cry vulgaire de Pefches de Corbeil , qui a efté autre- fois le cry militaire de cette ville , qui ne doit point eftre trouué plus eftrange que celuy de l'Oliue d'Athenes , de la Rofe de Rhodes, du Murier dela Morée , de la Grenade d'Eſpagne , & de toutes autres fortes de fruits & fleurs, dont diuers peuples & Capitaines ont vfé en leurs deuifes & Armoiries , afin d'eftre mieux connus & remarquez en l'execution de leurs proüeffes & actions guer- rieres ; auffi l'arbre & le fruit du Peſché n'eft point à mefpriſer, tant pour auoir pris leur nom de cette Nation Imperiale des Perfes , que pour les fingularitez qui fevoyent, tant aux feuilles qu'au fruit de cet arbre. Dequoy fuffira de rapporter ce que Plutarque en efcrit en fon Traicté de Ifis , & Ofiris , où il dit que les Egyptiens auoient confacré le Pefché à Harpocrates, Dieu de leur Theologie , d'autant que le fruit de l'arbre ref ſembloit au cœur de l'homme , & la feüille à la langue; & com me dit Alciat, Fertfolium lingua fertpomafimillima cordi. Par cette application les Egyptiens vouloient dire qu'il n'y a rien en l'homme qui approche plus de la Diuinité , que fainte- mentpenfer, & honneftement parler de Dieu. Retournons fur nos pas à l'Hiftoire de Corbeil, & mainte V iij158 Antiquitez dela ville de Corbeil, nons que Pierre du Donjon , ny autre quel qui foit , n'a efté Comte, ny Seigneur de Corbeil , depuis que le Roy Louis le Gros l'eut acquis & incorporé au Domaine de la Couronne de France, fi d'auenture il n'en a eſté diftrait pour cauſe de Douaire, ou autre forte d'engagement. DE LA REINE BLANCHE, VEVFVE duRoy Louis huictiefme du nom, Merede S. Louis. CHAPITRE VII. BONNE & iufte caufe les femmes veufues des Rois de France , ont retenu le nom de Blanches, non à caufe de leurs voiles & habits blancs , mais en memoire de Blanche de Caftille mere du Roy Saint Louis , pour les vertus heroïques de cette Reine Illuftre , & principalement pour la gloire qu'elle a emporté fur toutes les autresmeres , de la bonne nourriture, inftruction & conduite de fes enfans. Et puis qu'elle a efté la troifieſme Reine de France , à laquelle on a affigné fon doüaire fur le Comté de Corbeil , nous fommes obligez d'ex- poſer ce que nous auons trouué de plus memorable en fa vie, mœurs & gouuernement, ce que nous ferons le plus fuccincte– mentqu'ille pourra faire, Pour venir à la conclufion de ce Chapitre, &au fait de noſtre bon Roy Louis huictieſme du nom , apres auoir durant ſa vie fait rude guerre aux Albigeois , & leur auoir ofté la ville d'Aui- gnon, il eftoit en train de faire plus grand progrez , fi l'hyuer ar- riuant, les pluyés ne l'euffent contraint , & les maladies epidimi- ques neceffité de quitter le Languedoc , & penfer à fon retour en France , pour ſe rafraiſchir & remettre fes foldats en vigueur; maisil fut arrefté en chemin , & contraint de s'aliter en la ville de Montpenfier en Auuergne, en laquelle il deceda l'an de grace mil deux cens vingt-fix. Blanche cftoit fille d'Alphonce quatrieſme , du nom en Ca-Liure 11. Chapitre VII . 159 ftille, qui a efté furnommé le Noble; c'eft luy qui le premier a chargé les armes de Caftille du Chafteau d'or en champ de gueules , apres qu'il eut deffait le grand Miramulium Aban Ma- humat , & deux cens mille Mores aux pieds de la montagne de Muradad. Ce RoyAlphonce , d'Eleonor fille de Henry ſecond du nom Roy d'Angleterre , eut plufieurs enfans , & lors de fon decés il en reftoit fix viuans. Blanche femmede Louis huictieſme , Roy de France. Beranguelle femme d'Alphonce dixiefme, Roy de Leon. Ouraquefemmed'Alphonce deuxielme , Roy de Portugal. Leonorfemmede lacques premier du nom , Royd'Aragon. Conftance Abbeffe duMonaftere de las Huelgas de Burgos. Et Henry refté fils vnique, qui fucceda à fon pere à la Cou- ronne de Caſtille , où il neregna que trois ans , & mourut ieune fans auoir efté marić. Nousauons mis Blanche pour l'aifnée de fes fœurs , contre ce que Roderic de Tolede en a efcrit , pour couurir l'iniuftice par luy commife, en deferant la Couronne de Caſtille à Ferdinand, fils de Beranguelle , aupreiudice de Blanche & fes enfans . Pour preuue de mondire, il me fuffira de produirele tefmoignage de Mariana , qui bien inftruit des affaires d'Eſpagne a le plus ele- gament escrit l'Hiftoire de fon païs. Blanca (inquit) vt reliquas forores atate fuperauit fic etiam felicior extitit Ludouico Regi virofuo emixafelici partu Ludouicum cui spectata vita probitas Sancti nomen peperit. Blancam fequebatur Beranguela , &c. Blanche fut mariée l'an 1200. du viuant de fon pere & defa mere, à Louis fils aifné du Roy Philippes Augufte, par l'entre- mife de lean Roy d'Angleterre , fon oncle maternel , en execu- tion du traitté de la paix concluë à Boutauant en Normandie. En faueur de ce mariage , le Roy lean rendit les villes que fon frere le Roy Richart auoit prifes en Poitou & en Berry ; & ceda les droits des places que noftre Roy auoit conquifes en Normandie , le Mayne , & Anjou , efperant par les conditions de cette Alliance gagner l'amitié du Roy de France , & l'induire à abandonner Arthus de Bretagne, qui pretendoit que la Cou ronne d'Angleterre luy appartenoit , comme fils du frere aifné du Roy Lean. Mais comme Dieu renuerfe les deffeins iniuftes des Princes , cette alliance retourna au grand prejudice du Roy160 Antiquitez de la ville de Corbeil, maiores Blanca fubleuabat Ican, qui par fes mauuais déportemens fe rendit fi odieux à fes fubiers , qu'ils appellerent le Prince Louis pour les regir & gou- uerner , & fut reçeu à Londres pour Roy d'Angleterre l'an 1216. D'autre part, tant s'en faut que cette Couronne apportaft quel- que profit à Louis de France , qu'elle luy caufa vne perte irrepa- rable ; car le Roy Iean venant à mourir , les Anglois laffez des François , le retournerent deuers Henry fils du Roy Ican , & le reftablirent au Siege Royal de fon pere , & le Prince Louis fut contraint de quitter l'Angleterre , & de s'en retourner en Fran- ce pour affifter fon pere Philippes Augufte caffé de vicilleffe & des trauaux qu'il auoit foufferts toute la vie , & alors il auoit be- foin de fon fils pour lay ayder à fupporter le faix du gouuerne- ment de l'Estat de France. En l'année 1217. durant durant que le Prince Louis eftoit bien empefché & embroüillé en Angleterre , fon beau-frere Henry Roy de Caftille , ieune enfant , fut tué par accident d'vne thuille qui tomba fur fa tefte. En cét accident inopiné l'efloignement de Louis luy ofta la commodité d'aller recueillir la Couronne de Caftille qui luy appartenoit iuftement, àcauſe de ſa femme Blanche, fœur aifnéedu Roy Henry deffunt. Mais fa fœur Beranguelle qui eftoit fur les lieux , & qui par le Teftamentde fon pereauoit la tutelle defeu Henry fon frere, & le gouuernement de la Caftille en main, elle fetrouua fi puiffante dedans le païs , quefans grande difficulté elle s'empara du Scep- tre Royal, & y introduifit fagement fon fils Ferdinand , & luy fit impofer fur fa tefte la Couronne Royalle , par ordon- nance des Eftats de Caftille qu'elle auoit fait affembler , & chaffa hors du païs le Seigneur de Lara, & tous autres qui oferent luy contredire; & noftre Prince Louis retourna trop tard d'Angleterre pour entédre aux affaires d'Eſpagne, donant tempsà Beranguelle d'eftablir fon fils , & attirer à foy tous les Rois & Potentats voi- fins à luy ayder à clore le paffage aux François de l'entrée d'Ef- pagne. Mariana a efcrit fi naifuement les caufes pour lesquelles noftre Prince Louis & fa femme Blanche , furent exclus de la fucceffion de la Couronne de Caftille , queie ne me puis empef cher detranſcrire icy fes paroles. Due Henrico forores erant natu Ludouico Principi iuuentutis in Gallia Phi- . lippifilio nupferat, & Berangaria ex Alphonso Legionenfi Rege, tunc temporis quatuor filiorummater ; Blancamætatis prerogatiua queLiure II. Chapitre VII. 161 - Comme l'Hiftorien fait diftin &tion des fucceffions des Royau- mes, & des particuliers , auffi pouuons nous dire que les reffen- timens des Princes font plus cachez que ceux des particuliers. De fait nous trouuons que pour cét enuahiffement dela Couron- ne de Caſtille , il n'y a eu aucune guerre entre les Rois Saint Louis & Ferdinand , mais tant qu'ils ont vefcu ils ont fait de grandes demonftrations d'amitié & de bien- veillance ; &dés lars que Beatrix , fille de l'Empereur Philippes , fut conduite en Ef- pagne , pour eftre mariée à Ferdinand , la France luy fut ou- uerte , & fut reçeuë à Paris , & autres villes de France , cour- toiſement & fauorablement , par Philippes Augufte , & la fit conduire gracieuſement iufques à la frontiere d'Espagne , où elle fut deliurée à Beranguelle. Au refte fi l'on veut confiderer les entreprifes faites par les François aux païs eftrangers , & que de leurs conqueftes il ne leur cft resté que perte & dommage ; l'on fera contraint de confeffer , que nos Rois firent fagement de ne point fonger en la conqueste de Caftille. Et la difcretion de la Reine Blanche eft à louer , de n'auoir iamais preffé fon mary à faire la guerre pour debatre les droits qu'elle auoit fur la Caftille, bien qu'elle cuft peû facilement perfuader à fon mary cette entrepriſe , veû qu'il l'a tant aymée & honorée que de luy garder la foy de fon mariage inuiolable. Depuis il a monftré en quelle eſtime il auoit fa femme, en luy deferant la Regence du Royaume , auec la Tutelle du Roy fon fils , & de Robert Comte d'Artois , Al- phonce de Poitiers , Charles d'Anjou , & Ifabeau les enfans. En confequence defon Ordonnance , la Reine Blanche fe coula doucement en l'adminiſtration de fa Regence & Tutelle , & cut + vn foin maternel de faire bien inftruire les enfans ; & pour fon- dement de leurs actions imprima en leurs ames vne fainte & X fubleuabat vt Fraterni Impery Rex effet, legefque Hifpanie, (ſi iura regnandi leguleiorum modo tabellis continerentur, & non potius ftudiis populi principum dexteritate virtute feftinatione felicitate) quod in prafenti accidit. Nam maturatis Comitiis Blancapretermiffa procerum & populi confenfu , Berangaria Re- gnum eft delatum. Externum Imperium exhorrebant & nouorum motuum materiam, fi Gallia Hispania commiſſa effet fubftrahen- dam iudicabant.162 Antiquitezdela ville de Corbeil, ferme reſolution de pluſtoft mourir que d'offencer Dieu ; & pour empefcher que leur bon naturel ne vinft à fe corrompre par la frequentation de perfonnes indifcretes & vicieuſes , elle empefcha qu'aucun mal conditionné n'approchaft de ſes enfans. Ils profiterent fi bien à fon efcole qu'elle a emporté le prix d'honneur fur toutes les meres dont l'Antiquité fe vente. Blanche cftoit fobre , & foigneufe en l'adminiftration de fa Regence , elle defcouurit de bonne heure la Ligue que Philippes de Boulongne , Oncle de fes enfans , tramoit , pour luy ofter le gouuernement de l'Estat, & luy enleuer le Roy fon fils : Elle oppofa à ces entrepreneurs Ferrand Comtede Flandres , qu'elle tira hors de la Tour du Louure , où il auoit eſté enferré depuis la bataille de Bouuines : Elle gaigna encores Thibault Comte de Champagne, & Roy de Nauarre , qu'elle fçeut déioindre de la Ligue de fes aduerfaires ; elle apprit de luy tous leurs fecrets & deffeins , dequoy Philippes de Boulongne & fes affociez fu- rentextrêmement fafchez : Ils voulurent defcharger leur colere fur lepaïs de Champagne ; mais Thibault fut fecouru prompte- ment par la Reine, qui conduifitle Roy fon fils auec fon armée à fon fecours, & fit leuer le fiege- qu'ils auoient mis deuant la ville de Troye. Le peuple tenant le party de la Reine, & forti- fiez par ces deux grands Seigneurs, les Princes furent aisément rengez en leur deuoir. En fuitte la Reine maintint en luftice la caufe de Thibault , contre Alix Reine de Cypre , petite fille de Henry, iadis Comte de Champagne. De ces faueurs, iointes à la beauté & bonnegrace de la Reine Blanche , fourdit cette grande amitié , qui le porta à compofer tant de belles Chanfons, qu'il fit tranfcrire & peindre fur les parois de ſes Chaſteaux de Troye & de Prouins. L'on a efcrit, que le Comte Thibault s'amuſant vn iour à careſ- fer la Reine, Robert d'Arthois ne pouuant fupporter les fadefes, luy ietta vn fromage moux au nez , dequoy il demeura fi confus, que de la honte qu'il en cut , il fe retira en fon Royaumede Na- uarre pour mettreordre à fes affaires. Ilyen aqui difent que ces Chanfons furent faitespour vne Dame de Lorraine,auec quelque apparence de verité. En ce temps-là il y auoit nombre de Poetes Satyriques , qui n'ont point efpargné la Reine Blanche, & fe font mocquez de *Liure II. Chapitre VII. 163 X ij Saint Louis , de ce qu'il fe rendoit fi obeïffant à la mere , qu'il fembloit qu'il n'euft ofé faire ny entreprendre rien fans fon congé. Aforce de bien faire, Blanche a furmonté l'enuie , & fait connoiſtre ſon integrité. L'vn des actes plus remarquables de fa prudence, a efté d'auoir fçeu choifir pour fes fils , des femmes vertueuſes, & conformes à leur humeur. A peine pourroit- on trouuer en l'Antiquité des mariages plus pailibles que ceux de Saint Louis & de fes freres, iufques-là que l'on a blaſmé la Reine Blanche d'eftre entrée en ialoufie contre la Reine Marguerite, à cauſe de la reprimende qu'elle fit à Saint Louis , de la tendre affection dont il careffoit fa femme: Il faut croire que cette fage femme vouloit vn peu retenir la bride à la concupifcence de fon fils , craignant que s'amufant trop à careffer fa femme , il negligeaft d'auoir foin des affaires defon Royaume. L'an 1238. elle maria fonfils Robert auec Mahaultde Brabant, & confentit qu'vne partie des terres de fon Douaire fuſt donnée en appanage à fon fils , moyennant le remplacement qui luy en fut fait fur Corbeil, Melun &autres terres. Les Let- tres de ce nouueau affignat font dattées de l'an 1240. Nous trou- uons dans le Tiltre des Eglifes de Corbeil des indices que la Reine Blance faifoit fouuent fon feiour à Corbeil , par les fre- quentes acquifitions qui ont efté faites par les Ecclefiaftiques durant qu'elle a vefcu , ce qui ne s'eft peû faire fans eftre affiſtée de la liberalité de la Reine , & de ceux de fa fuitte : Elle eftant toute portée à la deuotion & charité , s'auifa de faire baſtir vn Monaftere, pour loger quantité de pauures filles orfelines , leſ- quelles nepouuoient trouuer party à fe marier , à caufe que la plus grande partie de la Nobleffe Françoife s'en alloit guerroyer en la Terre-fainte, d'où peu reuenoient en leurpaïs : Elle defira que celles qui entreroient en ce Monaftere, vefcuffent fous la Reigle & direction de l'Abbé de Cyteaux. Elle fit baftir ce Monaftere fur les ruines d'vn ancien Conuent proche de la ville de Melun, & le fit nommer le Lys , qu'elle dotta de bonnes rentes & he- ritages entre autres de la terre de Chintreaux , fiz en la Paroiffe de Moiffi l'Euefque , enla Chaſtellenie de Corbeil : Elle achepta cette terre de Marguerite du Pleffis , & d'Odet de Briart fon fils, &fitratifier, & confirmer fes donations par Saint Louis , lequel en l'année mil deux cens foixante & deux , amortit les heri-164 Antiquitez de la ville de Corbeil, tages , que fa mere & autres perfonnes audient données à ces bonnes filles ; il les prit en fa protection , comme eftant de fon- dation Royalle : Ce fut auffi pour les deliurer de la fuiction en laquelle ils eftoient en danger de tomber par les frequentes alic- nations du Domaine de Melun. Deplus , elle enuoya tirer hors de prifon par main Souueraine les habitans de Chaftenay , que les Chanoines de Noftre Dame de Paris y auoient fait mettre , à faute d'auoir payé certaine Taille à laquelle ils les auoient cottifez. Au furplus la demcure & le feiour que la Reine Blanche a fait à Corbeil , fe connoift, en ce que le Roy Saint Louis le vint trouuer auant que paftir, pour fairefonvoyage de la Terre-fainte : Ce fut en ce lieu qu'ils confererent enfemble de la maniere qu'elle fe gouuernoit en la direction des affaires du Royaume durant le temps du voyage & abfence du Roy : Cela fe void par le narré des Lettres de la Regence du Royaume, dontil l'honnora & chargea ; elles furent . expediées enla Maiſon de Saint Iean en l'Ifle , qui eft appellée Hofpital : nous les rapporterons au Chapitrefuiuant. En quelque lieu que la Reine Blanche fit fa refidence , foit à Melun , foit à Corbeil , ou autre lieu affigné pour fon doüaire; elle trouuoit tout remply de filles à marier , & que perfonne ne vouloit cſpouſer , à cauſe qu'elles cſtoient de condition feruile, & felon les vs & Couftumes du païs de Brie & Champagne, elles engageoient en mefme fuietion les enfans qu'elles met- toient au monde : La Reine cut commiferation de ces pauures filles , elle portafon fils Saint Louis à faire vne Ordonnance , par laquelle il eftoit permis à toutes perfonnes deferuile condition de fe rachepter & liberer , en payant certaine fomme, qu'il taxa & arrefta , ou bien en chargeant fes heritages de rentes ou cor- uées raisonnables. L'efpreuve que les François auoient faite de la fuffifance & bonne conduite de la Reine Mere, fut caufe que fa Regence fut reçeuë plus fauorablement des Ecclefiaftiques, de la Nobleffe, & du peuple de France ; & tous fe trouuerent bien difpofez à luy obeïr durant l'abſence & longue peregrination du Roy Saint Louis . Les mauuais fuccés de cette entrepriſe donnerent bien à fouffrir à noftre Reine Blanche, principalement quand elle re- çeut les triftes nouuelles de l'infortune aduenuë à les enfans , &Liure II. Chapitre VII . 165 qu'elle fçeut la mort de Robert d'Arthois fon fecond fils , & que les deux autres eftoient prifonniers des Infidelles. Saint Louis qui connoiffoit combien grande eftoit l'amour que fa mereluyportoit, & à fes freres , s'efforça de luy donner quelque confolation ; car fi toft qu'il eut recouuert fa liberté , & fut en lieu de feureté , il renuoya fes deux freres , Charles & Alphonce en France, pour venir confoler leur mere , & luy donner quel- quefoulagement , & l'affeurer que de quatre fils il luy en reftoit trois en bonnefanté , & quele quatriefme eftoit mort, combatant pour l'honneur de Dieu & exaltation de fon Eglife. En l'année mil deux cens cinquante , elle eut le bon-heur de voir deux de fes fils en France , mais elle deceda auant que Saint Louis fuft de retour de fon voyage, auquel il employa fix années entieres. Du Tillet affigne le decés de la Reine Blanche en l'an mil deux cens cinquante & deux . Sa vieilleffe fut abatuë de l'ennuy & fafcherie de la mort de fon fecond fils , & par vnc nouuelle furcharge d'vne paralifie qui auoit furpris fon fils Al- phonce de Poitiers , de laquelle toute fois il refchapa & fut guery. Ce qui acheua d'abatre tout à fait la Reine Blanche, fut vi faux rapport qui luy fut fait , que le Roy Saint Louis fon fils! auoit refolu de ne plus retourner en France, mais de paffer le refte de la vie en la Terre- fainte , pour fe rendre la voye plus facile pour paruenir au Royaume Celeste. Quand cette ver- tucufe Reine fentit qu'il luy conuenoit de partir de ce monde, elle fe prepara le plus foigneufement qu'illuy for poffible , pour fe rendre en vn eftat conuenable à fe prefenter deuant fon Sou- uerain Iuge & Seigneur qui l'appelloit , elle fe démit de toutes les affaires de cemonde, &ferctira dedans le Monaftere de Mau buiffon, qu'elle auoit fait baftir fplendidement & bien dotter, Apres fon entrée elle voulut prendre l'habit de Religion , & en' faire les fonctions iufques à ce que Dieu l'appellà à foy. Eftant decedée elle fut enfeuclie & inhumée ence Monaftere en ha– bit de Religieufefans autre pompe, finon qu'on mitfur fon voile vnc Couronne Royalle, La Francedemeura toute defotéc ayant perdų vne fi vertueufe Reine , & de voirfon Royfi efloigné de fon païs , & la plus grande partie des Princes , morts , oubien efloignez. duse juɔT or bums 31.01. X iij166 Antiquitez dela ville de Corbeil, DV ROY SAINT LOVIS, neufiefme du nom. VIII. Vis que ce Grand Monarque n'a point dé- daigné d'eftrefurnommé de Poiffy , i'efpere qu'il ne fera point mefcontant d'eftre inferé dans les Memoires de Corbeil, où il a quelquefois cu agreable d'y faire fa retraitte. Ie reconnois que noftre ftile eft trop foible pour dignement cele- brer fa picté , pour defcrire l'honneur qu'il portoit à fon Eglife; le refpect dont il honnoroit fes Paſteurs ; le foin qu'il auoit de faire celebrer le Seruice diuin auec reuerence; fa vigilance à re- duire les defuoyez en la foy , au giron de l'Eglife ; fa liberalité à faire baftir des Eglifes, Monafteres , & Hofpitaux ; & à four- nir plantureuſement de moyens & commoditez pour le viure & neceffitez des perfonnes employées à deferuir ces lieux de pieté & deuotion ; la charité à rachepter les Captifs ; la peine qu'il prenoit à penfer & medicamenter les malades , les bleffez &. eftropiez ; fa diligence à rendre la Iuftice à fon peuple , & à le garantir de la concuffion de fes Officiers , & de l'oppreffion des Gens-d'armes ; fa feuerité enuers les mefchans ; fa clemence en la fragilité des bons ; fa magnanimité à reprimer les rebelles; fa force à dompter les mefcreans ; le bon ordre qu'il obferuoit à maintenir fon peuple en paix & repos ; fon induftrie à expe- dier les affaires d'Eftat ; fa prudence en la defpence de ſes fi- nances; fa legalité enuers fes voifins ; fa douceur enuers fes do- meftiques ; fa grauité en toutes les actions ; fon integrité en fes mœurs ; la reuerence qu'il portoit à la mere ; l'amour chaſte & loyal dont il careffoit fa femme ; fa charité enters fes enfans; l'amitié dont il honnoroit fes freres. Il n'eft pas en noſtre pou- . upir de reprefenter fon induftrie à fçauoir ioindre & affembler le Spirituel auec le Temporel, les affaires de l'Eglife auec les CHAPITRELiure II. Chapitre VIII. 167 feculieres , les armes auec la paix , la clemence auec la feuerité, l'aduerfité auec le refpect. C'eft pourquoy ne pouuans fuffire à vne figrande charge , nous tournerons nos difcours aux affaires qui approchent de Corbeil. Au commencement de fon Regne il fe reprefenta des affaires qui troublerent le repos de fa icuneffe , encores que fa merefe portaft vertueufement en fa Regence & au gouuernement de fon Eftat ; nonobftant cela Philippes Comte de Boulognefurmer, Oncle paternel du Roy , & fils de Philippes Augufte , & de Marie de Morauie , fit le meſcontant ; pratiqua les Princes & Seigneurs de France , pretendant qu'à luy , comme premier Prince du Sang , appartenoit de gouuerner le Roy fon Neueu, & l'Eftat de la France. Pour vuider ce differend , & donner ordre à plufieurs autres affaires d'importance, il fut trouué neceffaire de conuoquer les Eftats en la ville de Vendofme ; le Roy voulant s'y acheminer, partit de Paris , & fut coucher à Mont-le- hery. Le meſme iour Philippes de Boulogne accompagné d'vne grande trouppe de Nobleffe vint loger à Corbeil , où il delibera auec les fiens d'aller le lendemain enleuer le Roy ; dequoy les habitans de Corbeil en donnerent auis à Paris , d'où il fortit douze mil hommes en equipage de guerre , qui furent requerir le Roy & le ramenerent à Paris. La diligence de ceux de Corbeil fut agrea- ble au Roy & à la mere, & les en recompenferent quand les occafions s'en preſenterent. Le Chapitre de Noftre Dame de Corbeil reçeut les premiers fruits de leur bien- veillance , en vn differend qu'ils auoient auec Bartelemy Euefque de Paris, pour fon droit de procuration, ( que l'on explique le deffray de fon voyage quand il vifite les Eglifes de fon Diocefe ) la cauſe en eftoit pendante pardeuant Philippes Eucfque d'Oricans , luge delegué par le Pape, à la recommendation du Roy &de fa mere, remit & moderafon droit de procuratio à la fomme decinquante- huit fols parifis , au cas qu'il vinft enperfonne faire fa vifite : cette tranfaction eft du mois de luin mil deux cens vingt-fept Nous . auons cy- deuant rapporté comme la Reine Blanche auoit cu fon Douaire affigné fur Corbeil , & que fouuent elle s'y retiroit. En l'année mil deux cens quarante-huit , auant que Saint Louis partic pour aller en la Palestine, il vint à Corbeil trouuer fa168 Antiquitez de laVille de Corbeil, mere pour conferer auec elle de ce qu'elle auroit à faire en fon abfence. Les Lettres de fa Regence en furent expediées en la Maifon de Saint lean en l'Ifle où elle logeoit ; la briefucté d'i- celles me conuie de les tranfcrire icy. Ludouicus Rex Francorum vniuerfis prafentes Litteras infpe- Etuerisfalutem. Notumfacimus quod nos charißime Domine no- ftra & matri Regina conceßimus & volumus quod in hac noftra peregrinationis abfentia plenariam habeat poteftatem reci- piendi & attrahendi ad Regni noftri negotia que fibi placuerit & vifum fuerit attrahere , remouendi etiam quos viderit remo- uendosfecundum quod ipfi bonum videbitur. Baliuos etiam infti- tuere valeat Caftellanos, Foreftiarios, &alios inferuitium noftrum & Regni noftri miniftros ponere & amouere pro vt viderit expe- dire. Dignitates&beneficia Ecclefiaftica vacantia conferre , & eis regalia reftituere & eligendi licentiam dare capitulis & Conuen- tibus vicenoftra. In cuius rei teftimoniumfigillumnoftrum prefen- tibus Litteris duximus apponendum. Actum apud Hospitale iuxta Corbolium , anno Domini millefimo ducentefimo quadragefimo Apres que Saint Louis eut arrefté auec fa mere de ce qu'elle auroit à faire en fon abfence , il s'en retourna à Paris prendre le Bourdon & l'efcharpe de Pelerin , qui luy furent deliurez par Regnault de Corbeil, Euefque de Paris , que du Breüil dit auoir efte frere de Pierre de Corbeil Archeuefque de Sens , duquel nous auons parlé en la vie de Philippes Augufte. Mais la di- kance de foixante & neufannées , qui fe font efcoulées depuis le Synodede Dijon , auquel Pierre de Corbeil affifta , & la date de l'Epitaphe de l'Euefque Regnault , qui fera cy-apres tranſ- crite, m'empefche d'eftre de fon opinion. L'on a remarqué qu'en l'année mil deux cens trente-neuf, Saint Louis dégagea la Couronne d'efpines , la vraye Croix, & autres monumens de la Paffion de noftre Seigneur Icfus- Chrift, que Baudouin Empereur de Conftantinople , auoir mis en gage entre les mains des Venitiens, Saint Louis depofa ces gages venerables de noftre redemption en la Sainte: Chapelle , qu'il fit conftruire en fon Palais à Paris ; & à la priere de fa mere l'on deftacha vne efpine de la Couronne qui fut enchaffée en vn vafe de Criſtal ; Blanche la conferua en grande veneration vétauo. iufquesLiure II. Chapitre VIII. 169 iufques à fa mort, alors elle la donna à Regnault de Corbeil, Euefque de Paris , qui la depofa en l'Eglife de Saint Guenault à Corbeil, leiour de la Fefte des Saints Innocens , l'an de grace' mil deux cens cinquante-cinq , & octroya Indulgence de qua- rante iours à tous ceux qui iroient venerer cette Relique en memoire de la Paffion de Noftre Seigneur. Apres le décés de la Reine Blanche, Saint Louis continuant l'affection quela mere auoit euë pour Corbeil , fit rebaftir la Maiſon Royalle entre la Tour de Corbulo , & la Maiſon du Prieuré Saint Guenault; & au bout de la Salle de ſa Maiſon , il fit baftir vne Chapelle à deux eftages ; & pour ycelebrer le Seruice diuin, il yfonda trois Chanoines Reguliers , du confentement de l'Abbé de Saint Victor lez Paris , & les ioignit aux quatreautres Chanoines fon- dez par le Comte Hemon. l'admire maintenant que pour la nourriture & entretien defdits trois Chanoines , du luminaire & ornemens de l'Eglife , il ne donna que cinquanteliures de rente, à prendre fur le Domaine de Corbeil , où ils fe payent encores à prefent au Prieur de Saint Guenault. Par l'acte de cette fon- dation le Roy reconnoift que pour conftruire l'efcalier de ſa Chapelle il auoit pris vne partie du Preſſoir de la Maiſon du Prieur Saint Guenault ; en recompence dequoy il veut que le Prieur Saint Guenault ait les clefs de fa Chapelle, & qu'il iouïffe d'vn petit Pré qui eftoit aux pieds d'icelle , fur le riuage de la riuiere de Seine. Tous ces lieux ont changé de face , & il ne pa- roift plus qu'il y ait Chapelle ny Pré ; c'eft en icelle qu'arriua la difpute entre le fieur de Ioinuille , & Maiftre Robert de Sor- bonne fur le fait de leurs habits enla prefence du Roy, qui lors tenoit Cour ouuerte ( comme ils difoient ) en la ville de Cor- beil , où il ſe trouua plus de trois cens Cheualiers à la fuitte du Roy. Cette action merite bien d'eftre tranfcrite en ce licu , & d'en rapporter les mefmes paroles du fieur de Ioinuille , qui en leur patois ont plus d'energie que les plus belles pointes des bien difans de noftre temps. Y Le Roy fut un iaur de Pentecofte à Corbeil bien accompagné, oùnous eftions Maiftre Robert de Sorbon & moy ; & le Roy apres difner defcendit au Pré deffous.fa Chapelle, & deuant tous les autres ledit Maiftre Robert mepriftpar mon mantel, &me demanda en la prefence du Roy & de toute la noble Compagnie,170 Antiquitez dela ville de Corbeil, que Sçauoir mon fi le Royſeſeoit en ce Pré, &vous allißiez affeoir en unbancplus haut que luy , fi vous en feriez point à blaſmer , fauf Phonneur du Roy & de vous , &ie luy dits: Maiftre Robert, ie ne fuispoint à blafmer, faufl'honneur du Roy & de vous : car l'ha- bit que leporte, tel que le voyez, m'ont laißé mespere & mere, & ne lay point fait faire de mon authorité. Mais au contraire eft de vous, dont vous eftes bien fort à blafmer & reprendre ; car vous qui eftes fils de Vilageois & Vilageoife , ane laissé l'habit de vos pere & mere, & vous eftes veftu de plus fin camelin le Roy n'eft . Et lors iepris lepan defon Surcot & de celuy du Roy, que ie ioigny l'on prés de l'autre , &luy dits : Orregardefi i'ay dit vray; Et adonc le Roy entreprit de deffendre Maistre Robert deparoles, & luy couurir fon honneur de tout fon pouuoir, en monftrant la grande humilité qui eftoit en luy, & qu'estant ne- cefité de demeurer à la Cour il eftoit raisonnable qu'il fuft honne- ftement habillé. Apres ces chofes le bon Roy appelle Meffeigneurs Philippes, & außi le Roy Thibault fes fils , & s'aßit à l'huis de fon Oratoire, &mit la main à terre, &dit àſeſdits fils , feezvous icyprés de moy qu'on ne vous voye. Ha Sire ! firent-ils, pardon- nez nous s'il vous plaift , il ne nous appartient mie defeoir fi près de vous : Et il me dit Seneschal, feez vous icy, airfile fis- ie, fiprés de luy, que ma robbe touchoit à la fienne , & les fit feoir aupres de moy . Et adonc il dit, Grand mal auezfait quand vous, qui eftes mes enfans , n'auezfait à la premiere fois ce que ie vous ay commandé, &gardez que iamais il ne vous aduienne, &ils dirent que nonferoient-ils : Et lors il me va dire qu'il nous auoit appellezpourfe confeſſer à moy, de ce qu'à tort il auoit deffendu &fouftenu Maistre Robert contre moy : Mais,fit-il, ie lefis pource que ie le vis fi tres-esbaby qu'il auoit affez mestier que te le fe- couruffe & luy aydaffe, nonobftant que ie ne le fispaspour Mai- ftre Robert deffendre , & ne le croyez pas ainfi ; car ainfi comme le dit le Senefchal, onfe doit veftir bien honneftement , afin d'e- ftre mieux aymé defa femme, & aussi que vos gens vous enpri- feront plus. Et außi dit le Sage, que l'on fe doit veftir en telle maniere &porterfelon fon eftat, que lespreu- d'hommes du monde nepuiffent dire il enfait trop ; ny aussi les ieunes gens vous n'èn faites pas affez. Retournons à noftre difcours. Le Pape Vrbin quatrieſme dunom , natif de Troye en Cham-Liure II. Chapitre VIII. 171 En l'Eglife de Saint Spire de Corbeil il y a vne grande Tombe de pierre de Lyerre,entre les Chapelles de Sainte Barbe & de Sainte Cecile, fur laquelle eft grauée la figure d'vne fem- me d'honneur , &autour d'icelle eft efcrit , Anno Domini mille- fimo ducentefimo fexagefimo primo , in Octauis S. Martini Hi- bernalis Alizia de Corbolio quandam mater reuerendi Patris Re- ginaldi Dei gratia Parifienfis Epifcopi denata , cuius anima re- quiefcat in pace. Cette bonne Dame Alix eft furnommée de Corbeil à la mode du païs , où l'on ne donne point d'autre furnom aux femmes que celuy de leurs marys : Elle eftoit fem- me de Simon de Corbeil , fils de Ferry , ou Frederic de Cor- beil , & de Berthe fa femme ; & ledit Ferry eftoit frere de Pierre de Corbeil Archeuefque de Sens , lequel par ce moyen eftoit grand Oncle de noftre Euefque de Paris Regnault, fils d'Alix , que nous auons cy- deffus dit auoir donné l'Ef- charpe & le Bourdon de Pelerin à Saint Louis. Cêt Eucf- que Regnault gift en l'Eglife de Saint Victor lez Paris , en la Chapelle qui eft derriere le Choeur à main droite , fon Epitaphe cft grauée fur vne lame de cuiure en pagne , octroya de grands Pardons à tous ceux qui iroient faire leurs deuotions en cette Chapelle ; la fondation de laquel- le eft de l'an mil deux cens foixante & vn. Du temps que Saint Louis feiournoit à Corbeil , Iacques Roy d'Arragon vint l'y trouuer , pour compofer auec luy des differens qu'ils auoient enfemble, & parler du mariage de leurs enfans. Le Roy lac- ques eftoit vn excellent Prince , qui auoit chaffé les Sarrafins hors des Ifles de Maiorque & Minorque, & auoit conquis fur eux le Royaume de Valence ; auffi fut-il reçeu fauorablement, & obtint la liberation & deliurance de la foy & hommage que les Rois d'Arragon deuoient faire aux Rois de France , à cauſe des Seigneuries de Catalogne & Barcelone. Le Roy lacques de fa part remit és mains de Saint Louis la ville de Mont- pelier, & autres places qu'il poffedoit en Languedoc , & fur ces conuentions fut conclu le mariage de fa fille auec Philip- pes le Hardy fils aifné du Roy Saint Louis ; ce mariage fut celebré deux ans apres en la ville de Clermont en Auuer- gne. mes. • Yij ces ter172 Antiquitez, de la ville de Corbeil, Difcite mortales fortis memoranda fuprema L'année de fon decés me ſemble mal affignée en l'an mil deux cens cinquante-huit, d'autant que l'ay veû dans le Car- tulaire de Saint Spire vne donation par luy faite au Chapitre de Saint Spire, d'vne Maiſon fize en la grande rue attenant à la Porte du Cloiftre , dite le Preffoir , par luy leguée à ladite Eglife, à la charge d'vn Seruice annuel pour le foulagement de l'ame de fon frere Pierre de Corbeil , en fon viuant Chanoine en l'Eglife de Noftre Dame de Paris ; & cette donation eſt dattée de l'an mil deux cens foixante & quatre : elle eſt ſuiuie de la ratification de Millon , & d'Edeline de Corbeil , fon frere &fa fœur , qui eft dattée de la meſmeannée. Il y a grande apparence que ces perfonnes qui portoient le nom de Corbeil , eftoient defcendus de la race de Hemon de Corbeil par la branche de Baudoüin de Corbeil , lequel auec fes fils l'Abbé Iean , & Frederic , ont foufcrit à la Charte de la franchiſe du Cloiftre de Saint Spire , octroyée par Bouchart fecond du nom , & defquels Henry de France Abbé de Saint Spire, fait mention en fes Lettres , que nous auons rapportées en leur licu. Les Chartes & Martyrologes , tant de la ville que des villages de la Chaftellenie , fpeciallement celuy du Mona- ftere d'Yerre, font remplis de legs teftamentaires & fondations de feruices de ceux de ce nom & famille , lefquels ont ioüy & poffedé plufieurs Fiefs , Cenfiues , & heritages dans l'eften- due de la Chaftellenie de Corbeil , dont il refte des veftiges dans la Pancarte de la Reine Clemence ; car en icelle la veufue & les enfans d'vn Baudouin de Corbeil , font les pre- miers infcrits entré les vaffaux releuans leurs Fiefs du Comté de Corbeil. Cette Pancarta qui eft en la Chambre des Comp-. tes eft dattée de l'an mil trois cens foixante & dix-huit. Ce Fata quibus eft mors indita vita breuis Nobile Pontificum decus hac Reginaldus in vrna Occubat exili contumulatus humo. Parifiis quondam praful celeberrimus vrbis Fatali adfuperos forte vocatus obiit Quifquis ades fic tefragilem memorare viator. Mors eft certa, breuis gloria , vita nihil.Liure II. Chapitre VIII . 173 dernier Baudouin de Corbeil auoit vne fœur nommée Per- nelle de Corbeil , qui fut femme de Pierre de la Neufuille, Cheualier & Confeiller du Roy, auec lequel elle gift en l'E- glife de Saint Etienne des Grecs à Paris, fous vne belle Tom- be eflcuée au milieu de l'Eglife , fur laquelle ils font reprefentez: ils n'ont pas efté oubliez par tous ceuxqui ont efcrit des Antiqui- tez de Paris ; la datte de leur decés eft miſe en l'année mil trois cens quatre-vingts. Nous auons icy affemblé ce qui nous refte de la memoire de la famille de nos Comtes de Corbeil pour n'en faire plus de redites ; car tout ce qui eft fait & formé de terre ſe refout en pouffiere , & prend fin de quelque condition qu'il foit. L'excellence des perfonnes ny leur fainteté mefme ne leur donne aucun priuilege de pouuoir fe garantir de la mort ; auffi pouuons nous dire qu'elle fert aux gens de bien , vertueux & craignant Dieu , de pont & depaffage à vne vie plus heureufe, ainfi que nous croyons eftre aduenu au Roy Saint Louis lors qu'il deceda en Afrique , s'efforçant plus que fon âge & la dif- pofition de fon corps ne permettoit , pour acquerir à Dieu & à fon Eglife Chreftienne ces Nations Infidelles & infectées des erreurs de Mahomet ; ce fut en l'an de grace mil deux cens foixante & dix , la cinquante- fixiefme de ſa vie , & la quarante- quatriefme de fon Regne en France. Y iij174 Antiquitez dela ville de Corbeil, DE ALPHONCE COMTE DE CHAPITRE IX. mal party, ayant efpoufé Ieanne fille vnique & heritiere de Raymond cinquiefme du nom , Comte de Thou- louze , & de Sainte d'Arragon fes pere & mere ; car ils ont vef- cu & paffé leurs vies enſemble en grande concorde & amitié: ils tenoient volontiers compagnie à Saint Louis , & fe confor moient à fes humeurs , foit qu'il fuft queftion de s'employer à quelque œuure de pieté , foit qu'il s'agift de voyage ou entre- prife guerriere; foit qu'ils paffaffent le temps à diuers exercices, comme à la chaffe où ils alloient affez fouuent en la Foreſt de Sennart, où les Princeffes fe tenoient en la compagnie de la Reine Marguerite, qui ne pouuoit quitter de loin fon cher mary. Durant les chaleurs d'Efté , lors que les hommes couroient le Cerfou autre gibier , les Dames alloient fe repofer & rafref- chit és Prairies qui bordentla riuiere d'Yerre. Le païfage de ces lieux futfi agreable à la Comteffe de Poitiers, qu'elle yachepta la Maiſon & Seigneurie de Vaulx , fize furla pente d'vn coftau, qui defcend du village de Comb- la-ville fur ladite riuiere. La Comteffe s'affectionna fort en ce lieu , & prenoit grand plaifir d'y feiourner , encores quela folitude du lieu augmentaft en quel- que façon l'ennuy qu'elle auoit de fe voir filong- temps en ma- riage fans enfans. Pour fe diuertir de cette fafcheufe fantaific elle s'auifa de faire baſtir yn Monaftere prochefa Maiſon , & d'y Poitiers , de Leanne de Thoulouze fafemme, Fondateurs de l'Abbaie de Iarcy. AINT Louis & fes Freres ont reçeu cette faucur du Ciel, d'auoir efpoufé des femmes Nobles, fages , belles & gracieufes , qui ont pris plaifir à Le conformer aux humeurs de leurs maris. Al- phonce Comte de Poitiers ne fut pas le plusLiure II Chapitre IX. 175 mettre des filles , qui au deffaut d'enfant prendroient la peine de prier Dieu pour elle & fon mary apres leur decés. Le Comte Alphonce ne fut pas difficile à perfuader d'entreprendre cette œuure ; & fut bien aife de voir que fa femmeprenoit fon déduit à voir trauailler les Maffons & mancuures , qu'elle employoit à la conſtruction du baftiment qu'elle preparoit pour loger fes Religieufes. Le lieu eft nommé Iarcy, à demie lieuë de Vaulx, la riuiere entre deux ; rien ne fut efpargné pour rendre la Maifon commode & accomplie de logemens , aifances , iardinages , & cloftures neceffaires à vn Monaftere de filles , & fur tout d'vne belle Eglife dédiée à Dieu fous le nom de noftre Dame de Iarcy. Si toft que la Maiſon fut renduë logeable, elle fut remplie de filles Nobles & vertueufes,qui promirent de garder chafteté, pauureté & obedience fous la Reigle de Saint Auguftin. La Comteffe de Poitiers pour rendre l'Eglife plus venerable , fit diligence de recouurer le deuot Reliquaire d'vn bras de Saint Barthelemy, qu'elle fit enchaffer dans vn Criftal garny d'orfe- vrerie , & le fit placer en grande ceremonie en l'Eglife de No- ftre Dame de larcy ; & pour rendre le lieu plus frequenté & celebré , elle obtint du Roy Saint Louis fon beau- frere vndroit de Foire & Marché, à tenir chacun an deuant la Porte du Mo- naftere le vingt- quatricſme iour d'Aouft , iour dedié à la mc- moire de Saint Barthelemy. Comme ce Monastere s'acheminoit à la perfection noſtre Comteffe fut diuertie de fon occupation par l'entreprise que fit Saint Louis d'aller faire la guerreaux Mores d'Afrique . La Reine, fes fœurs & autres Dames de France , fe monstrerent courageu- fes , & voulurent eftre de la partie, afin de participer au bien & au mal de leurs maris, La Comteffe de Poitiers qui ne cedoit à perfonne , en ce qui estoit d'aymer & affectionner fon mary, -ne futpoint pareffeufe à mettre ordre à fon equipage, & à par- tir de la maiſon pour s'en aller embarquer fur mer. Si d'auen- ture l'allegreffe futgrande à l'aller , le deuil & pleurs multiplic- fent auretour , à cauſe du miſerable accident de maladies Epi- demiques & contagieufes , qui firent vn carnage efpouuantable en l'armée Chreftienne , fans efpargner petits ny, grands , qui curent l'Affrique pour Cymetiere. Apres le decés du Roy Saint Louis,te refte des François fut delgagé par Charles d'Anjou quietsirgorg176 Antiquitezdelaville de Corbeil, ceans. Elle deceda l'an mil deux cens foixante & dix , fes armes my- parties auec celles de fon mary, eftoient femées de France, partic de gueules , chargées de fix Chafteaux d'or ouuerts ; la partie ſe- neftre eftoit àla Croix vuidée & pomelée d'or à douzepieces en champ de gueules , qui eft Thoulouze . Hic iacet omnimoda virtute polens Odda de Iarcy, prima genitrix & Paftor optima nunquam dedignans fubiici , fponte refignans, infundens mores, aluit docuitque forores, Stirpe fuit clara quia Chrifto cara nunc in eius fuauißima pace quiefcit, anno 1294. Roy de Sicile , & chacun taſcha de regagner fon foyer: ce qui nefut pas permis à tous ; car le Comte Alphonce de Poitiers & Ieanne de Thoulouze fa femmefurent atteints de la diffenterie enla ville de Cornette en Toſcane : autres difent à Armafingues en Prouence, ce qui femble plus vray-femblable. En ces lieux deftournez & efloignez de fecours , ils ne trouuerent aucun ſou- lagement à leurs infirmitez . La Comteffe fit fon Teftament, où elle cut fouuenance & memoire de fes Religieufes de Iarcy, & efleut fa fepulture en leur Eglife. Et afin que cette fienne Or- donnance fuft mieux executée , elle legua là terre & Seigneurie de Vaulx à Geofroy du Pleffis fon Secretaire, à la charge d'a- uoir foin de faire porter fon corps au lieu où elle auoit eſleu fa fepulture, & l'y faire enfeuelir ainfi qu'il appartenoit à ſa qua- lité ; ce que Geofroy accomplit fidellement, comme l'on peut voir par vn Tombeau de Marbre blanc de la Comteffe , qui cft placé au milieu du Chœur de l'Eglife de Iarcy , auec cét éloge. Cy gift le corps de haute & Puiſſante Dame Leanne Comteſſe de Thoulouze & de Poitiers, efpoufe de Haut & Puiſſant Prince Monfeigneur Alphoncefrere du Roy Saint Louis , Fondateurs de Le Choeur de l'Eglife de Iarcy eft paué de grandes pierres de Lyerre, fous lefquelles font enterrées plufieurs Abbeffes de Iarcy ; la premiere & plus proche de la porte a cette inſcri- ption. Cet Epitaphe me fait foupçonner qu'Oddes eftoit Dame proprietaireLiure II. Chapitre IX. 177 MARGVERITE, veufue de Saint Louis , & du Roy Philippes le Hardy fon fils. CHAPITRE A Reine Marguerite eftoit fille de Raymond Beranger Comte de Prouence , & de Beatrix de Sauoye , fille de Thomas Comte deMoriene, & Prince de Piémont. Ledit Raymond eftoit petit fils d'Alphoncefecond, Roy d'Arragon , en la famille duquel la Prouence eftoit efcheue par le mariage de Raymond Arnoüil , Comte de Barcelone & de Catalogne, auec Dame Doulce fille de Gilbertpremier du nom, Comte de Pro- uence Cette Prouince . eft demeurée plus de fix vingts ans en la Maifon de Catologne & d'Arragon , iufques à ce que Ray- mond Beranger fut expulfé par les fubjets , & fe retira prés d'A- medée Comte de Sauoye , fon beau-frere , auparauant que cela proprietaire de Larcy , &qu'elle eftant fille deuote elle eut accés à la Comteffe de Poitiers , & luy offrit fon heritage pour y baftir ce Monaftere, où elle fe retira auec les autres Religieufes, qui l'accepterent pour leur Abbeffe. Ce qui m'induit dauantage à mettre en auant que Dame Odde eftoit proprietaire de la terre de larcy, fur laquelle l'Abbaie a efté conftruite & baſtie; c'eft qu'és Lettres du Roy Philippes le Hardy, qui contiennent l'amortiffement des terres & autres biens donnez par la Com- teffe de Poitiers , pour la fondation de ce Monaftere , il n'eft point parlé de la terre de Iarcy. Ꮓ Auant que mettre fin à ce Chapitre , l'on fera auerty que Roüillart en fon Hiftoire de Melun a pris Iarcy pour le lars , & fans raiſon l'a voulu attribuer à Melun , car il eft de la Chaſtel- lenie de Corbeil ; y vient fans contradiction refpondre , & y porte les appellations de la Iuftice. DE LA REINE X.178 Antiquitez dela ville de Corbeil, arriua, & en l'année 1234. il auoit marié fa fille aifnée auec le Roy Saint Louis. L'humeur douce & paiſible de l'vn & de l'autre les lia enfemble d'vn amour indiffoluble. En ce com mencement la Reine Blanche entra comme en ialoufie de leurs amours ; mais la Reine Marguerite portant patiemment cette contradiction , cela luy rendit fon mary plus affectionné. Ce trouble fut cauſe que la Reine Marguerite fuiuit toufiours fon efpoux en les voyages de la Paleſtine & d'Affrique , efquels elle fe gou uerna tres - fage- ment & difcretement. Par fon Contract de Mariage on luy auoit affigné fon douair efur les villes du Mans , Mortagne , Chateau- neuf, & terres circonuoifines. Depuis en l'année mil deux cens foixante, Saint Louis voulant augmenter l'Appanage de fon frere Charles d'Ajnou , il luy donna la ville & Comté du Mans, & autres terres fur lefquelles la Reine Marguerite auoit fon doüaire affigné, c'eft pourquoy il luy conuint donner vne nouuelle affignation, qui fut fur les Comtezde Corbeil , de la Ferté- Aleps, Dourdan , Poiffy , Melun , Vernon , Pontoife & leurs dépendan- ces ; ainfi elle a efté la quatriefme Reine de France qui a icüy de Corbeil à tiltre de doüaire. En fon temps le Prieur de Noftre Dame d'Effonne , affifté de l'Abbé de Saint Denis , efmeut vn grand procés pour la luftice d'Effonne , fur lequel il interuint Arreft du Parlement au mois de Decembre l'an 1277. Par iceluy il fut dit que le Prieur d'Ef- fonne auoit tout droit de Iuftice dans le Bourg d'Effonne , & qu'il pourroit efleuer des Fourches patibulaires fur fon territoire. Et quant aux maifons, terres & heritages dépendans dudit Prieuré fiz hors du Bourg d'Effonne , le Prieur auroit droit de baffe lu- ftice feulement ; au furplus qu'au Roy & à la Reine Doüairiere appartenoit la Iuftice fur les grands chemins, & la Voirie dudit territoire. Ce que l'ay voulu remarquer , d'autant que ces deux dernieres claufes font obmifes & tronquées és coppies & Vidi- mus, que le Prieur d'Effonne en produit. Il fetrouue encores d'autres Lettres d'vne fondation de la mef- me année 1277. faite par le RoyPhilippes , d'vne Chapelle baftie dans l'Eglife d'Effonne , où il eftablit vn Chapelain qui auroit foin de prier Dieu pour l'ame du Prince Alphonce fon Oncle, pour fon falaire il luy affigna douze liures parifis de rente, à prendre fur le Domaine de la ville de Melun, qui fe payent en- &Liure II . Chapitre X 179 cores à prefent au Prieur d'Effonne , fans qu'il face faire aucune priere pour le Prince Alphonce. Et puifque nous fommes entrez fi auant fur le fait du Prieuré d'Effonne , il fera à propos de rapporter ce que nous en auons appris ; l'on nous a dit qu'il auoit commencé d'eftre baſty par vne Chapelle que le Roy Clotaire y auoit fait conftruire, en me- moire d'vne victoire qu'il auoit obtenue en ce lieu fur les Alle- mans, &pourfa dotation il auoit donné le Bourg d'Effonne ; & que cette donation auoit efté confirmée par Clouis fecond ; & que durant les guerres Ciuiles efmeuës entre les Maires du Palais, des derniers Rois des Merouingiens , le Comte de Paris s'eftoit emparé de la Seigneurie d'Effonne, & en auoit fait vn Fief mi- litaire , iufques à ce quele Roy Pepin, à la recommandation de fon frere Carloman, Moyne de l'Ordre Saint Benoiſt, il retira la Seigneurie d'Effonne des mains de Rancon Comte de Paris, & la reftitua à l'Eglife de Saint Denis. Les Prieurs d'Effonne en ontdeux Lettres, non entierement conformes , combien qu'elles foient depareille datte , feau &fignature , deliurée l'année quin- ziefme du Roy Pepin, & expediées à Orleans. La feule diffe- rence eft qu'en l'vne d'icelles il eſt parlé de la victoire de Clo- taire &de la Chapelle, en l'autre il n'en parle point, le reste des paroles eft affez femblable & conforme ; ce qui me fait foup- çonner que la premiere Lettre a efté fabriquée par quelque Moynequi ne fçachant l'Hiftoire qu'à demy, s'eftoit aduancé de parler d'vne victoire au lieu où Clotaire fut vaincu par fon Neueu Theodoric Roy d'Auftrafic , qui s'eftendoit en la partie d'Allemagne qui auoifine le Rhin. Par l'auantage de cette vi- ctoire Theodoric ofta à fon Oncle Clotaire les deux tiers de fon Royaume, & ne luy laiffa que le Duché d'Antelin. Ily en a qui difent qu'il ne luy ofta que ce Duché d'Antelin , conſiſtant en douze Comtez , fituez entre les riuieres de Seine , Marne & Somme. Quelques autres plus aduifez n'ayans pas trouué cette Lettre conforme à la verité de l'Hiftoire , ont compofé cette fe- conde Lettre, fondéefur la pieté de Pepin, & fa deuotion enuers Saint Denis Patron des Rois de France ; ils ont inferé en cette feconde Lettre que la reftitution de la Seigneurie d'Effonne fut faite par le Roy Pepin , pour conuier les Religieux de l'Abbaïc Saint Denis à prier Dieu pour la remiffion de fes pechez , & Zij180 Antiquitez de laVille de Corbeil, pour le foulagement de l'ame de fon frere Carloman fors: decedé. Frere lacques Doublet a compris cette derniere Lettre entre Les Chartes de l'Abbaïe de Saint Denis ; il raconte en fon Hi- ftoire que Sugger Abbé de Saint Denis, ayant eſté aduerty qu'au deffus du Bourg d'Effonne il y auoit vne butte , fur laquelle les Bergers auoient de couftume de s'affembler , pendant que leur beftial paiffoit en la campagne voifine , & que de nuit il appa- roiffoit des brandons de feu voletans autour de cette butte ; il prefuma que cela nefe faifoitpoint fans quelque myftere, à cau– fe dequoy il fit foüiller en cette butte , où il s'y trouua vne voûte en forme d'Oratoire ou Chapelle, à Fouuerture de laquelle il en fortit des odeurs fuaues &gracieufes ; le lieu parut venerable. La nouuelle de cette defcouuerte fut publiée par tout le voisinage, & incontinent il fe fit vn grand- concours de peuples qui vin- drent y faire leurs prieres & offrandes , & s'y fit des miracles ; ce qui porta l'Abbé Sugger d'y faire baftir vneEglife , qu'il dédia à Dieu fous le nom de la Vierge Marie, & baftit des logemens autour de cette Eglife , pour y loger douze Religieux, qu'il fit ve- nir du Monaftere de Saint Denis , & les eftablit en ce Prieuré, qu'ilappella noftreDame des Champs fur Effonne , ainfi que nous auons dit en la vie du Comte Oddes : cela eft efcrit plus au long en la Vie de l'Abbé Sugger , compofée par le Moine Guillaume fous le nom dudit Abbé. Pour le prefent l'Eglife & la Maiſon font affez defolées , il y a feulement vn Preftre pour y dire la Meffe les Festes & Dimanches. Pourreuenir au temps que la Reine Marguerite iouïffoit de Corbeil; Iean de Villiers GrandMaistre des Cheualiers , Hofpi- taliers de Saint Ican de Ierufalem , ayant bien confideré la Mai- fon de Saint lean en lle, il reconnût que le lieu eftoit fort propre pour y faire les affemblées de fes Cheualiers : il fit baftir cette grande Salle , que l'on appelle le Palais , ioignant au Cloi- ftre & Dortoir des Religieux ; ce baftiment fut fait durant le Regne dePhilippes troifiefme , furnommé le Hardy, à cauſe de fa proüeffe &valeur , defquelles il auoit rendu des preuues, tant en Affrique contre les Infidelles , qu'en Espagne contreles Ara- gonois ; il eftoit le fils aifné de Saint Louis & de Marguerite de Prouence, par la fucceffion defquels il augmenta le Domaine deLiure II. Chapitre X. 181 la Couronne de France de la Comté de Thoulouze , & autres grandes Seigneuries en Gascogne & Languedoc. Auffi nous trouuons qu'il honnora fa memoire , & celle de Icanne de Thou- louze fa femme , en affiftant ces bonnes filles de larcy ; car comme elles fe fuffent plaint à luy de ce qu'elles cftoient trou- blées en la iouïffance des heritages que le Comte de Poitiers & fa femme leur auoient donnez pour fubuenir à leurs neceffi- tez, il leur affigna cinq cens liures de rente à prendre dans les coffres defon Efpargne, iufques à ce que l'on cuft fatisfait à feur fondation. Par fes Lettres il declare auoir fait cette cha- rité en memoire de fon Pere Saint Louis , de fa femme Ifabel. d'Arragon, de fon Oncle , & de fa Tante de Poitiers ; & qu'en leur confideration il amortiffoit tous les heritages qui auoient efté donnez où leguez au Monaftere de Iarcy. Ces Lettres font de l'année 1272. eftant à Corbeil au mois de Feurier . Au mefme temps il confirma pareillement la fondation de l'Abbaïe du Lys prés de Melun , & amortit la terre de Chaintreaux , & au tres biens dcliffez à ce Monaftere par fes predeceffeurs , ainfi que i'ay appris de Dame Charlotte de Cluys , Abbeffe de ce Monaftere, qui m'en a communiqué les Tiltres . Pour preuue de la charité du Roy Philippes , nous adioufterons ce quele fieur Chaftel enfes Memoires du Languedoc, dit ; qu'és Archiues de l'Eglife Saint Etienne de Thoulouze , il y a vne Ordonnanceappellée la Philippine, par laquelle il donne toutes fortes de droits de Iuftice à l'Archeuefque & à fon Eglife és terres qui leur appartiennent, & que cette conceffion fut pafféc en l'Hofpital de Corbeil , l'an 1279. & le Roy deceda à Perpi- gnan l'an de noftre Salut 1286. defon âge le quarantedeuxieme, de fon Regne le quinzicfme. La Reine Marguerite fonda vne Chapelle en l'Eglife de Noftre Dame de Corbeil , pour faire prier Dieu pourfon mary, & pour fon fils deffuncts. Et en l'an- née fuiuante Philippes le Bel fon petit fils confirma cette dona- tion. Enoutre amortit au profit des Religieufes de Saint Antoine la terre de Chalandray , qui leur auoit cfté leguée par Iean Ac- quiert , & par Perrette, veufue de Pierre deMontgeron, enſemble le Fief de Grate-peau , fiz au village de Lieu-faint , auec le tiers de la Difme de la Paroiffe de Saint Germain du Vieil Corbeil. La Reine Margueritefurucfcut Saint Louis fon mary l'espace de Z iij182 Antiquitez dela ville deCorbeil, vingt- cinq ans , & deceda l'an 1295. eftant lors logée au Mona- ftere des Cordelieres S. Marceau lez Paris , qu'elle auoit dottez, & fait baftir leur Monaftere ; mais felon l'Ordonnance de fon Teftament elle fut portée en l'Abbaïe de Saint Denis , & in- humée prés de fon mary , où l'on void fes Armes my-parties de France & de Prouence, ou pluftoft d'Arragon , fçauoir d'or à trois pals de gueules. DV ROY PHILIPPES LE BEL, Charles de Valois fonfrere. Nous auons cy- deuant parlé dudit Edmond, & rapporté que Theuet en fa Cofinographic, auoit mis en auant que ce pouuoit eftre celuy qui gift en l'Eglife de Saint Spire , encores qu'il en ait parlé comme d'vne chofe où il y auoit peu d'apparence ; les fieurs de Sainte- Marthe ont releué fon opinion en defduiſant la Genealogie d'Arthois , fe fondans à ce qu'ils m'ont dit de ce qu'en la Carte Genealogique des Comtes de Champagne , ap- CHAPITRE XI. V mariage de Philippes le Hardy , & d'Ifabelle d'Arragon font fortis deux fils ; Philippes le Bel , & Charles de Valois , l'aiſné fut marié l'an 1284. à Icanne fille vnique & heritiere du Roy Henry de Nauarre , Comte de Bric & Champagne, & de Blanche d'Arthois fes perc & merc. Cette Blanche apres la mort de fon mary conuola en fecondes Nopces auec Edmond le Boffu , Comte de Lanclaftre, qui portoit pour fa deuife la Roze rouge, de la race duquel par Blanche fille de fon fils Henry eft fortie la famille des Lancla- ftres , qui a fi long-temps querellé la Couronne d'Angleterre contre ceux de la Maifon d'Yorc , portans la Roze blanche , def- cenduë d'Edouard premier , qui fut frere dudit Edmond , I'vn & l'autre fils de Henry troifiefme, & d'Eleonor de Prouence, ſœur de la Reine Marguerite femme du Roy Saint Louis,Liure II . Chapitre X1. 183 pofée à la fin des Couftumes du Baillage de Troye, commentée par le fieur Pithou , cela y eft adioufte , car il n'eſt point en la Carte appliqué à fon Hiftoire de Champagne. Il n'eft point de befoin de grands difcours pour refuter cette opinion , il fuffit de lire l'infcription qui eft autour de la Tombe d'Hemon de Cor- beil; par icelle l'on peut connoiftre qu'il y auoit plus de 400. ans qu'Hemoneftoit enfeuely en l'Eglife S. Spire , lors qu'Edmond d'Angleterre nafquit ; cela fe verifie par les Chartes d'icelle Eglife Saint Spire , mefmement par celles que nous auons cy- deuant rapportées : auffi les ficurs de Sainte- Marte le font de- partis de cette opinion , & l'ont fupprimée és feconde & tierce edition de leur Hiftoire. Laiffant ces conteftations i'ay remarqué que dedans le Cartu- laire de Noftre Dame il y a vn bon reglement pour les Chanoi- nes & Chapelains de leur Eglife , fait par Simon Matifas de Buffi Euefque de Paris , faifant fa vifite aux Octaues de l'Epi- phanie l'an 1297. en icelle ie trouue que la Preuofté de Corbeil eftoit lors exercée par Maitre Ican de Corbeil l'yn des furjons de nos anciens Comtes. Enuiron ce temps- là le Seigneur de Marigny Sur-intendant des Finances , paffa à Corbeil , & fe fit payer des droits des Francs- Fiefs & nouueaux acquefts , fes quit- tances font inferées dans le Cartulaire dudit Chapitre Noſtre Dame , & font dattées de l'an 1301. l'ay appris des Flamans que ce fut à Corbeil que Guy Dam- pierre Comte de Flandres & fa fille , furent retenus & mis en arreft fur le fujet de l'Alliance & mariage qu'ils auoient contra- &tez auec Edouard Roy d'Angleterre. Le Roy de France aducr- ty de leurs traictez & confpirations , fit femblant de n'en rien fçauoir , & fit entendre au Comte de Flandres qu'il feroit bien aife de voir fa Filiole auant qu'elle paffaft la mer. Le Comte Guyamena fa fille Philippe à Corbeil , où le Roy feiournoit ; le Comte fut logé au Chafteau, & la fille fut mife entre les mains de la Reinepour eftre nourrie auecfes enfans , iufques à ce que l'on cuft aduifé de fon mariage . Le Comte eftoit en arreft gra- cieux , & luy eftoit permis d'aller à la Chaffe quand bon luy fembloit ; cela luy donna la commodité de fe retirer en Flan- dres , où cftant paruenu il ne voulut prendre aucune excufe en payement, ny fe contenter d'aucun party qui luy fuft propofé:184 Antiquitez de la ville de Corbeil, il s'oppiniaftra à vouloir prendre vangeance de l'afront qui luy auoit efté fait, & fufcita vne longue & furieufe guerre , par la- quelle fes païs & fes fubjets furent ruinez , & fit beaucoup de maux en France. Sa fille fymbolifant à l'humeur de fon pere fe monftra fi reuefche & farouche , & fut fi transportée de def- pit de le voir priuée de la Couronne d'Angleterre, qu'elle en mourut de regret, quelque doux & humain traitement qu'elle reçcuft de la Reine de France. Les Flamans pour faire trouuer l'acte plus mauuais ont couché dansleurs efcrits qu'elle auoit efté empoisonnée; autres qu'elle auoit efté noyée auecfa Damoifelle en la riuiere de Seine , tous difcours non veritables ; leurs façons d'efcrire auec tant de paffion diminuë la croyance de ce qu'ils racontent de la mort du Roy Philippes le Bel ; que le Roy eftant allé à la chaffe , il rencontra vn Cerf qui vint la tefte bef- fée contre luy, & de fes cornes le porta contre vn cheſne de fi grande.roideur qu'il tomba par terre griefuement bleſſé au cœur; Les Veneurs eftonnez de cét accident leuerent le Roy , & le porterent à Fontainebleau , où il deceda. En fuitte ils ont voulu attribuer ce mal- heur à la Iuftice diuine , à caufe de l'iniure faite au Pape Boniface ; Ils y rapportent encores tous les mal- heurs defquels le Roy & fes enfans ont efté trauerfez & affligez. Pour refpondre à ces médifances , ie leur dis que quand il feroit vray que le Roy cuft efté bleffé à la Chaffe, veû l'accident ar- riué à Marie de Bourgongne leur Princeffe , qui eftant enceinte &groffe d'enfant, oſa bien aller à la chaffe, montéeſur Haultbin ardent , qui la ietta morte par terre. Meier & ceux de ſa ſuitte deuroient auoir honte de reprocher l'accident arriué au Roy ( s'il eft ainfi qu'ils difent, car nos Hiftoriens n'en demeurent pas d'accort ) veûque Dieu luy fit plus de grace qu'à leur Comtelle; car le Roy vint mourir en fon lit , affifte de fa femme & de fes enfans , eſtant ſain d'entendement ; il eut du temps pour fatis- faire à fon deuoir d'vn fidelle Chreftien , & y fatisfit ſelon fon pouuoir. Quant à la querelle qu'il auoit euë auec le Pape, il n'y alloit point de la Religion , mais de la Seigneurie de la terre ; & fi l'on met à part la perfonnede Boniface, il fe trouuera que les Papes contemporains l'ont reconnû & reffenty fi affectionné à leur bien & honneur , que luy regnant ils font venus faire leur retraitte en France, contre la violance des Empereurs d'Alle- magne,Liure II. Chapitre XI. 185 CLEMENCE, CHAPITRE magne, les rebellions du peuple Romain , & des factions des Italiens. Son frere Charles de Valois a fait part à Corbeil de l'honneur & de la gloire qu'il a acquife au monde, ayant celebré fon mariage en cette ville auec Marguerite fille de Charles le Boiteux , Roy de Sicile , & de Marguerite de Hongrie. De ce mariagefont fortis par degrez fucceffifs treize Rois de France, qui ont regné l'efpace de deux cens foixante & tant d'années. Quant à luy il paffa vnegrande partie de fa vie à faire la guerre en Italie : l'Hiftoire de ce païs eft toute remplie de ce qu'il y a fait , tant comme Lieutenant general de l'Etat Ecclefiaftique, que comme Gouuerneur de la Republique de Florence , & au- tres emplois que ie laiffe à rapporter à ceux qui ont entrepris l'Hiftoire des Princes de la Maifon de Valois. E Roy Philippes le Bel , de Ieanne Reine de Nauarre fa femme, a eu trois fils , qui ont regné fucceffiuement en France. Apres le decés de fa femme il confera la Couronne de Nauarre à fon fils aifné Louis Hutin ; & donna àſon ſecond fils Philippes le Long les Comtez de Poitiers & de Corbeil en Appanage : il faifoit volontiers fa retraitte à Corbeil, afin de ne s'efloigner dela Cour de fon pere. Du Tillet & autres ont remarqué que la folemnité de fes nopces aucc Icanne fille d'Othelin Comte de Bourgongne, fut faite à Cor- beil ; & nous trouuons par nos Chartes que fa femme vint faire Les premieres couches à Corbeil , d'vne fille qui fut nommée Ieanne , & depuis mariée à Eudes Duc de Bourgongne ; elle fut baptifée en l'Eglife Saint lacques aux faux- bourgs . Cette Eglife auoit appartenu aux Cheualiers Templiers , que le Roy Philip- DE LA REINE veufue du Roy Louis Hutin, & du Roy Philippes XII. Aa le Long.186 Antiquitezdela ville de Corbeil, pes le Bel auoit exterminez ; & par la faueur de Philippes le Long elle fut donnée aux habitans dudit faux- bourg. La Com- teffe leanne y accoucha depuis d'yn fils qui fut nommé Louis: En faueur de la naiffance Philippes le Long remit & quitta aux habitans de Corbeil , la moitié du droit de mefurage de leurs grains qu'ils vendroient, en forte qu'ils ne payeroient plus qu'vn boiffeau pour chacun feptier de grain ; ce petit Prince Louis vefcut peu de iours. Puifque la naiffance de fa fœur Ieanne eft arriuée à Corbeil, & quenous la pouuons reclamer comme noſtre Citoyenne; ie m'auanceray de dire qu'elle porta en mariage les Comtez d'Arthois & de la Franche Comté de Bourgongne ; fa ligne directe finiffant à fon petit fils Philippes de Bourgongne decedé fans enfans ; ces deux Comtez efcheurent à fa foeur Mar- guerite, femmede Louis de Creffi Comte de Flandres , qui par ce moyen reincorpora le païs d'Arthois auec la Flandre , & on- ques depuis n'en a efté feparé ny dis- joint. l'ay trouué dans vn ancien Legendaire , pofé fur vn pillier, & enfermé dans vn treillis de fer ( qu'ils appellent Eftre ) fiz à cofté gauche du Maiſtre Autel de l'Eglife de Noftre Dame de Corbeil , que du temps de Philippes le Long, le bon vieillard Godefroy du Pleffis ( qui en fa icuneffe auoit efté Secretaire de la Comteffe de Thoulouze ) fit refaire la Châffe de Saint Spire, & obtint de Rome degrands Pardons pour ceux qui viendroient en pelerinage en cette Eglife. En fouuenance de fes anciens Maistre & Maiftreffe , il fit femer le faifte de cette Châffe de Fleurs- de- Lys , & de Chasteaux d'or ; & à l'entour d'icelle l'on attacha des Images d'argent doré en nombre de douze , entre lefquelles il y en a quatre plus grandes que les autres ; fpeciale- ment vne qui eft plus maffiue & pefante , qui a deux efcuffons à fes coftez, & trois à fes pieds , lefquels font my-partis de France & de Hongrie , qui eft à fix faces d'argent & de gueules, par où il apparoift que c'eft l'image de la Reine Clemence , non pás d'Adelle de Champagne , femme du Roy Louis le Ieunc; Encores moins d'Adelle de Sauoye femme de Louis le Gros. Dauantage , il eft efcrit és lettres de ladite Tranflation , Cor- pora SS. Exupery & Lupi propter indigentiam facultatum fatis humiliter confepulta in Capfas honeftiores Tranflata . Si ces Images d'argent doré cuffent efté mifes à ladite Châffe parLiure 11. Chapitre XII. 187 la Reine Adelle , l'on n'euft pas efcrit que les corps euffent trouué des pauures ; par ainfi il eft à croire que ç'a cfté du temps de la Reine Clemence que ces Images ont eſté atta chées à la Châffe de Saint Spire ; auffi qu'elles portent fes Ar- moiries. Elle eftoit fille de Charles Martel Roy , de Hongrie , & de Clemence de Hafbourg, & fut par eux mariée au Roy Louis Hutin, aprés le decés duquel entr'autres terres & heritages que le Roy Philippes le Long luy fit deliurer pour fon doüaire , la Comté de Corbeily fut comprife. Cette Tranflationde Châffe fut faite par Girard Euefque de Soiffons , &par l'Abbé de Saint Magloire, par la permiffion de Guillaume Euefque de Paris; ( que le vieil Legendaire appelle Droüillart ) les Lettres en font dattées du treiziefme May, l'an 1317. Il eft certifié par ces Lettres que tous les offemens de Saint Spire furent trouuez dans la Ĉhâſſe ancienne auec ceux de Saint Loup , qui en furent ſepa- rez & mis dedans vne autre Châffe à part. Pour les Reliques de Saint Spire elles furent enclofes dans vne grande & magnifique Châffe couuerte d'argent doré , telle qu'on la void encores à prefent. Les Reliques de S. Loup furent mifes dans vne Châffe de laitton doré , & figuré de perfonnages à plate boſſe , auec quantité d'efcuffons que ie n'ay peu defchiffrer. On la pofe or- dinairement fur le rabat d'vne feneftre du Choeur, àmain droite du Maiſtre Hoſtel de l'Eglife de Saint Spire. Le iour de cette Tranflation il s'yfit tant de miracles, qu'il en eft demeuré celebre à la pofterité , par la multitude du peuple qui depuis a de cou- ftume d'en venir celebrer la memoire le Dimanche desRogations, auquel iour Dieu fait paroiftre les effets de fa mifericorde en la guerifon des maladies , qui s'operent par l'interceffion de Saint Spire, heureux Confeffeur du nom de IESVS-CHRIST. Commeles affaires du mondefont meflées d'aiſe & defaſche- rie , de ris & de pleurs ; la Reine Clemence fix mois apres le de- cés du Roy Louis Hutin , accoucha d'vn fils nommé lean , mais l'ennuy & la fafcherie qu'elle auoit prife de la mort de fon mary furent caufe qu'il ne peût fupporter la clarté du iour , & perdit la vie incontinent apres fa naiffance. Parfon decés la Loy Sali- que fit ouuerture , & donna paffage à Philippes le Long pour luy fucceder à la Royauté : luy , víant du benefice de la Loy, comme vn bon & iufte Prince , conferua les droits de fa Nicce des Saints Aa ij188 Antiquitez de la ville de Corbeil, Ieanne , fille de Louis Hutin , tant au Royaume de Nauarre, qu'és Comtez de Brie & Champagne , procedans du coſté de fon ayeule , & la donna en mariage à Philippes d'Evreux Prince du Sang Royal ; car il eftoit fils de Louis , fils de Philippes le Hardy, & de Marie de Brabant. Ledit Louis auoit cu pour Apa- nage quinze mil liures de rente en fonds de terre , par affiette, fur les Comtez d'Evreux , Gien , Eftampes , & la Ferté- Aleps; il estoit encores voifin de Corbeil d'vn autre coſté , car car de mere Marguerite d'Arthois il eftoit Seigneur de Bric- Comte- Robert. La pieté de Philippes d'Evreux merite que ie la remette au iour afin que la memoire ne s'en perde ; c'eſt qu'il fut fi bon François , & amateur du repos de fon païs , qu'il ayma mieux quitter les droits qui luy appartenoient à caufe de fa femme és Comtez de Brie & Champagne , que de troubler la France , & employa toutes les forces à la deffendre contre les Anglois. Pareillement l'amour coniugal de fa femme Ieanne de France, eft digne d'eftre fouuent renouuellée , en ce qu'apres auoir ren- du les deuoirs d'humanité à fon cher cfpoux , elle retint fon cœur par deuers elle bien embaumé, & enclos dans vn excellent criſtal, & le garda tant qu'elle vefcut à fon Oratoire. Et par fon Teftament elle ordonna que fon cœur fuft enfermé auec celuy de fon mary, & inhumé enſemble en l'Eglife des Iacobins de Paris. Pour retourner à noftre Reine Clemence , le Roy Philippes le Long fon beau-frere , luy affigna vingt- cinq mil liures de rente en fonds de terre pour fon doüaire, fur les Comtez de Corbeil, Melun, Moret , Nemours , Montargis , & autresterres du Gafti- nois , par fes Lettres de l'an treize cens dix-huit. En execution defquelles il vint des Commiffaires qui ventilerent tout ce qui regardoit le Domaine de Corbeil : ils en drefferent leur procés verbal , qui eft en la Chambre des Comptes à Paris. En iceluy font compris tous ceux qui releuent leurs Fiefs de la Comté de Corbeil; & les droits de Iuftice dont ils iouiffoient y font fpc- cifiez. Dutemps de la Reine Clemence , le Chapitre de Saint Spire voulut empefcher les habitans du village de Peray , &circonuoi- fins, de mener leurs beftiaux paistre és bois de Rougeau ; ils en par faLiure II. Chapitre XII. 189 fa auoient formé vne inftance deuant le Bailly de la Reine à Cor- beil ; mais ces Officiers venans à eftre fuprimez par mort, la caufe fut éuoquée en Parlement , où les Paroiffiens de Peray & leurs voisins furent maintenus en la poffeffion & liberté , de pouuoir mener leurs beftiaux en la Foreft , quand le bois taillis eft à la cinquiefme feuille , & non pluftoft ; cét Arreſt eſt de l'an mil trois cens trente. Depuis les mefmes habitans de Peray furent inquietez en leurs droits de pafturages , par les Maitres des Eaux & Forefts ; ils y furent maintenus par Lettres du Roy Charles huictiefme , de l'an mil quatre cens quatre vingts cinq - . L'humeur inquiete des François auoit efmeu les Officiers de la Reine contre le Prieur d'Effonne , qui fe deffendit courageufe- ment , & obtint contre eux deux Arrefts de la Cour de Parle- ment à Paris , les dixiefine Mars , & dixiefme Auril 1323. & les Religieufes de Saint Antoine lez Paris ont vne Sentence par elles obtenue aux grands iours tenus à Corbeil , par les Officiers de la Reine Clemence , du fixiefme May 1325. par icelles ils furent maintenus en l'exercice de la Iuftice de Chalandray . Par la datte de ces Arrefts & Sentence, il apparoift qu'elles ont efté données durant le Regne du Roy Charles le Bel , qui eftoit paruenu à la Couronne dés l'année 1322. De tous les enfans de Philippes le Bel il a efté le plus fage , iufte & prudent , encores qu'il n'aye pas efté plus heureux en femme, car il fut contraint de fe feparer de Leanne de Bourgongne fa premiere cfpouſe ; & la feconde deceda aux couches d'vn fils , qui luy tint compagnie autombeau ; il laiffa Ieanne d'Evreux fa derniere femme en- ceinte d'vne fille incapable de fucceder à la Royauté. Quant à la Reine Clemence elle deceda l'an de gracemil trois cens vingt-fix , où comme d'autres difent vingt- huict ; elle gift en l'Eglife du Conuent des Iacobins à Paris , fous vne tombe de Marbre blanc & noir , que Ieanne de Bourgongne fa belle- four , veufue du Roy Philippes le Long, luy fit efleuer & con- ftruire. A a iij190 Antiquitez dela ville deCorbeil, DV ROY PHILIPPES DE VALOIS, Leanne de Bourgongne fafemme. XIII. I Philippes de Valois cuft efté le premier qui auroit exclus les femmes de la fucceffion de la Couronne de France, il y auroit peut- eftre quel- que apparence aux vaines pretentions des An- glois , & aux difcours que leurs Efcriuains en auancent. Mais du viuant de ceux qui ont com- mencé à contefter contre la Loy Salique , elle auoit efté obfer- uée en la perfonne de Icanne fille vnique du Roy Louis Hutin; elle fut forclofe de la Couronne Royalle de France , non pas de celle de Nauarre. Philippes le Long auoit laiffé quatre filles & pas vne d'icelles ny leurs enfans , n'auoient point efté admis à la Couronne , encores qu'elles fuffent mariées à de grands Princes du Sang deFrance. Blanche fille de Charles le Bel, dernier de- cedé , n'y fut non plus admife que les autres. Toute- fois toutes ces femmes auoient plus de droit de quereller la fucceffion de leurs peres , qu'Edouard Roy d'Angleterre la fucceffion de fon Coufin , qui auoit laiffé vn enfant viuant. Outrecela Edoüard auoit luy mefme reconnû Philippes de Valois pour Roy legi- time, & luy auoit fait hommage de la Duché de Guyenne , & de la Comté de Poitou , l'an de grace 1330. au preiudice de la foy promife & iurée fept ans apres , à la perfuafion de Philippes Darteuelleil vint à fe charger du nom & des Armes de France. Les Anglois continuans toufiours en leurs vaines pretentions ont tiré ces lignes de ma plume , pour fonder la qualité de Roy en la perfonne de Philippes de Valois , le plus magnifique Roy qui ait regné en France ; & fi la trop grande prefomption de fa valeur ( que ie ne dife temerité trop familiere aux François ) ne luy cuft fait perdre quelque bataille , il meritoit d'eftre mis au nombre des plus excellens Rois de la Terre. Nous adiouſte- CHAPITRELiure II. Chapitre XIII. 191 rons ce mot à fa gloire , que les grandes guerres qu'il a foufte- nuëscontre les Anglois , pour l'honneur & la liberté de la Fran- ce, ne l'ont point empefché d'augmenter le Domaine de la Cou- ronne , de la Seigneurie du Dauphiné , qu'il acquit l'an de grace 1348. de l'année fuiuante ; il acquit auffi la ville de Montpellier, & le Comté de Rouffillon de Iacques Roy de Maiorque . L'on excu- ſera fi ie m'amuſe à faire ces remarques , n'ayant trouué aucune chofe à efcrire fur le fait de Corbeil , finon l'acte de l'eualuation du Domaine du Comté de Corbeil, à l'occafion de l'affignation du Douaire de Leanne de Bourgongne, femme du Roy Philippes de Valois , dont la teneur enfuit. Philippes par lagrace de Dieu Roy de France ; A nos Amez& Feaux Clercs, MaistreIean Desprez, & Nicolas Caillonet, Salut. Comme nous eußions iadis venans au gouuernement du Royaume de France, de noftre authorité &puissance Royalle , octroyé à no- ftre chere Compagne Ieanne de Bourgongne , Reine de France , en don de nopces , que l'on dit vulgairement Douaire, vingt-cinq mil liures de rente, pour lesquels nous luy baillafmes les Comtez d'Anjou , du Mayne, & de la Touraine , auec tous les droicts y appartenans ; enfemble tous les hommages , Iuftices hautes & baffes, Fiefs, forfaictures & autres droicts , en telle maniere que lefdites terres valoient plus de vingt-cinq mil liures de rente, à loyale prisée , faite felon la coustume du pais. Par deliberation de Confeil, Nous auons donné, baillé, & deliuré à noftre cher fils Iean de France, auec le Duché de Normandie, lesdites Comtez d'Anjou & du Mayne, pour lesquelles chofes ledit douaire pourroit eftre empefché au temps à venir. Etpour ce confideré le bon eftat, les grands biens, amour & loyauté que nous auons trouué en no- ftredite Compagne, lagrandeur de Nobleffe & lignage dont elle eft defcendue ; & que fi apres noftre decés elle nous furuit, il luy conuiendra tenir ungrand & conuenable eftat felon qu'il appar- tient à Reine de France ; Defirant quefi elle nous furuit elle ait fon douaire paisiblement fans trouble ny empefchement , Nous auons de noftre certaine fcience , plain pouuoir & authorité Royalle, donné & aßigné, baillé & deliuré à noftredite Compagne , en droit &caufe de douaire, vingt- cinq mil liures de rente , à valuë de terres fizes en Chafteaux , Villes , lieux , reuenus , rentes , appar- tenances, & efmolumens qui enfuiuent. Afauoir, Montargis,192 Antiquitez dela ville deCorbeil, · Loris en Gaftinois , Vitry aux Loges , Bois- commun, Chasteau- neuffur Loing, Corbeil, Fontainebleau , Moret , Samois , Yure le Chafteau , Flagi, Neufuille aux Loges ; enſemble nos Forefts de Pochoin, Chaumontois , de Biere , de Melun , de Montreau au cours d'Yonne , Pons fur Tonne, la Grange du nom , Choifi, Saint Florentin 9 Chafteau- Regnard , Villeragis , Champ, Ionuille en Beauffe , & la Terre de Villiers : Par ainfi que fi les rentes & reuenus defdits lieux & appartenances nefuffifent àfaire lefdits vingt-cinq mil liures de rente en terres, elles foient parfaites és lieux plus prochains des villes cy- deffus declarées ou ailleurs à moindre dommage pour nous , & au plus grandprofit de noftredite Compagne , en telle maniere qu'elle ait entierement lefdits vingt-cinq mil liures de rente & reuenu, fans mettre àprix les Chafteaux , Manoirs, & Maifons , ny le Pa- tronage &collation des Benefices des Eglifes que nous auons ef dites villes & lieux fufdits : Nous qui de vostre loyauté, fageſſe &difcretion nous fions plainement, vous mandons & commettons que vous vous transportiez enperfonne és villes & lieuxfufdits, & appeller bonnes gens à ce connoiffans , faites la prisée de toutes les rentes , reuenus , forests , Fiefs , Iuftices , Seigneuries , &tou- tes autres chofes que nous auons efdits lieux, & nous enuoyez & rapportezfealement fous vos Seaux en noftre Chambre des Comp- tes à Paris, pour examiner & en donner à noftredite Compagne tout contentement . Si donnons en mandement , &c. Donné en l'Abbaie de Long-pont , l'an mil trois cens trente & vn . Etpar vertu de ladite Commißion vinfmes à Corbeil le vingtiefme iour d'Auril l'an 1332. auquel iourfifmes appeller par deuant nous Iean le Mouftardier Preuoft de Corbeil, Pierre le Courant Receueur, Maiftre Robert Caillonet Chanoine de S. Spire, Eftienne le Mef- nager, Oudart le Bourguignon , Lean Moutier , Guillaume. Lefco- ret, Lean Berquet , tous demeurans à Çorbeil, auſquels comparans deuant nous , fifmes iurerfur les faintes Euangiles dedire verité, fur lesparties du reuenu du Domaine, dont nous leur reprefentaf- mes l'Acte qui auoit efté mis en nos mains par Maistre Aubert Bellot Receueur du Domaine de Paris , fur quoy ils demanderent iour d'auis , ce que nous leur octroyafmes à volonté, & apres. nous rapporterent tous d'un accord leur aduis fur la valeur des parties qui enfuiuent. ils PourLiure II. Chapitre XIII. 193 Pour les Exploits de ladite Preuofté & Chaftellenie , reffort & Amendes de foixante fols , & au deffous , deux cens quarante liures. Item, l'efcriture du Clerc au Preuoft, vingt liuresparifis. Item, la chaffe des Moulins de la Chaftellenie, quatre liures pari- fis. Item, à Noifi trois feptiers vne mine d'orge, prisé le feptier quatrefols, vallans en tout quatorzefols. Item, le Peage de l'Ar- che de Corbeil , quatre cens liures . Item, la coustume du Cuir tanné, &fouliers de vache , foixante fols. Item, le Peage par terre,quatre- vingts liures , l'arrinage de l'eau vingt liures. Item, les menus cens , quatorze liures. Item, les Lots & Ventes dudit cens, fept vingts liures. Item, le pied fourche & coustume des beftes mortes & vines , douze liures. Item, la couftume de l'Ai- greum , cinquante fols . Item , le forage & couftume de Mefrain, dix-huit fols. Item , l'efmolument du fel & de l'efcriture, cent liures. Item, le minage trente muids , moitié bled, moitié auoine, le muidprisé l'on portant l'autre cent fols , les trente muids vallans fept vingts dix liures. Item, la truble à bois en l'eau, quarantefols. Item, les moulins de deffous le Chaftel, trente muids de bledpar an, de mouture le feptier , priséfix fols huit deniers, vaut le muid, quatre liures. Item, les Fiefs mouuans du Roy à caufe de fon Chasteau de Corbeil, cent vne liure dix-huit fols. Item , la haute Iuftice du Domaine du Roy , foixante &dix-neuf liures douze fols. Item, les arriere-fiefs, dix -fept liures cinqfols. Item , la Iuftice du Roy en autruy Domaine, foixante & huit liures quatre deniers. Item, le reffort valant par an trente-huit liures deux fols neuf deniers. Item , la garde des Eglifes de la Chaftellenie , feize fols par an; mais la garde des Eglifes de Saint Spire, & noftre Dame de Corbeil demeureront fans prix. Somme de la valeur des rentes , reuenus , emolumensfufdits du Comté de Corbeil , &fes appartenances , feize cens foixante &buit liures par an, fur lesquels il conuient rabatre fuinant le memoire baillé par ledit Bellot Receueur de Paris. Premierement, au Prieur de S. Guenault deux muids de bled qu'il prendfur le minage , prifez dix liures. Item, à S. Antoine des Champs trente-deux liures parifis. Itém, à l'Abbaïe du Lys, cinquante liures. Item, au Chapitre de S. Spire, foixante &dix liures . Item, à Madame Anaftafe trois cens vingt liures , qu'elle tient àfoy & hommage du Roy. Item, la Maison - Dieu dudit Bb194 Antiquitez dela ville de Corbeil, Corbeil, cent cinq fols. Item, au Chapitre de noftre Dame de Paris cent liures. Item , à S. Lazare de Corbeil foixante liures. Item à l'Hospital S. Lean en l'Ifle ,fur le minage quarante muids de grain, prisé ensemble deux cens cinquante liures. Item , aux hoirs de lean le Vicomte, quatre-vingts feize liures. Plus il con- uient déduire vingt liures pour l'entretenement des moulins du Roy. Plus il y a le pain des prifonniers que Madame la Reine payera. Somme des deductions qu'il faut fairefur ladite recepte quatre-vingtsfix liures , ainfi demeure franche la fomme de cinq cens quatre-vingts deux liures. Il ne fera pas inutile defçauoir que le Prieur d'Effonne, pour s'exempter du reffort de Corbeil , s'ayda de Lettres concedées par le RoyPhilippes de Valois à l'Abbaïe de S. Denis , l'an 1342. confirmées par le Roy Charles VI. l'an 1400. Par ces Let- tres les Rois fufdits en termes generaux ont exempté l'Abbaïe & Monaftere de Saint Denis , du reffort des Baillages & Pre- uoftez Royalles , dans lesquelles font fituez les biens & herita- ges de ladite Abbaie de S. Denis; & leur eft permis en cas d'ap- pel, defe pouruoir tout droit & fans moyen, à la Cour de Parle- ment de Paris : ce qui ſemble ſe deuoir fimplement entendre 3 mil Maisil eft à fçauoir que le douaire de ladite Reine Ioanne n'cut point de lieu , à caufe, qu'elle deceda l'an 1349. laiffant à fon mary deux beaux fils ; à fçauoir Iean , qui luy fucceda à la Cou- ronne, & Philippes, qui fut Duc d'Orleans. Ladite Reine Ieanne fut inhumée à Saint Denis , &pour la diftinguer de Leanne fem- meduRoy Philippes le Long, nous dirons qu'elle eftoit fille de Robert fecond, Duc de Bourgongne , & d'Agnes de France, fille de Saint Louis ; elle portoit fes Armes my- parties de France & de Bourgongne, qui font bandes d'or & d'azur , de fix pieces , à la bordure de gueules. Apres fon decés Philippes de Valois ef- pouſa Blanche fille de Philippes Comte d'Evreux , Roy de Na- uarre , & de Icanne de France fille de Louis Hutin. Elle fut fu- brogée à l'affignat de fon doüaire fur Corbeil , & autres villes & Chasteaux du Gaftinois , & vefcut iufques en l'année 1398. & de- ceda le cinquiefme Octobre: elle gift à Saint Denis, en la Cha pelle Saint Hypolite ; elle portoit de France partie de Nauarre, efcartelle d'Evreux , qui eft femé de Fleurs- de- Lys au baſton, componé d'argent & de gueules.Liure II. Chapitre XIV. 195 CHAPITRE XIV. pour les perfonnes des Abbez, Moines & domestiques de l'Ab- baïe de Saint Denis : Et pour les affaires ,foit de communauté, foit particulieres ( non pas pour les affaires des feculiers & per- fonnes qui habitent dedans les lieux ou l'Abbaïe a des Pricurez quien defpendent) ont droit de Iuftice ; Toute- fois l'vfage a pre- ualu au contraire.. . DES ROIS IEAN ET CHARLES cinquiefme, dit le Sage , fonfils. E narré des mal-heurs qui accablerent la France, durant la captiuité du Roy Lean , feroit trop long & ennuyeux. C'eft pourquoy nous laifferons ce que les habitans de Corbeil fouffrirent auec le reſte des François , foit par les leuées & exactions extraordinaires de deniers ; foit par la defolation du plat païs, des efmeutes &foufleuemens des peuples ; foit pour la confufion & affoibliffement des monnoyes foit par le rauage des Gens- d'armes, domeftiques & eftrangers; Dieufaifant fentir aux Fran- çois par diuers moyens la rigueur de fon courroux, iuftement ef- meu contre leurs vices & pechez. La Ville de Corbeil reçeut.vn coup de foüet ſanglant fur yn fujet qu'il nous faut reprendre de -plus haut. L'an mil trois cens cinquante-fept , les Eftats deFrance cftans affemblez à Paris , Etienne Marcel Preuoft des Marchands, Partifan de Charles Roy de Nauarre, vfurpa l'authorité entiere par la violance dont il vfoit pour faire paffer toutes chofes à fa fantaifie ; ceux qui n'eftoient pas de la faction du Prcuoft fe re- tirerent , & leur crainte fit enfler le courage à ce Tribun popu laire , & luy donna la hardieffe d'entreprendre le gouuernement entier de l'Eftat ; Et pour y regenter fans contredit , il fit maſſa- crer les plus grands & fideles Officiers de la Couronne ; & auec les plusmauuais garçons de la lie du peuple, il fut cffrontement XOZ16 Bbij·196 Antiquitez de la Ville de Corbeil, C & en la Chambre du DaufinCharles , ou tua Iean de Conflans, & Robert de Clairmont , Marefchaux de France ; & plufieurs Gentils- hommes, Dames & Damoitelles du Daufin, & de la fem- me ; & la populace d'vne furie enragée defchira leurs corps , les ietterent dans la riuiere : cette cruauté execrable efpouuanta le refte des Officiers du Roy, & des fideles feruiteurs de la Cou- ronne de France. Chacun s'enfuit , & fe retira où il eftima pou- uoir eftre en ſeureté ; ceux qui ne peurent en aller fe trouue- rent en grand danger de leurs perfonnes ; il leur conuint diffi- muler & faire femblant d'adherer à la volonté des plus forts. La Nobleffe Françoife indignée de l'outrage que les Parifiens auoient fait au Daufin de France, &dece qu'ils vouloient ſe meſ- ler de gouuerner l'Estat , fe mit en deuoir de s'y oppofer; à cette fin elle s'allarme , monte à cheual , & s'approche de Paris pour defgager le Daufin & fa femme. En ce tumulte le Begue de Vil- laines, Capitaine renommé de ce temps- là, vintauec vnetroup- pe de Soldats fe ietter à l'impourucu dedans Corbeil , où il pilla & rançonna les habitans , comme s'il cuft efté en païs de con- quefte. Et auffi toft qu'il eut nouuelle que le Preuoft Marcel auoit fait armer les Parifiens pour venirle trouuer , il rafla & en- leua tout ce qu'il y auoit de meilleur à Corbeil , & fe retira hon- teufement ; en forte que lors que les Parifiens arriuerent à Cor- beil , ils trouuerent la ville defnuée de biens &1de. commoditez; neantmoms cette populace defréglée ne laiffa pas d'acheuer de confommer, & d'enleuer ce peu qui eftoit refté aux Corbeillois leurs voifins , encores que ce fuft à leur occafion qu'ils auoient eſté ainfi mal traittez par les gens de guerre. Cét accident doit feruird'aduertiffementaux habitans de Corbeil , d'eftre plus foi- gneux & attentifs à la garde de leur ville, de leurs femmes & en- fans:car cettefecouffe fut fi violante, & les vns & les autres auoient exercé tant d'outrages, que la ville en demeura long- temps def- clofe, & expofée à l'incurfion des Gens- d'armes. Et ie trouue qu'en l'année fubfequente, Corbeil, Chaftres, & Mont-le-hery, furent derechefpillées & defolées, parles trou- pes quel'on nommoitfans Chef; c'eftoient des Soldats licenciez par les Anglois, à caufedela Tréve nouuellement accordécaucc eux. L'Eftatde la France eftanten tel peril, Dieu donna courage. à Charles , fils ailné du RoyIcan , de fe roidir contrel'impetuoLiure II. Chapitre XIV. 197 と fité de tant de maux ; il prift enmain le timon & gouvernail du Nauire, & auec la grace de Dieu le preferua du naufrage. Quand la Nobleffe de France vit la belle refolution du Daufin, elle fc monftra prompte & affectionnée à fon fer- uice, & en peu de temps il s'en trouua vn bon nombre prés de fa perfonne en equipage de guerre. Alors Icanne d'Evreux, veufue du Roy Charles le Bel, tafcha d'accorder le Regentauec le Roy de Nauarre fon Neueu ; il fe fit quelque, Traicté à Cor- beil , où les Deputez des Princes fe trouuerent ; &le Regent fe vint loger au Val- la - Comteffe , ( que l'on a depuis appellé Vaux- la- Reine) ayant toufiours les yeux tournez fur la ville de Paris, où le Preuoft Marcel fut tué par Iean Maillart , le nom duquel doit eftre en recommandation aux Parifiens, qu'il deliura de la tyrannie de Marcel ; apres la mort duquel les Portes de Paris furent ouuertes au Regent ; & le Roy de Nauarre rebuté des Parifiens , fe retira auec les Partiſans en la ville de Melun , où ils furent reçeus par la Reine Blanche, fœur du Nauarrois , qui iouïffoit de tout le Gaftinois à tiltre de doüaire , comme veufue du Roy Philippes de Valois ; elle eft la derniere qui a efté affi- gnée de fon doüaire fur Corbeil . L'on trouua mauuais que la Reine Blanche fe fuft declarée contre le Roy Ican fon beau- fils , duquel elle auoit efté fauorablement traictée ; auffi fut-elle la première qui reffentit le dommage de fon Confeil precipité: car toutes les terres de fon dòüaire furent couruës & pillées par les Eftrangers , defquels le Roy de Nauarre fe feruoit ; entr'au- tres le Capitaine Pipes a rendu fa memoire detestable , par le fac & embrazement qu'il fit de la ville de Nemours. Quant à la ville de Corbeil, elle fut alors remplie des Gens- d'armes du Regent , quiles ymit en garnifon, pour reprimer les courfes des Nauarrois logées Melun , à , & empefchoient que les viures fuffent portez à Paris ; ils en faifoient de meſme à Mantes qu'ils tenoient, Les Parifiens en cette extremité & di- fette de viures, importunerent le Regent de faire la paix auec le Nauarrois , mais il eftoit impoffible de fatisfaire à fes demandes. En fin il fut contraint de fe mettre à la raiſon pour retirer fa femme, fa fœur la Reine Blanche , &fa Tante la Reine leanne , que le Regent tenoit eftroitement affiegées dans Melun. Cette paix nefut pas pluſtoft faite , que les Anglois fe mirent encam- Bb iij1198 Antiquitez de la ville de Corbeil, - pagne. LeRoy Edouard vint defcendre à Calais en intention de forcer les François à fubir fon ioug ; finon , il auoit volonté de mettre tout le païs à feu & à fang. Executant fon deffein , il vint iufques en Beauffe , & s'approcha de Paris ; mais il trouua cette ville fibiengardée qu'il fe retira vn peu plus loing , & vint paf- fer les Festes de Paſques à Chante- loup, prés de Chaftres, eften- dant fes trouppes par les villages circonuoifins , iufques aux por- tes de Corbeil : les Anglois mettoient le feu par tout, ne pouuans exercer leur rage fur les perfonnes , qui s'eftoient retirées dans les villes & places fortes , où tout ce peuple eftoit en pleurs & ge- miffemens. 4 Il eft à croire que Dieu appaifé par leurs penitences , amolit le cœur du Roy d'Angleterre , & le conuertit à vouloir ouir parler de la paix , qui fut concluë au village de Bretigny, entre Châftres & Mont- le-hery , felon Guaguin & du Bouchet ; autres difent en la Beauffe , au territoire de Chartres. I'ay ioint Char- les auec fon pere, àà cauſe cause que tous ces defaftres cy-deffus font arriuez durant les quatre années de la prifon de fon Pere , qui commença l'an 1356. & finit en May 1360. Au commencement de fon Regne la Chaftellenie de Corbeil fut derechef rauagée par Robert Canole , qui comme vnfoudrevint brufler les faux- bourgs de la ville , en l'année 1369. Ce fut l'vn des derniers ef- forts des Anglois : car par apres le Roy Charles les fçeut fi bien manier , qu'il a merité le nom de Conferuateur de la Monarchie Françoife , qu'il remit envigueur par fa vigilance, &bon Confeil, par lequel il a reftably ce quefon Pere & fon Aycul auoient ga- fté, employanstrop hazardeufement leurs forces corporelles, ef- quellesils mettoient toute leur fiance. Charles V.a efté le premier des fils aifnez des Rois de France qui a porté le nom de Daufin de Viennois ; &lenom ou titre luy fut donné du viuant de Philip- pes de Valois fon Ayeul , en confideration, duquel & de fa mere, Bonne de Luxembourg, il fonda la Chapelle du Viuier en Brie, à laquelle il a concedé tant de Priuileges , qu'il y a preffe à Cor- beil, & par toute la Brie à fefaire receuoir & enregistrer au nom- bredes Officiers du Chapitre de cette Chapelle , qui fut baſtie en l'année 1352. & le Roy Charles a vefcu iufques en l'année 1380. qu'il deceda le quatorziefme Septembre , dans le Chafteau du Bois de Vincennes ,Liure 11. Chapitre XV . 199 CHAPITRE A chaffe eft vn des exercices plus loüables , au- quel les Princes puiffent prendre leurs cfbats , à caufe qu'elle leur fert comme d'efcolle & d'ac- couftumance à fupporter la peine & le trauail neceffaire aux actions de la guerre , & à l'execu- tion des affaires d'importance. Le Roy Charles fixiefme y a pris tant de plaifir en fa ieuneffe , qu'en dormant mefme il ne fongcoit qu'à la chaffe ; c'eft d'où il prit fa deuife du Cerfvolant , à caufe du fonge qui luy auoit feruy de prefage de la victoire qu'il obtint à Rofbec fur les Flamans. Ses chaffes ordinaires eftoient és bois & forefts de la Brie, & du Gaſtinois, ; à de Par les Lettres de la Maifon de Ville-pefque , il fe void qu'au fortir de la Foreft de Sennart il ſe retiroit en cette Maiſon, lors appartenante à Gilles Malet fon Maiftre d'Hoftel & caufe ce logement il annoblit cette Maifon d'vn droit de Garde, à laquelle il obligeoit les voifins parfes Lettres de l'an 1382. De- puis que le Roy fut marié auec Iſabeau de Bauieres , elle entra en quelque ialoufie de voir que fon mary allaſt ſi ſouuent coucher' à Ville-pefque, craignant que l'on ne luy donnaft en ce lieu quelque pafle-temps preiudiciable à fa fanté: Pour l'en diuertir elle achepta vne Maifon proche la Foreft pour y retirer le Roy quand il iroit chaffer en ce quartier- là Elle trouua que la Maiſon de Vaux fous Comb - la-ville eftoit propre à fon deffein, elle en compofa auec le Ducde Bourbon , auquel elle apparte- noit , & en contr'efchange elle luy bailla vne Maiſon fize au faux-bourg Saint Lacques de Paris , qui depuis a efté appellée l'Hoftel du petit Bourbon ; c'eft à prefent le Monaftere du Val de Grace, & la Maiſon de Vaux a depuis efté dite Vaux-la- Reine; elle fit baftir vne belle Chapelle en cette Maiſon , & ** DV ROY CHARLES SIXIESME, & d'Ifabeau de Bauieres fa femme. ᎠᏤ XV..200 Antiquitez, de la ville de Corbeil, pour auoir vn homme d'Eglife pour dire la Meffe en ce lieu, elle donna vn Pré aux Religieufes de Iarcy , à la charge qu'elles enuoyeroient vn Preftre tous les Dimanches pour y celebrer le Saint Sacrifice de la Meffe . Selon le cours du monde , au plaifir fuccede la douleur , & les pleurs fontfouuent place à la rejouïffance. Le Roy & Pafteur des François , voulant fe rejouir en vn Ballet & Momerie , cuida eftre bruflé , & l'apprehenfion luy ayant troublé le cerueau , le peuple François fut difperfé & deftruit : Durant la maladie du Roy le Duc de Bourgongne entreprit le gouuernement de l'E- ftat , contre le gré de tous les autres Princes , qui ne s'eftimans pas eftre en feureté dans Paris , voulurent fe retirer & emmener auec cux Monfieur le Daufin , ce qu'ils firent en grande hafte &defordre , fur l'aduis qu'ils eurent que le Ducde Bourgongne, accompagné d'vne grande trouppe de Vallons , eftoit arriué à Goneffe. La Reine & le Duc d'Orleans fortirent en diligence de Paris, & laifferent le Duc de Bauiere pour conduire le Daufin, qu'ils defiroient auoir auec eux ; mais le Duc de Bourgongne les fuiuit de fi prés qu'il acconfuiuit le Daufin entre Iuvifi & Corbeil, & le remena à Paris : cette nouuelle apportée au Duc d'Orleans qui difnoit à Corbeil , luy fit quitter fonrepas pour al- ler ioindre la Reine qui auoit gaigné Melun tout d'vne traitte. Ces diffentions & broüilleries de Cour, fufcitées par ambition & auarice, durerent long-temps, balançans del'vn àl'autre, iuſques à ce que Ican de Bourgongne euft fait affaffiner Louis d'Or→ leans, & par cét A&te ouuert la porte à la guerre Ciuile. Les grandes Seigneuries dont le Roy Iean auoit auantagé fon fils Philippes, luy donnerent la hardieffe &les moyens à les fuccef- feurs d'vfer de ces grands biens , au defaduantage des Rois de France, &au preiudice de leur authorité , à la foule & ruine du peuple François. Dés lors le Duc Iean commença le branfle, faiſant effrontément publier de viue voix & par efcrit, qu'il auoit fait &peû faire tuer nuictament & proditoirement fon Coufin germain , & frere vnique du Roy fon Souuerain Seigneur ; fur lequel, tant s'en faut qu'il euft quelque authorité , qu'il eftoit fon inferieur, par Nature & par la volonté expreffe du Roy; mais l'affeurance que le Bourguignon auoit en fes forces & moyens, luy donnoit la prefomption de croire que tout luy cftoitLiure II. Chapitre XV . 201 eftoit loifible & deuoit eftre permis. En l'année 1411. le Duc de Bourgongne fafché que le Duc de Berry adheroit àfes Neueux d'Orleans, fufcita le Boucher Caboche & fes compagnons , d'al- ler piller &deftruire l'Hoftel de Nefle , & le Chaftcau de Vice- ftre. Cette trouppe acharnée au meurtre & au pillage , s'eflargit par la campagne , où ils ruinerent les Maifons des Gentils- hom- mes qui ne vouloient adherer à leurs deffeins ; ces Canailles ne trouuans perfonne qui s'oppofaft à leur forceneric, vindrent à Corbeil où ils furprindrent les habitans , & les forcerent de re- ceuoir en leur ville les plus mauuais garçons d'entr'eux , qu'ils y cftablirent par forme de garnifon , afin de faſcher la Reine Iſa- beau & le Duc de Berry , qui fe tenoient à Melun. Ces fureurs populaires s'augmenterent à ce point , qu'en l'an- néc 1413. ils forcerent Louis Daufin de France de leur liurer Louis de Bauieres fon Oncle maternel , & beaucoup d'autres Seigneurs & Dames, qu'ils tuerent &efgorgerent miferablement. Cette iniure infupportable irrita le Daufin contre le Duc de Bourgongne fon beau-pere , & luy donna fujet d'appeller au- pres de luy les Seigneurs de la faction d'Orleans , pour s'en pre- ualoir contre ceux qui le gourmandoient fi cftrangement ; en effet il contraignit le Bourguignon de fe retirer en Flandres, où il fe tint clos & couuert iufques à la déplorable iournée d'Azincourt, en laquelle la meilleure partie de la Nobleſſe de France demeura morte fur le champ, & quantité de Princes & Seigneurs de remarque emmenez prifonniers en Angleterre. Alors le Duc de Bourgongne fans auoir compaffion de la miſere de la France,mit aux champs vnearmée de Flamans &Henayers; fe rendit maistre de la campagne, & fe faifit de plufieurs villes de France ; vint iufques en Beauffe, d'où tournant tefte deuers Paris, s'approcha de Corbeil , qu'il eftimoit ne deuoir faire refi- ſtance , afin de tenir le paffage de la riuiere, & empefcher que l'on ne portaft des viures à Paris ; & par cette incommodité efmou- uoir les Parifiens , affez affectionnez en fon endroit , à chaffer ceux qui les gouuernoient , &de le receuoir en leur place. L'on pourucut de bonneheure contre fes deffeins , car le Seigneur de la Tour- Bourbon, & Barbaſan , eftoient entrez à Corbeil, & l'a- uoient garnie de Soldats & munitions de guerre pour le deffen- dre , & affaillir l'ennemy quand l'occafion s'en prefenteroit, Сс202 Antiquitezdela ville de Corbeil, comme arriua ; car le Duc de Bourgongne feiourna trois fer maines dcuant Corbeil , & y perdit beaucoup de gens , & ne fçauoit que deuenir, quand la Fortune luyprefenta vne occafion plus aduantageufe , qui le fit départir & quitter fon fiege ; car il fut appellé par la Reine Ifabeau qui cftoit à Tours, pour la re- ceuoir à fon party. Il abandonna le fiege de Corbeil fi tumul- tuairement, quefes groffes Bombardes y demeurerent, auec par- tie de fon bagage, qu'il ne fe foucia pas de perdre, de peur de faillir à l'occafion de fe faifir de la Reine, qu'il fçauoit luy pou- uoir apporter plus d'aduantage à fes affaires , que plufieurs pla- ces telles que Corbeil. Le Seigneur des Vrfins a rapporté en fon Hiftoire plufieurs prodiges arriuez en l'année 1417. és enuironsde Corbeil, & que le foudre cheut dans l'Eglife de Saint Etienne d'Effonne , où il rompit le bras du Crucifix , & renuerfa toutes les Images qui reprefentoient quelque myftere de la Paffion de Noftre Re- dempteur , & les laiffa auffi noires que charbon ; ce foudre s'ef- uaporant laiffa vne puanteur fi infecte dans l'Eglife , que per- fonne ne pouuoit s'y arrefter. L'année fuiuante la ville de Paris fut furpriſe par le Capitaine Ile-Adam : mais le Daufin luy fut fouftrait par Taneguy du Chaftel, qui l'enleua de fon lit dans vn linçcul, & l'emporta dans la Baſtille, dont il eftoit Capitaine; le lendemain il letranf porta hors de ce lieu, & paffant par le Pont de Charanton , le con- duifit à Corbeil, oùil n'ofafeiourner, à caufe que le Ducde Bour- gongue eftoit arriué à Paris, fort accompagné de Gens d'armes; cela fit hafter du Chaftel de conduire le Daufin à Montargis. Des Vrfins Chancelier du Daufin , la nuit de la ſurpriſe de Paris, fortit de fonHoſtel, fiz proche de l'Eglife S. Landry, & craignant d'eftre mal traicté , trouua vn Baftellier qui par la riuiere le mit hors de la ville prochede la Tournelle : de là il fut àpied à Cor- beil, où il fut bien reçeu par le Preuoft Regnault de la Porte, qui luy fournit vn cheual pour aller trouuer le Daufin fonMaistre. Son fils dit qu'vne heure & demie apres fon départ les gens du Duc de Bourgongne furuindrent à Corbeil; fe faifirent du Pre- uoft, & luycoupperent la tefte. Des Vrfins a voulu taire le nom du Preuoft , craignant peut- eftre de faire tort à ſa memoire , la- quelle au contraire doit demeurer plus recommandable à laLiure 11. Chapitre XV . 203 pofterité, pour la fidelité dont il a vfé au feruice defon Maiftre, & pour la liberalité & hoſpitalité par luy fi franchement exercée en vntemps fi douteux. Apres la mort de Iean de Bourgongne , fon fils Philippes donna Catherine fille du Roy Charles V I. en mariage à Henry Roy d'Angleterre. Le mauuais Genie de la France les affembla en la ville de Troye ; au partir de là ce Royſuperbe & felon , nevou- lant pas aller à Paris les mains nettes & pures du fang François, conquit les villes de Sens , Villeneufue & Montreau, plus facile- ment qu'il ne fit Melun , où il trouua vne bonne troupe de No- bleffe Françoife, commandée par les Seigneurs de Preaux , & Barbefan, qui fouftindrent le cours violant defes victoires l'ef- paffe de dix-huit fepmaines. Durant ce fiege le Roy d'Angleterre enuoya fa femme Ca- therine auec famere Ifabeau à Corbeil , où ils firent auffi venir le pauure Roy Charles VI. pour fe feruir de fon nom à la deftru- tion de fonSang, &dela Monarchie Françoiſe. Monſtrelet ra- conte les festes & magnificences que les Anglois firent à Cor- beil , où les Reines eftoient fouuent vifitées par les Anglois & Bourguignons. Apres la reddition de la ville de Melun, le Roy Anglois fut paffer à Corbeil, prendre le Roy & les Reines , pour les mener en triomphe à Paris, auec cette infortunée Nobleffe qu'il auoittirée de Melun , non pas par l'effort de fes armes, mais par l'extremité de la famine. Etpar vn reuers de la Iuftice diuine; toutainfiquecefut à Corbeil qu'il proietta la fubtilité d'expliquer malicieuſement les paroles du Traitté qu'il auoit fait auec les Capitaines & Gens-d'armes qui auoient fouftenu le fiege de Me- lun, afin de les faire puis apres mourir dedans les priſons , où il les difperfa. Ainfi ce Roy Anglois , apres auoir fait des maux infinis en France , en repaffant à Corbeil il fut faifi d'vne maladie, que le vulgaire appelle le mal Saint Fiacre , & les Medecins Phtiriafis; la violence de ce mal luy fit quitter le deffein d'aller faire leuer le Siege de Cofne , & tourner le vifage au Chateau du Bois de Vincennes , pour aller fouffrir vne mort violente & correfpon- dante à la cruauté dont il auoit vfé enuersla Nobleffe Françoife. Le Roy Charles ne luy furuefcut que decinquante iours. Henry mourut le vingt-ncufiefme Aouft , & Charles le vingt-vnieſme Cc ij204 Antiquitez dela ville de Corbeil, Octobre. Le decés de ces deux Rois apporta vne furcharge d'ennuy & de fafcherie à la Reine Ifabeau, qui luy fit penſer à ſa confcience. Pour l'expiation de fes fautes , & pour fe concilier des interceffeurs, qui apres fon trefpas euffent foin de prier Dicu pour la remiffion de fes pechez , & allegement des peines qu'ils meritoient ; par fon Teftament elle donna & leguá au Chapitre de noftre Dame de Paris , la terre & Seigneurie de Vaulx - la- Reine: mais ils n'eurent pas fi toft la deliurance de ce legs teftamen- taire, tant à caufe des defectuofitez des folemnitez mal obfer- uées en ce Teftament ; qu'à cauſe que le Roy Charles VII. fon fils reprouua & caffa tout ce qu'elle auoit ordonné de fon viuant , & comme vne mere defnaturée qui auoit efté cauſe des mal-heurs , peines & trauaux qui l'auoient afflige. - Apres fon decés , Louis XI. fon fils confentit facilement que la terre de Vaulx fuft baillée & deliurée au Chapitre de noftre Dame de Paris I'ay quelque opinion . que ce fut en cette con- joncture que les Chanoines de noftre Dame donnerent le nom à cette terre & Seigneurie de Vaulx-la- Reine , afin de buriner la fouuenance du bien que la Reine Ifabeau leur auoit liberalement legué; car auparauant on appelloit cette Maifon Vaulx la Com- teffe, ainfi que nous auons dit au Chapitre de la Comteffe de Poitiers. Les baftimens de cette Maifon de Vaulx eftoient tom- bez en ruine , les terres demeurées en friche durant la guerre des Anglois ; & auoient efté entierement negligées durant le Regne de Charles VII. & le Chapitre de noftre Dame ne vou- lut pas faire la defpence de rebaftir cette Maiſon , & faire dé- fricher les terres , ils les transporterent à l'vn de leurs Officiers à tiltre de rente, en l'année mil quatre cens quatre-vingts dix. Il eft vray que le Chapitre de noftre Dame fe referua & garda les Bois qui dépendoient de cette Seigneurie, qui font en affez bon nombre, & font fituez en la Foreft de Sennart. Depuis cette Seigneurie a efté remiſe à l'vfage de la Nobleſſe , à la- quelle elle eft plus feante, & eft à prefent poffedée par ceux de la Maifon de la Riuiere.Liure II. Chapitre XVI…. `205 2. DE CHARLES SEPTIESME, fi M E feroit manquer de iugement d'aller chercher les caufes du reftabliffement, de la Monarchie Françoife , ailleurs qu'en la pure, fimple & gra- tuite fautur, grace & bonté de Dieu. Quelques grands Cheualiers que foient les François , fi faut-il qu'ils confeffent qu'vne Pucelle , & fimple fille de village leur a remis le cœur au ventre. J C'eft l'ordinaire de Dieu d'abaiffer les chofes plus grandes & releuées de la terre par les plus baffes & abiectes ; ce grand Conneftable de Richemont ; ce valeureux Comte de Dunois; -ces.preux Cheualiers de Loré , Poton, la Hire, Saintraille , & autres Capitaines François , ne faifoient plus que conniller , pa- rer aux coups, & fonger à la retraitte. La grande ville d'Orleans, I'vn des rempars dela Fleur- de- Lys, n'attendoit que l'heure de fe voir expofée à la domination fuperbe des Eftrangers , fi elle n'euftiefté fecourue par vnefille enuoyée du Ciel , pour abaiffer F'orgueil des Anglois , & les confondre & fuppediter ; afin que Dieu fuft reconnû, loüé & , magnifié par la bouchedes François, qui ont tranfmis, & tranfmettront de pere en fils la memoire des graces & faueurs que Dieu leur a faite , deles deliurer de la fu- icttion des Anglois , par les mains de la Pucelle Icanne. Apres qu'elle eut fait leuer le ficge d'Orleans, il n'y eut point de for- tereffe affez remparée , ny de bataillons fi bien rangez & en bon ordre , qui peuffent fouftenir l'effort de cette fille genereuſe & magnanime; & des ennemis qui l'oferent attendre en campagne, Pour vn iour elle en mit en pieces quatre mille , pour engraiffer les terres du Bourg de Patay en Beauffe , & prit prifonnier le braue Talbot : & lean Faftol Capitaine renommé entre les An- glois , fut chaffé iufques aux portes de Corbeil , dont il eftoit Roy de France. 277 CHAPITRE XVI. J Cc iij206 Antiquitez de la ville de Corbeil, Capitaine. L'an 1429. les Anglois qui cftoient en garniſon à Melun, cftans fortis à la picotée , à leur retour ils trouuerent fes Quand Arthus de Richemont fut appellé à l'Eftat de Conne- ftable, il amena auec luy quantité de Cadets de Bretagne, entre lefquels Yon de Carnazet fe fit remarquer par fa vertu , & fut honoré du Roy, de l'Eftat de premier Efcuyerde la Maifon du Roy. Et lors que l'on inftitua les Francs- Archers, il fut choifi pour Capitaine de ceux qui forent leuez en l'Ile de France , où il s'e- ftoit logé & habitué , & y auoit acquis les Seigneuries d'Efchar- con, Bondouphle, & Montauber, en la Chaftellenic de Corbeil. Iltiroit fon extraction dela Maiſon de S. Brieu en Bretagne ; il auoit efpoufé Marguerite Bureau, fille de Gafpart Bureau, Grand Maistre de l'Artillerie de France ; il cut vn fils qui fut marié à Magdelainede Mornay, Damede Brazeux, & de Vallegrand ; de leur mariage vint Ican de Carnazet , qui fuiuit Charles VIII. au voyage de Naples , & fut tué àla bataille de Fornoue ; il auoit ef- poufe la filledu ficur Sanguin , Baron de Chevreufe , de laquelle illaiffa Guillaume de Carnazet, qui eut à femme Magdelaine de Suze, auec laquelle il eft inhumé en l'Eglife de Vallegrand ; ils portes fermées par les habitans qui auoient introduit les Fran- çois en leur place. Les Anglois exclus curent recours à Faſtol, qui fit remonter quantité de bateaux , en efperance de rentrer dans Mclun par le Chafteau qui eft au milieu de la ville , dans T'Ifle, oùeftoient reftez quelques - vns des leurs. Tous leurs efforts ne peurent reparer la faute par eux commife; & Faftol fut con- traint de fe retirer en fa garniſon à Corbeil, qu'il fortifia plus que deuant, & s'y maintint encores par l'efpace de fix ans, de- puis la reduction de Melun. En fin Faftol eftant allé en Angle- terre, il laiffa à Corbeil le Capitaine Ferriere Niuernois fon Lieu- tenant, qui fut ailé à gaigner par le Seigneur de Chabanes auquel il liura Corbeil , au grand contentement du Roy , qui l'en, recompenfa bien , au dire de Mamerot de Soiffons ; car Alin Chartier donne l'honneur de la reduction de Corbeil à Charles de Bourbon , Gouuerneur de l'Ile de France. Or eft-il certain que le Seigneur de Chabanes eftoit allié du Duc de Bourbon, & I'vn des Capitaines qui marchoient fous fes Enfeignes ; c'eft pourquoy Alin Chartier donne l'honneur au Prince, fous l'autho- rité duquel l'affaire le fit.Livre II Chapitre XVI. 207 i Ce fut auffi fous le Regne de Charles VII. que la famille des Myrons commença de paroiftre en France , en la perſonne de François Myron, natif de Perpignan , d'où il fut appellé pour eftre Medecin du Roy, auquel il donna tant de preques de la fidelité, & des effets de fafcience & experience, que le Roy le reçeut entre les Confeillers de fon Confeil Priué. De luy eft forty yne ample & illuftre famille , fort adonnée aux Lettres, efquelles ils ont excellé, & par leur doctrine font paruenus aux dignitez Ecclefiaftiques , &grands Eftats de la luftice, le les mets en auant à caufe qu'ils ont eflcu leur retraitte cham peftre en leur Maifon du Tremblay , fize au faux-bourg Saint Jacques de Corbeil, que poffede à prefent Maitre Robert My+ ron , Prefident en la Chambre des Requeftes à Paris, & Am baffadeur du Roy en Suiffe cette Maifon , luy eft efcheue par la fucceffion de Maitre Gabriel Myron, Lieutenant Ciuil à Paris, fon pere : ils portent de gueules au Miroir d'argent , croilette & pomelle d'or, fur le timbre vn Dragon à aifles eſparſes d'or, arme & langue de gucules. D'autant que les François coururent fortune d'eftre fuppeditez des Anglois, nous fommes obligez, felon que nous le pouuons, de vendiquer de l'oubliance les Nobles familles, qui vinrepe aurent pour heritier Antoine de Carnazet, qui a ofté Maistre d'Hofteldela Reine de Nauarre , & eut trois fils de Marguerite- de Vrillac; Sçauoir, François de Carnazet , Maiſtre d'Hoſtel du RoyHenry III. Louis de Carnazet, Gentil- homme de la Cham- bre du Roy, & Cheualier de l'Ordre ; Adam de Carnazet, Chambelan de Monfieur d'Alençon , lequel de Françoiſe de Montiers, Dame de S. Vrain a cu Antoine de Carnazet , qui a releué l'honneur de la Maiſon, ayant adiouſté au los des Ar- mes de les Anceftres , la gloire d'vne ſcience rare, & a produit les fruits de fon bel efprit à l'inftruction de les enfans , par les difcours ferieux de fes Morales , qui le rehauffent d'vn degré d'honneur , ayant eu le courage de publier cette verité : Que tout ainfi que la fcience eft au deffous des vertus Morales , elle eft auffi plus à prifer que la Nobleffe, la richeffe, la force & la va- leur. Pour laiffer la marque de cette Nobleffe, l'on fçaura qu'il portoit d'or à la Lamproye defable , chargée de trois faces de gueules. دان208 Antiquitez de la ville deCorbeil, fous le Regne de Charles VII. s'habituer en la Chaſtellenic de Corbeil, & ont contribué leur trauail à la liberté de la France. Ioint auec cela la defpence que Frere lacques de Harlay , Chc- ualier de Malte, Prieur de S. Iean en l'lfle lez Corbeil , fait & employe pour orner & augmenter fon Prieuré , merite bien qu'on renouuelle la memoire de fes progeniteurs , qui ont quitté & abandonnéla Baronnie de Harlay, leur Patrimoine , fiz en la Franche Comté , pour venir feruir nos Rois de France. Philbert de Harlay n'ayant voulu approuuer le meurtre com- mis en la perfonne de Louis de France , Duc d'Orleans , ſouffrit la confifcation de fa Baronnie de Harlay, qui fut donnée par Ican de Bourgongne au Seigneur de Nauffau. En recompenfe de cette perte François de Harlay fils de Philbert , fut honoré par le Royde l'Office de Chambellan , & inuefty de la Seigneu- rie de Granuilliers , & de Nogent ; efquelles terres Nicolas de Harlay fon fils paffa fa vie en repos , efloigné de toute ambition; Єe quene fit pas Iean deHarlay fon fils , qui s'approcha du Roy Louis XI. & fut par luy inftitué Cheualier du Guet à Paris , où il s'habitua & efpoufa Icanne l'Huillier , qui luy apporta degrands biens en mariage; en forte que Louis de Harlay fon fils fe trouua poffeffeur des Seigneuries de Monglas, de Sancy, de Chezy, de Beaumont, de Champuallon, du Bois S. Aulbin, de Vernouillet, & d'autres Maiſons & bonnes rentes en la ville de Paris. Ce Louis de Harlay, de Damoifelle Geneuiefue Cœur fa fem- me cut cinq fils , defquels, trois ont fait fouche ; Le premiera efté Chriftophle de Harlay , Prefident en la Cour de Parlement à Paris, pere d'Achiles de Harlay, qui efpoufant la fille de M' de Thou, Premier Prefident , fucceda à fon Office , & a eu d'elle le Seigneur de Beaumontfon fils vnique ; Le fecond fils dudit Louis a efté vn autre Louis , pere de lean , Seigneur de Chezy, & de Scipion , Seigneur de S. Quentin , Iacques Seigneur de Champvallon ; Le troificfme fils dudit Louis a efté Robert de Harlay pere de Nicolas , Seigneur de Sancy ; Louis Seigneur de Saint Aulbin ; Iacques Cheualier de Malte , Commandeur de Coulours , & Prieur de Saint Ican en l'Ifle lez Corbeil; leurs Armes font deux Pals.de fable en champ d'argent. Cette Genealogie a efté par nous extraitte de l'information de leur Nobleffe, par laquelle ils ont verifié la Nobleffe des Harlais, се par. . 209 Liure II Chapitre XVI pár dix degrez de pere en fils , en ligne directe. Dd La condition pitoyable à laquelle le peuple François auoit efté reduit par les guerres Ciuiles & Eftrangeres, &par l'impieté des Soldats , auoit fait ceffer toutes fortes de Feftes, Pelerinages, & réjouïffances publiques. Si toft que l'orage &la tempefte des guerres funeftes furent paffées , & que le ferain de la paix cut donné ouverture à la liberté du commercede la focieté humaine, les Chanoines de l'Eglife Collegiale de S. Spire s'auiſerent de renouueller & mettre en reputation leur Eglife , par vne nouuelle Dedicace qui fut faite par Ican Euefque de Troye , à ce faire delegué par Lacques Euefque de Paris , l'an 1437. La reſtaura- tion du repos de la France fut caufe que la Fefteen fut plus ce- lebre par l'affluence du peuple qui accoutut de tous coftez , & depuis a continué de venir annuellement vifiter l'Eglife de S. Spire ; cela donna moyen à Meffieurs du Chapitre de S. Spire de faire racouſtrer la Châffe de leur Patron , d'autant qu'elle auoit efté defpoüillée de fes plus riches ornemens , durant les confufions des guerres paffées. L'acte du reſtabliſſement de la- dite Châffe fe trouue datté de l'an mil quatre cens cinquante- quatre, figné par Meffire Guillaume Chartier Euefque de Paris, & par Bernard Euefque d'Alby , qui en firent les ceremonies. Dedans le Legendaire de ladite Eglife il eft fait mention de la ferueur & deuotion de l'Euefque de Paris , & de la peine qu'il prit à exhorter le peuple à la paix & dilection mutuelle ; mais l'efprit des François eft fi mouuant, qu'il est bien difficile de l'arrefter & tenir en repos.. Le Roy, les Princes & Seigneurs François, s'eftoient veus de- pais n'agueres reduits à l'extremité par leurs factions & partiali- tez ; àતે peine ont- ils patience d'attendre que les Anglois foient fortis de la France, que les voila à recommencer de dreffer“ nouuelle ligue. Cette efmeute fut appellée la Praguerie , & par d'autres, la mauuaifeguerre , à caufe que les mefcontans attire- rent à eux le Daufin contre fon pere au peril de la vie , & de l'Eftat de l'vn & de l'autre. Le Roy femonftra vertueux , & fans differer fe mit aux champs, & tira droit en Bourbonois & Au- uergne, où les Princes faifoient leurs affemblées. Le Duc de Bourbon Chef de cette efmeute, voyant que le Roy venoit droit à luy , enuoya des Soldats, conduits par des Capitaines de210 Antiquitez delaVille deCorbeil, fa faction , fe ietter dans Corbeil , à Bry.Comte- Robert , & au Bois de Vincennes, d'autant que les Gouuerneurs de ces places eftoient fes Creatures. Il leur donna charge de courir & foura- ger le voisinage de Paris , afin d'effayer de faire tourner viſage au Roy, pour aller au fecours des Parifiens ; mais par la grace de Dieu tout ce difcord fut aifément appaifé , comme legerement il auoit esté entrepris. Par l'accord qui en fut fait au Cuiffet , le Duc de Bourbon deliura au Roy le Bois de Vincennes , Bry- Comte- Robert, & Corbeil ; moyennant vingt mil efcus , qu'il reçeut pour le remboursement de pareille fomme qu'il difoit auoir débourcé pour en faire fortir les Anglois. Le ioly Chasteau d'Ablon , fiz fur le bord de la riuiere de Seine , aux confins de cette Chaftellenic de Corbeil , m'empef- che de clorrece Chapitre, qu'au prealable ie n'aye dit vn mot de la belle Agnets , qui a fait baftir cette Maiſon de plaiſance, lors qu'elle eftoit en la gracedu Roy;pource qu'il y a'apparence que fi cette gracieufe Damoiselle euft vefcu plus long-temps qu'elle ne fit , le Roy Charles ne fut pas tombé en l'acceffoire d'vne mort fi extraordinaire que celle qui luy fit perdre la vie , en s'abfte- nant de manger , crainte d'eftre empoisonné car elle cftoit capable d'alleger cette fantaisie , &deliurer le Roy de la crainte qu'il auoit conçeuë, & de le faire reuenir à foy par fes propos joyeux, & entretiens gracieux. Cette mort eftrange me fait ref- fouuenir dela Tombe de Regnault de Breban, Maistre és Arts en I'Vniuerfité de Paris , Curé d'Effonne & de Corbeil, qui dece- da l'an degrace 1437. il ne s'eft pas contenté de faire expofer la figure defon corps toute couuerte de vers , en vnepierre chclauée en la paroy feneftre du Maiftre Autel de l'Eglife S. Benoist , il yaa de plus adioufté cette Epitaphe. Quifquis ades qui morte cades ſta refpiceplora Sum quod eris parum cineris pro meprecor ora, Qui teritis tritisfimiles eritis bene fatis Quodpedibus premitis precibus reuolare volitis,. Morsfacit exofum res aufert atque calorem Vermibus exponit fætentia corpora reddit, Mors tuamors Chrifti, fraus mundi, gloria cæli, Et dolor inferni funt reuelanda tibi.Liure 11. Chapitre XVII. 21f Ovs venons de quitter vn Roy, d'humeur & decomplexion douce , facile , & paifible , qui fe laiffoit gouuerner , & croyoit fon Confeil , il fe repofoit volontiers du maniment des affaires fur les Princes & grands Seigneurs de la Couronne, cependant qu'il fe rejouïffoit auec fa famille , & paffoit fon temps plaifamment ; il- aymoit de tenir l'eftat de fa Maiſon en fplendeur , & fe plaifoit aux magnificences publiques; porté de cét humeur , il a recherché la paix de fi grande affe- tion , qu'il n'a point fait difficulté de l'achepter au prix de fon honneur. Voicy fon fils quiva entrer fur le theatre , il n'a pas la patience que fon pere ait parfait le cours de fa vie pour entrer en fa place ; neantmoins quand la fucceffion luy eft efcheue , & qu'il eft entré en poffeffion de fon heritage, il n'en peut faire fon profit , ny iouïr paifiblement des grands biens & richefſes, dont fon Royaume eftoit remply. Il employa les premieres années de fon Regne à defapointer les vns & les autres ; & a ofter les penfions que fon pere auoit ordonné eftre payées à ces bons Cheualiers, & notables Officiers de fa Couronne qui luy auoient aydé à chaffer les Anglois hors de la France ; cela les incita à prefter leurs armes aux Princes mefcontans , qui firent courir fortune de la vie au Roy à la journée de Mont - le- hery , oùpour fe fauuer deleurs mains il fut contraint de le retirer à Corbeil: par vn Mardy dix- huictiefme Iuillet , il fe repofa en cette ville iufques au leudy'enfuiuant. Depuis cette journée iufques à la fin de fon Regne , qui a duré vingt trois ans, la Preuofté de Corbeil a efté exercée par trois Caualiers ; Sçauoir , Valentin de la Roque, Antoine de Rubem- DV ROY LOVIS VNZIESME du nom . CHAPITRE XVII, Ddi212 Antiquitez de la ville de Corbeil, pré, & Lean de Neuf- Chaſtel ; ce qui m'a ſemblé eſtrange que des perfonnes de leur qualité ayent entrepris de rendre la lu- ftice au peuple de Corbeil, en vn temps auquel les Preuoftez eftoient baillées à ferme au plus offrant & dernier encheriffeur. En ce faifant que des Caualiers ayent voulu déroger à No- bleffe , en fe rendans Fermiers , & fujets aux rigoureuſes con- traintes des payemens des deniers Royaux. Maitre Etienne Pafquier m'a ofté de cét abaiffement, quand il m'a appris qu'il auoit trouué dans les Regiſtres de la Chambre des Comptes , que le Roy Louis XI. vfoit fouuent de liberali- tez extraordinaires , entr'autres qu'il faifoit deliurer à non prix à fes fauoris , les Vicomtez & Preuoftez , afin de leur donner moyen d'en faire leur profit. Il faut confeffer que toufiours il a eu de grandes confufions en la Iuftice de France , tant pour le choix des luges , quepour la multiplicité des Iurifdictions qui vont augmentant à l'infiny; encores que cegrand Chancelier de l'Hofpital ait donné aduis qu'il n'y auoit point de meilleur moyen de reftablir la Iuftice en fon integrité , que de fupprimer tous les- degrez des Iurifdictions , & laiffer aux Preuofts , Chaſtellains, l'exercice entier de la Iuftice dans leurs territoires , fous la cen- fure des Cours de Parlement dequoy Turnebus en déduit les raiſons enſes vers heroïques , qui conclud ainfi. Caftellana igiturfat erit, fat curia prima Hac duofufficient prætoria regia nobis • fudicium reliquum cunctis damnoque maloque eft. Auant que mettre noftre Roy en fon-repos , il nous conuient de parler des Maifons du Clos Bruneau fiz en l'Vniuerfité de Paris, que l'on nomme vulgairement le petit Corbeil. On tenoit anciennement les Escoles de Decret en cette Maiſon , qui auoit efté baſtie par Frere Gilbert Ponchet, Religieux de la Maiſon de S. Ican en l'Ile ; il eftoit Docteur en Droi&t Canon , & vul- gairement appellé Gilbert de Corbeil, à cauſe du lieu de ſa naif- fance , qui a donné le nom à cette Maiſon. Parfon Teftament il auoit ordonné que le loyer de cette Maiſon feroit diſtribué & partagé par moitié entre les Religieux de S. Lean en l'Ile, & ccux de S. Lean de Latran, aueclesquels ilfe retiroit du tempsLiure II. Chapitre XVII. 213 qu'il faifoit les Eftudes. Cette iouiffance par indiuís a duré iuf- ques en l'année 1482. que les Religieux de S. Iean de Latran de Paris , quitterent à ceux de Saint Ican en l'Ifle tout le droit. qu'ils y auoient. Le Prieur qui fit cette acquifition s'appelloit Frere Nicolas L'efbahy. Nous fommes appellez à la Maiſon par Maiftre Simon Capi- taut, natifde Corbeil , qui en fon temps aexcellé entre les Pro- feffeurs du Droi& Canon en l'Vniuerfité de Paris , il merita d'e- ftre pourucu d'vn Eftat de Confeiller Clerc au Parlement. Par fon Teftament il efleut fa Sepulture en l'Eglife de noftre Dame de Corbeil, en laquelle il eftoit Chanoine: ayant illuftré le lieut de fa naiffance parfa doctrine , il defira que fa memoire demeu- raft en bonne odeur à la pofterité , & legua vne bonne partie Ie trouue que la plus grande partie des Prieurs de S. Iean en FIle ont efté bons economes, & grands mefnagers , & ont trouué moyen d'attirer à eux la defroque des Templiers ; non feulement de ce qui eftoit en la Chaftellenie de Corbeil , & au Baillage de Melun, où ils ont la terre de Sauigny le Tem- ple , qu'ils tenoient de la liberalité du Roy Louis le leune , qui en auoit fait don aux Templiers dés l'année 1149. à fon retour de la Paleſtine, Ce fut au Concile de Vienne , tenu l'an mil. trois cens douze , que tous les biens des Templiers furent adiu- gez aux Hofpitaliers, à prefent dits de Malte ; & en l'année 1372. Frere Robert de Iully, Grand Prieur de France , conceda au Prieur de Saint Ican en l'ifle , tous les heritages des Templiers: qui eftoient dans le Baillage de Melyn , & en la Chaftellenie de Corbeil. En outre luy attribua les vacans des Eglifes Collegia- les de Saint Quentin, Roye, Peronne, qui eft vn droit de per ceuoir vne année du reuenu des Prebendes qui vacquent par mort ou refignation de l'vn des Chanoines des Eglifes fufdites. Cedroit auoit efté donné aux Templiers par Theodoric Euefque d'Amiens , l'an 1156. les Chapitres defdites Eglifes en ont com- pofé ; Sçauoir, ceux de Saint Quentin l'an 1202, à la fomme de quarante-quatre liures ; ceux de Roye à trente liures, par traitté de l'an 1203. ceux de Saint Fourcin de Peronne à trente liures, l'an 1205. Ces fommes fe payent à prefent par les nouueaux pourucus des Prebendes defdites Eglifes, au Prieur de Saint Iean en l'Ifle. [. Dd iij214 Antiquitez de la ville de Corbeil, de fes biens aux Chapitres de noftre Dame de Corbeil & de Saint Spire pour la fondation de douze Annuels, qu'il defita eftre Gelebrez par chacun mois efdites Eglifes. Son eloge eft pofé en la Nef de l'Eglife de noftre Dame de Corbeil deuant la Chaire du Predicateur. Nous auons rapporté au Chapitre precedent que lacques de Chabane auoit moyenné la reddition de la ville de Corbeil en l'obciffance du Roy Charles VII. il auoit vn frere nommé An- toine de Chabane , qui eftoit Seigneur du Pleffis- Briart , fiz en la Paroiffe de Courcouronne, pour raifon duquel il eut degrands differens auec le Prieur de Saint Guenault , pour le fait de la Iuftice du village de Courcouronne. En fin ils tranfigerent de leur procés en l'année mil quatre cens quatre- vingts & vn ; & conuindrent que la partie du village qui eft du cofté de l'Eglife du lieu , appartiendroit au Prieur de Saint Guenault , à cauſe du Fief qu'il a en ladite Paroiffe , que l'on nomme la Grange au Prieur ; & l'autre coſté du village feroit dela Seigneurie du Plef- fis: & pour diftinguer leurs Domaines par forme de bornes , ils firent plaquer & marquer chacun de fon cofté certains grands arbres qui font fur les confins de leurs terres & Seigneuries. Les Armes des Chabanes , felon Feron , font de gueules au lion d'Hermine , armé, lampaffé & couronné d'or, à caufe qu'An- thoine de Chabanes eftoit le Cadet de la Maiſon ; il auoit ef- cartelé ſes Armes de faces d'argent & d'azur à la bordure de gueules ; Sa race & famille eft venuë fondre en la Maiſon de Coligny.l'entens que depuis peu deiours le Prieur de S.Guenault a cedé fes droits de luftice au fieur le Bailleur , Seigneur du Pleffis - Briart. Le Roy Louis XI. mourut l'an de grace 1483. Sa vie & fon decés font fi naifuement peints & defcrits par le Seigneur d'Argenton , que d'en porter le pinceau apres luy feroit gafter l'ouurage,Liure IĮ. Chapitre XVIII. 215 DE CHARLES HVICTIES ME DV nom Roy de France. 'ADVENEMENT de CharleVIII. à la Couron- ne de France , remplit l'efprit des François d'vne douce efperance de la reformation des exactions & violances exercées durant le Regne de fon pere. En ce temps la Iuftice de Corbeil eftoit entre les mains deMaiftre Iean L'aifné , Aduocat en Parlement à Paris , qui fe porta d'accepter cette charge par la proximité des heritages qu'il auoit és enuitons de Corbeil; car il eftoit Seigneur du village de Peray, & de la terre du Mou- feau, fiz en la Paroiffe d'Evry fur Seine 3 le lieu paroiſt auiour- d'huy par les bois de haute fuftaye plantez , & les bastimens conftruits par le Seigneur de Maupcou , qui a tranfmis cette Seigneurie à fon fils , Prefident en la Chambre des Comptes à Paris , auquel elle eft efcheuë par la fucceffion de Damoiſelle Marguerite L'ailné fa mere, defcenduë dudit L'aifné, quia exercé la Iuftice à Corbeil , depuis l'an 1483. iufques en l'année 1492. qu'il deceda , & fut enterré en l'Eglife de S. Spire, deuant l'Au- tel de la Chapelle fainte Catherine, où l'on void ſa repreſenta tionauec cette inſcription. Cygift Noble homme Maistrerean L'aifné, garde depar Roy noftre Sire de la Preuofté deCorbeil, & Efeu Particulier de ladite Ville, qui deceda l'an 1492 . Il a efté cy-deuant parlé de Gilles Mallet , Maiftre d'Hoftel du Roy Charles VI. Vicomte de Corbeil , Seigneur de Ville- CHAPITRE Ses Armes eftoient d'azur à trois aifles d'or, Il reste encores à Paris plufieurs Maiſons Illuftres , qui du coſté maternel tirent leur orgine dudit L'ailné. XVIII. le216 Antiquitezde la ville de Corbeil, pefque , & de Choifi , qu'il auoit acquis dés l'année 1406. &en auoit fait l'hommage l'année fuiuante à Iean de Touteuille, Maitre des Comptes , Seigneur de Mons-fur- Orge. Ieanne de Soiffons veufue dudit Mallet en porta l'hommage au Chapitre de noftre Damede Paris , auquel la Seigneurie de Mons auoit efte leguée. Depuis par le partage fait entre Lacques & Louis Mallet, enfans de ladite Soiffons , la -terre efcheut au lot de Iacques, qui latranfmit à fa fille Louife Mallet , femme deGilles D'agincourt, qui en l'année 1480..vendit la terre de Soifi à Oliuier le Daim, Vallet de Chambre du Roy Louis XI. Belle-foreſt qui n'a pas efté inftruit de ces particularitez , a efcrit que le Roy auoit donné à Olivier la Vicomté de Corbeil, la Seigneurie de Soifi , la Gru- rie de Sennart , auec la Iuftice des villages de la Chaftellenie de Corbeil; ce qui n'a peu eftre en la façon qu'il expofe : car nous auons cy- deuant monftré que la Vicomté de Corbeil n'a point efté, comme elle n'eftpas encores à prefent, du Domaine du Roy, ains vn Fief particulier diuifé du Comté de Corbeil; & mainte- nant il eft comme attaché à la Seigneurie de Tigery. Comme Oliuier acheta la terre de Soifi ; par mefme moyen il acheta . la Vicomté de Corbeil Quant . à ce qu'il dit que le Roy luy don- na la Gruriede Sennart, & la Iuftice des villages de la Chaftelle- nie de Corbeil , cela me fait prefumer que le Roy luy confera la Capitainerie de Corbeil, à laquelle eft annexée la luftice de la Grurie, non pas la Iuftice des villages de la Chaftellenic , en- cores qu'en icelle la Foreft de Sennart en foit enuironnée ; car cela eft de la fonction du Preuoft de Corbeil, dont pour lors eftoitpourueu leande Neuf-Chaftel. Au refte l'Hiftoire d'Oliuier le Daim eſt affez notoire , &qu'il s'appelloit Oliuier le diable , & que le Royfon Maiftre ne pou- uantporter l'horreurde ce nom, lechangea en mauuais. Depuis la promptitude à faire tout ce qu'il eftimoit eftre agreable au Roy, luy acquit le nom de Daim , auec les bonnes graces de fon Mai- ftre , defquelles il abuſa, & ſe rendit mal youlu de tout le monde, Commines efcrit fi naïuement les ineptiés qu'il commit en l'Am- baffade qu'il fit à Gand par deuers la Princeffe de Bourgongne} & T'heur qui le fauorifa en la furpriſe de Tournay auéc fon incon- fideration , en annoncent la mort au Roy, que ie me tiens pour excufé d'en faire plus longrecit, 12 .. PourLiure II. Chapitre XVIII. 217 me femble neceffaire de faire fçauoir qui eft ce Kerke- leuant , qui gift dedans le Choeur de l'Eglife de noftre Dame de Corbeil ; l'ay appris que c'eftoit vn Gentil-homme Bre- ton , que Charles Duc de Bourgongne auoit attiré à ſon feruice, & luy auoit fait efpoufer l'heritiere de la Maifon de Liques en Boulonois , apres la mort de fon Maiftre ; en fuiuant l'exemple du Seigneur des Cordes , & autres', qui auoient leurs heritages fituez dedans les terres du Roy deFrance. Ilfe mit au feruice de fa Majefté, & eftoit Lieutenant du Baftard de Cardon, Gouuerneur de la ville d'Arras , que le Roy tenoit en fa main, par lemoyen d'vn faific feodale. En l'an 1489. les Anglois cftans entrez au Boulonois , lc Sci- gneur des Cordes , Gouverneur de la Prouince , fut au fecours, auec les Gens-d'armes qu'il tira des Garnifons , & Cardon y conduifit la Caualerie , qui eftoit à Arras , laiffant Kerkeleuant à la garde de la ville auec les gens de pied , entre lefquels on auoit reçeu quelques VVallons , qui liurerent la ville à l'Archiduc. L'vn de ces VVallons pofé en fentinelle chantoit à vaux de ville , quelle heure eft-il, il n'eft pas heure, qu'elle heure eft- il, il n'eft pas iour , le ſignal de l'approche eftoit le refrain de la Chanfon, Marche la Duron Duraine : à ce chant les Bourguignons Pour dire en peu de paroles le fujet de la condemnation du- dit Olivier, c'eft que Triftan l'Hermite , grand Preuoft del Ho- ftel , auoit en fes prifons vn Gentil-homme, mary d'vne belliſ- fime femme, quien cetteaffliction penfa auoir recours à Oliuier, & fous la promeffe qu'il luy fit , de faire deliurer fon mary, elle luy abandonna fon corps ; cét impudent , au lieu d'effectuer la promeffe, fit enfermer ce pauure Gentil-homme dedans vn ſac, & le ietter dedans la riuiere de Seine. Si Oliuier fit perdre la vie à cet homme dedans l'eau, la fienne fut eftouffée en l'air; & fon corps attaché àvne potence , feruit de rifée à l'infolante po- pulace. Les biens d'Oliuier furent confifquez , & acquis pour ceux aufquels ils appartenoient : par ce moyen la terre de Soift fut-reünie à fon Fief dominant de Mons-fur-Orge, appartenant au Chapitre de noftre Dame de Paris. L'antiquité de la Tourde Soifi , qui ornoit cette contrée, lors que i'ay commencé a cfcri- re ces Memoires , m'a engagé à rapporter ce qui s'eſt paffé aux Seigneurs d'icelle , durant la minorité du Roy Charles. Ec218 Antiquitez dela ville deCorbeil, efcaladereift la place , fefaifirent du corps de garde , & arriuerent fi promptementau logis de Kerkeleuant, qui à peine cuft- il loi- fir de fe retirer tout nud dedans la Cité que l'on fortifioit ; il fut affailly fi promptement qu'on ne luy donna pas le loifir de fe reconnoiftre , & rendit la place affez legerement ; cela fut caufe qu'il fut tres- mal reçeu de fon Capitaine , & du Seigneur des Cordes , & mal voulu de tous les Picards. De honte qu'il en cut il quitta ce païs- là , & vint faire fa retraite à Corbeil , dont la Capitainerie luy auoit efté cedée par Oliuier le Daim. Il ne fit pas long fejour à Corbeil , il fe laiffa moutir de regret du mal- heur qui luy eftoit arriué. Sa femme y demeura iufques en l'année 1501. qu'elle trefpaffa , & fut inhumée auec fon mary dans le Chœur de l'Eglife de noftre Dame de Corbeil ; les Eftendars qu'elle y auoit fait mettre ont efté oftez , & la Tombe abaiffée à l'aire de l'Eglife , & ne refte de l'inſcription qui y auoit cfté grauée que ces paroles. Viuante femme de Meßire Lean de Kerkeleuant , Seigneur de Liques , de la Nor- uille, & de Senerpont, qui trefpaffa le vingt- uniefme Septem- bre mil cinq cens vn . Ses armes eftoient compofées d'vn Chevron , portant en chef deux Hermines . Lamortarriya à fouhait à ce Breton, puis qu'elle eft (felon lemonde) autant fauorable aux mal-heureux , quefaf- cheuſe à ceux qui iouiffent de leurs contentemens & plaifirs; ainfi qu'il arriua au Roy Charles huitiefme du nom, qui mourut inopinément en la ville d'Amboife , la Vigile de Parques Flo- ries , n'eftant âgé que de vingt- huit ans , ayant acquis beau- coup de gloire à la conquefte du Royaume de Naples. C'eftoit vn Prince d'vne bonne & douce humeur , viuant fans excés, qui portoit toutesles affections à l'honneur de Dieu , & à l'amen- dement de fa vie : L'année de noftre Salut 1497. a eſté ſignalée defa mort, fort extraordinaire. 12 upleunLiure II. Chapitre XIX. 219 DE LOVIS DOVZIESME DV NỌM NOM Roy de France. A plume auroit grande enuie de tourner fon vol à la fplendeur des actions, illuftres du Roy Louis XII. du nom , à caufe des faueurs que ce Latines Monarque a départies aux Mufes Grecques & ; c'eft luy qui leur a ouuert la porte, & Lepeuple de Corbeil m'appelle pour renouueller la memoire de fes anciens Comtes qu'elle a veû fleurir , & de nouucau produire des fruits excellens à la France , s'eftans laiffez perfua- der que ces grands perfonnages Guy & Guillaume de Roche- fort Chanceliers de France , font defcendus de nos anciens Comtes de Corbeil , la pofterité defquels ayant efté exagitée par les Rois de France , fe feroient retirez en Bourgongne, où ils ont produit vne nouuelle famille , de laquelle par fucceffion de temps font fortis ces deux Chanceliers de France ; Guy fit paroiftre fa grauité & magnanimité , en l'action celebre qui fe paffa en la ville d'Arras , l'an 1499. quand il reçeut l'hommage CHAPITRE XIX. donne entrée enfon Royaume, pour venircom- muniquer aux François leurs trefors & richeffes. Elle ne feroit iamais laffe d'efcrire les hauts faits d'armes qu'il a exploitez, tant en fa propre perfonne, que fous les heureux aufpices de fon nom ; elle compteroit fes victoires , nombreroit fes lauriers, exalteroit les trophées : Mais fon ftile eft trop foible , fa taille inegale & impuiſſante, de pouuoir reprefenter ce Roy Martial foudroyant l'Italie , & faifant cottber fous fes armes ces peuples fubtils & adroits. Noftre deffein conduit noftre main à ce qui eft de plus humble , & à tourner les yeux vers la Iuftice qui fait regner les Rois , leur acquiert l'amour & bien-veillance des peu. ples , les comble d'honneur, & remplit les fiecles fuiuans de la bonne odeur de leurs perfections. Ee ij220 Antiquitez dela ville de Corbeil, que Philippes Archiduc d'Auftriche deuoit au Roy de France, à caufe des Comtez de Flandres & d'Arthois . Il monftra depais fa conftance en tenant la main fermeà faire obferuer les Ordon- nances de la reformation de l'Vniuerfité de Paris ; & fit quitter au Recteur toutes les vaines pretentions , &le neceffita de venir auec fes Suppoſts trouuer le Roy, qui lors refidoit à Corbeil ; & par l'interuention du Cardinal d'Amboile fe reconcilier & re- chercher la grace du Roy. Le Maufole des Chanceliers de Rochefort eftoit en l'Eglife des Celeftins à Paris, en la Chapelle des dix Martyrs , qui a efté defmoly pour amplifier la Chapelle de S. Pierre le Celeftin , de la Maifon de Luxembourg. Du furplus nous trouuons que le Roy Louis XII . venoit fou- uent à Corbeil, & qu'il defira que le feruice diuin qui fe cele- broit en l'Eglife S. Spire fe chantaft en Mufique ; pour leur don- ner moyende ce faire, il ordonna que le reuenu d'vne Prebende fuft employé à entretenir des enfans de Chœur; ainfi qu'il eft rap- porté en l'Acte de la reformation qui fut faite dudit Chapitre, l'an 1532. Le Roy Louis fit cela à l'imitation de Philippes Au- gufte, qui dés l'année 1199. auoit ordonné la mefme choſe. Ce n'a point efté par flaterie que le Roy Louis a efté appellé Pere du peuple ; car la grandeur des guerres qu'il a fait en Italie , ne Font point empefché d'auoir foin de la luftice & Police de fon Royaume, pour le foulagement de fon peuple , & l'ofter de la confufion en laquelle il viuoit ; il fit rediger par efcrit les Cou- ftumes de plufieurs Prouinces de France ; celle de Paris fut faite l'an 1510. En l'Aſſemblée des Eſtats , Noël de la Lande Preuoft de Corbeil, &Thomas Benoift, auec quelques Praticiens, y com T'ay efté long-temps en doute fi Maiftre Thomas de Ro- chefort, Bailly de Saint Germain des Prez , homme de probi- té finguliere , eftoit point defcendu de la race defdits Chan- cheliers : Quoy qu'il en foit , toufiours Corbeil fe peut ven- diquer cette nouuelle famille de Rochefort , qui poffede le Fief de la Salle fiz au village de Couldray , proche la riuiere de Sei- ne. En ce lieu , comme en vnautre tufculum , ledit fieur de Ro- chefort vient en temps des Vacations du Palais fe repofer des trauaux du Bareau , pour recreer fon efprit en meditations fe- ricufes , que la Philofophie Chreftienne luy fuggere en ce deli- cieux feiour.Liure II. Chapitre XIX. 221 L'an 1512. le Roy eftant affailly par les Anglois , Suiffes , & Ef- pagnols , fut contraint d'engager fon Domaine. Celuy de Cor- beil, Melun, & Dourdan , fut baillé à Louis de Grauille, Admi- ral de France , pour la fomme de quatre-vingts mille liures qu'il prefta au Roy. Mais depuis par fon Teftament il enjoint à ſes heritiers de remettre des places és mains de fa Majefté fans re- petition de deniers , fuppliant le Roy de vouloir diminuer les Tailles des villages plus foulez de pareilles fommes.qu'il auoit baillées au Roy, faifant confcience que depuis fa grande ieu- neffe il auoit efté gratifié d'Eſtats , & penfions dont il auoit tiré de grands profits de la chofe publique , qui en auoit efté furchar- gée. Encores qu'il creuft & eftimaft auoir bien & loyaument fer- uy le Roy fon Maiftre & fa Patrie de tout fon pouuoir , fans y auoir efpargné fa perfonne & fes biens : ce que nous expofons d'autant plus volontiers pour faire honte à ceux de noftre fiecle qui s'efloignent fi fort de'ces fentimens genereux , & vrayement dignes de la Nobleffſe Françoife. Que la France eftoit heureufe d'eftre gouuernée par des Officiers genereux , &fous vn Roy fi parurent & affifterent : où il eft à remarquer que les Preuofts Royaux reffortiffans au Chaſtelet de Paris , font mis en autre ordre en la reduction de la Coutume , qui fut faite 1510. & celle qui a efté faite en l'année 1580. dont ie tire cette conſequence, qu'entre lefdits Preuofts il n'y a point de prefeance, ny de prcro- gatiue , finon celle de l'antiquité de leur reception en leurs char- ges & Offices , qui ne defpendent aucunement I'vne de l'autre. Le Preuoft de la Lande auoit vn frere qui fe difoit fieur de Vaulx-celles , & de Vincelotes , Efcuyer ordinaire de l'Ecurie du Roy, & Capitaine de Corbeil , qui mourut l'an de grace mil cinq cens, le penultiefme iour de fanuier. Le Preuoft fon frere le fur- uefcut de vnze ans , qui mourut l'an 1511. & cut pour fucceffeur Pierre de Maumont. Aupres de la Tombe defdits fieurs de la Lande, il y a vne autre grande Tombe en l'Eglife de noftre Dame, fur laquelle font empreintes trois femmes , & fur le coſté droit de la pierre, eft la reprefentation d'vn homme couuert d'vn habit de Cordelier , le Capuchon en teſte , ſon nom eſt Laurens de l'Ifle , mary defdites trois femmes ; ce qui m'a femblé mon- ftrueux, qu'vn homme qui auoit vfé de tant de femmes ait voulu eftre reprefenté en habit de continence. Ee iij222 Antiquitezdela ville de Corbeil, Jufte, Sage & temperé , qu'eftoit le Roy Louis XII. qui ne me furoit point la probité des perfonnes par fes propres intereſts, comme l'on a fait depuis ! Il pleut au grand Roy des Rois de le retirer du monde le premier iour de l'année mil cinq cens quinze, laiffant àfon peuple vn regret ineftimable de ſe voir priué d'vn fi bon & vertueux Roy . DV ROY FRANCOIS PREMIER, XX. A Couronne Royalle de France eftant deuoluë fur le chef de François d'Orleans ; il releua l'honneur de fes fleurons , par les graces des Mu- fes qu'il reçeut dans fon Louure ; les logea dans le cœur de fes fubjets , & en remplit les Vniuer- fitez de fon Royaume. Les grandes guerres ef- quelles il s'eft employé durant le cours de fa vie , ne l'ont point empefché de cherir & careffer les hommesdoctes , de recompen- fer leurs trauaux , & de bien falarier la peine de ceux qui s'em- ployent à inftruire la ieuneffe. A fon aduenement à la Royauté, il trouua dela befogne taillée , que la mort inopinée de fon pre-. deceffeur auoit empefché de mettre en œuure. Les armées eftoient toutes preftes de s'acheminer au recouurement du Du- ché de Milan , & du Royaume de Naples ; mais auant que hors de la maiſon il eftoit neceffaire de pouruoir à la feureté des villes & fortereffes dela France: Leperil recent auquel elle s'e- ftoittrouuée expofée, par faute d'auoir eu foin des fortifications des villes , incita le Roy d'y apporter quelque ordre & remede conuenable, que fon Confeil creut confifter à creer & eſtablir en chacune ville vn Controlleur des deniers communs & d'octroy, pour tenir la mainà ce que les Maires & Efcheuins des villes em- ployaffent les deniers deftinez aux reparations & fortifications de leurs villes , & nonailleurs. L'Edit en fut publié l'an 1515. & du nom . CHAPITRE fortirLiure II. Chapitre XX . 223 fuiuant iceluy on eſtablit à Corbeil vn Controlleur, qui fut ad- ioint aux Efcheuins & au Receueur , comme vne cinquiefme rouë, qui empefche plus le train des affaires qu'il ne les fait auancer. Parcét Edict des Controlleurs , l'on n'a point reuoqué ny reſtraint le pouuoir & les fonctions des Efcheuins , qui natu- rellement font ordonnateurs des deniers communs & d'octroy des villes ; mais en leur donnant vn Controlleur on leur a ofté la facilité de diuertir les deniers publics. Ce fut vn grand bien à la France de ce que les villes & forte- reffes fe trouuerent en bon eftat , lors que le Roy François tom- ba entre les mains des Efpagnols ; cela ofta à tous les ennemis de la France , de pouuoir faire aucune entrepriſe fur fon Eftat. La genereuſe refolution du Roy François , de finir pluftoft fes iours en captiuité , que de confentir qu'il fuft fait aucun preiu- dice à l'honneur de la Majesté Royalle de la France ; cela fit ployer & inclinerfes ennemis à conuenir à des conditions, finon equitables , du moins plus fupportables. En fuitte du Traité de paix le Roy retourna en France , en liurant deux de fes fils en oftage entre les mains des Efpagnols ; Sur l'affeurance de fi bons gages, l'auarice des Efpagnols fçeut finement efpuiſer les finances de la France iufques au dernier denier ; de forte que pour paracheuer le payement des millions d'efcus promis par le traitté de Cambrefis , fait l'an 1529. l'on fut contraint de met tre la main à l'heritage , & bailler en payement les terres & Sei- gneuries que plufieurs de la Nobleffe de France poffedoit cn Flandres , & ce au prix du denier vingt, des fruits & reuenus que les terres rendoient en ce temps- là . Entre ceux qui contribuerent de leurs heritages pour la deli urance de leurs Princes , Antoine du Bois, Euelque de Beziers, bailla & ceda plufieurs belles terres de fon patrimoine , qu'il auoit au païs de Henault ; en recompenfe defquelles , & par forme d'efchange on luy bailla la Comté de Corbeil , & les Sei- gneuries de Poiffy & de Gournay ; par Contract paffé à Paris le vingt-feptiefme Auril 1530. En fuitte , du Boisfut mis en pof- feffion de la ville & Chaſtellenic de Corbeil, par Maiftre Nicole Beze, Confeiller en la Cour de Parlement de Paris , qui ſe transporta à Corbeil , où il fit faire vn nouueau ferment à Be- ranger Boucher, Preuofty Lean Voifin Procureurdu Roy, &au-224 Antiquitez de la ville de Corbeil, tres Officiers de la Iuftice de Corbeil ; & leur enjoignit de garder les droits du Seigneur du Bois , comme auparauant ils faifoient les droits du Roy. Ce nouueau Seigneur de Corbeil obtint des Lettres patentes du Roy , pour reünir à fon Domaine tout ce qui en auoit efté aliené. En vertu de ces Lettres il fe fit plufieurs pourſuittes , pour faire reuoquer les alienations des luftices des villages , acquifes par le Prefident S. André à Trigery ; par le fieur Bouguier à Efcharcon ; par le ficur Tronçon au Couldray ; par le fieur de Valenciene à Ormoy & Villabé ; par le fieur Ber- nard à Saintry ; par le fieur Gron à Tilly , & Paroifle de Saint Fargeau. Ie n'ay point apperçeu que ces Lettres ayent forty au- cun effet ; & des procés qui en furent intentez , les Officiers de Corbeil n'y gagnerent autre chofe que la haine & inimitié de ccux aufquels ils s'adrefferent. Neantmoins le Roy François par fon Ordonnance de l'an 1539. ne prend point d'autre pretexte pour empefcher la prefcription du Domaine Royal, finon d'en reietter la fautefur les Iuges des lieux, qu'il dit auoir apporté de la negligence &conniuence aux prefcriptions encores : que ce qu'il adioufte foit veritable , que de fimples Iuges n'ofent s'adreffer contre les detempteurs de fon Domaine , à caufe de la puiffance, credit & faueur que les fufdites perfonnes ont en la Iuftice , & aupres du Roy; la faute donc n'eft pas fi grande , fi les Officiers eftonnez de la grandeur & puiffance des detempteurs paffent par diffimulation les preſcriptions : joint que ceux qui ont baillé & fourny au Roy leur argent , pour auoir & iouir de ces droits Domaniaux, ne peuuent legitimement eftre depoffedez , fans auoir eftê rembourſez des fommes qu'ils ont fournyau Roy. Et oùvoudroit-on que de petits Officiers trouuaffent l'argent pour faire le rembourſement des grandes & frequentes alienations qui fe fontau Confeil d'Eftat du Roy? Ceferoit à ces Meffieurs d'apporter pareille diligence à empefcher les prefcriptions, qu'ils Retournons fur nos pas, fi toft que le Roy eut recouuert fa li- berté, il fit trauailler àla reformation des abus qui s'eftoient glif- fez en tous les Ordres & Eftats de fon Royaume, principale- ment en ce qui regardoit le Seruice de Dieu , & de fon Eglife: de ce en fut fait vn acte fignalé à Corbeil, l'an de grace 1534 . en lareformation du Chapitre de Saint Spire , qui fera cy-apres font faciles aux alienations. tranfcrit.Liure IL Chapitre XX. 225 tranferit. Entre les papiers de l'Hoftel de ville de Corbeil , il y a vne Lettre efcrite par le Roy aux habitans de Corbeil , dont la teneur s'enfuit. Chers &bien. Amez ; Nous auons efté aduertis que depuis la reformation qui ces iourspaffez a efté commencée à faire és Egli- fes Collegiales de noftre ville de Corbeil, du grand defordre qui ya efté cy-deuant, &queplufieurs Calices & ioyaux d'or &d'ar- gent du Trefor de ladite Eglife , ont efté emportez & enleuez: Entr'autres fept grandes Images d'argent doré , qui estoient at- tachées autour de la Châffe, où gift le Corps de S. Spire, qui ont efté donnéespar la feu Reine Adelle , efpoufe defeu de bonne me- moire, Louis le Gros noftre predeceffeur ; le toutpar le mauuais deffaut & coulpe d'un des Chanoines Fabricier : Et d'autant que nous voulons & entendons ladite reformation fortir fon plein effet,felon la forme de l'Arreft de noftre Cour de Parlement ; Nous vous mandons & enioignons tres -expreßsément , que pour le fait &recouurement defdits Calices , Images & ioyaux , vous faites &faciezfaire de voftrepart toute deuë inquifition , diligence, & pourfuitte, tant à l'encontre dudit Fabricier , qu'autre qui befoin Jera , en maniere que le tout aueré vienne en lumiere , & que днериpu nition des delinquans & coulpables en foit faite, ainfi qu'au cas· appartiendra, y donnans tout le pouuoir & aßistance telle qu'elle· eft requife ; & pareillement au paracheuement de ladite reforma- tion, en telleforte que le feruice diuin foit cy- apres continué en ladite Eglife , felon l'inftitution des Rois nos predeceffeurs, & gardez qu'il n'y aitfaute : Car tel eft noftre plaifir. Donné à Paris le feiziefme Mars mil cinq cens trente- deux. Signé, FRANCÕIS, Et plus bas BOCHETEL. Én fuitte de cette Lettre font attachées les poutfuittes faites par Iacques Ruelle Procureur Syndic , par deuant Maiftre Be- ranger Boucher, Preuoft de Corbeil , & les expeditions fignées par Perrichon Greffier. Par la procedure il fe trouua que c'eftoit vne impofture inuentée par vn Chantrede la Chapelle du Roy, Chanoine du Chapitre de S. Spire , contre Maiftre lean Roger Chanoine , Fabricier de l'Eglife de Saint Spire , qui rendit bon compte de fa charge & adminiſtration ; auffi a-t'il laiffé à la po- fterité vn telmoignage, qu'il eftoit plus difpofé à donner & or- ner l'Eglife , que d'en prendre ny fouftraire aucune chofe car il • Ff C…226 Antiquitez de la ville de Corbeil, ” a paré la Chapelle de S. Clement d'vn beau Tableau, qui eftfur l'Autel deuant lequel il eft inhumé, & fon decés cotté de l'an- née 1551. le m'eftonne de ce que le Roy efcrit que l'Image de la Reine, attachée à la Châffe, foit la reprefentation de la Reine Adelle, femme de Louis le Gros ; il y a apparence que par flatterie on luy a donné cela à entendre , à caufe que fa Mere eftoit de la Maiſon de Sauoye , comme la fufdite Adelle , qui fut fille de Hubert fecond du nom , Comte de Moriene, & fœur d'Ame- dée premier Comte , de Sauoye , par l'octroy de l'Empereur , de Henry cinquiefie. Nous auons appris que Othon troiſieſme, donna à fon Neueu Berard pour Armes , l'Aigle de fable mem- bré & becqué de gueules en champ d'or. Depuis Amedée qua- triefme ayant deliuré Rhodes l'an 1310. il my-partit fon Efcu de la Croix blanche au champ de gueules. De plus , les Ducs de Sauoye pour conferuer la memoire de leur extraction de la Mai- fon de Saxe , ont chargé leurs armes d'vn petit Efcuffon my- party des Armes de l'ancienne famille venuë de Vintichind, qui porte de gueules au cheual blanc : Et de la nouuuelle venue de Bernard d'Enhalt , auquel l'Empereur Frederic premier donna la Saxe, qui porte en fes Armes fix faces , trois d'or, & trois de fable, trauerfées d'vn demy Chapelet de ruë au naturel , quieft de fynople. Parla defcription de ces Armes, l'on peut connoiſtre que les Armes de l'Image attachée à la Châffe, n'eft point la reprefentation d'Adelle, femme du Roy Louis leGros , d'autant que les Armes font de fix faces de gueules & d'argent , fans: bande ny trauerfe , que nous auons cy-deffus verifié eftre les Armes de Clemence , femmedu Roy Louis Hutin : ioint qu'en tous les papiers de l'Eglife de S. Spire, il ne s'y trouue rien efcrit d'Adelle femme de Louis le Gros . Par le compte des deniers communs & d'octroy de l'an 1544. rendu par Maitre Lean Berger, pardeuant Maiftre Beranger- Boucher, Preuoft de Corbeil , l'on peut reconnoiftre quelque chofe de ce qui fe paffa en France, lors de l'inuafion de l'Empe– reur Charles le Quint ; car ily a vn chapitre de la defpence qui fe fit pour la reception de Monfeigneur le Duc d'Orleans , fils: deMonfeigneur le Daufin , le huictiefme Auril en ladite année. On le retiroit de Fontainebleau , oùil cftoit nourry, & lors n'a- •Liure II. Chapitre XX. 227 uoit que trois mois , & le portoit- on à Paris pour le mettre hors des dangers de la guerre ; il eftoit venu par la riuiere de Seine aborder au Port S. Laurent, où il fut reçeu & accueilly par les habitans , qui le porterent en la Maifon de Maiftre Iean Ber- ger , Chanoine de Saint Spire , où le Roy auoit accouftumé de loger. De plus, il y a vnautre chapitre des deniers employez à l'achapt d'vne piece d'Artillerie , de Picques , hallebardes , & baftons à feu , achetez pour la deffence de la ville , s'il en cuſt efté befoin ; car l'on voyoit que l'Empereur auançoit iufques au cœur de la France. L'on y apprend encores que Ican Cara- ciol , Prince de Melphe, Marefchal de France , fut long-temps és enuirons de Corbeil , auec grand nombre de Cheuaux Le- gers , & Soldats Italiens , & qu'il voulut mettre le Capitaime Martin, auec fa Compagnie de Caualerie , dedans Corbeil en garnifon. Les Efcheuins furent contraints d'aller à S. Germain en Laye trouuer le Roy, pour eftre deſchargez de cette garni- fon; &fut commandé à tous Gens-d'armes de tirer vers la fron- tiere où l'ennemy paroiffoit. Au mois de Septembre l'Empe- reur ayant furpris Chafteau-Thierry, le Roy de France vint fe camper à Hermainuilliers , fon armée couuroit toute la Bric, & la Caualerie eftoit logée depuis Farmonftier iufques à Corbeil, où le Roy ordonna qu'on leueroit deux cens Arquebufires , qui feroient commandez par le Capitaine de Corbeil; il ne fut point de beſoin d'entretenir cette Compagnie , car Dieu toucha le cœur des Monarques , & les difpofa à la paix , qui fut concluë à Crefpyen Valois. Sous le Regne de François premier, Eftienne & François Poncher, I'vn apres l'autre , ont deferuy l'Euefché de Paris ; car le Roy ayant pourueu Eftienne de l'Office de Chancelier de France , luy confera l'Archeueſché de Sens : il refigna fon Eueſ- ché de Paris à fon Neueu François , lequel a fait baftir le Cha- fteau de Villemenon , en la Paroiffe de Seruon. La proximitéde ce lieu , & fon voifinage auec l'Abbaie de Iarcy , luy fit con- noiftre le defordre qui eftoit en ce Monaftere de filles ; il fit venir de Montmartre des Religieufes , qui s'acquitterent digne- ment de leur reformation. La reputation de leur charité attira plufieurs filles à venir faire profeffion en cette Abbaie, en forte qu'il conuint d'agrandir le Dortoir ; & la Reigle de leur Ordre T Ff ij228 Antiquitez de laVille de Corbeil, y CHAPITRE XXI. w eftant bien obferuće , la Maiſon fut remplie de toutes fortes de commoditez, & eurentmoyende clorre de murailles ce Bois de haute fuftaye , qui fert d'ornement & commodité de chau- fage à la Maifon ; elle auroit befoin d'vne pareille reformation , tant pour le fpirituel que pour le temporel. Si iamais Prince a reffenty l'inconftance du cours des affaires du monde , ç'a eſté le Roy Fraçois premier , finon en vne chofe , que iamais au- cune aduerfité ne l'a peû faire branfler en l'affiete de la gene- rofité de fon cœur Royal, ny de la fincerité de la Foy Ca- tholique. Eftant à Rambouillet , le trentiefme iour de Mars, l'an mil cinq cens quarante-fept , il paffa de cette vie en vne meilleure , la cinquante-troifiefme de fon âge , & le trente- troifieſme de fon Regno, ARREST DE LA REFORMATION du Chapitre de l'Eglife de S. Spire. NTRE le Procureur General , demandeur &requerant l'enterinement de certaines Lettres patentes decernées par le Roy en fon Confeil, le neufiefme Nouembre mil cinq cens vingt- neuf, afin d'eſtre procedé à la reformation de l'Eglife Collegiale de S. Spire de Corbeil, d'une part , & Maiftre Iean Roger, Iean Bonemer, Iean le Berger , Phi- lippes Nicolas , Guillaume. Calichet, Touffaint Barin, & autres leurs adherans , Chanoines de ladite Eglife, d'autre part: Veu par nous Iean Verius, Confeiller en la Cour de Parle- ment , Prefident en la Chambre des Enqueftes , & Nicolas Brachet , außi Confeiller duditfieur ; les deffences defdits Cha-Liure II. Chapitre XXI. 229 noines , repliques dupliques defdites parties , & tout confideré: Nous auons dit ordonné ce qui s'enfuit. Item , ľ Ábbé , Chanoines , Cheuecier , Chapelains , Vicai- res , ne diront, ny celebreront Meffe durant le Seruice diuin, & Obitsqui feferont au Chœur, finon qu'aucuns Pelerins paf- fans voufiffentfairedire Meffe , auquel cas aucuns des Ĉha- pelains & Vicaire pourront aller celebrer durant le Seruice di- uin s'ils enfontpriez, & non autre perfonne. lors Item, aucun de ladite Eglife ne pourra entrer au Chœur lon chantera Matines, s'il n'y entre auant le Gloria Patri du premier Pfeaume , & femblablement aux autres heures , auant le Gloria Patri du premier Pfeaume ; & à la Meffe auant lafin de Kyrie eleifon , y refide iufques à lafin defdites heures ; & fi l'Abbé , Chanoines , Cheuecier, Chapelains , Vicaire , ou Clercs de ladite Eglife , entrent av Chaur autrement que deffus eft declaré , il fera licite au Chantre ou Hebdomadier, en l'abfence dudit Chantre , de luy commander qu'il forte hors du Chaur, & perdra la diftribu- tion de ladite heure. Item, au cas que ledit Chantre Hebdomadier, ou l'vn d'eux feroit en deffaut , ou negligent d'accomplir ce que deffus, ou qu'cux mefmes feroient tranfgreffeurs dudit Statut, l'Ab- bé , s'il eft prefent , ou en fon abfence le plus ancien Chanoine qui fera lors au Chœur, fera iẞir hors de ladite Eglife ceux Premierement, quefuiuant la reformation qui fut faite en l'année 1208. efcrite au dix-fept, & dix-huictiefmefeuillets du Cartulaire de ladite Eglife Que ; dorefnauant il fera mis en l'Eglife vne Table & Matricule , en laquelle le Chantre ef crira ou fera efcrire chacune femaine ceux de ladite Eglife, lefquels & en quels Offices ils doiuent deferuir par les femai- nes & iours feriaux , & des Feftes. < que Ff üj230 Antiquitezdela ville de Corbeil, qui auront contreuenu audit Statut , neantmoins perdra la diftribution de ladite heure. Item, ledit Chantre fera continuelle refidence aßi- ftance au Seruice diuin ; Et pource que la totale charge de faire entretenir le Seruice en ladite Eglife , & faire garder parles Beneficiers les ceremonies de l'Eglife , il fera deformais payé d'vn muid de bled , qu'il a droit de receuoir à cause de ladite Chanterie, Item, auons ftatue que le Seruice defdites Eglifes fera chanté , & celebré diſtinctement, eu efgard à la folemnité du Item, fi le Chantre nefaitfon deuoir , l'Abbé , s'il eftpre- fent, luy remonstrerafesfautes & negligences , pour y pour- uoir, & en l'absence de l'Abbé le plus ancien Chanoine; neantmoins il rapportera au Chapitre les fautes & negligences, tant defdits Chantres , Chanoines , Cheuecier , Chapelains, Vicaire & Clercs, chacun d'eux respectiuement , pour d'icelles fautes eftre punis par l'Abbé & Chapitre, Item , •pource qu'à prefent il ne fe fait point de diftribution ordinaire , chacun iour à la Meffe, Vefpres, & petites heu- res ,fors & referué à Matines, efquelles l'Abbé gagne qua- tre deniers, & chacun Chanoines deux deniers , qui fe prei- gnentfurles deniers de la Communauté : Auons dit & ftatué, qu'outre les diftributions ordinaires, fera diftribué aux Abbé, Chanoines , qui aßifteront à la grande Meffe & Vefpres, & àchacune defdites heures , àl'Abbé quatre deniers parifis, & aux Chanoines deux deniers parifis ; lefquelles diftributions feront prifes fur le reuenu dudit Chapitre ; & ferafait Ta- ble ainsi qu'il eft accoustumé de faire en ladite Eglife , où feront efcrits les Abbé , Chanoines , qui aßifteront aufdites heures, chacunpour eftre payé à la fin de chacun quartier par le Pro- cureur dudit Chapitre , felon qu'ils auront gagné.Liure II. Chapitre XXI . 2:31 Item , les fufdits s'abftiendront de parler communiquer durant le Seruice diuin les vns aux autres ,gens d'Eglife ou fe- culiers , & außi de dire particulierement leurs Heures dans le Chœur; &neferont en ladice Eglife aucun trouble , figne, & gefte , par lequel le Seruice diuinpuiffe eftre empefché , my diminué, àpeine de perdre la diftribution de l'heure. • iour; & ferontgardées les folemnitez & ceremonies telles & femblables que celles de l'Eglife de Paris. Item, ne pourront lefdits Abbé, Chantres , ny autre de ladite Eglife ,fefaire eferire comme prefens aux Obits , Ma- tines , Meffes, ny autres heures ; ceux qui n'aßifteront depuis l'heure qu'ils font tenus faire l'entrée iufques à la fin , finon qu'ils fuffent malades ou abfens par l'ordonnance de l'Abbé Chapitre, pour les affaires de ladite Eglife. “ Item , que le Statut fait au Chapitre general de l'an 1328 . eferit au cinq , & vnziefme feuillet du Cartulaire , fera obferué ; enfaisant que chacun, foit l'Abbé , Chantres , Cha noines, Cheuecier, Chapelain , Vicaire , Clerc ou Beneficier, demeurera au Chœur depuis te commencement des Obits & Anniuerfaires , qui feront chantez ainfi qu'on les chante en l'E- glife de Paris. Item, que le Statut fait par l'Euefque de Paris , au mois d'Aouſt l'an 1260. escrit au Cartulaire le 90. & 97. feuil- lets , fera tenu & obferué en cefaifant, que l'Abbé , Chan- tres , Chanoines ou habituez feront aßis au Chœurde ladite Eglife , chacun en fa chaire , ceux qui feront aux hautes chaires ne defcendront és baſſes , ny ceux qui feront és baſſes ne monteront és hautes : ceux qui font de la partie dextre në fe transporteront à la feneftre , finon qu'ils fuffent enuoyez pour commencer les Antiphones , oupour chanter les Respons furpareille peine deperdre leurs diftributions de l'heure. &232 Antiquitez dela ville de Corbeil, Item, Ordonnons que le Chapitre de ladite Eglife fera tenu chacune femaine , le Lundy , & le premier iour de cha- que mois , & fera diftribué manuellement à chacun Capitu- lant ; Scauoir, au premier iour de chacun mois vingt-quatre fols parifis, ainfi qu'il eft accoustumé defaire ; & le Lundy de chacune femaine , quatre fols parifis ; fe tiendront lefdits Chapitres à l'iffue de Matines , & s'il eft Feſte le Lundy, fe connoiffance Item, les Chanoines conftituez feulement aux moindres Ordres n'auront point de voix en Chapitre , &feront aßis aux baffes chaires ; & quand ils feront Preftres ou Diacres, feront aßis aux chaires inferieures des Chanoines. Item , Ordonnons que lefdits Abbé, Chantre , Chanoines, ne pourront faire tenir Chapitre , ny faire aucune affemblée ou congregation , durant le temps qu'on fera le Seruice diuin &Obits, &infques àce qu'ilsfoient acheuez. tiendront le lendemain. Item, ordonnons qu'aucun de ladite Eglife ne tiendra en2få maifon femme fuspecte d'incontinence , ne frequenteront lieux d'où puiffe venir fcandale ; fi aucuns font le contraire , ils ferontpunis par l'Euefque deParis-ou fon Archidiacre, auquel appartient la connoiffance de ce cas. Item, ordonnons que le Punctueur fera ferment au Cha- pitre tous les mois , de ne punctuer finon ceux qui feront pre- fens & aßiftans au Chœur; & fera tenu le Punctueur mon- ſtrerfon papier à l'Abbé , pour le parapherfi bon luy femble, ne varietur, & enfon abfence le Chantre ou autre plus ancien. Item , feront efleus vn Chanoine & vn Chapelain de ladite Eglife pour recevoir le reuenu de la Fabrique , lefquels feront tenus de rendre compte chacun an , quand l'on tiendra le Chapitregeneral, à peine de dix liures parifis d'amende, au profit de ladite Fabrique , à ce que tous les Beneficiers ayentLiure II. Chapitre XXI . 233 Fabrique; connoiffance comment s'employe le reuenu de ladite ce fait feront efleus d'autres Receueurs. Item , auons ordonné que la compofition des Lots & ventes fe feraen plein Chapitre, & non autrement . 1 1 Item , Ordonnons que les Baux dudit Chapitre , Prebende, Fabrique, Enfans de Chœur, Communautez des Eglifes , feront d'orefnauant faits & baillez hors de l'Eglife de S. Spire , & autres lieux Saints, & ce au plus offrant & derniers enche- riffeurs à la chandelle efteinte , apres que les proclamations def dits Baux auront efté faits auxDimanches és Profnes des Egli- fes Parochiales de Corbeil, & des lieux où feront aßis les Domaines ; & auons prohibé & deffendu aufdits Abbé, Cha- noines , Cheuecier, Chapelains, au Chapitre & Communauté, qui font & feront au temps à venir , de bailler ou confentir eftre baillé autrement , à peine de cent marcs d'argent , & au- tres peines en tel cas requifes ; & ne pourront decreter aucuns Baux qui excedent neufannées. Item, Ordonnons que d'orefnauant il y aura en ladite Egli- fe fix Vicaires, comprisDiacre , & Sous-diacre , & demeu- veront les Vicaires qui font à prefent en ladite Eglife ; & d'o- refnauant ne feront plus reçeus qu'ils ne foient agez de quinze ans pour le moins ; & feront lefdits Vicaires inftituez & exa- minezpar l'Abbé, Chanoines & Communauté. Item, Ordonnons qu'aucun Chapelain de ladite Eglife ne pourra deformais deferuir en aucune Eglife Parochiale. Item , Ordonnons que pour l'aduenir l'Abbé , Chantres & Chanoines ,feront l'Office és Feftes folemnelles des Apoftres, tous par ordre ; toute -fois, quand il plaira à l'Abbé, ilfera l'Of- fice efdits iours ; & lefdits Abbé, Chanoines , auront double di- ftribution manuelle efdits iours , quand ils feront perfonne. l'Office en Gg “234 Antiquitez de laVille de Corbeil, Item, Ordonnons que fi aucune Maifon Claufirale , reuient retourne audit Chapitre , Chanoines & Communauté, elle ne pourra plus eftre alienée ; mais fera baillée à loyer aufdits Abbé, Chanoines , & eux logez auec Chapelains à prix rai- fonnable. Item, Ordonnons que les Obitsfondezpar les Rois & Rei- nes en ladite Eglife feront folemnellement faits , meſmement ceux qu'a fondé la Reine Adelle femme de Louis le Ieune , fils de Louis le Gros. Item, Ordonnons qu'inuentaire ferafaite des Reliques , Ca- lices, & ioyaux de ladite Eglife , duquel le Cheuecier aura vn double ; & l'Original fera mis au trefordes Chartes de l'E- glife ; & le Cheuecier fera tenu bailler caution iufques à la fomme qu'on aduifera,pour respondre de lagarde des Reliques, “Calices ioyaux. Item, Ordonnons que fuiuant les Statuts de ladite Eglife, faits l'an 1446. le Chantre precedera au Chœur & Processions, tous les autres Chanoines , nonobftant qu'aucuns d'iceux fuſſent plus anciens de reception. Item, Ordonnons que l'vne des trois clefs du coffre dudit Cha- pitre fera baillée à l'Abbé , l'autre au Chantre, & la troifief- me à vn Chanoine efleu par le Chapitre. Des deux clefs des Item, enioignons aufdits Abbé, Chantres , Chanoines, Cha- pelains, defaire diligence de retirer les Maiſons , terres , prez, moulins , & autre Domaine de ladite Eglife , qui auront efté alienez, fansgarder les folemnitez du droit où l'Eglife fe trou- uera lezée , &le toutpar confeil. Item , Ordonnons que le reuenu de la Prebende des quatre en- fans de Chaur, fera toute employée à l'entretenement defdits enfans, fondée par Louis XII. & les Receueurs feront tenus d'en rendre compte au Chapitregeneral.Liure II. Chapitre XXI. 235 Statut. Touslefquels Statuts & Reglemens, que nous auons ordonné &ordonnons eftre tenus & obferuez en ladite Eglife de Saint Spire , de point en point , felon leurforme & teneur , dés àpre- fent, &pour le temps à venir ; feront publiez enplein Ćha- pitre , par nous ou par celuy qui fera par nous commis & de- puté à ce faire ; & außi parchacun an és Chapitres generaux deladite Eglife. Etpour à iceuxgarder & obferuerferont con- traints lefdits Abbé , Chanoines d'icelle Eglife , qui font àpre- fentleurs fucceffeurs, Abbé, Chanoines & autres , qui à cefaire feront à contraindre, par toutes voyes deues & raisonnables. En tefmoin dequoy nous auons figné ces prefentes de nos feings manuels , & feellé de nos Seaux , le fixiefme Septembre l'an mil cinq cens trente-deux. Le Reglement cy-deffus fut émologué en la Cour de Par- lement de Paris ; & par l'Arreft il eft mandé au Preuoft & Pro- cureur du Roy à Corbeil , de tenir la main à l'obferuation & execution dudit Reglement . La fouftraction que l'on m'a faite dudit Arreft d'émologation m'ofte le moyen d'en inferer icy la datte du iour & an qu'il a efté donné . Troncs, l'Abbé en aura vne, & le Chanoine efleu l'autre, à la charge qu'au cas qu'il ne foit refident il fera tenu bailler ladite clef en depoft & garde à l'vn defdits Chanoines. Item , Ordonnons que les Chanoines, qui font &feront à l'aduenir en ladite Eglife , feront tenus pourgagner les fruits de leurs Prebendes , de refider chacun an l'espace de huit mois, furpeine de n'auoir pour chacun Chanoine abfent que vingt folsparifis , pour les fruits de l'année qu'ils n'auront refidé lef- “ditshuit mois , excepté les Efcoliers eftudians en vne Vniuerfité priuilegiée ; außi ceux qui iront en Pelerinage, felon l'ancien Gg ij236 Antiquitez de la ville de Corbeil, DE HENRY SECOND DV NOM Roy de France. CHAPITRE XXII. 'ON a remarqué que le Roy Henry nafquit le dernier jour de Mars , & qu'il fucceda à ſon Pere à parcil iour , Fan 1547. & qu'il dédia fes pre- mieres actions Royalles à l'honneur de Dieu; ayant par forme de foy & hommage, à ſa Ma- jefté diuine , fait publier vn Edict feuere contre les iureurs & blafphemateurs du nom de Dieu, & de ſes Saints: En fuitte il trauailla à la reformation du luxe , & de la fuper- fluité des habits defes fubjets ; & qui plus eft, cutvn foin grandif- fime de faire executer & obferuer fes Ordonnances ; & luy mefme en a monftré l'exemple aux autres : car tant qu'il a vef- cu il n'a point voulu porter de bas de foye , & s'eft abftenu d'vfer de paffemens d'or & d'argent fur fes habits. Il employa encores ces premices de fon Regne à mettre ordre à la refor- mation de fa milice & de la Iuftice , qu'il a chery toute fa vie: Mais comme il n'y a rien de parfait en l'homme , l'on a deſiré en luy vne plus grande vigueur d'efprit , & vn foin plus exact au gouuernement de fon Eftat, & qu'il fe fuft laiffé moins gou- uerner à la volonté & fantaiſie de ceux qui preoccuppoient fes affections. A la verité fon humeur douce & facile le portoit na- turellement aux recreations ioyeufes , & principalement à la chaffe , où il fe recreoit fouuent dans les bois & forefts, compris en la Chaſtellenic de Corbeil , non guere efloigné de Fontai- nebleau , qu'il affectionnoit fur toutes fes Maifons , pour auoir efté le lieu de fa naiſſance ; Et d'autant que les bois & buiffons du Gaſtinois & Hurepoix , compris en la Chaftellenic de Cor- beil , reçoiuent d'ordinaire les beftes fauues, rouffes & noires , qui s'efchappent de la Foreft de Biere , & circonuoifines ; il fit vn Edict le dixiefme lanuier mil fix cens quarante- neuf, par lequelLiure II. Chapitre XXII. 237 • il eftendit la Grurie de Corbeil du cofté de la Brie, depuis les portes de Melun iufques aux Pont de Charenton , y compre- nant tous les bois , buiffons, & plaines, entourées des riuieres de Seine & de Marne. Du cofté du Gaftinois il y comprit tout ce qui eft à deux lieuës és enuirons tirans à Fontainebleau , à la Ferté- Aleps , & à Mont- le- hery ; & ordonna que les Officiers de la Grurie de Corbeil de là en auant connoiftroient des for- faictures & maluerfations qui fe commettroient au fait de la chaffe & priſe de gibier , & en feroient telle correction , qu'au cas appartiendroit ; & fit deffences à toutes perfonnes de cou- per ny faire couper aucun bois , fans la permiffion des Officiers de la Grurie ; ce qui me femble de plus rude , c'eft qu'il def- fend à toutes perfonnes, mefmes aux proprietaires des herita- ges fituez dans l'eftenduë de ladite Grurie , de chaffer , ny faire chaffer aux beftes faunes , rouffes & noires , de courir lievres , la- pins; de prendre perdrix , faifans , ny autre beftial quel quifoit. Si ces Ordonnances ne font fondées en droict commun , ny en droit diuin, & contrarient au droit de la Nature; neantmoins el- les fe trouuent pratiquées par la plus grandepartie des Seigneurs de la terre, à la volonté defquels refifter , c'est vouloir auec les Geans efcalader le Ciel. Et quand le Roy Henry a fait ces Or- donnances, il a creû auoir le pouuoir d'en difpofer ſelon fon bon plaifir ; auffi honorons nous fa memoire pour la generofité de fon courage , qui l'induifit à pourſuiure conftammentla guerre contre les Anglois , iufques à ce qu'il euft retiré de leurs mains la ville de Boulogne . Sa generofité le porta parcillement d'en- treprendre la deffence du Pape Paul quatriefme , du Duc de Parme, de Sienne , & des Princes d'Allemagne. Par la terreur de fes armes il fit rendre la liberté au Duc de Saxe , & au Lant- graue de Heffe , & par la vertude fa Nobleffe de France , il con- ferua la ville de Mets. Le Roy auoitde la paffion pour les Geo- metriens & Ingenieurs , par deffus tous autres Profeffeurs des ſciences liberales ; eftimant que cette fcience eftoit neceffaire à vn Prince & Capitaine , pour fçauoir bien defigner le plan d'vne Fortereffe , l'affiette d'vn camp , le logement d'vne armée , & la difpofition d'vn champ de bataille ; tracer lesapproches d'vne place , d'en faire la circonualation ; en fin de bien pointer vne batterie de canons. · Gg iij238 Antiquitez de la ville de Corbeil, Le Roy Henry n'ayant peû conduire fes guerres fans faire vne defpence exceffiue , il fut contraint de vendre & aliener plufieurs pieces de fon Domaine ; & nous trouuons que le quin- ziefme Iuillet mil cinq cens cinquante-deux , le Domaine de Corbeil fut vendu , ou du moins engagé, à Meffire Guy L'arba- leftre, Vicomte de Melun , Seigneur de la Borde, & de Neron, Prefident en la Chambre des Comptes à Paris , defcendu des anciennes Maifons de Grumont & Villemereau de Bourgongne; il portoit d'or au Saultoir , engraiflé de fable , ou Croix S. An- dré, dantelle & quantour , dequatre arbaleftres de gueules dans les quatre angles de la Croix. Ledit Guy , de Damoiſelle Mag- delaine Cheualier, Dame de Prunes, de Vigneo, & d'Outreuille, cut Charles l'Arbalestre , Vicomte de Melun, ficur de Neron, & de Prunes; qui de Damoiselle Louife Boucher a cu Louis l'Arba- leftre , Vicomte de Melun , fieur de la Borde, Neron , des Pru- nes , & de Croifille , quià prefent eft conioint par mariage aucc Dame Gabrielle de Beauueau ; leurs vertus & nobles condi- tions les maintient entre les plus illuftres familles de la Bric. Noftre Roy Henry recueillit les fruits de la pepiniere des Arts &fciences , femées & plantées par fon Pere dans la France , qui depuis s'eft trouuée fi pleine d'hommes doctes & fçauans , qu'il n'y a pas iufques aux femmes & filles qui ne fe foient fignalées, & fait admirer par leur fçauoir & doctrine. De leur fplendeur il nous refte encores à prefent vn rayon dans le village de Gri- gny, où s'eft conferuée cette Mufe Grecque, & Latine, Camille de Morel, qui a commencé de faire paroiftre la gentilleffe de fon efprit , du viuant du Roy Henry II. & a orné fon Tombeau de fes vers Grecs & Latins. Depuis elle s'eft maintenuë en eſtat & vigueur, iufques en l'année mil fix cens vingt-trois , qu'elle fe trouuc âgée de quatre-vingts ans ; Elle a releue fa fcience d'vn degré d'honneur, par la conferuation de fa virginité & inte- grité de fon corps, qu'elle a preferé aux delices du mariage. Elle merite que nous difcourions vn peu de fon extraction , & de fes alliez ; elle auoit eu deux fours , Lucreffe , & Diane de Morel, toutes bien inftruites és langues Grecques & Latines, par l'induſtrie de leur pere Iean de Morel , Maiftre des Reque- tes de la Maifon du Roy , qui a esté aymé de tous les hommes doctes de fon temps. DuBellay en a fait mention en fes Poëfies;Liure 11. Chapitre XXII . 239 & l'incomparable Ronfart luy a dedié l'Hymne du Ciel , & n'a pas efté oublié és Eloges de Sainte- Marthe. Ledit fieur de Mo– rel eut ces trois filles d'Antoinette de Luyne , renommée en fon temps , pour fon fçauoir &fa vertu ; elle eftoit fille de Fran- çois de Luyne, Preſident au Parlement de Paris , & de Ge- neuiefue Boulanger de L'eftoc , de laquelle vient la Seigneurie de Grigny, & du Pleffis- le- Comte , en leur famille. Antoinette auoit efté mariée en premieres nopces , auec Lubin d'Allier, fça- uant Docteur en Droit Canon & Ciuil. De leur mariage a efté produite Marie d'Allier , femme de lean Mercier , Cadet, de Languedoc , qui en fa ieuneffe fut fi bien inftruit , qu'il tra duifit de Grec en Latin les Hieroglifiques d'Orne Apollo , & le Manuel d'Armenopulus ; il a trauaillé auffi heureuſement en la Langue Hebraïque , qu'il auoit compris la quantité de leur Poëfic , & y auoit acquis tant de reputation , qu'apres le decés de Vatable il fut efleu en fon lieu pour inftruire la ieuneffe en la Langue Hebraïque en l'Vniuerfité de Paris. De plufieurs enfans que ledit Mercier auoit eus de Marie d'Allier , il n'eft demeuré que Iofias Mercier fieur des Bordes , & de Grigny, qui n'a pas forligné en capacité & fcience de fes predeceffeurs; il porte en fes Armes trois Chardons benits d'argent en champ de Synople , efcartellé de bezans d'or en champ de gueules. Ce qui nous a fait parler en ce lieu des Seigneurs de Grigny, a efté à l'occafion de la Poëfie de Camille de Morel , & des Vers qu'elle fit à l'âge de douze ans , fur le trefpas de Henry II . mal- heureufement bleffé dans les réjouïffances des mariages de fa fille & de fa fœur. Ce defaftre fut autant déploré des bons & fidelles François , que fa mort fut reçeue auec ioye par les nouateurs en la Religion. Il y a eu deux fortes de perfonnes qui ont voulu faire les cenfeurs , comme s'ils eftoient fortis du Cabinet du Confeil de Dieu , pour nous venir annoncer fes iugemens ineffables , & ont voulur decider de l'eftat interieur du Roy, lors qu'il fortit du monde, Les vns fe font aduancez de dire que Dieu l'auoit puny à caufe qu'il auoit affifté les Proteftans d'Allemagne contre l'Empereur Charles le Quint. Les autres ont mis en auant que Dieu l'auoit ofté du monde pour fauuer & garantir ces femeurs de nouuelles opinions en la Religion, qu'il auoit fait refferrer en la Baftille , afin d'em-240 Antiquitez dela ville de Corbeil, pefcher les reuoltes qui fe tramoient fourdementenfon Royau- me. Defferans en cét endroit , comme en tous autres aux def- fences faites par les ordonnances diuines , de nepoint iuger mal des actions de noftre prochain , & principalement des Princes qu'il nous donne pour nous gouuerner. Nous prefumons que ce bon Roy eft decedé en la grace de Dieu ; prenant coniecture de la patience, & conftance qu'il eut en fa derniere maladie; la ferme foy , efperance & confiance qu'il teſmoigna auoir en la mifericorde de Dieu. Il nous feroit facile de rapporter plu- fieurs accidens , pareils au fien , arriuez à des Princes Chreftiens, qui ont efté bleffez à mort , où eftropiez en prenans leurs ef- bats , fans que l'on aye fait de fi mauuais iugemens de leur mort; Entr'autres de Henry troifiefme du nom , entre les Com- tes de Louuain , tué par Godeſcal innocemment en la ville de Tournay, l'an mil quatre-vingts feize ; Et lean premier du nom Duc de Brabant, qui fut tué d'vn coup de Lance , aux re- jouïffances des nopces de Henry troifiefme , Duc de Bar , l'an mil deux cens quatre-vingts quatorze. Il fe trouue affez bon nombre de pareils accidens dedans les Hiftoires , que nous fuperfedons à prefent de rapporter. DV ROY FRANCOIS SECOND AINT Louis appelloit Fontainebleau le lieu de fon repos ; enfa retraitte folitaire, il eft appellé l'Hermitage Royal ; auffi cft-il fitué en vnc plai- nebofcagere , entourée derochers , & enuironné de forefts amples & fpacieufes ; il eſtoit efloigné de Foires & Marchez ; fes aduenuës empeſchées de fablons ; mais ces difficultez font recompenfées par les cauës, viues fources, & fontaines , qui ruiffellent de tous coftez , & rendent les fablons feconds & fertiles , pourproduire les herbes potageres, du nom. CHAPITRE XXIII.Liure II. Chapitre XXIII. 241 potageres , medecinales , & toutes fortes d'arbriffeaux feruans aux hefpaliers , paliffades , compartimens , & ornemens des iardins ; elles fuffifent encores pour produire , nourrir & efleuer les arbres fruitiers , & grands arbres foreftiers. La beauté , l'a- menité & falubrité du lieu a conuié nos Rois à y faire baſtir & conftruire de fuperbes baftimens & edifices pour s'y retirer , & deftourner de la preffe du peuple, &del'importunité des Cour- tifans , afin de s'employer plus ferieufement aux affaires impor- tantes , à leurs perfonnes , &à leur Eftat . Les Reines de France ont fouuent efleu ce lieu pour y faire leurs gefines , & mettre au monde les Princes deſtinez à regir & gouuerner les François. C'eft en ce lieu qu'Yfabelle d'Arragon , Breu de S. Louis, accou- cha heureuſement de fon fils aifné Philippes le Bel , l'an 1267. Et la Reine Catherine de Medicis n'ayant point trouué en France de Maiſon qui rapportaft mieux à la magnificence de l'Italie que la Maifon de Fontainebleau , lors nouuellement aug- mentée de baſtimens fuperbes , que le Roy François auoit fait orner de portraits , figures , ftatues , & autres œuures d'artifices elabourez ; & fait accommoder les iardinages de fontaines , ca- naux , & de tout ce qu'il s'eftoit peu aduifer. Catherine , lors Daufine de France , efleut ce plaifant lieu & falubre , pour y faire ſes couches , & donner à fon mary le premier fruit de leur conionction. Ce fut vn fils auquel fon ayeul donna ſon nom de François ; fa naiffance arriua vn iour de Samedy fur les quatre heures de releuée , le dix - neufiefme Ianuier, l'an mil cinq cens quarante-quatre, felon la fupputation ordinaire. Son pere alors portoit la qualité de Daufin de France ; c'eft pourquoy il fut defigné Duc d'Orleans , & par excellence nommé Monfieur le Duc ; c'eft ainfi qu'il eft qualifié dedans les comptes de Cor- beil , dont nous auons parlé cy- deuant , lors qu'il paffa par Cor- beil , à caufe de l'inuafion de l'Empereur Charles le Quint . L'on a remarqué en ce petit Prince beaucoup d'indices de pieté enuers Dieu , & de bonté & clemence enuers fon peuple Quant . à fon Regne il a efté fi court , fi confus & troublé, que ie paffe- ray volontiers par deffus les actes honteux &déplorables , commis & perpetrez par les François contre Dieu , & au preiudice de ce Roy innocent. Il feroit fafcheux de rapporter comme les Ef- coſſois ſes ſubiets , à l'imitation des François , abuferent de leur Hh242 Antiquitez dela ville de Corbeil, liberté , au melpris de la Majeſté Royalle , & à la ruine de la Religion Chreftienne & Catholique . Et ce qui eft déplorable, pour le fiecle à venir ; c'eft que les Efcriuains du temps tranfpor- tez de leurs paffions , ont fi ingenieuſement couuert la verité de l'Histoire par leurs beaux langages , qu'il fera plus difficile à ceux qui viendront apres nous de defcouurir la verité , & de la tirer du cloaque où ils l'ont embourbée , que d'abolir les here- fies qui ont infecté l'efprit du peuple de l'Europe. Pour toute remarque de ce qui eft arriué à Corbeil des affai- .res qui s'yfont paffées fous le Regne de François II . ie ne trouue autre chofe à efcrire , finon vn Arreft de la Cour de Parlemens de Paris , du vingt-feptiefme Auril, l'an mil cinq cens foixante, entre les Religieux de Saint Victor de Paris , & le Chapitre de Saint Spire de Corbeil ; par iceluy ledit Chapitre cft condamné de laiffer & fouffrir iceux de Saint Victor , iouïr & perceuoir les fruits , tant gros que menus , & des diftributions de leur Prebende, autant que l'vn des autres Chanoines & Prebendez de leur Eglife ; en deputant & prefentant par eux vn Vicaire Religieux ou feculier , à leur choix & option , idoine & fuffi- fant , qui fera le ferment requis pour deferuir ladite Prebende, & contribuer aux frais & charges de leur Chapitre. Le Prieur d'Effonne a pareil droit d'vne Prebende en ladite Eglife de Saint Spire, par Arreft du vingtiefme Iuillet mil cinq cens qua- rante- quatre , il a efté maintenu en pareils droits auec cet aduantage qu'il aura la premiere feance apres l'Abbé , tant és ceffions que Proceffions , quand il y affiftera en perfonne , mais fon Vicaire n'aura que le dernier lieu és ceremonies de l'E- glife.Liure II. Chapitre XXIV. '243 L. eft difficile à iuger lequel eft plus à plaindre, ou vn Roy en fon bas âge , chargé du gouuer nement d'vn Eftat , où le peuple qui doit fouf frir & endurer d'eftre conduit & gouuerné par vn enfant ; mais l'on ne peut douter que le peu- ple que Dieu a abandonné à la liberté de fon fens reprouué , ne foit tres-miferable. Quand le Roy Charles fucceda à la Couronne de fon frere, il n'auoit que vnze ans, & trouua tous les ordres de fon Royaume plongez en vne hor- rible confuſion , vn chacun dé fes fubjets, grands & petits , fe donnans la liberté d'introduire & embraffer toutes fortes de nouueautez en la Religion. Corbeil eft trop proche de Paris pour s'exempter de cette contagion , qui auoit grande vogue dans ce peuple , ramaffé de toutes nations , humeurs & comple- xions. Berger Preuoft de Corbeil, auec cinq ou fix autres des principaux habitans , agitez de l'efprit turbulent qui bouleuerfoit la France, voulurent eftablir en leur ville vne fynagogue deleur pretenduë reformation ; & à faute de meilleur predicant ils in- ftruifirent vn Procureur nommé Quentin , à jargoner felon leur ramage, des abus introduits en l'Eglife , de la fuperfluité des Prelats , de la defbauche des Moines , & de l'ignorance des Pre- ftres; & fous ce pretexte defbaucher ce peuple ; le faire reuolter, & fecouer le ioug de l'obeïffance Ecclefiaftique & Ciuile. Le Preuoft reformé affez inftruit des moyens qu'il vouloit tenir en l'introduction de ces nouueautez , n'oublia aucun artifice pour attirer lepeuple à fa cordelle , &haraffer & tourmenterceux qu'il connoiffoit contrarier à fes deffeins . En fin il voulut donner l'efpouuante aux Catholiques ; il choifit l'heure que le peuple commençoit de s'affembler en l'Eglife , & enuoya vn de fes fup- DV ROY CHARLES NEVFVIESME du nom, Roy de France. CHAPITRE XXIV. Hh ij244 Antiquitez de la ville deCorbeil, i 1 : pots quereller ceux qui fonnoient les cloches : cét homme fut vn peu mal mené , ainfi que fon Maiftre auoit proietté deuoir aduenit , pour auoir fuiet d'en faire vnegrande information , en laquelle il s'eftudia de comprendre les plus apparens des Catho- liques mais ils fe retirerent par deuers la Cour de Parlement, où ils expoferent les procedures de leur Preuoft , qui fut mandé, blafmé & renuoyé auec diminution de fon authorité & reputa- tion. L'on peut voir dans l'Hiftoire comme les Huguenots s'em- parerent des meilleures villes de France , là font deſcrits les maf facres des Preftres & Religieux , les bruflemens des Eglifes, l'abatis des Images , les vols des vaiffeaux facrez , l'inuafion des biens Ecclefiaftiques ; le faccagement des villes , & la ruine des Prouinces. Entre les lieux où ces Reformateurs exercerent leur furie, fut en l'Abbaïe S. Benoift fur Loire, où ils efgorgerent tous les Moines qu'ils peurent attraper ; deftruifirent les bafti- mens ; mirent en piéces les Châffes , efquelles felon la croyance des François repofoient les Reliques de S. Benoift , & S. Paul Hermite ; la plus grande partie de leurs os furent confommez en poudre par le feu , l'orfevrerie diftraite & emportée. L'vn des Religieux du Monaftere nommé François Barbien , efchappa &fefauua ayant quitté fon froc , & pris vnhabit feculier. Quand les Huguenots furent retirez Barbien alla reconnoiftre tous les licux de fon Monaftere, & entre les cendres des Châffes & Re- liquaires , il trouua quelques particules d'offemens de S. Benoik qu'il recueillit & , les ferra dans vnlinge le mieux qu'il peut ; & fortant des ruines de fon Monaftere, prit fon chemin par le Ga- ftinois pour venir à Paris , & voulant paffer par Corbeil , il fut arrefté par les Gardes de la porte S. Nicolas , à cauſe qu'il eftoit en fort mauuais equippage, & fut conduit pardeuant Maiſtre Nicolas Barré, Procureur du Roy, & eftant par luy interrogé, declarafon nom, fa condition, l'infortune defon Monaftere ; pre- fenta les Reliques qu'il portoit , lesquelles furent retenuës par ledit Barré , en intention d'en faire vn Reliquaire pour fa Pa- toiffe ; & de ce que deffus en dreffa vn procés verbal qui fut mis au Greffe , où il eft demeuré ; Signé Barré , & Boiffe , Greffier, & datté du huictiefme Iuin mil cinq cens foixante- deux . Du depuis en l'année mil fix cens dix-huit, en renouuellant la Châffe S. Quirin , ces Reliques de S. Benoift ont efté mifes par Mai-Liure II. Chapitre XXIV. 245 Le Prince de Condé n'ayant peû fecourir les fiens à Rouen, au partir d'Orleans futprendre Pluuiers,Eftampes, & Dourdan, & le treiziefme Nouembre il vint planter fon camp és environs de Corbeil, fous l'affeurance que ceux defon party luy auoient don- né de luy liurer la ville , à la charge d'eftre efpargnée du ſac & pillage , mettant des enfeignes rouges aux fencftres de leurs maiſons, où ils auoient defigné de fe retirer , voulans imiter le fait de Raab en Hierico. Pour lors il y auoit quantité de maiſons autour de l'Eglife de S. Nicolas hors la ville ; les Proteftans s'ap- procherent de ce cofté-là , & firent facilement retirer les foldats de Pauan, qui cftoient fortis à l'efcarmouche , d'autant qu'entre- cux il yauoit des Reformez qui ayderent à donner l'efpouuante à leurs compagnons , & s'attendoient de donner l'entrée libre aux ennemis ; mais l'vn des Efcheuins qui fe trouua à la porte, abbatit proptement le tapecul , qui fit vifage de bois aux enne- mis , & les Arquebufiers qui eftoient fur les murailles de la ville, les contraignirent de fe retirer au gros de l'armée , qui ſe logea aux villages circonuoifins : Sçauoir, l'avant- garde à Effonne , la bataille à S. Fargeau , l'arriere-gardeà Ballancourt ; & pour dire en vn mot, il n'y eut village ny hameau fur le Gaftinois , qui ne fuft remply de Gens-d'armes, Dans Corbeil il y auoit la Com- pagnie d'hommes d'armes du Duc de Lorraine , conduite par le fieur de Pauan , & à l'inftant il y arriua des trouppes de tous coftez. Le Regiment de Picardie fit fi bonne diligence qu'il vint affez à temps pour fauuer la ville du fac & pillage , & ofta aux Proteftans le moyen d'executer leurs deffeins. La ville fut in- continent pourueuë d'artillerie , armes & munitions de guerre, que l'on enuoya de Paris ; & le Marefchal de S. André y vint, & remplit la ville & les faux-bourgs d'infanterie Françoife & eftrangere ; il logea la Caualerie par les villages de la Bric. Les Ducs de Neuers , d'Aumale, de Gonor, & autres Seigneurs en quantité , vindrent fe loger dans la ville , qui fut à remplie de Soldats , que la plus grande partie des habitans quitterent leurs maifons & fe retirerent à Paris , Melun, & autres lieux plus efloi- gnez du danger; car outre la guerre ils furent affligez de la peſte. En cetendroitla Popeliniere & Belle- Foreft defcriuent elegam- ftre André Courtin en ladite Châffe , dont nous auons parlé en la premiere partie de fes Memoires. Hh iij246 Antiquitezdela ville de Corbeil, ment Corbeil, & difent quela ville a cfté baftie par Iules Cefari mais ie ne fçay comment ils fe font imaginez qu'outre les riuie- res de Seine & d'Eftampes , il y ait vn ruiffeau qui vienne du Gaftinois , pour armer & accommoder Corbeil ; car il n'y en a point , & la difpofition du lieu ne le peut permettre ; car entre les deux riuieres il n'y a point mille pas de diftance , qui eft rem- plie du pied de la montagne, qui defcend de la Maladrie; & le foffe de la ville qui eft entre les deux riuieres eft plein de l'eau de la riuiere d'Eftampes , qui y eft retenue & fouftenue par vne chauffée conftruite au pied de l'efperon du port Saint Laurens, Catherine de Medicis, Mere du Roy , qui gouuernoit fa perfon- ne & fon Eftat, pour gagner le temps , & auoir la commodité de paracheuer les tranchées des faux-bourgs de Paris , & don- ner loifir à l'armée Royalle qu'elle faifoit venir de Roüen ; elle enuoya le Seigneur de Melme- l'Hospital , par deuers le Prince de Condé , pour l'entretenir , en efperance d'eftre ſubſtitué aux honneurs & eftats de fon frere Antoine de Bourbon , Roy de Nauarre , decedé le dix-feptiefme Nouembre mil cinq cens foi- xante & deux , cela luy fit paffer huit iours inutilement deuant Corbeil. Le feiour des deux armées , l'vne en Gaſtinois , l'autre en la Brie , fut caufe que tout le territoire de la Chaftellenie de Corbeil, fut deftruit & defolé, encores plus du cofté du Gaſtinois, où il ne demeura aucun arbre fruitier debout , nymaifon auec fa couuerture ; & les Moulins à Papier, dont les ouuriers fe difent fup- pots du Recteur de l'Vniuerfité de Paris , furent renuerfez dans la riuiere d'Eftampes. Le Marefchal S. André, General del'ar- mée Royalle , qui eftoit à Corbeil & és enuirons , ne voulut ac- cepteraucunes tréves , & les efcarmouches ne cefferent point , & les Cañoniers de Corbeil faifant merueilles de tirer , tuerent & eftropierent quantité de foldats , outre deux perfonnes de re- marque ; fçauoir , Stuard Efcoffois , & Millant Dalaigre , ils fu- rent tous deux atteins aux cuiffes , mais ils furent fi bien penfez qu'ils en efchapperent ; & le Canonier qui les auoit bleffez fut tué le mefme iour par vn Capitaine de la garnifon qui eftoit Proteftant en fon ame , &ſe faſchoit du mal qui tomboitfur fes freres en Chrift , tant les guerres Ciuiles font dangereufes. Le Prince de Condé ayant reconnu qu'on l'amufoit de vai- nes paroles , leua le fiege, & fit aduancer fes trouppes deuersLiure 11. Chapitre XXIV. 247 Paris. Le Marefchal S. André fit le mefme de fes gens , les deux armées le pouuoient facilement voir les vnes les autres, eftans eſtenduës , & marchans fur les bords de la riuiere de Seine qui les feparoit , & empefchoit de venir aux mains, Corbcil & fon territoire demeura vuide de tous biens , qui auoicnt efté confommez par vne fi grande multitude de foldats , dont il y en eut plufieurs atteints de pefte ; entr'autres Mandoce Colon- nel des Suiffes , & Läboiffiere Maistre de Camp , s'en allerent à Paris remplir les cymetieres. Le fiege de Corbeil fut leué le vingt-vnicſme Nouembre ; le Marefchal S. André y laiffa trois Compagnies de gens de pied ; fçauoit celle de Beze qui n'y de- meura que trois iours ; celles de Robin, & de Souplainuille , qui s'y arrefterent iufques au dixiefme iour de Decembre , qu'ils furent mandez pour aller ioindre l'armée du Roy qui fuiuoit les Huguenots , & leur liura la bataille prés de Dreux ; où il arriua vn accident non veû ailleurs , que les deux Chefs des deux ar- mées furent tous deux pris prifonniers ; ce qui fut caufe de faire la paix, qui fut conclue à Amboife le treiziefme Mars 1563. & nedura que iufques au iour S. Michel 1567. que le Prince de Condé & l'Admirals'efforcerent de furprendre le Roy Charles à Meaux , & le pourfuiuirent iufques à Paris. En cefoufleuement inopiné des fubjets contre leur Prince Souuerain , le Seigneur de Sourdy fe tranfporta à Corbeil , & releua les habitans d'vnet grande frayeur où ils eftoient , à caufe que la ville eftoit demeu- rée vuide d'habitans. En cét elmoy Maistre Iean Beauion , Rc- ceueur de Monfieur l'Euefque de Paris , en fon petit Prieuré du petit S. Iean de Corbeil , ofta la Châffe de S. Quirin hors de fon Eglife , & l'enfoüit en la caue de famaiſon , pour l'ofter de la voye de ceux qui faifoient gloire de violer tous droits diuins & humains ; elle y demcura cachée iufques au vingt-vniefme Aouſt mil cinq cens foixante- neuf, que Meffire Philippes Briant Ar- chidiacre de Iofas , faifant fa vifite ordinaire rapporta la Châffe S. Quirin dans fon Eglife en grande folemnité. La reuolte de plufieurs Officiers , fut caufe de les faire declarer Criminels de leze-Majefté, & leurs Offices vacans , par Edict de l'an 1568, en fuitte dequoy Maistre Claude Cordeau fut pourueu de l'Estat de Preuoft de Corbeil , & y fut inftallé le fepticfme Mars 1569. en laquelle année les armes des Catholiques profpererent car le · ;248 Antiquitez de la ville deCorbeil, troificfme Mars ils gagnerent la bataille de Iarnac , où le Prince de Condé mourut ; & au mois de Septembre ils firent leuer le fiege aux Huguenots de deuant Poitiers ; & letreiziefme Octo, bre ils vinquirent leurs ennemis à Moncontour. Le gain de Les batailles , ny les prifes de plufieurs villes & Chateaux ne gueriffans point le mal, mais affoibliffans feulement la France, l'on fit la paix , qui fut concluë à Saint Germain en Laye , lo vnziefme Aouft mil cinq cens foixante & dix ; & au mois d'O- tobre enfuiuant les Chreftiens gagnerent la bataille à Lepante fur les Turcs, par le moyen de laquelle il y eut plus de douze mille Chreftiens affranchis des galeres , & de la feruitude des Turcs ; entre iceux fe trouua Richart de Petremol , fieur de Viafpre, & du Pleffis- Chalan, proche de Corbeil , qui depuis a fait de bons feruices au Roy Henry IV. il portoit d'argent au Lyon de gueules , fous vn chevron de mefme, ayant en chef trois coquilles d'azur. Durant que la France eftoit en paix , le Roy Charles fe ma- ria auec Elizabet d'Auftriche , & par meſme moyen on 'penſa au mariage de fa four Marguerite de Valois , auec Henry de Bourbon Roy de Nauarre, auec vne efperance d'vne paix en- tiere. Surquoy l'Admiral prié & preffé de venir en Cour , vint bien accompagné le prefenter pour paffer par Corbeil , les ha- bitans n'oferent luy ouurir les portes ; ce qui cftant rapporté au Roy, il enuoya en diligence vn Huiffier de fa Chambre faire commandement aux Eſcheuins d'ouurir leurs portes , & de laif- fer paffer l'Admiral ; cét Huiffier ne portant aucun mandement par efcrit , l'on n'adioufta point de creance à fon dire : Le Roy irrité de ce refus enuoya le fieur de la Trouffe , Grand Preuoft de fon Hoſtel , fe faifir des Eſcheuins , qui coururent fortune de lavie ; leurs femmes, auec leurs petits enfans , furent au Bois de Vincennes fe ietter aux pieds du Roy , requerir la deliurance de leurs maris , ce qu'ils obtindrent , par l'interceffion de Mon- fieur Amiot, Grand Aumoſnier de ſa Majeſté, Le Preuoft Ber- ger qui s'eftoit retiré aupres du Prince de Condé, apres l'entre- prife de Meaux , fe feruit de l'eſtonnement des habitanş de Cor- beil, à caufe de la prife de leurs Efcheuins, Le quatrieſme Sep- tembre, il vint en habit de Gendarme, l'efpée au coſté le pre- fenter à l'Auditoire de la Preuofté de Corbeil, & fit leuer Cor- deauLiure 11. Chapitre XXIV. 249 deau, qui tenoit le Siege de la luftice, & de violence reprit la iouïffance de l'Office de Preuoft , où depuis il fut maintenu Arreft du Priué Confeil ; & Cordeau demeura Lieutenant en la Preuofté, auecgages reuenans àl'intereft des deniers qu'il auoit fournis. L'an 1572. l'Admiral & fes partifans paroiffans en grand & fuperbe arroy par les rues de Paris , fut bleffé par Maureuert, fieur de Maleuoifine , prés de Villeroy , en intention de vanger le coup de Poltrot ; il ne fut pas fi adroit à l'execution de fon deſſein , qu'habile à fefauuer , & defe retirer en lieu de feureté, En cét accident, la douleur & le dépit de l'Admiral , &deceux de fa fuitte ne peurent retenir leurs langues , & les Miniftres defcouurirent ce qu'ils auoient fur le cœur ; leurs menaces mi- fes au vent,furentcaufe que l'on refolut deles preuenir , & quel- que faute que l'on ait commiſe en cette fanglante execution , elle n'approche point à vn million de crimes execrables que ceux qui furent executez & mis à mort le iour de S. Barthelemy & fubfequens , auoient commis contre les Majeftez diuine & hu- maine. La ville de Corbeil eut cét heur de n'auoir efté aucune- ment enfanglantée du fang de fes Citoyens ; car le Preuoft Berger & les fiens trouuerentieur afyle au Chaſteau de Villeroy, & depuis ils fe rangerent d'eux-mefmes au giron de l'Egliſe, où ils font demeurez iufques à la fin. Ii par Le Roy Charles ayant obtenu la Couronne de Pologne pour fon frere Henry de Valois , & par mefme moyen concedé la paix à tous les fubjets , s'en alla mourir au Bois de Vincennes, le trentiefme iour de Mars de l'année 1574. apres auoir regné treize ans & demy . Les pretendus Reformez ne luy ont pas moins fait la guerre auecla plume apres famort , qu'ils luyauoient fait auec l'efpée durant la vie. Neantmoins la verité les a con- traints de confeffer que de fon naturel il eftoit benin , ouuert, fobre, continent , ftudieux & eloquent Quant . à ce qu'ils fe plei- gnent de fa colere & promptitude , & que par fois il voit de diffimulation , l'on doit confiderer que tant qu'il a vefcu , les Reformez n'ont laiffé d'entreprendre fur fa perfonne, & fur fon Eftat; quoy faiſant ils ont forcé fon efprit à fe porter à des ex- tremitez entierement contraires à fon bon naturel, cela fe peut connoiftre par les dernieres actions de fa vie . En fa derniere250 Antiquitez dela ville deCorbeil, CHAPITRE XXV. L feroit affez difficile de trouuer vn Prince en tre les anciens & modernes , qui foit venu à la Royauté auec plus grande expectation & bien- veillance des peuples aufquels il deuoit com- mander, &qui enfoit forty auec plus de mefpris & mefcontentement qu'a fait le Roy Henry troi- fieſme du nom : A la verité c'eftoit vn Prince doüé de grandes vertus, mais qui cuffent efté plus feantes à vneperfonne priuée qu'à vn Prince Souuerain. Les Polonois cftoient venus de bien loing le chercher , & l'auoient reçeu en leur païs en toute ma- gnificence. Apres le feiour de trois mois & demy , il s'enfuit de nuit, & abandonna les Polonois fans leur dire adieu ; en indi- gnation dequoy ils le declarerent décheu & priué du droit de la Couronne de leur Royaume , & la tranfporterent à Eſtienne Bathori , Prince de la Tranfiluanie , l'an de grace mil cinq cens foixante & quinze. maladie, encores qu'elle fuft violante , l'on ne l'ouït iamais fe plaindre ny regreter , qu'il luy conuinft de quitter en fa ieuneſſe les plaifirs de cette vie , ny la perte de fa Couronne , ny de fa vie , ny de la mort ; au contraire és accés de fa maladie, il fe confoloit luy-mefme de ce qu'il ne laiffoit point d'enfant qui deuft fucceder aux trauaux , faſcheries , aduerfitez , & mal-heurs efquels il s'eftoit trouué enuclopé , & plongé depuis la tendre ieuneffe , iufques à l'heure qui luy eftoit la derniere de fa DE HENRY TROISIESME DV NOM vic. Au retour de Pologne le Roy Heury fut reçcu des Catholi- ques de France, comme vn Ange enuoyé du Ciel , pour purger leur païs de tous maux & herefics : Encores que depuis il ait fait forte guerre aux Huguenots , neantmoins la plus grande partie Roy de France.Liure II. Chapitre XXV. 251 des Catholiques fe font reuoltez contreluy : En fin , il a cfté tué par vn Moine , luy qui toute fa vie s'eftoit pleu d'imiter la vie Monaftique, auectant d'affection , que fouuent il quittoit le foin de fes affaires pour vaquer aux exercices Monacaux , L'vne de fes retraites ordinaires eftoit le Monaftere qui eft enclos dans le Parc du Bois de Vincennes , qui pour lors eftoit deferuy par des Moines de l'Ordre de Grandmont, inftitué par Eftienne Muret, Lymofin de nation , furnommé le Bon-homme . Au milieu de l'Eglife de ce Conuent il y a vne Tombe de marbre noir , fur laquelle eft la reprefentation d'vn Caualier , qui a fon Efcu cou- che fur fa cuiffe gauche , les Armoiries en font prefque effacées, & femblent auoir efté diaprées de fleurs à vne bande de fable. L'on m'auoit auerty que c'eftoit la repreſentation d'vn Comte de Corbeil, inhumé en cette Eglife, laquelle à prefent eft de- feruie par les Bons-hommes , autrement Minimes , de l'Ordre de S. François de Paule , lefquels de prim'abord me dirent qu'il fe nommoit Henry de Selue , qui auoit fait vne donation à ce Conuent de Vincennes ; cela m'a conuié d'aller fur le lieu con- fiderer cette Sepulture, efperant auoir communication de cette donation , pour fçauoir le temps qu'il auroit vefcu , croyant fa- cilement que ce pourroit eftre vn de nos anciens Comtes de Corbeil, d'autant que ce Monaftere a vn Fief & des Cenfiues, - au lieu dit Grauois en la Paroiffe de S. Germain du vieil Cor- beil, Il y a auffi quantité de terres qui ont efté baillées en emphi- teofe à diuerfes perfonnes, pour raifon dequoy il y a quelques procés , ce qui a efté caufe que l'on ne m'a pas voulu communi- quer cette donation. N'en pouuant rien defcouurir de ce cofté, jay penſé auoir recours à Henry de Selue, fieur de Cormieres, & de Villiers-le- Chafteau , prés la Ferté-Aleps, croyant que quelqu'vn de fes Anceftres auroit peu iouir de la Comté de Corbeil, veû que nous auons cy-deffus rapporté qu'Eftienne du Bois , Eucfque de Beziers , auoit acquis le Domaine de Cor- beil par Contract d'efchange fait auec le Roy François I. & le nom de du Bois fe dit en Latin silna, & en Italien Selua , que ceux de cette famille ont retenu comme plus majestueux que le nom de du Bois. Auffi le Prefident de Selue en fon Traité des Benefices , reconnoift eftre Lymofin de Nation , proche le païs de Languedoc , où eft l'Euefché de Beziers Ie . n'ay peù eſtre • li ij252 Antiquitezdelaville de Corbeil, ” elclaircy de cerre difficulté par ledit fieur de Cormieres , combien qu'il foit des plus curieux & ftudieux Gentil-hommes de France; il m'a feulement appris que fa race a pris fon origine au Mila nois , & que le premier de fa famille fuiuit le RoyCharles VIII. eftant Lieutenant de la Compagnie d'hommes d'armes du Sei- gner de la Mark, & qu'il laiffa vn fils nommé Fabian, qui fut pere du Preſident de Selue ; homme de grand credit aupres du Roy François ; & par iceluy eftably premier Prefident du Senat de Milan, apres la deffaite des Suiffes à Marignan. Depuis eftant Prefident en la Cour de Parlement de Paris , il fut en Efpagne auecles Seigneurs de Tournon & Chabot , pour negocier dela deliurance du Roy François , & deceda à l'affemblée faite à Cambrefis, l'an mil cinq cens vingt-neuf. Les Armes de Selue font d'azur à deux bandes d'argent , portans fur le , Tymbre vn Lyon armé, lampaffé de fable , auec vol efployé d'argent & d'azur. Ces Armes n'ont rien de commun auec celles du Caua- lier qui gift au Conuent des Minimes du Bois de Vincennes, il cft croyable que cette Sepulture eft de quelqu'vn des anciens Comtes de Corbeil , dont il eft parlé cy-deffus ce qui me le perfuade , c'eft que les fieurs de Sainte- Marthe ont eferit que la femme de Guillaume de Longue-cfpée , Duc de Normandie, portoit pareilles Armes à celles qui fe voyent fur ladite Tombe. Or noftre Comte Maugis a peû porter les Armes de fon aycule, qui fut fille de Robert Roy de France , tué à la journée de Soiffons, & fut femme de Guillaume de Longue- efpée: c'eſt affez parlé pourle prefent de cette, Sepulture. Pour reuenir à noftre fiecle , ceux qui difcourent de la fource de nos malheureuſes guerres Ciuiles , par lefquelles noftre France eftconfommée & deftruite, ils en tirent & derivent l'o rigine de deux fources principales. La premiere, la licence en laquelle les François auoient vefcu durant les longues & pernil cicufes guerres de nos Rois en Italic ; & que pour refifteràl'Em pereur Charles le Quint , ils auoient eftè contraints de s'ayder des Heretiques d'Allemagne , qui en recompenſe de la folde qu'ils receuoientdes François, leur auoient appris à mefprifer la Religion Catholique , & les Prelats & Preftres de l'Eglife ce qui leur a ouuert la porte à la defobeiffance de leurs Rois. Du depuis les François fe trouuansfous la minorité delours Princes, .Liure II. Chapitre XXV . 253 Liiij ᏞᎥ • n'ont plus voulu reconnoiftre leurs Rois , finon entant qu'il a pleu à leurs Miniftres de leur conceder. Ce torrent de defordre s'eft enflé & augmenté par la rencontre d'vn autre puiſſant ruif- feau fortant de l'ambition & ialoufie des Maifons de Guyſe & de Chaſtillon , à qui auroit le gouuernement de l'Eftat ; ceux de Chaſtillon reconnoiffans que la faueur de Cour leur defailloit ont eu recours à cette forte de gens qui s'eftoient laiffe piper & enchanter à la melodie des Syrenes de la pretendueliberté Euan- gelique , dont eux-mefmes eftoient ja imbus: Ils trouuerent ces gens tout difpofez à les embraffer car ils ne cherchoient que quelque abry fous lequel ils fe peuffent mettre à couuert des punitions feueres dont l'on voit en leur endroit. L'Admiral de Coligny & fes freres s'eftans rendus protecteurs des Religionai- res, & ayans pris pour Chef de leur faction le Prince de Condé; ceux de Guile le loignitent aux Catholiques , à l'affociation def- quels le peril commun les a entretenus ; Les effets des partialitcz ne font quetropconnus;elles ont eftê defcrites par tant deplumes qu'il n'eſt beſoin de les repeter. Nous nous contenterons de dire cette particularité , que, du temps que le Roy de Nauarre feiournoit en la Cour du Roy Charles IX. le Duc de Guife s'efforça do sinfinuer en les bon- nes graces , fans en pouuoir aucunement approcher , ny tirer au- cun indice de bonne volonté , ce qui luy fit prendre refolution. de ſe declarer ouvertement fon ennemy, & l'empefcher de touc fon pouuoir de paruenir à la Couronne de France. Le Duc de Guife trouua de grands moyens tous prefts à fauorifer fon def- fein ; le Pape l'authorifa ; le Roy d'Eſpagne le fortifia ; la plus grande partie du Clergé de France, bonnombre de la Nobleffe, & grande quantité d'habitans des meilleures villes de France Faffeurerent: Lotraitré de leur Ligue fepaffa, à ce qu'on dit, en la ville de Peronne, l'an milcinqcensfoixante & dix-fept ; cette affociation s'augmenta fi fort , que le RoyHenry III. contre fa refolution, fe trouua engagé à denoncer la guerreau Roy de Nauarres qui repoun cet orage loing de luy , par la victoire qu'il obrint à Coutras Et dauantage, effraya la France en l'an- née mit cinq cens quatre vingts fept , par cette grande armee d'Allemahs qui vint fe refpandre iufques dedans la Beauffe. Pour s'opposer à cette armée Eftrangere , il fe fit en France de 11.0 a254 Antiquitez dela ville de Corbeil, grandes leuées de gens de pied & de cheual. Le Seigneur d'A- lincourt fils vnique de Monfieur de Villeroy mit aux champs vne Compagnie de Gens d'armes , tirez de la Nobleffe de VVelxin , & leua vne Compagnie d'arquebufiers à cheual par l'entremise du fieur de Bifemont , Gentil-homme d'ancienne Nobleffe , qui a fa Maiſon au village de Chancueil, en la Cha- ftellenie de Corbeil. Comme les Allemans s'auançoient deuers Paris, le fieur de Bifemont & fes arquebufiers furent mis dans Corbeil , où ils demeurerent iufques à la deffaite d'Auneau , où la Caualerie Allemande fut taillée en pieces par Monfieur de Guife, & le Royrenuoya les Suiffes & Lanfquenets en leur païs. Les Eftrangers eftans chaffez hors du Royaume, la ialoufic rem- plit la maifon de difcorde ; le progrés en caufa les baricades à Paris , d'où le Roy fe retira fort mal contant : il enuoya à Cor- beil le fieur d'Aymery Gentil homme Normand, quiauec pru- dence commençoit à s'infinuer en la bien-veillance du peuple, afin de l'entretenir en fon deuoir , & en l'obeïffance duRoy : à ce faire il eftoit fecondé par le fieur du Val, Capitaine de Cor- beil, & par le Prenoft Berger ; ce qu'ayant efté rapporté à Paris, le Ducde Guile enuoya le Capitaine Rieux auec la Compagnie de cheuaux Legers à Corbeil, pour en chaffer Aymery , qui n'auoit aucuns Soldats , nygens dedeffence aucc luy. Les portes dela villede Corbeilayant efté fermées à Rieux, il mit le feu au portail qui ferme, la terraffe, & couure la portede Paris, où font les Moulins Bannaux cela cfpouuanta fort les habitans , non encores accouftumez à telles algarades ; & à force de menaces meflées de promeffes , de quitter le faux-bourg, où il s'eftoit logé , il perfuada aux habitans de faire fortir Aymery hors de feur ville. asily swolliem zob anssinab_bti.sup obung 27 Apresla mort du Ducde Guife , les Parifiens, ayans entrepris guerre contrele Roy, firent diligence d'enuoyer par les villes du Royaume, des perfonnespour attirer le peuple à leur Ligue. Oudineau vint à Corbeil, où par fon babil il perfuada aiſément aux habitans de fe conformerà la volonté des Parifiens, ce que voyant le Capitaine du Bois, parle commandement de Monfieur de Villeroy , abandonna le Chasteau le Preuoft Berger quitta auffi les reines As du gouuernement, & fecontenta qu'onle laiffaft en repos en fa maifon. Tout le fais des affaires tomba fur les laLiure II. Chapitre XXV. 255 Laiſſans la guerre , nous finirons ce Chapitre par vn Arreſt de la Cour de Parlement de Paris , donné entre les Chapitre & Chanoines de Saint Spire , Seigneurs du village de Balancourt, & Maiftré Charles de Gaumont Treforier de France en la Ge- neralité de Paris , Seigneur de la terre de Saulfoy, prés la Ferté- Aleps . Par cet Arreft il fut iugé que les Champars du village de Balancourt eftoient de mefme nature que les cenfiues & autres droits Seigneuriaux, pour lefquels il n'eft point neceffaire de bras de Maiſtre Euftache Gilbert , Procureur du Roy , lequel en vn fi grand defordre , n'eftant pas baftant pour contenir tout feul la populace qui fe licentioit infiniment , les plus audacieux & outrageux demeurans les maiftres ; l'on cut recours à Paris pour demander vn Capitaine , qui ordonnaft de la garde & au- tres chofes concernant la guerre . Spire Ruelle l'vn des plus ap parens & affectionnez au party dela Ligue , en obtint la Com- miffion du Duc de Mayenne ; mais n'ayant pas affez d'authorité ny d'adreſſe , pour exercer cette charge , les Bafteliers , porteurs, defchargeurs , & autres mancuures qui frequentent la riuiere, prirent incontinent la hardieffe d'aller piller & rauager les mai- fons des villages circonuoifins ; ce qui fut caufe de faire reuoquer. la Commiffion du Capitaine Ruelfe , & en fon lieu on enuoya la Mothe Coutelas , auec fa Compagnie de cheuaux Legers , qui firent encore pis ; & lors que la Mothe fentit que le Roy appro- choit d'Estampes , il vendit la ville au Seigneur de Paloifeau, mais il ne la peut liurer , au moyen d'vne grande tempefte & tourbillon de vent qui accueillit la Compagnie du fieur de Pa- loifeau , & la diffipa eftant fur la montagne de la Maladrie ; & par ce moyen extraordinaire Dieu preferua la ville de Corbeil du fac &pillage. La trahifon de la Mothe cftant defcouuerte, il fut affailly par le peuple dedans l'Hoftellerie du Signe , où il eftoit logé , & pendant quefes gens deffendoient l'entrée de fon logis il fortit par la riuiere & fe retira à Paloifeau. Cette nouuelle portée à Paris , l'on enuoya le Capitaine du Péché ( furnommé à la Barbe, pour le diftinguer de fes freres ) auec fon Regiment de gens de pied, que l'on ne voulut receuoir dans la ville ; c'est pourquoy il vouloit fe fortifier dedans le faux- bourg de la porte de Paris , fi le Duc de Mayenne ne l'euft mandé pour venir à fon armée.256 Antiquitez, de la ville de Corbeil, s'oppofer, quand les heritages fuiets au Champartfont criez , ven- dus & adiugez en Iuftice, XXVI. DE HENRY QVATRIESME DV nom , Roy de France de Nauarre, I iamais la prouidence humaine s'eſt monftrée foible, pleine d'erreur , & d'abus , ç'a efté en l'en- treprise que les Catholiques ont fait fous le Re- gne de Henry III. pour empefcher le cours de la fucceffion legitime de la Couronne de France, qui cftoit preſte à efchoiren la perfonnede Henry de Bourbon Royde Nauarre. Il y auoit plus de vingt- cinq ans, que la France eftoit exagitée par les Caluiniftes ; & les Catholi ques craignoient de tomber fous leur domination , par l'exemple des Prouinces voifines , oùles Seigneurs font heretiques ; en ces lieux l'exercice de la Religion Catholique y eft deffendu com- me vn crime de leze-Majeſté ; c'est ce qui donnoit fuiet aux Catholiques François d'apprehender de tomberfous la puiffance d'vn Roy contraire à leur Religion , Foy & croyance . Au lieu de remettre l'euenement des chofes à venir à la Prouidence di, uine , & par prieres & bonnes œuures implorer la mifericorde de Dieu , & attendre en patience l'euenement de fa`volonté; ils fe font tourmentez hors de faifon Leurs armes . pour le com- mencement n'ont eu autre effet que d'attirer fur eux la mal- vcil- lance du Roy Henry III. & de le contraindre , contre fon hu- meur, de fauorifer à l'auancement de fon fucceffeur ; l'appeller à fon fecours ; l'approcher de fa perfonne, & l'amener comme par la main à la prife de poffeffion defa Couronne , en laquelle il a bien fçeu fe maintenir , & valeureuſement conferuer , nonobftant tous les efforts contre luy faits à Diepe, où il repouffa vaillam, mentſes ennemis , & depuis les mit en routte à la journée d'Y- ury. Sous la faueur de cette victoire les villes de Vernon , Mante CHAPITRE & Meulan,Liure II. Chapitre XXVI. 257 & Mculan , luy ouurirent leurs portes ; de là il tourna la tefte de fon armée vers Paris , comme le chef de fes aducrfaires ; & pour la dompter il voulut auoir les villes & paffages qui l'enuironnent, fpecialement celles qui font fituées fur les riuieres , pour en tirer la commodité des viures , pour nourrir fon armée, Et le premier iour d'Auril du grand matin , le Seigneur de Giury vint du co- fté de la Brie, s'emparer des Faux- bourgs S. Iacques, & S. Leo- nard, & fur les dix heures du matin le Roy arriua à S. Lean en l'Ifle. Dés les fix heures du matin le fieur de Chemerault s'eftoit prefenté à la porte de Paris , pour venir preparer le logis du Roy dedans Corbeil. Les habitans reconnoiffans leur foibleffe, auoient offert de faire ouuerture de leurs portes , s'il plaifoit au Roy de leur pardonner , & les receuoir en grace ; & fur l'affeu- rance du Marefchal de Biron, le Curé , le Preuoft , le Procureur du Roy , & les Efcheuins furent à S. lean en l'Ifle fe jetter aux pieds du Roy, & luy prefenter les clefs de leur ville. Le Roy les reçeut de bon vifage , &leur donna de bonnes paroles, aucc efperance d'eftre traittez fauorablement ; Il leur commanda d'al- ler promptement faire reftablir les Ponts & chauffées des adue nuës de la ville , afin que fon armée & l'attirail de fes canons & bagage y peuffent paffer feurement, ce qui fut accomply en toute diligence ; & en peu d'heures le tout fut mis en ordre & le Clergé auec la Croix & banniere, fuiuis des Officiers , Efche- uins , auec plufieurs habitans , furent receuoir le Roy à l'entrée de la ville , où il les affeura derechef de fa bonne volonté, à la conferuation de leur Religion , de leurs perfonnes & biens ; & tournant la tefte vers Gilbert , luy dit , Seruez moy aussi bien que vous auezfait la Ligue , & ie vous en recompenferay mieux qu'ils n'ont pas fait. A la verité ce jour-là Gilbert n'auoit pas , fait vn petit feruice à fa Majefté , & la ville de Corbeil luy doit fa conferuation pour ce coup ; car il n'auoit tenu, qu'à luy que le Regiment de Vaulx-d'argent , & autres trouppes enuoyées de Paris , n'entraffent dedans Corbeil la nuit precedante , ce qui euft peu arrefter le Roy pour quelques iours , & allentir le cours de fa victoire. Mais Gilbert ayant confideré que cette armée vi- &torieufe venant fondre fur Corbeil , non preparé à fouftenir vn fiege, il ne pourroit fe garantir du fac & pillage , il deftourna fa- gement cefecours , & leur perfuada d'aller à Melun, comme ΚΚ258 Antiquitez dela ville de Corbeil, ils firent , à la confufion des habitans , pourle peu de deuoir que les Capitaines & foldats firent de fe bien deffendre. Quand le Roy fut logé dans Corbeil , du Luat ficur de Varennes, qui exer- çoit la charge de Maitre de Camp en l'armée du Roy, fit em- prifonner quelques habitans , qu'il difoit eftre des mauuais gar- çons de la Ligue ; cela effaroucha vn peu les autres Bourgeois, & plufieurs commencerent à fe retirer , dont le Roy eftant ad- uerty fit mettre en liberté les prifonniers , & donna charge au Preuoft de raffurer les autres ; mais le Preuoft tint mauuaife compagnie au Procureur du Roy, & luy fit commander par le Marefchal de Biron , qu'il cuft à fe retirer hors de la ville pour quelque temps. Apres que le Roy fe fut repofé quelques jours il s'en alla affieger Melun , & laiffa dans Corbeil Chaſteau- d'a- cier, auec fa Compagnie de Cheuaux Legers ; des Granges auec la Compagnie de gens de pied, & donna la Capitainerie du Chateau à Morfang. Depuis la Grange eut Lettres pour eftre Gouuerneur de la ville , & Chafteau d'acier fe retira en l'armée qui s'acheminoit au fiege de Paris. La famille des Poſtels, Seigneurs d'Ormoye, Bien-faite, Mon- gafton, Dailly, & autres heritages en la Chaftellenie de Corbeil, eft vne des races Nobles des plus fignalées en ces quartiers , & qui a produit de vaillans hommes. En ce temps-là ils eftoient trois freres ; le fecond s'eft fait renommer fous le nom de Ca- pitaine de Ville-pefque , qui cftant party au moisde luillet pour aller feruir le Roy au fiege de Paris , fut tué par le Seigneur de Giury, pour fe vanger du refus que Ville- pefque faifoit de mar cher fous fon drapeau. De plus , il s'eftoit vanté , que lors qu'il feroit en l'armée ille feroit appeller au combat à la refte de l'ar- mée : quelques mois auparauant fon frere aifné auoit cfté tué par des Albanois envne embuscade qu'ils luy auoient dreffée proche de fa Maiſond'Ormoy ; Il ne reftoit que le plus ieune des freres, lequel en l'année 1608. vnefoiréed'hyuer, s'eftant mis à la fus au boisproche defa maiſon , il fut faifi d'vn froid fi violent qu'il en mourut : il a efté le feul defes freres qui ait eſté marié auec Da- moifelle Magdelaine Viart, de laquelle a laiffé trois fils, qui promettent de releuer vn iour l'honneur de leur Maifon ; ils por- tent en leurs Armes vn Lyon de fable en champ d'argent , cou ronné &armé d'or, & lampaffé de gueules.Liure II. Chapitre XXVI . 259 Le Prince de Parme eftant venu fecourir les Parifiens , qui auoient fouftenu vn fiege tres-eftroit l'efpace de quatre mois , & durant cetemps fouffert la famine, & toutes autres extremes ne- ceffitez. LeRoyconfiderant quefa Nobleffe eftoit fatiguée & ha- raffée par la longueur du fiege, qu'il auoit tenu à grands frais de- uant Paris , creut qu'il ne deuoit pas l'expoſer aux canons & mouſ- quetades des Efpagnols , couuèrts & retranchez au village de Pompone prés de Lagny ; c'eft pourquoy il difperfa ſon infan- terie par les villes & Chafteaux fituez fur les aduenuës de fes ennemis , afin d'amortir leur progrés & vigueur de leurs foldats; ce qui s'effectua aux defpens de Corbeil, que le Capitaine Ri- gault, Prouençal de Nation, &Maistre de Campd'vn Regiment d'Infanterie, conftant de huit cens hommes de pied , auoit promis de deffendre au peril de la vie. Sitoft qu'il fut entré à Corbeil , il commença en toute diligence de mettre la main à l'œuure , à pouruoir aux viures , aux munitions , à remparer de tous coftez, creufer les foffez, releuer les terraffes, en vnmot faire trauailler en tous les endroits où il eftoit befoin de ce faire; mais les ouura- ges ne peurent pas beaucoup s'auancer à caufe du peu de temps & loifir, & dupetit nombre de perfonnes qu'il pouuoit mettre en befogne & faire trauailler : car fi toft queles habitans s'apperçcu rent que les Eſpagnols venoient pour les affieger , fe retirerent auec leurs femmes & enfans, à Villeroy, au Couldray, à Tigery, à Ville-pefque , Soifi , la Grange à la Prepofte, & autres Cha fteaux & lieux des enuitons , oùils cfperoient fe fauuer par la fa ueurdes Maiftres de ces Maifons. ༡་ Levingt-deuxiefme Septembre les Espagnols vinrentfe fourer és Faux- bourgs S. Iacques & S. Leonard , & le Prince de Parme felogea en la Maifon deMademoiſelle Miron, fizeau Tremblay, & les iours enfuiuans ils firent vn pont de bateaux fur la riuiero de Seine , fur lequel vne partie de l'infanterie paffa , & fut s'emparer du Faux-bourg & maifons qui enuironnent Cor- beil du cofté du Hure-poix & Gaftinois. Le 24. dudit mois ils braquerent quatre canons fous les ormes du Carrefour S. Leo- nard, & enbattirent le Chasteau qui eft fur l'aduenue du Pont, qui ioint la ville au Faux-bourg. Morfang Capitaine du Chateau, fçachant que la place n'eftoit pas tenable, l'auoit garniede fagots pour y mettre le feu quand il feroit contraint de la quitter , ce KK ij266' Antiquitez de la ville de Corbeil. qu'll fit auffi toft qu'il fentit quele canon , en dix ou douze volées auoit percé à iour la muraille en diuers endroits ; il mit le feu au Chafteau, qui en eft demeuré defolé : Auant que defe retirer, pour amufer l'ennemy, ilietta vne douzaine de foldats dedans la Tour du Hourdy, qui feruoit de Donjonau Chafteau , & eftoit de meil- leure eftoffe que le reste du baſtiment ; il leur auoit donné des viures & des munitions pours'y maintenir quelques iours : cepen dant les Espagnols fe faifirent du Chateau , efteignirent le feu, & s'accommoderent de ce qui reftoit entier. Rigault fut fort fafché du peu de deuoir que Morfang auoit fait de deffendre ſa place , & l'eufttue s'il ne fe fuft deftourné dela prefence . Rigault refolu de fe mieux deffendre, fit rompre les deux grandes Ar ches du Pont, terraffa & gabiona le reste qui eftoit du cofté de la ville , & l'accommoda en forte , qu'il mit cette aduenuë en feureté. Le 25. iour les Espagnols remuerent leurs canons , & placerent cinq pieces d'artillerie au lieu dit la Thuilerie de Ri- gault, proche du Champ - Dieu , & mirent trois coulevrines fur le haut du Greptin , pour battre en ruine les maifons de la Ville, & empefcher que l'on ne reparaft les brèches que les canons d'en bas faifoient en la muraille du Port S. Laurens, & enla Tour quarrèë, ditë të Donjon , qui Hanquoit cette muraille du Port S.Laurens Lecanonayant tonne toute la journée , fit vne gran- de ouuertateen la Tour duDonjon , & abatit vingt-cinq braffes dela muraille daPort S. Laurens ; &fur les fix heures du foir les Efpagnols Whrent lepreſenter à l'affaut les Soldats fe couloient lelong de la Berge de la riuiere de Seine, qui les couuroit , & em- pefchoft que ceux de la ville ne les viffent venir , qu'ils ne fuffent au pied de la brèches outre cela chaquefoldat portoit vne facine de bois fur l'eſpaule gauche , tant pour fe couurir des arquebu. fades, que pourfetter au pied de la bréche, pour foruir d'efchelle monterdeffus . Ils auoient fait dans la ville vn retranchement flanqué , quicommandoit fi bien fur la bréche, que les en- nemis yeftans montez , n'oferent s'y opiniaftrer , mais le tourne- rent vers Pounerture qui auoit ofté faite en la Tour du Donjon, & y Fuffent facilement entrez fans le feu que l'on y'ietta en ſi bonne quantité qu'il brulla , ou fit retirer ceux qui y eftoient en- trez; lambrazementyfut entretenu iufques à la nuit cloſe, durant laquelle on mit ordre à remparer la bréche, tetraffer & remplir bien 6 xxLiure II. Chapitre XXVI. 261 la Tour d'immondices & charée. Le Prince de Parme ayant veû que ceux qui eftoient en la Tour du Hourdy battoient en flanc & à dos , ceux qui alloient à l'affaut de la bréche du Port S. Laurens, mit des pioniers apres à trauailler à la fappe de cette Tour, & y trauaillerent fi viuement , qu'en vingt- quatre heures les Soldats apperçeurent que le iour paroiffoit au trauers leurs murailles , ce qui fut caufe de fe mettre à la difcretion de leurs ennemis, qui leur furent fauorables , & renuoyez par eux dedans la ville , porter parole de compofition à Rigault , lequel refufa cette femonce, &toutes autres offres qui luy furent faites durant lefiege , encores qu'il vift tous les fins enclins à ce faire , eftimans auoir fatisfait à leur honneur, mais la feuerité de Rigault leur fer- moit la bouche , ce qui en aigrit quelques-vns, iufques à faire def fein fur la vie ; mais la mefme poltronerie qui leur faifoit crain- dre l'euenement du fiege, lia leurs mains , &empefcha d'executer vn fi lafche forfait. Le Prince de Parme s'aduifa de faire vne nouuelle batterie par le cofté de la Porte S. Nicolas ; à cet effet” il fit efleuer vne plate-forme au iardin de Maiftre Robert, & y fit pointer trois canons ; cela fait il demanda de la poudre , des balles , & autres munitions au Duc de Mayenne, &aux Parifiens, pour efpargner les fiennes , & n'en manquer à fon befoin ; l'on n'en peut recouurir à Paris , où toutes les munitions de guerre auoient efté confommées durant le fiege ; il fe paffa quinze iours auant que l'on en cuftrecouuert. Cependantil arriua vn faſchcux accident dedans Corbeil, pour le feu qui fe mit aux poudres à canon , que Rigault auoit fait apporter & ferrer en la maiſon du Controlleur Beaujon , qui en fut toute ruinée ; cela eſtant ſçeu à Melun , Pepin, dit Rougemont, feprefenta, & offrit d'aller por- ter d'autres munitions aux affiegez ; Pour ce faire il prit vn ba- teau leger , bien fournyderames & d'auirons , dedanslequel on mit de la poudre , des balles , & autres munitions , puis il entra dedans le bateau auec vne trentaine de Soldats , & fit aualer & defcendre fon bateau durant la nuit, & le Soleil eſtant leué les ennemis le voyans voguer à l'aife le long du riuage, ils ne s'en eft meurentpoint,à caufe queRougemont cftoit habillé à l'Italiennej Fefcharpe rouge au col , monté fur le Tillac , faluant de paroles Italiennes ceux qui paroiffoient fur terre. Quand il cut paffé Saintry, il tira à force de ramesdroit au Port des dégrez, &par 1 KK iij262 Antiquitez de la ville de Corbeil, Le Prince de Parme ayant eu loifir de bien faire reconnoiſtre la place enfa circonference, fçeut que la maifon de la Couronne, fize hors & prochede la portede Paris , regardoit &commandoit fur les rempars de la ville , depuis la porte iufques aux petites ar- ches ;il fit tres- bien eftayer les planchers de cette maifon , & fur le plus haut eftage fit monter deux Couleurines , auec lefquel- les en peu d'heures , tous les parapets de cette enceinte furent ruinez & mis par bas, en forte quel'on ne pouuoit aller ny venir en tout ce quartier. Pour le commencement les affiegez ne s'e- ftonnoient point de cela , encores qu'ils viffent huit canons en baterie derriere les hayes des iardins qui font en cét endroit, le long de la riuiere d'Eftampes , qui fert de foffé à la ville , & eſt ſi profonde en ce lieu , qu'ils ne pensoient pas que l'ennemy la peuft paffer pour venir donner l'affaut : ils ne fe doutoient pas des bateaux que le Prince de Parme auoit fait faire à Effonne; il y en auoit trois , dont les coftez eftoient releuez & garnis de bon merrin de iufte hauteur & efpaiffeur, à l'efpreuue des arque- bufes ils cftoient couuerts de planches furchargées de gazons, pour efuiter le feu ; chaque bateau eftoit remply de cent foldats choifis , qui par les moyens que deffus ne pouuoient eftre offen- fez de ceux de la ville qui n'auoient point de canons. Ces ba iccluy il entra en la ville. Le Capitaine Rigault voyant le peude renfort qu'on luy enuoyoit , foit de foldats , foit de munitions, s'en offença fort ; difant que pour vn fi maigre fecours, le Seigneur de Giury voudroit par apres s'attribuer tout l'honneur de la fal- uation de la place. D'autre cofté , le Prince de Parme aduerty que par les peti- tes arches , par deffous lefquelles il entre vn cours de la riuiere d'Eftampes , qui fait moudre le Moulin de la boucherie , l'on pourroit entrer en la ville , il enuoya reconnoiftre le lieu par Lop- pez de Sarmiento , Capitaine Efpagnol , &par Eufebe de Seno- galia Italien. Sur ces arches il y a vne guerite en laquelle d'ordi- naire on met vn foldat en ſentinelle , lequel par l'obſcurité de la nuit entreuit ceux qui nageoient vers ces arches ; il tira fon ar- quebufe, dont il attaignit l'Eſpagnol à l'efpaule , qui en demeura eftropié fur le riuage contre la muraille de la ville ; & Rigault l'en- uoya querir & amener en fon logis , chez vn Marchand nommé Boulogne, où il fut penfé & guery de fa playe.Liure 11. Chapitre XXVI. 263 ” teaux eftoient faits par tel artifice , que defcendus auec le cours de l'eau , & pofez au trauers de la riuiere , venoient à faire vn pont parle moyen du merrin , qui en s'abaiffant venoit à faire vn plancher , fur lequel les foldats pouuoient paffer facilement la riuiere & monter fur la bréche ; S'il y euft eu du canon Rigault cuft peû enfoncer ces bateaux , mais cela luy manquant, les Eſpa- gnols peurent facilement parfaire leur entrepriſe. Si toft quele fieur de Rofne eut amené au camp les balles que le Seigneur d'Alincourt luy auoit liurées à Pontoife ; les Elpa- gnols commencerent à faire ioüer leurs trois batteries , outre les couleurines , qui endiuers endroits de la montagne foudroyoient toute la ville auec vne extreme violence és lieux où on trauailloit à fe retrancher , ou reparer les bréches. Les canons qui estoient vers le faux-bourg S. Leonard , mirent par terre toute la muraille du Port S. Laurens , mais il y auoit vn fort bon retranchement derriere. Lecanon qui eftoit au iardin de Maiftre Robert, apres auoir abatu la maifon de l'Efcole , qui eftoit compriſe dans le ra- uelin de la porte S. Nicolas, &à prefentfert de Corps de Garde, ils tournerent leurs efforts contrele flanc de la Tour du Donjon, afin que leur bréche peuft auancer la tefte des retranchemens faits au Port S. Laurens , mais on y auoit pourueû ; il ne reſtoit plus qu'a mettre en deffence la bréche faite vers la porte de Pa ris, car il y auoit apparence qu'en ce lieu fe feroit le plus grand , le canon en effort; c'cft pourquoy Rigault fe rangea en ce lieu où peu d'heures fit deux grandes brèches I'vne proche de l'autre, & ce à l'endroit où les maifons de la ville eftoient contiguës aux murailles , & par ainfi tres - difficiles à remparer & retrancher fuffifamment , nonobftant l'empefchement des couleurines qui cftoient fur la maiſon de la Couronne: elles eftoient fecondées de quantité de moufquetaires qui tiroient fans intermiffion lo long de la courtine ;' de maniere que Rigault fut contraint de faire fon retranchement plus bas, encore ne peut- il pas le mettre en eftatde deffence affez à temps . C'eftoit le feiziefme Octobre, jour funeſte à Corbeil , queles Eſpagnols voyans les brèches rais fonnables pour venir donner l'affaut , ils s'auancerent fur les trois brèches cy deffus defcrites ; les deux premieres fe deffen- dirent vaillamment , Capitaines & Soldats , faifans leur deuoir; les ennemis cuffent ofté contraints defe retirer à leur confufiony264 Antiquitez de la ville de Corbeil, fi par les bateaux defcendus par la riuiere d'Eftampes , ils ne fuffent venus fe placer deuant la grande bréche de la porte de Paris , fur laquelle aucuns des affiegez n'ofa paroiftre : Les Ef- pagnols s'emparerent facilement de cette bréche , & d'vne. C'eſt mef me impetuofité forcerent la barricade qui eftoit derriere en ce lieu que le Capitaine Rigault fut tué la picque à la main; luy mort , les foldats penferent à fe fauuer dans les Eglifes : Les ennemis entrez par cette bréche furent donner à dos fur ceux qui eftoient attentifs à la deffence des autres bréches , & tuerent tout ce qu'ils rencontrerent par la ville , fans efpargner aucun : & fans refpect des lieux Saints , ny des Eglifes , és voûtes & clochers defquels ils monterent , mirent à part les habitans pour leur faire , ou les ietterent du payer rançon , & poignarderent les foldats haut en bas des clochers. Le fieur de la Grange fentant que l'en- nemy eftoit entré dans la ville , fe retira en fa maiſon , où armé depied en cap , fetint fur la porte de fon logis, &là fit fa compofi- tion au premier Capitaine qui fe prefenta ; & par vne offre de- quatre mille efcus mit lavie en fureté , &puis apres trouua moyen de s'éuaderfans payer rançon ; Il y eut vne vingtaine d'habitans , qu'à preſent ils nom- quife fauuerent dans la Tourde Corbulo eftoit auec eux , & par ment la Citadelle. Le Capitaine Chantrasleur donna le refpit de fonaduis ils rompirent la montée , ce quien payant rançon parlementer , & d'eftre reçeus à mercy . Il y cut yneautre troupe d'hommes & defemmes qui fe fauuerent de- dans la Chambre du Trefor del'Eglife Saint Spire , où ils furent deux iours apres la prife dela ville fans eftre apperçeus ; & y cuf- fent efté encores dauantage , à caufe que l'huis de la montéene paroiffoit point par dehors , eftant faite de mefme lambris que le refte de la Sacriftie , où eft fon entrée &fortie ; ils furent def- couuerts par vn Preftre qui vouloit s'infinuer en la grace des Efpa- gnols:ces habitans fe mirent à rançonà douzemille liures en bloc, le fort portant le foible , dont apres il y cutvn grand procés, pour fçauoir comment cette fomme s'égaleroit entr'eux ; &par Arreft de la Cour de Parlement du dix- feptiefme Ianuier mil cinq cens quatre-vingts feize , la fomme fut difperfée entr'eux fur le pied de la taille qu'ils auoient payée l'année de leur prife. Entout ce fiege & aux affauts , il n'y cut perfonne de nom entre les ennemis qui ait efté tuê , finon le Marquis de Renty , de la MaiſonLiure II. Chapitre XXVI. 265 Maifon de Lalin , qui fut bleffé au premier affaut, & s'en alla mourir à Mons en Haynault. Iean Baptifte Taxis , General des viures de l'armée Espagnole, fut auffi bleffé d'vn coup de mouf- quet , & eut bien dela peine à fe guerir de fa playe. Attille Ticin deVincenfe, futplus heureufement guery d'vn coup d'arquebuſe qu'il reçeut à la priſe de la ville. En cette année il y auoit quantité de raifins aux vignes , les Soldats eſtrangers en mangerentfi exceffiuement qu'il en mourut plus de quatre mille de dyfenterie ; & à prefent on ne laboure guere dans les jardins des faux- bourgs , fans rencontrer de leurs offemens , à caufe qu'ils ne prirent pas la peine de porter les corps au cymetiere. Dedans la ville , les rues & places publiques de- meurerent trois iours remplies de corps morts , gifans tous nuds par terre : En fin ils furent inhumez & comptez iufques à douze cens , encores que tous ceux qui ont efté dans la ville durant le fiege, difent qu'il n'y eut point plus devingt-cinq habitans de tuez, & enuiron huit cens foldats , partant il faudroit qu'il y ait eu trois à quatre cens des ennemis de diuerfes Nations , qui fe foient en- tretucz en la chaleurdu pillage , qui fut fi violent , qu'ils ne laiffe- rent aucune vftanciledeménage qui fe peuft tranfporter , que les Fripiers de Paris n'achetaffent à vil prix , &l'enleuerent à Paris, Quelques-vns pour blafmer les Eſpagnols , & les rendre plus odieux , les ont chargez d'auoir vfé de violence &d'excés enuers les femmes & filles de la ville ; ce qu'ils ont efcrit par imagina- tion , car il eftoit refté peu de femmes en la ville , & le iour de l'affaut celles qui estoient demeurées s'eftoient retirées de bonne heure en la Chapelle de l'Hoftel Dieu , & n'en fortirent point que la fureur de la tuerie & du pillage ne fuft ceffé ; Alors elles fu- rent contraintes de payer rançon au Capitaine qui s'eftoit em- paré de la Maiſon. Les vaiffeaux facrez des Eglifes , les tiltres, papiers , enfeignemens , furent exempts du pillage , ayans eſté auparauant mis en lieu de feureté ; ce qui fe void non feulement en ce qu'és Eglifes de la ville , mais encores en celles des faux- bourgs , font maintenant parez des mefmes Reliques , ioyaux, ornemens , tiltres & papiers dont elles vfoient auparauant. Le Prince de Parme feiourna à Corbeil l'efpace detrois ſemai- nes apres la prife dela ville , tant pour repofer les gens fatiguez, que pour leur donner moyen de s'enrichir , eftans maiftres de la LI266 Antiquitez dela ville de Corbeil, campagne ; ils enleuerent tous les beftiaux , vins & grains de la Brie , du Gaftinois , & de la Beauffe ; ils fouroient tout dedans leurs grands chariots , & le portoient vendre à Paris bien chere- ment, & le plat païs demeura vuide & nettoyé au ballet ; il n'y refta aucuns viures ny commoditez , finon en bien peu de bour- gades & maifons du party. L'armée dela Ligue départant , Mon- fieur de Mayenne mit dans Corbeil le Capitaine Champagne auec deux cens hommes François , & cent Lanfquenets, nombre peu fuffitant pour deffendre la ville , contre les forces que le Roy tenoit lors à Melun . Le Seigneur de Giury , Gouuerneur de la Prouince , apres le deflogement de l'armée de la Ligue , enuoya à diuerfes fois re- connoiftre en quel eftat ils auoient laiffé Corbeil. Le Capitaine la Ferriere m'a dit qu'il vint vn iour reconnoiftre la bréche du Port S. Laurens, feignät venir à la ville, & qu'abreuuant fon cheual à la Peſcherie , il vit vn Lanfquenet qui defcendoit de la brèche. auec vn chaudron pour puifer de l'eau en la riuiere de Seine. Les Seigneurs de Giury , Parabel, Mariuault , Treigny , & autres Capitaines auec leurs foldats , vinrent le iour S. Martin fur les quatre heures apres my-nuit donner l'efcalade , & entrerent en la ville par le chemin quele Lanfquenet auoit tracé proche la Tour du Donjon, en laquelle il y auoit vne trentaine de Lanfquenets en garde; ils firent peude refiftance , &furent taillez en pieces , & d'vne fuitte tous les Capitaines & Soldats qui fe trouuerent dans Corbeil furent tuez , fans efpargner aucun, pour rendre la pareille de l'execution que les Espagnols y auoient faite. Il n'y auoit pas beaucoup d'habitans qui fuffent retournez en leurs mai- fons à cauſe du manquement de viures , & deffaut de toutes chofes en la ville , & fi peu qu'il s'y entrouua ils furent contraints de payer rançon, s'ils ne faifoientapparoir l'auoir payée aux Ef- pagnols. Les Parifiens ayans fçeu cette mauuaife nouuelle , enuoyerent des Deputez deuers le Prince de Parme , qui eftoit encores fur les confins de la Brie, le prier de vouloir retourner à Corbeil, qui ne pourroit fe deffendre en l'eftat qu'il l'auoit laiffé. Il leur fit refponce , qu'ils auoient cu tort de laiffer cette place , qui leur eftoit de fi grande importance, fi mal garnie d'hommes, de mu- nitions &de viures. L'on adit auffi qu'il eftoit fafché de ce quelesLiure II. Chapitre XXVI. 267 Parifiens n'auoient pas trouué bon, ny Monfieur de Mayenne voulu confentir qu'il mift des Eſpagnols en garnifon à Corbeil: quoy qu'il en foit il s'excufa du retour. Le Seigneur de Giury donna meilleur ordre à la conferuation de Corbeil en l'obeïf- fance du Roy, lequel en donna le gouuernement au Seigneur de Treigny, auec quatre cens hommes de pied , & cinquante che- uaux Legers, & ordonna qu'il feroit affifté du Seigneur deMari- uaux fon aifné , qui commandoit à vne Compagnie d'hommes d'armes. La plus grande difficulté qu'ils y trouuerent fut au re- couurement des viures ; cela les contraignit d'aller vifiter les mai- fons , villages & bourgs circonuoifins , & apres qu'ils curent con- fommé ce qu'ils auoient trouué à Villeroy , Couldray, & autres lieux voifins , ils furent le iour des Rois furprendre le Bourg de Chaftres, & apres la Maifon de Leuuille ; de ces deux lieux ils enleuerent tant de grains, vins, beftiaux , & autres commoditez, que depuis rien ne leur manqua ; car de quatre à cinq licuës à la ronde le païs leur rendit obeïffance , & contribua volontaire- ment à l'entretenement de la Garniſon , où de tous coftez l'on apportoit des viures , principalement depuis qu'ils eurent pris le Chafteau de Sauigny fur Orge: la maniere de la ſurpriſe merite d'eftre rapportée au long . Au village de Sauigny il y a vn Chafteau baſty à la Moderne, de pierre de taille , & de brique, couuert d'ardoife ; aux quatre coins du baftiment il y a quatre pauillons qui flanquent le logis, qui eft entouré de larges & profonds foffez ; ce Chafteau appar- tenoit à Meffire Ferrand dela Baume Comte , de Maureuert. En cette faifon Monfieur de Belin, Gouuerneur de Paris, s'eftoit faifi de la place, afin des'en preualoir pour le paffage des viures , qui defcendent du Gaſtinois à Paris ; il y auoit mis vne douzainede Caualiers , pour reprimer les courfes des Soldats de la Garniſon de Corbeil, qui ne laiffoient pas de paffer la nuit fur la chauffée du Chafteau , en ce faifant ils reconneurent que ceux du Chaſteau ne mettoient point de fentinelle au Pauillon qui regarde fur le Verger , le confians à la largeur du foffé , plein d'eau viue de la riuiere d'Orge. Saint Denis , l'vn des Capitaines de la Garniſon de Corbeil , par la permiffion du Seigneur de Treigny , entreprit d'emporter la place par efcalade. La contr'efcarpe du foffé faifoit la premiere difficulté pour defcendre des nacelles, qu'il auoit fait LI ij268 Antiquitezde la Ville deCorbeil, · apporter , pour s'en ayder à paffer le foffé. Le Capitaine S. De- nis , & quatre defes Soldats , fe defpouïllerent enchemiſe , leurs efpées pendues à leurs cols , defcendirent dedans le foffé auec vne cfchelle , puis reçeurent les nacelles qui leur furent deualées; & fçachans que la celerité les fauorifoit plus que le refte , ces cinq , perfonnes nues entrerent en l'vne des nacelles , garnis de leur efchelle , poufferent le bateau à l'encogneure d'vn pauillon , où l'on auoit laiffe vne feneftre ouuerte , pour defcouurir le long du baftiment. Saint Denis & fes compagnons entrerent par cettefe- neftre, & fans s'amufer à attendre plus grand renfort s'en vont droit au Corps de Garde , où ils trouuerent fept ou huit Maiſtres que valets , qui dormoient aupres du feu ; ils fe laifferent faifir & defarmer fans faire aucune refiftance , & fe laifferent enfer- mer dans vnechambre proche. Saint Denis laiffa deux des fiens dans le Corps de Garde, & luy auec les deux autres , va droit à la chambre du Capitaine , qui s'eftoit efueillé au bruit , & com- mençoit à mettre les chauffes ; eftonné de ſe voir ſurpris , fe laiffa lier & garoter. Nos conquerans faifis des clefs du Chateau, firent ouuerture des portes au refte de leur troupe ; & depuis garde- rent la place auec plus devigilance , reconnoiffans qu'ils s'eltoient acquis vne grande commodité pour deftrouffer les Marchands qui s'auenturoient de mener leurs marchandiſes à Paris , d'au- que ce Chasteau eft fitué entre les grands chemins de Lyon, & d'Orleans , où ils alloient pofer deux Corps de Garde fur les aduenuës de Paris, I'vn à la Saulfoye , l'autre au Pont d'Anthony. Combien que le Royfuft maiftre de la campagne, des viures & commoditez d'icelle , fi eftoit-il defpourueu d'argent , & les fiens d'habits & d'eftoffes pour fe couurir, cela fut caufe qu'il accorda aux Parifiens la liberté du commerce , à la charge des grands im- poſts qui luy eftoient payez. Alors les habitans de Corbeil com- mencerent àgagner quelque chofe , &à feremettre en bon eftat, portans des viures à Paris , d'où ils rapportoient force meubles &habits , qu'ils debitoient & vendoient aux Soldats & gens de guerre. Les vns &les autres yprofiterentfi bien , que les Capitai- nes & Soldats cftoient tous couuers de clinquans d'or & d'argent. Puis la moitié de l'Eflection de Paris fut tranfportée à Corbeil; & pour fon département elle cut tous les bourgs & villages qui font deça les riuieres de Seine & Marne , cela donnoit à viure aux Pra- tantLiure II. Chapitre XXVI. 269 ticiens, quiautrementfuffent demeurez oififs, d'autat que l'exer- cicede la Iuftice ordinaire eftoit commeefteinte, &fans vigueur. LaTrévegenerale que le Roy octroya aux villes de la Ligue, l'an mil cinqcens quatre-vingts treize, produifit vn extréme defir de paix, & de reconciliation entre les François, horfmis ceux qui pro- fitoient de la guerre: de ce nombre eftoient les Capitaines , Soldats &Marchands de Corbeil ; car le trafic de la marchandiſe fe trai- toit fur le lieu , & les Marchands de Paris & leurs Facteurs, eftoient contraints devenir à Corbeil acheter des viures pour payer les tri- buts &impofts , cela fut caufe que les habitans de Corbeil nefu- rent gueres aifes de la reduction de Paris en l'obeïffance du Roy. En cette expediction , le Seigneur de Treigny s'y trouua auec l'eflite defes Soldats, qui entrerent dedans Paris par les bateaux du Capitaine Groffier, qui les introduifit, &furent reçeus à l'Arçe- nal par Selincourt, Lieutenant du Grand Maiftre de l'Artillerie. Le Roy en reconnoiffance du feruice que Monfieur de Briffac luy auoit fait, enluy liurant Paris , luy donna vne notable fommet de deniers , à prendrefur vn impoft de foixantefols , à leuer fur chacun muid devin qui pafferoit par deffous les Ponts de Cor- beil ; & afin que la recepteluy en fuft plus facile , il luy donna le Gouuernement de la ville , que ledit Seigneur depofa entre les mains du fieur de Grauille , Gentil-homme Normand, & laiſſa fon Argentier pour faire la recepte de l'impoft. Les Capitaines & Soldats quifortitent de Corbeil furent com- mandez d'aller à Dourlans, quel'Espagnol alloit affieger , & qu'il prit d'affaut , & fit paffer par le fil de l'efpée tous ceux qu'il y trouua. Il n'y a point de doute que tous les Eftrangers qui eftoient à Paris , lors que le Roy y entra , ne fuffent bien eftonnez ; & combien quele Roy cuft vfé de toute courtoifie ; les cut gracieu- fement congediez , & fait porter d'honneftes paroles à ceux qui eftoient de la part du Pape ; neantmoins l'Archeuefque de Mel- phe fut faifi d'vne peur , & apprehenfion fi vehemente , que s'c- ftant mis en chemin pour retourner en Italie , fut neceffité de s'arrefter à Corbeil , où il mourut en peu de iours , & fut inhumé en l'Eglife de noftre Dame, où fur fon Tombeau font grauées ces paroles. Carolo Montilio Cafilienfi, Archiepifcopo Amalphitano Viter- bienfiEpifcopo, Antonius àTure nepos, M. P. Anno Domini 1594. L1 iij LI •270 Antiquitez dela ville de Corbeil, Monfieur de Briffac iouït de Corbeil & de fon Peage , iufques à ce que Monfieur de Villeroy , ennuyé de fe voir fi long- temps priué de la iouïffance de Corbeil qui luy appartenoit, aduertit le Procureur du Roy Gilbert , de trouuer moyen d'en faire fortir les Officiers de Monfieur de Briffac , ce qui luy fut affez facile; car le fieur de Grauille eftoit homme pieux , & qui ne pensoit qu'à feruir Dieu , & vne matinée qu'il eftoit à l'Eglife , il ſe vit inuefty du peuple , & contraint de fortir hors de la ville. La Cour eftoit lors à Fontainebleau , où Monfieur de Villeroy aduerty bien toft de l'execution de l'affaire , la fit trouuer bonne au Roy, en luy donnant à entendre qu'elle auoit cfté faite pour le bien de fonferuice , & à la defcharge du peuple , fur lequel le Seigneur de Briffac auoit leué plus d'argent qu'on ne luy auoit promis ; & depuis il appaifa fi bien Monfieurde Briffac , que fe- lon fon naturel doux & gracieux , il a toufiours aymé & fauorifé les habitans de Corbeil Alors . le Roy remit la Capitainerie de la ville & Chasteau de Corbeil , & de la Grurie, entre les mains de Monfieur d'Alincourt. Du depuis l'eftat de la ville de Corbeil s'eftentierement renouuellé , par le moyen de Monfieur de Ville- roy , ainfi quenous déduirons au chapitre fuiuant. Pourle prefent , nous fatisferons à l'honneur que nous fommes obligez de deferer à la memoire de noftre excellent Prince & Souuerain Monarque Henry quatriefme du nom , entre les Rois deFrance; nonpas quenous ayons cette prefomption de pouuoir rien adioufter à ce que tant de bons efprits & langues difertes en ont dit & efcrit , mais fuiuant leurs traces nous laifferons vn ef- chantillon du reffentiment quenous auons, du bien qu'il a fait à la France, par la valeur & bonne conduite , la deliurant du naufrage auquel elle eftoit expoſée , en danger d'eſtre ſubmergée, fi par la clemence & benignité il n'euſt appaiſé l'humeur bouillante des François,quiles auoit portez à déchirer les entrailles de leur patrie. Cequimefait conuier les efprits genereux des François à con- feruer en leurs cœurs & affections la memoire de HENRY LE GRAND, en pareille veneration que celle D'AVGVSTE a eſté celebrée des Romains parplufieurs fiecles ; & à la verité l'on peut remarquer en ces deux Monarques de grandes reffemblances de corps & d'efprit. Premierement ils ont efté tous deux de medio- cre ftature, inais ferme & bien feante, par vn iufte rapport &Liure II. Chapitre XXVI . 271 • compofition égale des membres de leurs corps , & la beauté de leurs vifages eftoit remplie d'vne Majefté vrayement Royalle; La viuacité efclatante de leurs yeux les rendoit venerables , & les faifoit aymer & refpecter de ceux qui les regardoient , enco- res que I'vn ny l'autre n'aye vfé d'aucune curiofité fur leurs per- fonnes , ny en leurs habits & paremens , efquels il n'y a cu rien d'affecté , ny feparé de l'vfage commun, & bien-feance de la Nobleffe. La Nature les auoit fauorifez d'vne grandiffime facilité à receuoir courtoifement toutes perfonnes qui les abordoient, & auoient affaire à eux ; leur ciuilité eftoit cfgale à fe familiarifer auec candeur & fincerité auec les hommes de merite ; à cela ay- doit grandement la grace qu'ils auoient de pouuoir parler ele- gamment, & expliquer nettement leurs conceptions , & ce diuer fement; car Augufte a efté vn grand Orateur, qui auoit en fa ieu- neffe pris la peine d'en acquerir l'art & la fcience ; Là où Henry le Grand, fans y auoir apporté aucune eftude ny artifice , eftoit naturellement doué d'vne eloquence militaire propre entre les gens de guerre & , digne de fa valeur. Il eft veritable que ces deux grands Princes ont eu le cœur efgalement efleué & porté à de hautes entrepriſes , & qu'ils ont eu l'efprit capable deles fçauoir mettre à execution. Augufte en fa ieuneffe auoit efté maladif & infirme de fon corps , & n'a pas peû toufiours marcher à l'eſgal de la force de fon efprit ; Là où le Grand Henry ayant eu ce don de Nature , d'auoir le corps fain & robufte , cette difpofition naturelle ayant efté confirmée en fa ieuneffe par vne nourriture conuenable aux grands trauaux qu'il auoit à fouffrir , &à fuppor- ter durant le cours de fa vie , il a toufiours eu affez de force & de vigueur pour executer les glorieux faits d'armes , où la genero- fité de fon cœur l'a fouuent porté; & cette generofité pleine d'v- ne confiance de fes forces & de fa puiffance , a toufiours efloigné de fon cœur, & ofté de fa penſée toutesfortes de vangeances , & de reffentiment des iniures qu'on luy auoit faites hors des armes & des combats ; Enquoy il a beaucoup furpaffé Augufte , quin’a mis la douceur &la clemence en pratique , finon apres auoir ex- terminé tous les aduerfaires , &comme l'on dit, fait maiſon neu- ue. Au contraire Henry le Grand a toufiours gracieufement re- çeu à recipifcence tousceux qui par l'indifcretion de leurs paroles & faits outrageux, n'euffent ofé efperer tant de douceur & de272 Antiquitez de la ville deCorbeil, benignité d'vn Prince victorieux. Doncques la France, fes villes & fes Chafteaux , fe voyent maintenant, &fe verront au fiecle à venir remplis de portraits & Statues du Grand Henry , efle- ucz fur les frontispices des baftimens , & dans les places publi- ques & particulieres , qui font ornées & embellies des excellens & magnifiques edifices que noftre Grand Henry a fait con- ftruire , non fur les cendres de fon païs , mais par fa bonté & clemence il en a affermy & affeuré les fondemens , par le foin qu'il a eu de la conferuation des biens & franchiſes de ſes ſub- jets. Viue donc à iamais dedans les efprits , & dans les cœurs des François , la memoire venerable du Grand Henry , que Dieu a mis fur la terre , pour la reftauration de l'Estat , & du Royaume de la France tres- Chreftienne, NICOLAS DE NEVFVILLE, Seigneur de Villeroy , Comte de Corbeil, V Chapitre precedent , nous auons declaré comme Monfieur de Villeroy eftoit rentré en la poffeffion de Corbeil, duquel il ena ioüy iuf- qués au iour de fon decés : Et puis que nous auons efcrit la vie & les actions des Comtes de Corbeil, nous eftimons eftre obligez de laiffer à la pofterité quelques marques &veftiges des vertus & merites d'vn fi grand& fignalé Perfonnage, qui depuis fa tendre icuneffe iufques à fon trefpas , n'a ceffé de trauailler pour le public , & de foixante & quatorze ans qu'il a vefcu, il en a employé cinquante- fix au feruice de cinq Rois confecutiuement. Dés l'année cinq cens cinquante-neuf, il fut en Eſpagne pour faire auancer l'exe- cution des conuentions de la paix qui venoit d'eftre faite par le Roy Henry fecond. Auretour de ce voyage il futà Romedeuers le Pape Pie quatrieſme , fur le fujet de la prefeance que l'on dif- putoit aux Rois de France. Si toft qu'il fut reuenu d'Italie il fut DE NICOLAS CHAPITRE XXVII . reçeuLiure II. Chapitre XXVII. 273 reçeu à la furuiuance de Monfieur de l'Aubefpine fon beau- pere, en l'Office de Secretaire d'Eftat ; incontinent apres il fut en Ef- coffe, où les affaires eftoient troublées par les nouuelles opinions qui agitoient les efprits des peuples de la Grande Bretagne. Apres le decés du Roy François ſecond , eſtant arriué en France, il fut reçeu fauorablement du RoyCharles IX, qui luy confia fes plus intimes penfées , & ne le nommoit point autrement que fon Se- cretaire ; c'eft à luy qu'il dictoit les Poëfies : il l'introduifit en fon Confeil Priué, & voulut que de fon chef il exerçaft l'Office de Se- cretaire de fes commandemes, encores qu'il n'euft pas atteint l'âge devingt-cinq ans ; à caufe de fa prudence &dexterité aux affaires, le Roy difoit qu'il meritoit cette difpence. Il luy fit dauantage, cette faueur, de luy confier le traité defon Mariage auec Elizabet, fille de l'Empereur Maximilian. Bien que les faueurs redoublaf- fent enfon endroit , pour auoir heureufement conduit & amené en France la Reine à fon mary, il n'abuſa iamais de fon credit pour agrandir la Maifon , ny aucun des fiens , & s'eft toufiours maintenu dedans les termes d'vne modeftie & integrité efpurée de touteauarice; ce qui luy a donné vne grande facilité de s’ab- ftenir desfoumiffions & complaifances ordinaires des Courtifans, & des flateries, indecentes aux hommes graues & ferieux : L'on a remarqué qu'il remonftroit librement au Roy fes deffauts , & qu'il deuoit moderer cette promptitude &colere qui le traſportoit fouuent, & luy difoit , Que le Seigneur qui a plus defoing defe faire craindre qu'aymer, deuoit eftre affeuré d'eftre plus hai que craint. S'il parloit ainfi au Royfon Maiftre , faut- il s'efmerueiller des genereufes refponſes qu'il faifoit à ceux qui s'ingeroient d'of- fenfer la Majefté Royalle. Lafeule raifon qui incita le Roy Hen- ry III. de l'efloigner defa Cour , vint de ce qu'il le reconnoiffoit affectionné au feruice de fa Mere, Catherine de Medicis , & fe voulant deffaire de Henry Duc de Guife , il eut crainte qu'il ne luy en donnaft quelque chofe à connoiftre. Nonobftant cette difgrace , apres la mort du Ducde Guife , il ne laiffa pas d'enuoyer offrit fon feruice au Roy, qui le refufa, & reietta les offres qu'il luy faifoit de l'aller trouuer. Alors le danger où il fe vit reduit, le for- ça de feretirer à Paris, où eftoient fon pere, fa femme, fon fils , & fes biens. En cette eftrange faifon , il s'eft gouuerné en homme qui n'eftoit conduit d'autre paffion & mouuement , que Dieu luy Mm274 Antiquitez delaVille deCorbeil, . fufciteroit des moyens pour appaifer les troubles de la France. Et pour le mauuais traitement qu'il auoit reçeu de Henry III . il n'a pas laiffe d'auoir en recommandation l'honneur de ſon nom, & de fa memoire ; il a dit plufieurs fois que l'iniure qu'il auoit re- çeuë de fon Maiftre ne luy ofteroit iamais le fentiment de fon de- uoir. Cette franchiſe, & fafuffifance à la conduite des affaires , in- citerent le RoyHenry IV. à l'appeller à fon feruice, &luy con- fier vnebonne partie de la direction de fon Eftat , dont il reçcut depuis tant de contentement, qu'on luy afouuent oüy dire , Qu'il faifoit plus d'affaires en vn iour auec Villeroy, qu'il n'en faisoit en trois semaines auec les autres ; à caufe qu'il prenoit à cœur les affaires de fon Maiftre comme les fiennes propres , & en la con- duite d'icelles il y apportoit la meſme paffion que les hommes fai- foient àla folicitation deleurs procés. C'eftoit l'humeur du fieur deVilleroy, & en tous fes deffcins il ne fe propofoit aucune autre chofeque le feruice du Roy & le bien public, fans y entremefler autre confideration defoy nydes fiens , de forte qu'il en oublioit & negligeoit fes affaires domeftiques & particulieres ; mais s'il eftoit queftion de remedier aux neceffitez de l'Eftat , il y appor- toit tant de vigilance qu'il ne remettoit aucune affaire au lende- main. La reputation de fa fuffifance monta à ce point , que fon Cabinet feruoit d'Efcole aux Officiers de Iuftice , aux Gouuer- neurs des Prouinces , aux Seigneurs & Princes ; c'eftoit en fon Cabinet que leurs differens & querelles fe terminoient ; c'eftoit où l'on ordonnoit des rangs & feances , és ceremonies & actes folemnels ; fur tout , il auoit bonne grace à donner Audience à ceux qui auoient à traitter auec luy , efcoutant les perfonnes pa- tiamment ,fans trouble ny confufion. Quant à fes iugemens il ne Le hazardoit pas volontiers qu'il ne fuft certain qu'ils trouueroient dela creance oude la fuitte. En fa vieilleffe il fut faifi d'vn grand defir de iouir de la douceur & repos de fa Maiſon , &de vaquer ferieuſement au Seruice de Dieu, & purgation defon ame , fi la charité qui le portoit d'affifter ſon Prince Souuerain en fon bas âge, & luyprocurer vn Mariage fortable , ne l'en euſt deſtourné. Ioint le defir qu'il auoit de le reconcilier auec les Princes de fon Sang; pour y paruenir il s'efforça plus que fon âge ne portoit és Conferences qui fefirent à Poitiers , à Tours , &à Loudun ; au Lieu de la grace & remerciement qu'il enmeritoit pour auoir faitLivre II. Chapitre XXVII. 275 la paix , il fut defapointé de fon Office , pourauoir eu plus d'ef gard aubien public , qu'à la paffion du Marquis d'Ancre. En ce reuers de fortune il fit paroiftre fa conftance, patience, & belle refolution de fon ame, àfeconformer auvouloirde Dieu : Nous le laifferons en ce bon propos pour rediger par memoires les eftabliffemens nouueaux qui fe font faits en l'Eglife & en la police de la ville de Corbeil , par l'authorité de Monfieur de Villeroy. Dés le commencement des guerres Ciuiles , l'Eglife de S. Ni- colas, Parochiale de la ville , fut abatuë, à cauſe qu'elle nuifoit & incommodoit à la deffence de la ville , & commandoit fur les murailles &rempars d'icelle. Le fieur de Treigny fit employer les pierres du baftiment à reueftir les efperons & terraffes , qu'il fit efleuer és enuirons de ce quartier. En l'année mil cinq cens qua- tre-vingts & quatorze , les habitans de Corbeil prefenterent leur Requeſte au Roy, à ce qu'il luy pleuft ordonner que lcs deux Eglifes Collegiales, &Chapitre de noftre Dame, & Saint Spire, fuffent vnis & incorporez enfemble , & que tous les Chanoines fuffent tenus de fe loger dedans le Cloiftre de S. Spire , & cele- brer enſemble le Seruice diuin en l'Eglife d'iceluy , & qu'ils laif- faffent l'Eglife de noftre Dame pour tenir lieu d'Eglife Paro- chiale. Cette Requeſte fut communiquée à Meffire Henry de Gondy Euefque de Paris , & aux Chanoines des deux Eglifes. Maiftre Euſtache Gilbert Procureur duRoy en fit maints voyages, & s'employa vertueufement à l'acheminement de cette affaire. En l'année mil fix cens &vn , par la faueur de Monfieur de Ville- roy onobtint Arreft du Priué Confeil du Roy, par lequel l'Eglife denoftre Dame de Corbeil fut octroyée aux habitans , pour leur tenir lieu d'Eglife Parochiale , à la charge de payer douze cens liures , qui feroient employez à la refection de l'Eglife S. Spire, & auxreparations des Maiſons du Cloiftre, pour y loger les Cha- noines de noftre Dame , vnis & incorporez auec ceux de S. Spire; & afin qu'ils cuffent meilleur moyen de deferuir en perfonne leurs Benefices , on reduifit les Prebendes au nombre de ſeize; Sçauoir , deux pour l'Abbé , vne pour le Chantre, neuf Preben- des & Canoniats , & le reuenu de quatre portions reftantes fe- roient employées à la Fabrique de l'Eglife , aux enfans de Choeur, & au payement des Prebendes de S. Victor , & de noftre Dame des Champs , & que les Chapelains feroient reduits au nombre • Mm ij276 Antiquitez dela ville deCorbeil, de fix , & tenus de la refidence ; cét Arreſt fut mis à execution le quinziefme Septembre mil fix cens vn , par Maitre Martin- l'Anglois Maistre des Requeftes de l'Hoftel du Roy, à ce faire commis, auec Frere Ican Hurtault , Prieur Clauftral de S. Victor, Grand Vicaire de Monfieur de Paris ; l'vnion de ces deux Cha- pitres ainfi faite , Maistre Triſtan Canu , Curé de Corbeil , fut mis enpoffeffion de l'Eglife de noftre Dame. Cette affaire ayant fuccedéheureufement , cela donnafuiet aux habitans de Corbeil de rechercher les moyens d'entretenir leur Eglife, il s'en prefenta vneouuerture , par la Maladerie proche de la ville, qui depuis long temps eftoit inutile , & le rcuenu feruoit de curée aux domefti- ques du Grand Aumofnier de France. La raifon vouloit que le reuenu de ce lieu fuft employé plus honneftement , comme àla celebration du Seruice diuin , aux reparations des Eglifes , à la nourriture des pauures , & au foulagement des malades. Les ha- bitans fondez fur ces confiderations & autres , prefenterent leur requeſte à Monfieur de Paris , Collateur de cette Maladerie , & luy expoferent les neceffitez de l'Hoftel Dieu , & l'affluence des- pauures qui y arriuent à toutes heures ; luy remonftrant auffi que l'Oeuure & Fabrique de l'Eglife de noftre Dame, eftoit chargée de l'entretien de nombrede Preftres , fans autre fond ny reuenu que la quefte qui fe fait dans l'Eglife ; le fuppliant qu'il luy pleuft ordonner que les reuenus des heritages & rentes de la Ma- ladrie fuffent attribuez & departis entre l'Hoftel Dieu & l'Eglife de noftre Dame de Corbeil ; Monfieur de Paris renuoya cette affaire à fon Official, qui apres auoir veû &vifité les lieux , & s'e- fre informé de la commodité & incommodité publique , & pris l'aduis & depofition de plufieurs perfonnes dignes de foy ; en- tr'autres de Maiftre Alexandre de la Cofte pere , de ceux qui ont imprimé le prefent Ouurage , qui auoit efté Adminiftra- teur dudit Hoftel Dieu de Corbeil ; Par fa Sentence Iuridi que, ordonna que l'enclos où fouloit eftre la Maladerie appar- tiendroit à l'Hoftel Dieu de Corbeil , auec les terres , prez , vi- gnes , cens , rentes , & autres biens & reuenus de la Maladerie, fors & excepté la Ferme de Ville-louucte , fize au deffus de l'E- glife S. Germain du Vieil Corbeil , qu'il adiugea à l'Oeuure & Fabrique de noftre Dame de Corbeil , à la charge & condition que tant l'Adminiſtrateur del'Hoſtel Dieu , que les Marguilliers,Liure II. Chapitre XXVII. 277 & Paroiffiens de noftre Dame de Corbeil, feroient tenus & obligez de nourrir & entretenir les Ladres , fi aucuns fe trou- uoient cy-apres, nez en la ville & Chaftellenic de Corbeil, & que le iour & Fefte S. Michelils feroient dire & celebrer la Meffe, & le refte du Seruice ordinaire en la Chapelle de ladite Maladeric; cette Sentence eft duro . Auril 1604. elle a efté depuis confirmée pat Lettrespatentes de fa Majefté du 6. May 1607. Et par icelles il eft mandé aux Commiffaires de la Chambre de la Charité, eftably fur le fait des Maladeries , à ce qu'ils ayent à laiffer iouïr les habitans de la Paroiffe de Corbeil, du reuenu d'icelle Mala- deric, felon l'attribution qui leur en auoit efté faite par l'Official de l'Euefque de Paris. Depuis les Paroiffiens eftans troublez & inquietez par certains Ladres attitrez & fuppofez , ils obtindrent Lettres du Cardinal du Perron , Grand Aumofnier de France, en datte dufecond iour de Decembre l'an 1614. par lefquelles il or- donnala mefmechofe que l'Official de Paris auoit fait. Toutes ces difpofitions ontefté homologuées au Grand Confeil. En l'année 1607. le Territoire de Corbeil reffentit diuers effets de l'ire de Dieu , au Printemps les vignes furent gelées , au mois de Iuin il tombavnegrefle groffe & épaiffe , qui acheua de gafter les fruits qui reftoient fur la terre. En Iuillet enfuiuant Maiſtre Claude Berger Preuoft à Corbeil , mourut d'vne emorragie ; au commencement du mois d'Aouft la peſte fut apportée de Paris, dedans quelques hardes que des pauures femmes auoient ache- tées à Paris ; ils cacherent leur mal fans fe defcouurir , & la pefte s'efpanditincontinent par la ville & faux-bourgs , & en trois mois fit vn carnage & mortalité fi grande , que plus de la moitié des hommes & femmes moururent , &refchapa peu d'enfans ; que fi les principaux habitans ne fe fuffent retirez de bonne heure en leurs mailons des champs , peu de perfonnes fe fuffent fauuées, car la ville eftoit fort mal garnie de logemens , drogues , & cho- fes neceffaires pour furuenir à telles maladies. L'orage eftant paffé au mois deNouembre, les habitans prefen- terentrequefte au Roy eftant à Fontainebleau , le fupplians à ce qu'ayant efgard à la quantité de perfonnes decedées de la con- tagion , en fuitte de la perte de leurs meubles & marchandiſes, dauantage à la fterilité de l'année, il pleuft à fa Majefté de les defcharger du payement des Tailles pour quelques années. Sur Mm iij278 Antiquitez de la ville de Corbeil, l'information qui en fut faite par les Treforiers de France, inter- uint Arreft du Priué Confeil du Roy, le quinziefme Decembre de la meſme année, par lequel il fut ordonné que les habitans de la ville & faux-bourgs feroient deſchargez du dernier quar- tier de la Taille de l'année courante ; en outre, des fommes auf- quelles pourroient monter vne année & demie de la Taille , qui feroit departie en trois années fuiuantes ; cét Arreſt obtenu à la recommendation de Monfieur de Villeroy , fit affez de peine à mettre à execution, & coufta plus demille francs en frais & voya- ges qu'il conuint faire pour iouïr de ladite defcharge des Tailles. Quelque temps auparauant Monfieur de Villeroy ayant re- connu la grande diminution du Domaine de Corbeil , cauféc par les guerres Ciuiles , obtint du Roy les droits du bateau Cor- billats , & des Offices de Porteurs de grains , Rouleurs de vins , & autres marchandiſes arriuans fur le Port de Corbeil ; il en obtint Arreft du Confeil contre les Preuoft des Marchands & Efcheuins de Paris , le douziefme Maymil cinq cens quatre-vingts feize ; & par meſme moyen fit taxer le falaire des voictures qui fe font de Corbeil à Paris : I'en euffe tranfcrit icy la taxe , fi ie ne voyois qu'à prefent l'on payele double de ce qui fut lors taxé , & y a ap-. parence qu'ils iront pluftoft en augmentant qu'en diminuant ; En faifant cet eſtabliffement il s'efmeur vn grand difcord fur le Port deCorbeil, pour la voicture des Marchandiſes , entre le Fermier du Corbillats , & les autres bafteliers ; leurs differens furent vuidez par Arreft du Confeil, du 9. Octobre 1608. où il fut ordonné que le Fermier du Corbillats chargeroit indifferemment toutes fortes Lemal paffé, la venue d'vn nouueau Preuoft fit prendre courage à chacun de remettre leur petite famille en ordre ; il y auoit vne chofe malfeante en la ville , de ce que les Preftres de la Paroiffe eſtoient contraints de loger en Chambre locante , l'vn d'vn co- fté , l'autre de l'autre. Pour remedier à cela l'on ſe retira par de- uers Monfieur l'Euefque de Paris, & par l'entremise de Monfieur de Pierre-viue fon Grand Vicaire , l'on obtint de luy la Maiſon du Prieuré du Petit S. Iean , dit de l'Hermitage , tant pour loger les Preftres de la Paroiffe, &les Predicateurs , que pour y tenir les Efcoles , à certaines charges portées par la conceffion qui en fut paffée pardeuant Luffon & Boucher Notaires au Chatelet de Paris, le cinquiefme Feurier mil fix cens dix.Liure 11. II. Chapitre XXVII. 279 de marchandifes , tant dedans fon bateau ordinaire , que dedans vnautre qu'ils appellent le traict , les iours de Mardy &Vendre- dy, & que le bateau du Corbillats partiroit du Portde Corbeil, en Efté à midy, en Hyuer à vnze heures , & le trai& fuiuroit trois heures apres ; & qu'aucun Batelier ny voicturier , ne pourroit prendre ny receuoir charge que lefdits deux bateaux ne fuffent chargez, & pour les autres iours le Fermier pourroit charger & voicturer la moitié des marchandifes , & l'autre moitié feroit re- çeuë par fix bateliers experimentez & foluables , qui feroient choifis par le Preuoft & Procureur du Roy de Corbeil, à la charge de contribuer par lefdits fix bateliers au payement de la Ferme par portion , ce qui fut executé le vingt-feptiefme Nouembre, l'an mil fix cens & huit. L'Auditoire & la Geole de la Preuofté de Corbeil , qui ancien- nement eſtoient deuant la porte de l'Eglife S. Guenault, auoient efté bruflées durant les guerres , & les Officiers de la Iuftice auoient efté contraints de louer aux defpens du Domaine vne Maiſon particuliere , pour y tenir les plaids & , rendre la Iuftice au peuple auec vne grande incommodité & indecence ; ce qui les meut àcompofer auec Maiftre André Courtin , Administrateur de l'Hoſtel Dieu , d'vne place fize fur le Marché de la ville , deuant l'Eglife de noftre Dame, moyennant cinquante liures de rente, qui du confentement de Monfieur de Villeroy , furent affignez fur le Domaine Royal de Corbeil , le 9.Aouft l'an 1611. Ence licu le Preuoft fit accommoder l'Auditoire , le Greffe , & les priſons. Depuis l'erection des Prefidiaux faite l'an mil cinq cens cin quante& vn les Preuofts de Paris , ny fes Lieutenans ne s'e- ftoient point ingerez de venir tenir les Affifes par les Preuoftez Royalles de leut reffort , pour diuerfes confiderations , & à caufe des frais qu'il conuient faire en telles cheuauchées. En l'année mil fix cens douze , Monfieur le lay lors Lieutenant Ciuil ayant trouué fonds pour fubuenir aux frais , refolut auec les Confeillers de la Preuofté, Siege Prefidial , d'aller tenir leurs Affifes és Pre- uoftez Royalles, quireleuent du Chaſtelet de Paris : ils commen- cerent par Poiffy, puis ils vinrent à Corbeil au commencement de Septembre. Le Lieutenant Ciuil yamena dix Confeillers , vn Aduocatdu Roy , vn Subftitud du Procureur du Roy ; le Preuoft de l'Ile de France , quatre Commiffaires , vn Greffier, plufieurs
280 Antiq.dela ville de Cor.Li.II. Ch. XXVII. Aduocats & Procureurs auec vne carterue de Sergens & Ar- chers, ils feiournerent cinq iours à Corbeil , & y tinrent le Siege de la Iuftice en pompe & magnificence en l'Eglife S. Guenault
en la Nef, de laquelle ils firent efleuer leurs fieges comme vn Theatre conuert d'vn daiz, entouré debancs en formede bareaux; cela fit plus de bruit que de profit ny de foulagement au peuple. Enl'an mil fix cens quatorze, ilfe fit des affemblées à Corbeil & autres Preuoftez Royalles , afin d'eflire des Deputez pour en- uoyer à Rouen, où les Eftats generaux dela France fe deuoient tenir ce qui s'y paffa &y fut ordonné , cela fe peut voir ailleurs . Monfieur de Villeroy s'y eftant tranfporté poury affifter le Roy, deceda en la ville de Rouen , le douziefme Decembre en ladite année 1614.au grand regret de fa Majefté, & detous les bons Fran- çois, quipleurerent la mort de ce grand perfonnage , connoiffant que la France auoit perdu le plus vtile & neceffaire Confeiller d'Eftat qu'elle cuft , & quiplus qu'aucun autreauoit connoiffance des païs , perfonnes , & affaires domeftiques & eftrangeres , auec vnebonne volonté d'y conferuer l'ordre de la luftice , & vne adreffe pour donner confeil , & trouuer des remedes prompts & vtiles aux affaires occurrentes ; c'eft fur fon induftrie que l'Hifto- rien François a trouué vn digne fujet pour former l'effigie & l'exemplaire d'vn parfait homme d'Eftat. Or tout ainfi que fon refpe&feul & fa confideration m'auoient fait quitter le lieu de ma naiffance, pour aller rendre la Iuftice au peuple de Corbeil; ainfi la douleur que l'ay reffentie d'eftre priué de fon afſiſtance & faueur , m'a fait abandonner cette charge ; & leregret qui mede- meure demaperte m'ofte la plume de la main, & m'empefchela continuation de ces Memoires, pour meconfoler auec Dieu , en la reffouuenance de l'amitié &bien-veillance de laquelle ce Sage & excellent Seigneur m'a honoré durant la vie , les vertus duquel ' imprimerois & graueróis, s'il m'eftoit poffible, auec le burin d'a- cier, furle cuiure &marbre del'immortalité. Louange à Dieu, par fon humble feruiteur, DE LA BARRE ,129 128.173 DES BBE' de Saint Spire. 125.169. ΙΟΥ 37 Abbez feculiers. Abbaie d'Yerre. 96 128. & feq. Badoux Preuoft. 42.175 Barthelemy Euefque de Paris. 167 Baudouin de Corbeil. 75 Baudouin de Flandres. Ablon. 138. 226 Berthe Reine de France. B 100 165.174 Bouligneau. If 247.249 Bou. 101. 118 Boucy S. Antoine. André de Baudemont. Anglois. Antoine de Chabanes, Armée du Comte Hemon. Armes de Corbeil . 17 71 Bretigny. 85 Bonœil de Thou. 21 Bretagne. NA T ABLE DES NOMS Perfonnes, & lieux contenus en ces A Abbé de noftre Dame. Abbé de S. Guenault. Alancourt. 16.36.255 Beauuais. 47.74 Berthe deHolandc. IS 196 223.225 Blanche d'Evreux. 18 20 63.209 Annuels de S. Ican. 223 Bouricant. Memoires. Abbaïe de S. Maur. Abeliart. Adelle Reine. Adicus Moine. Albert Abbé. 156 135 Beranguelle de Caftille, 158 Beranger Boucher. 175 Beranger Preuoft. 107.171 Blanche de Caſtille. 113 Bondoulphc. Alix de Creffi. Alix de Chartres. 17 114.159 214 Bourgongne. 69 Brayne. 71 200 Antoine du Bois. Arnoul de Flandres. 1.9 92. Alphoncede Poitiers. Amiral de Coligny . Ancel de Garlande . 198 143.186.217 Bailleul. 54.566 96. 155. Abbaïe de Iarcy. Abbaïe du Lys . IS 63 135 Albigeois. Alliance d'Arragon. 243 158.165 Brazeux. Arthois. Arques. Attilly. Auoyede Montfort. Anne Allet. Abbaïe S. Antoine. Auffonettes. Aymonde Bourbon . Aymon d'Ardeines. Aymon de Thoulouſe. 210 Begues de Villaines. Alix de Corbeil. 70 6A 65 75 143 197 Bouchart premier. Bouchart fecond, 84 147 159 106.114 9.1 36 213 Bourbon . 22 38Table des noms des perfonnes 238 de Troye. Carnazet. Caftille. Chaintreau. Chanoines. Chaftres. 206 de Dijon . 2-1 L 22 21 71 122 150 149 222 195 195 21 Clemence Reine. Cloiftre de S. Spire. Clos Bruneau. Corbeus. Corbeaux. Chabane. Corbeille Vicil. Corbeil nouucau . E Dmond d'Angleterre. Corbeil aliené. Comtes de Paris. 194 65.182. 12.141 12.125 19 Douairieres de France. Cerçay. Amille Morel. 158 Conftance Reine. 23 Corbilo. Coubert. 122 Couldray. Couftume de Paris. Crofne. 9.36 Chapelle du Viuier. 220 Charles fixiefme. Charles huictieſme. Charles neufiefme. 14 Blanche. 25 12.36 127.191. 224.238 Bois des Matines. C Canut Prince. Catherine de Medicis. 122 . 29 Conciles. Chaftellenie. Chaftellain de Cracouic. Chancueil. 15 Courcouronne. 23 Crammoyau. 20 Chanteloup. Champrozay. Charles le Chauue. Charles de Valois. Charles le Bel: Charles de Nauarre. ·D 199 215 Domaine. Cheuanes. Cheury. 16 Duels 106 Adelle. 191 2. 8- 104.206.266 Eglife S. Spire. Combs- la- ville. Comtes de Corbeil. 8 12 CanutRoy. CA Capitainede Corbeil .. 241.248 Controlleurs. 59.70.115 Eglife S. Guenault.. 141 Comte Palatin. 145 de Treues. 145 de Clermont . de Soiffons. 198 196.198 105.202 70 Eglife S. Ican. 205 Diuorces. 11.56 82.109 21 College de Tours. 13 Coffigny. 185 Communauté . 95 Doublet. 243 Donjon. Draucil. 92 Eglife S. Germain. 66.70 Eglife de noftre Dame. 23.199 Eglife d'Eflonne. 158 95 Corbulo.- 67 189 145 ୭୫ 3 Chalandray. 20 Dannemarc. Charles cinquiefme. Charles feptiefme. Cheuecier. Corbeil pris. 147 144 14 19 Corbeil fon nom , . Corbeil affiegé. 112 1fburge: S Blanche. 6 Marguerite . 155 Clemence 214 Jeanine. , 177 186 17 ~~23 DAufin . 85 185 ED 138&lieux contenus en ces Memoires. 66.78 Geofroy Abbé. 17 Gournay. Effonne. Guenault. 18 159 240 Guyd'Angers. 63.67 236 Fontainebleau. Fromont maiſon. 76 Henry quatriefme. 136 Henry d'Angleterre. 14 Hoftel de Ville. 61.199.215 Hugues le Grand, 125 101 109 François premier. 20 Glanfeuil. 19 39 Grurie. Efcharcon. Eftioles. Eleonor de Vic. Eftienne de Chartres. Evrard du Puiffet. Excommunications. Euſtache de Corbeil. F Rederic de Corbeil. FRFerdinand de Caſtille. 137 110 Guillaume de Corbeil. Guillaume Longue - efpée. 240 125 49 55 129.131 219 93.128 Guillaume Archeuefque de Can- torbery. 222 143.186 Guingaloy.. H Ferté-Baudouin. 105 238 III 49 208 250 133 HAHemon de Corbeil. 240 Henry premier. Foires de Corbeil. Fromont Comte de Sens. 12. 181 Henry de Dannemarc. GAGaftinois. 11.123 Gertrude. Gilles Malet. Elizabet de Corbeil. Efvry fur Seine. Efvry en Brie. 22 Grili. Graflon. 99.113 Guynolet. 67.113 Guillaume Baftard. 127.131 Guillaume de Garlande. Guillaume de Rochefort. François fecond. 206 Guy l'Arbaleftre. 256 18 Henrytroificfme. Henryde Selues. Geofroy du Pleffis. 75. 144 Efpinay. Guillaume de Bourges . 55 89 101.219 Fulbert Euefque. 66.68.144 Eleonor d'Aquitaine. Etienne Euefque. Efcoles de Corbeil. 74 122.237 183 Arlay. 81 203 253 133 Godefcal. 100.125.131 Guerche. 17 Guy du Puiffet. 147 Hoftel Dieu . 18 Grigny. 21 Sz 12.139 18.178.179.189.194 Gregy. Efcheuins. 123 102 22 52.57 $5 71 Ferrieres. Fleury Merogis. Flandres. Fontenay. Forcilles. 16 22 Fondations. Fulbert Chanoines 145 251 19.152 102 . G Autier de Melun . Gilbert Vicomte. 176.186 Hugues de Pompone. 128 Hugues Capet. Gilbert Procureur du Roy. 255.270 Gif Abbaïc. Gilduin Abbé. Hugues de Creffi. 86.90 François Barbian. 444 Guy de Rochefort. 155 Henry fecond. 83 Henry Abbé. 76 Henryde Guife. 13 Hofpital S. Ican. 130 Hugues du Puiffet, Geole. 1 Nn ijTable des noms des perfonnes 185 219 20 74 3” Minorité des Rois. 12 Moiffi-l'Euefque.- 23 14 Louis Hutin. I Acques d'Arragon. 221 23 Ieande Villiers. 93 Loup Saint Euefque. 200 205 237 M Ieanne de Thoulouse. 174 Ieanne de France. MA Maioul Abbé. 246 22 21 Jeanne d'Evreux. Ion Saint. Ifabeau de Bauieres. Ifabeau de Henault. · 3 144.&fuiuans. Maugis Archeuefque. 32 Menecy.- Iofias Mercier. Julian. A Boiffiere. Les Bordes. Lieu faint. Louis faint. 153 243 16 163 Montgeron. Moulin Galan. 66 Miron. 154. 160 140 94 140 171. 191 Louis vnziefme. 214 Louis douziefme.- 195 Louis d'Orleans. Ican Roy de France. Ican Abbé. Jacques Euefque de Paris.- 129 Maifons fur Seine… 28 Mariages diffolus. 225. 146 Maugis Comte. lunne, riuiere. 24 Monceaux . 48 Mondeuille. 211 acques Chabanes. 159 Ildegarde Abbelle. 15. 169 Mandres. 65.87 19 Momblin. 17.75 Iarcy Abbaïc. 136 210 79.81 239 Melun.- 132 Moines . Monaftere de la Saulfoye. 21.174.177.227 Louis Euefque de Paris. Iean Faftol. lean l'Aifné. Iean Mercier. Iean de Brabant. 188 195 Marefchal Saint André, - 209 Mardilly. 199.203 Marguerite Reine. 9 Metiofedum. Ionuille. Ioffedun. 178 4.76.206 246 21 247 221 Moncelles. 22 Moulignon. 23 Mont-le- hery. 57 Moulins- banaux. La Grange à la Preuofte. Landeuenet. Laurens de l'Ifle. Liuerdis.' 107.114.124 Magenart Abbé. 101.211 238 209 200 Iean Roy d'Angleterre, Louis de Grauille. Louife Abbeffe de Paraclit. 215 Ainuille.. Jeannede Bourgongne. 185.189.191 Mathematiques.“ 237 75 84· 101 Mariede Meranie. 148.151 Hburge. Michel de Corbeil. Liffes. Louis Debonnaire.> Louis d'Outre- mer. Louis le Gros. Louis les Ieune. L 166 Morel. 15 20 25 73 Louis huictiefme . 40 Iean de Bourgongne . 180 Lugny. 17 19 207 Lotheric Euefque. Iarcy. Millaud d'Alegre. 76 16 LiaBorde. Le Lys.Noifile Sec. & lieux contenus en ces Memoirés. 24 Pleffis- les- Nonains 52.57 Poncher. 272 Ponthierry. 220 23 Prince de Condé. 14.122.212 244 Procuration &vifitation. 140.167 Prieuré d'Effonne. 106.132.179.242 . 224 Prieur Saint Guenault. Pucelle d'Orleans. 76.83 Puiffet en Beauffe. Oliuier le Dain. ” 16 Prince de Parme. Aluau. 20 Perigny. 21 134 Regnault Euefque. 80.154.168.171 Philippes, Roypremier. 98.110 Regnault de Braban. 210 Philippes Augufte. 143 Regnobert. Philippes de Boulongne. Philippes le Hardy. 86 169 188.194 Robert de Iully. sr 149 Richartde Normandie, Pierrede Corbeil. Pleffis-Chalan. 75 Nicolas Baré. Oddes Abbeffe. Oddes Moine. Oddes de Chartres. N Preuofts de Corbeil. 77 Praguerie. 130 168- 62 259 Ofmont Danois. P.' Paul Hermite. Pefches de Corbeil. Petremol. 16.36.68 Raoul RRaymond de Vermandois. 157 Regnault Chancelier. 248 Regnault Comte. 118 185 Robert de Sorbone. 146 17 Rigault. 17 Romalius . 14 Rouures. 20 NAomenie. Neomenie. Nicolas de Neufuille. Noëlde la Lande. Noiſement. Pleffis- le-Comte . Porte. 125 209 177 45 176 Poncher Euefquc. 100 Ormbye. Virin Saint. - 21 RaymondBeranger. 244 Rançon des habitans. R 167 Reinard Euefque de Sens. 75.144 Philippes le Long . Place. Pleffis-Briart. 110 Nullyfur Marne. 75 Preuafts, Offices. Ο Oddes Comte de Corbeil. 216.217 Poftel. Paffi. Philippes le Bel. Philippes de Valois. Philippes d'Evreux. 190 Robert Frizon. 48 18 22 217 205 Ormoy. Othon Empereur. 23 10 66 Peray. Quincy. 66 Querqueleuant. 217 177 264 Reformation du Chapitre. 228 180 Robert Roy . 81 261 Pleffis-Chefnay. 15 247 123 Q 24.188 Regence. 34:40 182 Robert Bigot. Pierre du Donjon. Pierre de Capoue. Ctroyde Corbeil. 17 Prouence . 90' 76 156 Riualon. Orangy. 213 Orge, riniere. Philippes Abbé . ) 214 Rotrou. 139.156 75.79.80 150.153 Ris. 18.133 Nn jTable des noms desperfonnes 106.132 T 101 Saint Lacques. Simon Capitaut. Soifi. 24 244 135 10 246 T Saint Bernard. Euton Abbé . 146 Thibault Abbé. 84 Tiron. 25 Thomas de Rochefort. 12.45 Thouloufe. 25.185 Tournanfils. 25 Triſtan l'Hermite. Saint Jean de l'Hermitage . 116 Saint Paul Hermite. Saint Renobert. 44.257 V 71 23 23.199.204 Vaux lez Effonne. 20 Vicomtes de Corbeil. 61.216 25 16 122 Ville- pefque. 21 Ville-dedon. Sanlices. Sauoye. Saxons. Seruigny. Sennart. Seruon. Sens. Seruitude. 23 Rumolde. Regnante Chrifto. Rochelle. Saint Denis. Saint Germain. 220 36.40. &feq.187 Trouleau. Saint Leonard. 74 Toury en Beauffe, 35.40 Saint Thibault de Mandre. Saint Victor. Saintry. 267 Vieux Marché. 77 S 22 37.39 Thibault Fil - d'Eftoupes. Saint Fargeau. Saint Guenault. Saint Guillaume. Saint Yon. 14 14 166 Tremblefeau. 244 21 Varennes. Saint Quirin. Senfales. Sauigny le Temple . 76 Vigneux. 21 23 14 88 Sougnoles. 98 Stuard. 55.75 65.174 23 SaintSpire. 155 Suifnes. 71 Varaſtre. 16 19 Villiers. Saint Antoine des Champs, 181 Teugdon Preuoft. Şaint Louis. 75 Theuet, 40 24 Ville-crefne. 20 Benoift. 53 14 Thibault de Champagne.110.114.137 48 Thibault Euefque de Paris. 125.129 29.152.180 Tigery. 24 137 217 Saint Majoul. Saint Valery. Saint Zenon. Viuier en Bric. 33.213 Ville-louuete. Sugger Abbé . Saint Canut. 16 Saint Leanen l'Ifle. “ Saint Maur. 125.242 Vallery Saint. 24 Vaux-la-Reine. 213 Villeroy. 226 Ville- Abbé. 67 Ville- oifon. Sauigny fur Orge. 16 68.77 23 28 Tilly. Saint Loup. 139 145 25 Aldemar Roy. 22 33. & feq.valCoquatrix . 19 198&lieux contenus en ces Memoires. 111 34.40 Age 2.ligne 17. entré ces deux mots cofté laforest , on a oublié à mettre ces mots PAge Page 3 1.9 . ce mot eft oublié de p.18. 1. 23.au lieu de Bout, il faut Bou par tout l'article. P. 37. 1. 25. au nom de Maiſtre, il faut adioufter vn s. pour faire plurier. P.36. 1.17 . au lieu de Belancourt, il faut Ballancourt. P.75.1.22. au lieu de Siaue, il faut Seaux. p. 80. ilfaut ofter la virgule qui eft deuant le dernier mot deladite page. P. 831. 15. au lieu de pernelle, il faut paternelle. p. 83.1 . 19: aulieu la ville, il faut les villes. p. 100. 1. 25. il faut ofter le point quieft apres le nomAlix, & mettre en parentefe, la ligne fubfequente, iufques apresle nom Evrard. p. 107. l . 12. aulieu de au preiudice, il faut en la vie. p. 108 I. 13. au lieu dedecidebant , il faut deridebant. p. 122. 1. 2. & 3. aulieu de poffeffions , il faut Chafteaux. P. 131.1. 21. ona oublié de mettre le nom des Eftiennes. P. 136.1. 26. aulieu de chaftié , il faut chatré contiendrons dans les. p.139.1.13. au lieu denefortirons pourtant des, il faut p.141. 1. 20. au lieu de Corberie, il faut l'Orberie. P. 164. 1. 23. au lieu de le , il faut la. p. 239.1.8.au lieu de Grumont, il faut Grimault. Ville-menon. Yues de Chartres . Vrfins. Vicomtes. Y Erse Abbaïc. YuesdeCouruille. 61 Yon de Carnazet . Z FIN. P.7.1.25.au lieu d'azur, il faut d'argent p. 84.1. to. au lieu deHolgandus , il faut Helgandus. P. 96. 1. 21. au lieu de Solue, il faut Selue. p to4.1.12. au lieu delail faut le. P. 142.1. 16. au lieu de prediauit, il fautpraradiauit. p.153. 1. 18. au lieu de has, il faut tres. p. 176. 1. 28.au lieu delierre, il faut lyes. P. 186.1.7. au lieu de boiffeau , il faut boiffelets. P. 187. 1. 2. au lieu de trouuedes pauures, il faut efté trouuées endepauures Chaffer, p.195.1. 2.au lieu de les , il faut leurs . p.161.1.11. au lieu de fins , il faut fiens. P. 261. l. 27. au lieu de ruinée , il faut diformee. P. 273. à laderniere ligne entre ces mots, que Dieu, il faut mettre de l'Esperance quo. Yvon Martyr. 21 Enon Confeffeur. ERRAT A. endoffee de. ef 107. 113 20.202 206 20 28 ZEExtrait du Privilege du Roy. Moust 1647. AR Lettres Patentes du Roy , données à Paris le 2. Iuillet 1646. il eft permis à Nicolas de la Cofte Mar- chand Libraire & Imprimeur , d'Imprimer, vendre & debiter en tous les lieux de fon obeïffance, Les Antiquitez de la Ville, Comté & Chaftellenie de Corbeil, de la Compofition de Me Iean de la Barre , cy-deuant Preuoft dudit Corbeil, & ce durant Cinq ans entiers , à compter du iour que ledit Liure fera acheué d'imprimer pour la premiere fois ; auec deffences à toutes perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles foient de l'imprimer , vendre, ny debiter fouz quelque pretexte que ce foit pendant ledit temps, fans le confentement dudit de la Cofte , où de ceux qui auront fon droit ; à peine de trois mille liures d'amende ; de confifcation des Exemplaires contrefaits, & de tous defpens , dommages & interefts , com- me il eft porté plus au long par lefdites Lettres Patentes ; à l'Extrait, & aux Copies collationnées defquelles , ſa Majeſté veut que foy foit adiouftée comme à l'Original. Signé , PAR LE ROY EN SON CONSEIL , PARISIS. Et feellé du grand Seau de cire jaune fur fimple queuë. Acheué d'imprimer pour lapremiere fois , le 12. THEOUS LYON 23-1897 DELA VILLE LA